Mes chers collègues, nous avons le plaisir d'accueillir le directeur général du groupement d'intérêt public (GIP) « Coupe du monde de rugby France 2023 », M. Claude Atcher, accompagné de Mme Lydie Emeraud, directrice déléguée aux affaires juridiques au sein du Comité d'organisation France 2023, et de M. Tanguy Hergibo, chargé des relations institutionnelles et des instances de gouvernance au sein du cabinet du directeur général.
La France est devenue une terre d'accueil des grands événements sportifs internationaux. Ce n'est pas un hasard, mais le fruit d'une réflexion menée après l'échec de l'attribution des jeux de 2012. Pour pouvoir accueillir les jeux un jour - nous savons maintenant que ce sera en 2024 -, il fallait avoir une culture des grands événements, développer les investissements et faire éclore un écosystème favorable.
L'équipe de France de football a été championne du monde en 2018, deux ans après l'accueil de l'Euro 2016. L'équipe de France féminine a réussi à se hisser en quart de finale lors de la coupe du monde de 2019 organisée en France.
Nous vous accueillons alors même que la coupe du monde de rugby est aujourd'hui en cours au Japon, dans des conditions météorologiques compliquées. Nous ne pouvons d'ailleurs pas être insensibles à cette problématique, compte tenu du triste spectacle donné récemment lors des championnats du monde d'athlétisme.
Comment assurer que l'organisation de ces grands événements ne répond pas d'abord à des enjeux financiers ? Comment préserver la santé et la dignité des sportifs ?
Notre commission est celle de la communication et des médias, mais aussi celle de l'éducation et de la culture. Nous restons donc attachés au sport ainsi qu'aux valeurs humanistes.
Je vous laisse présenter les enjeux de l'organisation de la coupe du monde de rugby en termes d'organisation, de territoires, de mobilisation des compétences, puis je laisserai mes collègues vous interroger.
Monsieur le directeur général, vous avez la parole.
Madame la présidente, mesdames et MM. les sénateurs, merci de nous accueillir dans cette magnifique maison. Nous sommes ravis de pouvoir échanger avec vous et faire un point sur la préparation de ce bel événement sportif, en pleine coupe du monde au Japon, qui précède celle qui aura lieu en France. Nous serons définitivement propriétaires de l'événement le 3 novembre. Jusqu'à cette date, les Japonais et nous sommes colocataires.
Ceci me donne l'occasion de prodiguer des encouragements à l'équipe de France qui, après quelques années compliquées, a réussi à atteindre les quarts de finale. J'espère qu'elle ira plus loin, car elle compte parmi elle des joueurs de talent qui ont travaillé dur pour se préparer. Sans faire injure à nos amis Gallois, les quarts de finale ne sont pas les plus compliqués de tous : on a en effet évité les All Blacks, les Anglais et les Sud-Africains. Nous nous faisions la remarque, avec Michel Savin : dans le succès d'une coupe du monde, on trouve une part de préparation et de talent, mais aussi une part de chance. Celle-ci pourrait tourner en faveur de l'équipe de France. En tout cas, nous allons continuer à l'encourager.
Je voudrais revenir un instant sur ce qui s'est passé au Japon et sur les trois matches annulés à cause du typhon Hagibis. Globalement, si l'on en tire un premier bilan, il s'agit d'une coupe du monde extraordinaire, car le Japon n'occupe pas une place de premier plan dans le monde du rugby. Or le pays est mobilisé et les dirigeants ont su trouver les arguments pour inciter les Japonais à assister aux matches. Tous les billets sont vendus. Les recettes de billetterie constituent des repères importants en prévision de 2023.
Le dernier match contre l'Écosse a attiré 34 millions de téléspectateurs. Un Japonais sur quatre était devant sa télévision pour y assister.
