Intervention de Claude Atcher

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 16 octobre 2019 à 9h35
Audition de M. Claude Atcher directeur général du groupement d'intérêt public « coupe du monde de rugby france 2023 »

Claude Atcher, directeur général du groupement d'intérêt public « Coupe du monde de rugby France 2023 » :

Madame la présidente, mesdames et MM. les sénateurs, merci de nous accueillir dans cette magnifique maison. Nous sommes ravis de pouvoir échanger avec vous et faire un point sur la préparation de ce bel événement sportif, en pleine coupe du monde au Japon, qui précède celle qui aura lieu en France. Nous serons définitivement propriétaires de l'événement le 3 novembre. Jusqu'à cette date, les Japonais et nous sommes colocataires.

Ceci me donne l'occasion de prodiguer des encouragements à l'équipe de France qui, après quelques années compliquées, a réussi à atteindre les quarts de finale. J'espère qu'elle ira plus loin, car elle compte parmi elle des joueurs de talent qui ont travaillé dur pour se préparer. Sans faire injure à nos amis Gallois, les quarts de finale ne sont pas les plus compliqués de tous : on a en effet évité les All Blacks, les Anglais et les Sud-Africains. Nous nous faisions la remarque, avec Michel Savin : dans le succès d'une coupe du monde, on trouve une part de préparation et de talent, mais aussi une part de chance. Celle-ci pourrait tourner en faveur de l'équipe de France. En tout cas, nous allons continuer à l'encourager.

Je voudrais revenir un instant sur ce qui s'est passé au Japon et sur les trois matches annulés à cause du typhon Hagibis. Globalement, si l'on en tire un premier bilan, il s'agit d'une coupe du monde extraordinaire, car le Japon n'occupe pas une place de premier plan dans le monde du rugby. Or le pays est mobilisé et les dirigeants ont su trouver les arguments pour inciter les Japonais à assister aux matches. Tous les billets sont vendus. Les recettes de billetterie constituent des repères importants en prévision de 2023.

Le dernier match contre l'Écosse a attiré 34 millions de téléspectateurs. Un Japonais sur quatre était devant sa télévision pour y assister.

En France - même si le Japon compte deux fois plus de population que notre pays -, le record reste la coupe du monde 1998, avec 22 millions de téléspectateurs. C'est dire l'engouement que cette manifestation a suscité au Japon. C'est pour nous un formidable challenge, un beau tremplin que nous offrent les Japonais pour préparer 2023. On va essayer d'en tirer le maximum de leçons.

À quatre ans de l'organisation de la coupe du monde de rugby, vous nous donnez l'occasion de vous exposer la situation en termes de préparation, d'enjeux et de défis sportifs, mais aussi les grands principes généraux qui vont procéder à l'organisation de cet événement.

En 2007, j'étais directeur de la Coupe du monde de rugby. On m'a souvent demandé quelle était la différence entre 2007 et 2023. Une première différence est liée à l'environnement économique de cette manifestation. Seize ans après, cet environnement a évidemment changé, principalement en matière de communication. L'essence même de la démarche réside dans son aspect sportif, mais un tel événement a aussi un impact économique et social sur le pays. Nous ne remplirons pas notre mission si nous passons à côté.

Je rappelle que le Comité d'organisation de la coupe du monde 2023 est un GIP. L'État y figure en tant qu'actionnaire à hauteur de 37 %, la Fédération à hauteur de 62 % et le Comité olympique à hauteur de 1 %.

Nous avons une mission d'intérêt général. Nous ne sommes pas une société privée chargée de réaliser des bénéfices pour le compte des actionnaires. L'objectif est d'équilibrer les comptes et, dans un deuxième temps, d'essayer de ramener le financement nécessaire pour accompagner le développement du rugby.

Le rugby aura 200 ans en 2023. Il est né en 1823, dans le village de Rugby, après un acte disruptif d'un jeune lycéen, William Webb Ellis, qui s'est saisi à pleines mains du ballon lors d'un match de football pour aller le porter dans les cages. Le Trophée Webb Ellis, est la récompense décernée à l'équipe vainqueur de la Coupe du monde de rugby à XV. William Webb Ellis est enterré à Menton. Il adorait en effet la France et y a longtemps vécu.

Les choses se sont compliquées rapidement, les Anglais ayant estimé que, pour avancer, il fallait se passer le ballon en arrière.

En 1995, dans le cadre de la coupe du monde organisée en Afrique du Sud, le rugby a démontré qu'un sport pouvait accompagner les bouleversements vécus par tout un pays. Je me souviendrai toujours de l'image de Nelson Mandela entrant dans le stade, revêtu du maillot des Springboks, qui symbolisait alors l'apartheid, le rugby étant autrefois réservé aux blancs.

Le rugby est ensuite devenu professionnel, avec les avantages et les inconvénients que cela comporte. Il est aujourd'hui, à mon sens, en situation de déséquilibre par rapport à ses valeurs initiales. Je pense que la coupe du monde de 2023 a pour seconde mission de rétablir cet équilibre.

Notre troisième mission concerne bien évidemment l'attractivité de la France. On s'est demandé comment nous avions fait pour obtenir l'organisation de la coupe du monde, alors que tout désignait l'Afrique du Sud comme vainqueur. Je dis souvent que la France est un pays incroyable, doté d'une expérience des événements sportifs unique au monde. Nous sommes les seuls à avoir une délégation interministérielle aux grands événements sportifs, ce qui démontre notre culture en la matière.

Nous disposons par ailleurs de toutes les infrastructures nécessaires en matière de transport ou d'hôtellerie. Nos stades ont tous été rénovés ou récemment construits pour l'euro 2016.

Ce sont ces arguments qui nous ont fait gagner le droit d'accueillir la coupe du monde 2023. Un des objectifs sera de mettre en valeur notre pays, tant sur le plan économique que sur le plan de son image internationale.

Une des ambitions de la coupe du monde sera aussi de participer à la protection de l'environnement et à la lutte contre le réchauffement climatique. Je suppose que tous les organisateurs d'événements sportifs disent la même chose, mais il faut se donner les moyens de diminuer l'impact carbone, même si un impact carbone zéro est impossible. Nous allons mettre en place des mesures afin de protéger concrètement l'environnement et sensibiliser les populations composant la grande famille du rugby mondial à ce sujet.

Si on n'arrive pas à inverser la courbe du réchauffement climatique, les îles Fidji, Samoa et Tonga auront disparu entre 2040 et 2050. Quand on connaît leur place dans la culture du rugby, on se dit qu'on doit impérativement attirer l'attention du monde entier sur ce problème. Nous allons en faire un élément important du positionnement de cet événement.

Il s'agit par ailleurs de se positionner par rapport aux vertus éducatives du rugby. J'ai longtemps travaillé en Asie sur le développement de ce sport. Dans un grand nombre de pays, la pratique du rugby est rattachée au ministère de l'éducation nationale, car beaucoup considèrent que le rugby peut permettre à des jeunes de mieux se structurer dans leur développement personnel - et j'en fais partie.

Il nous faut sortir du sport spectacle et remettre au goût du jour les principes éducatifs portés par le rugby en matière de respect des règles et de solidarité. Nous travaillons avec l'éducation nationale sur ce sujet.

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