En France - même si le Japon compte deux fois plus de population que notre pays -, le record reste la coupe du monde 1998, avec 22 millions de téléspectateurs. C'est dire l'engouement que cette manifestation a suscité au Japon. C'est pour nous un formidable challenge, un beau tremplin que nous offrent les Japonais pour préparer 2023. On va essayer d'en tirer le maximum de leçons.
À quatre ans de l'organisation de la coupe du monde de rugby, vous nous donnez l'occasion de vous exposer la situation en termes de préparation, d'enjeux et de défis sportifs, mais aussi les grands principes généraux qui vont procéder à l'organisation de cet événement.
En 2007, j'étais directeur de la Coupe du monde de rugby. On m'a souvent demandé quelle était la différence entre 2007 et 2023. Une première différence est liée à l'environnement économique de cette manifestation. Seize ans après, cet environnement a évidemment changé, principalement en matière de communication. L'essence même de la démarche réside dans son aspect sportif, mais un tel événement a aussi un impact économique et social sur le pays. Nous ne remplirons pas notre mission si nous passons à côté.
Je rappelle que le Comité d'organisation de la coupe du monde 2023 est un GIP. L'État y figure en tant qu'actionnaire à hauteur de 37 %, la Fédération à hauteur de 62 % et le Comité olympique à hauteur de 1 %.
Nous avons une mission d'intérêt général. Nous ne sommes pas une société privée chargée de réaliser des bénéfices pour le compte des actionnaires. L'objectif est d'équilibrer les comptes et, dans un deuxième temps, d'essayer de ramener le financement nécessaire pour accompagner le développement du rugby.
Le rugby aura 200 ans en 2023. Il est né en 1823, dans le village de Rugby, après un acte disruptif d'un jeune lycéen, William Webb Ellis, qui s'est saisi à pleines mains du ballon lors d'un match de football pour aller le porter dans les cages. Le Trophée Webb Ellis, est la récompense décernée à l'équipe vainqueur de la Coupe du monde de rugby à XV. William Webb Ellis est enterré à Menton. Il adorait en effet la France et y a longtemps vécu.
Les choses se sont compliquées rapidement, les Anglais ayant estimé que, pour avancer, il fallait se passer le ballon en arrière.
En 1995, dans le cadre de la coupe du monde organisée en Afrique du Sud, le rugby a démontré qu'un sport pouvait accompagner les bouleversements vécus par tout un pays. Je me souviendrai toujours de l'image de Nelson Mandela entrant dans le stade, revêtu du maillot des Springboks, qui symbolisait alors l'apartheid, le rugby étant autrefois réservé aux blancs.
Le rugby est ensuite devenu professionnel, avec les avantages et les inconvénients que cela comporte. Il est aujourd'hui, à mon sens, en situation de déséquilibre par rapport à ses valeurs initiales. Je pense que la coupe du monde de 2023 a pour seconde mission de rétablir cet équilibre.
Notre troisième mission concerne bien évidemment l'attractivité de la France. On s'est demandé comment nous avions fait pour obtenir l'organisation de la coupe du monde, alors que tout désignait l'Afrique du Sud comme vainqueur. Je dis souvent que la France est un pays incroyable, doté d'une expérience des événements sportifs unique au monde. Nous sommes les seuls à avoir une délégation interministérielle aux grands événements sportifs, ce qui démontre notre culture en la matière.
Nous disposons par ailleurs de toutes les infrastructures nécessaires en matière de transport ou d'hôtellerie. Nos stades ont tous été rénovés ou récemment construits pour l'euro 2016.
Ce sont ces arguments qui nous ont fait gagner le droit d'accueillir la coupe du monde 2023. Un des objectifs sera de mettre en valeur notre pays, tant sur le plan économique que sur le plan de son image internationale.
Une des ambitions de la coupe du monde sera aussi de participer à la protection de l'environnement et à la lutte contre le réchauffement climatique. Je suppose que tous les organisateurs d'événements sportifs disent la même chose, mais il faut se donner les moyens de diminuer l'impact carbone, même si un impact carbone zéro est impossible. Nous allons mettre en place des mesures afin de protéger concrètement l'environnement et sensibiliser les populations composant la grande famille du rugby mondial à ce sujet.
Si on n'arrive pas à inverser la courbe du réchauffement climatique, les îles Fidji, Samoa et Tonga auront disparu entre 2040 et 2050. Quand on connaît leur place dans la culture du rugby, on se dit qu'on doit impérativement attirer l'attention du monde entier sur ce problème. Nous allons en faire un élément important du positionnement de cet événement.
Il s'agit par ailleurs de se positionner par rapport aux vertus éducatives du rugby. J'ai longtemps travaillé en Asie sur le développement de ce sport. Dans un grand nombre de pays, la pratique du rugby est rattachée au ministère de l'éducation nationale, car beaucoup considèrent que le rugby peut permettre à des jeunes de mieux se structurer dans leur développement personnel - et j'en fais partie.
Il nous faut sortir du sport spectacle et remettre au goût du jour les principes éducatifs portés par le rugby en matière de respect des règles et de solidarité. Nous travaillons avec l'éducation nationale sur ce sujet.
Monsieur le directeur général, après avoir remporté l'organisation de la coupe du monde de rugby pour 2023, il faut maintenant réussir à l'organiser.
Tout le monde vous souhaite une totale réussite en ce domaine, mais je me ferai ici l'avocat du diable pour dire que certains trouvent les matches qui se déroulent au Japon assez déséquilibrés. On retrouve d'ailleurs souvent les mêmes nations et on arrive dans les éliminatoires à des scores assez tranchés. Quel est votre sentiment sur ce point ?
Chercherez-vous à en tirer des enseignements en vue de la coupe du monde de rugby 2023, ou des jeux Olympiques qui doivent se tenir l'année prochaine à Tokyo avec du rugby à sept ?
Vous mettez la notion d'héritage en avant et vous avez raison de le faire, mais votre objectif est-il bien de faire en sorte que le rugby soit présent partout à travers les événements, la promotion, le sport scolaire, etc. ?
Le rugby n'est pas un sport aussi universel que le football, et je pense qu'il ne le deviendra jamais. Il ne pourra pas s'adresser de la même manière à la population mondiale.
Malgré cela, il existe des différences de score concernant les matches de poule. Des nations sont aujourd'hui en quarts de finale pour la première fois de leur histoire. La Géorgie a largement défendu sa place, l'Uruguay a battu les Fidji. L'évolution est donc en marche. Les choses prendront cependant du temps. On peut penser qu'elles auront progressé en 2023. Par ailleurs, la Fédération internationale essaye d'aider certaines équipes du Tier 2 à améliorer leur niveau sportif.
Vous avez par ailleurs évoqué les jeux Olympiques et le rugby à sept. Celui-ci demande moins de joueurs et permet donc à plus de pays de le pratiquer. Les femmes peuvent y jouer plus facilement, car il nécessite des gabarits moins lourds.
Dans les pays asiatiques, l'augmentation du nombre de licenciées pratiquant le rugby à sept est de 37 %. Paradoxalement, les pays qui ont une culture du rugby plus développée le favorisent moins.
Je considère que le rugby à sept est complémentaire du rugby à XV. Certains veulent les opposer, mais c'est une erreur. Le rugby à sept aide à la promotion du rugby à XV. Les deux vont permettre au rugby de grandir et d'être plus populaire. Aujourd'hui, les États-Unis sont candidats à l'organisation de la coupe du monde en 2027, et les Russes ont mené une coupe du monde correcte. Je suis donc optimiste.
La décision d'organiser la compétition internationale au Japon a été prise en 2008. J'ai fait partie des quatre ou cinq personnes qui ont porté ce dossier. Des journalistes me font remarquer qu'il n'est pas très intelligent d'avoir organisé la coupe du monde au Japon en septembre-octobre, en pleine période des typhons.
Entre 1998 et 2008, pas un typhon n'avait dépassé le niveau 1. Notre climat a changé. Malheureusement, les phénomènes climatiques sont aujourd'hui amplifiés. Personne ne pouvait imaginer la puissance du typhon qui a dévasté le Japon le week-end dernier.
Lorsque la Fédération japonaise de rugby a décidé d'organiser le mondial 2019, ce n'était pas pour des raisons financières, comme pour le championnat du monde d'athlétisme, à Doha. Elle pensait même qu'elle allait perdre de l'argent, le Japon n'étant pas culturellement un pays de rugby. Il faut donc replacer les situations dans leur contexte.
La décision a été prise pour développer le rugby sur le continent asiatique. Cette coupe du monde va certes générer beaucoup d'argent, mais ce n'était pas l'objectif initial. Toutefois, 94 % des recettes seront redistribuées aux fédérations pour développer le rugby à travers le monde.
La parole est à présent au président du groupe d'études sur les pratiques sportives.
Monsieur le directeur général, à l'inverse des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, très ciblés sur la région parisienne et Paris, la coupe du monde de rugby 2023 va concerner une dizaine de villes, l'objectif étant d'essayer de toucher le plus grand nombre de territoires.
Pouvez-vous nous expliquer le processus des camps de base ? Quels critères avez-vous définis ? Existe-t-il une volonté d'implanter des camps de base sur des territoires qui n'ont pas été retenus pour la compétition, mais qui ont peut-être tout intérêt à avoir une activité autour de la coupe du monde ?
La coupe du monde dure 45 jours, et vous avez proposé de garder l'ensemble des équipes jusqu'à la fin de la compétition. Les équipes éliminées pourront donc demeurer sur le territoire français et y pratiquer des activités. Pouvez-vous nous préciser votre objectif ? Avez-vous la garantie que les joueurs resteront bien sur le territoire ?
Vous espérez réaliser des bénéfices. Comment seront-ils répartis ? Qui, de la Fédération ou du GIP, sera chargé d'attribuer ces fonds ?
Cette compétition dure en effet un mois et demi. Les athlètes, qui arriveront avant la compétition, vont rester sur notre territoire un peu plus de deux mois. Ils seront hébergés dans l'un des 53 camps de base qui ont été sélectionnés.
Début 2019, nous avons publié un appel à manifestation d'intérêt auquel pouvaient répondre les collectivités. Les critères étaient assez techniques : il fallait proposer un hôtel, un camp d'entraînement extérieur et intérieur, une salle de musculation, une piscine.
Nous avons demandé que chaque candidature soit portée par un club de rugby, afin que ceux-ci soient au coeur du dispositif. Nous avons reçu 100 propositions. L'appel est aujourd'hui clos. Nous sommes en train de vérifier que chaque candidature répond bien aux exigences qui ont été formulées.
Le GIP procédera à leur visite en 2020. Un choix de 53 camps de base sera effectué en 2022. Les équipes y seront hébergées. Ce sera l'occasion de proposer des actions pour intégrer les équipes à la culture locale.
Treize régions et 56 départements sont représentés dans les camps de base, avec un maillage territorial très large, qui ne comprend toutefois pas l'outre-mer.
Si on veut lutter contre le réchauffement climatique, il est difficile de justifier le transport des équipes outre-mer. Les équipes doivent bénéficier des mêmes conditions de préparation pour garantir l'équité sportive. Il est donc compliqué de prévoir des camps de base outre-mer.
Nous avons proposé dans le dossier de candidature d'accueillir les équipes jusqu'à la finale. La règle de la compétition veut que les équipes quittent le territoire dans les 24 heures suivant leur dernier match.
Cette règle budgétaire a tout son sens, mais lorsque j'étais responsable de la coupe du monde 2007, j'ai mis l'équipe des Tonga dans l'avion six heures après leur dernier match ! Ce n'est guère facile à admettre en termes de valeurs sportives. En outre, tous ces joueurs voyaient la finale chez eux, devant leur téléviseur.
On a donc décidé d'inviter toutes les équipes jusqu'à la finale dans le cadre d'une convention avec la Fédération, qui va leur proposer un programme en fonction de leur lieu d'hébergement. Ce programme comprendra des échanges culturels et sportifs, dans les collèges, les lycées, sur le plan musical, etc.
On gardera des équipes dans la région où ils ont séjourné pendant la première phase de la compétition, ou on les enverra dans une autre région participer à l'animation du territoire. On peut même aller jusqu'à des matches de démonstration.
Certaines villes hôtes, qui vont avoir quatre matches, comme Saint-Étienne, n'auront plus de compétition fin septembre. On peut donc garder une équipe dans la région jusqu'à la finale. On invitera tous les joueurs à une grande fête le jour de la finale afin de leur permettre d'y assister dans le stade où ils auront joué.
Quant à la partie financière, je précise qu'un article figure dans la déclaration constitutive du GIP précisant les conditions de distribution du boni de liquidation de la coupe du monde de rugby. On espère tous faire des bénéfices.
En 2007, le bénéfice était de 34 millions d'euros. Sur le budget prévisionnel pour 2023, on est entre 50 et 80 millions d'euros de résultats, si on respecte l'ensemble des objectifs qu'on s'est donné, notamment en matière de contrôle des dépenses et de recettes.
Ce boni de liquidation sera distribué pour financer des actions de développement de projets portés par des associations reconnues d'utilité publique, votés par le conseil d'administration du GIP à la majorité qualifiée. L'État et la Fédération devront obligatoirement se mettre d'accord sur le financement de ces actions.
Ce n'est pas la Fédération française de rugby (FFR) qui attribuera le boni de liquidation. Toutes les collectivités peuvent y prétendre. Une ville peut avoir besoin d'un terrain synthétique du fait de l'augmentation de ses licenciés. Le boni peut servir à financer tout ou partie du terrain.
Je voudrais revenir sur la notion d'héritage. Comment vont être traités les territoires qui ne sont pas reconnus comme des terres de rugby - même si les clubs sont répartis sur l'ensemble de la France - avant le démarrage de la compétition ?
Par ailleurs, comment avez-vous financé l'achat de l'événement ?
Monsieur le directeur général, j'ai apprécié vos propos liminaires sur le Japon. J'en parlais hier avec mon collègue Max Brisson, qui en revient. Nous nous réjouissons que tous les Japonais soient derrière l'événement, mais peut-être est-ce parce qu'ils craignent par-dessus tout de perdre la face. Pour un Japonais, c'est terrible.
Je voudrais également pousser un « coup de gueule » contre Daniel Herrero, et je souhaiterais que vous lui en fassiez part. Il a dressé de l'équipe de France un tableau qui ne fait pas honneur à un ancien rugbyman. Chacun devrait au contraire la soutenir. Je suis ravi que la réussite des Français prouve qu'il ne s'agit pas d'une petite équipe.
En matière sportive, on ne sait jamais ce qui peut se passer, et je suis convaincu que vous êtes en train de construire quelque chose de fort. C'est un ancien judoka qui vous le dit !
D'autre part, le fait de participer à un événement de ce type est fondateur. Les valeurs de la République se partagent à travers ce genre de mouvement.
Par ailleurs, pourquoi n'êtes-vous pas indemnisé comme Tony Estanguet pour les jeux Olympiques de 2024 ?
N'y a-t-il pas quelque chose à faire par rapport aux Jeux handisport pour mettre en valeur des gens qui jouent différemment ?
Enfin, qu'avez-vous prévu en 2023 s'agissant de manifestations comme celles des « gilets jaunes » ou autres ?
Monsieur le directeur général, je viens d'un territoire, la Guyane, situé à côté du Brésil, où le rugby n'existait pas. On y préfère en effet le football. Le ballon ovale y est arrivé en 1963 avec un professeur basque, supporter du Biarritz olympique Pays basque. L'élève que je fus a longtemps conservé ce ballon de rugby comme un souvenir inestimable - bien que je sois un « footeux ».
On compte aujourd'hui en Guyane un millier de licenciés et de nombreux clubs. Le président Laporte a lui-même séjourné chez nous l'année dernière. Si la Guyane ne dispose pas de camp de base parce qu'elle est trop éloignée de la métropole, elle a cependant besoin d'équipements. Il faut en effet attendre que les matches de football s'arrêtent pour installer des poteaux, car on estime que le rugby dégrade les terrains. Y aura-t-il des retombées financières pour les petites ligues et pour les clubs, afin que ceux-ci bénéficient d'équipements, car la Guyane compte quelques jeunes espoirs internationaux et même des équipes féminines ?
Monsieur le directeur général, la ventilation des bénéfices que vous espérez sur le modèle de l'organisation de 2007 me semble très intéressante, tout comme le mode de désignation des bénéficiaires.
Pour le reste, il faut bien reconnaître que nos victoires sont étriquées, le plus gros exploit de l'équipe de France étant d'avoir fait match nul contre l'Angleterre. Pour générer un engouement comme celui qu'on a connu en 2018 avec le football, il faut des résultats. J'ai bon espoir que cela évolue favorablement.
Je voudrais par ailleurs vous interroger sur la contractualisation que vous envisagez avec l'éducation nationale. Il serait extraordinaire de voir des équipes nationales faire des démonstrations dans les écoles.
Monsieur le directeur général, sénateur du département des Pyrénées-Atlantiques, terre de rugby, je me devais de prendre la parole. Je n'aurais jamais imaginé, dans mon enfance, que Biarritz puisse être battu par Vannes ou Rouen, preuve que le rugby a évolué dans sa couverture géographique.
J'étais au Japon avec le département des Pyrénées-Atlantiques, à l'invitation du gouverneur de la préfecture de Yamanashi, où le typhon Hagibis nous a empêchés de voir le match France-Angleterre. L'équipe de France s'y trouvait en zone d'acclimatation avant de rejoindre son camp de base et de participer à la coupe du monde.
J'ai été très impressionné par la mobilisation des territoires japonais autour de la coupe du monde, mais aussi par le fait que les préfectures regroupent les opérations autour de la coupe du monde du rugby 2019 et des jeux Olympiques 2024. J'ai d'ailleurs eu le bonheur d'être reçu par le président du Comité olympique japonais, M. Yamashita.
Ne pourrait-on nous aussi envisager de lier les manifestations de 2023 et 2024 qui auront lieu en France, et travailler avec l'éducation nationale, les collèges, à travers les conseils départementaux, les lycées, à travers les conseils régionaux, ou Atout France pour ce qui concerne la promotion des territoires ?
Je vous remercie enfin pour votre intervention très positive, conforme aux valeurs du rugby.
Je souscris totalement au diagnostic que vous avez formulé à propos du Japon.
Le groupe d'amitié France-Japon, présidé par David Assouline, s'est rendu au printemps dernier au Japon, où nous avons pu faire le même constat. Nous vous ferons parvenir son rapport. Il complétera ce que vient d'expliquer M. Brisson au sujet de la corrélation entre les deux événements, dont nous pourrions nous inspirer.
Monsieur le directeur général, je commencerai par une remarque à propos de votre slogan. « We are rugby » : la commission de la culture est attachée à la francophonie. Nous avons une très belle langue : autant la faire vivre ! Je suppose que nos camarades anglophones n'auraient rien contre une formule en français.
Vous avez parlé de l'histoire du rugby. Avec M. Manable, nous nous insurgeons : le rugby, d'une certaine façon, est né chez nous avec la soule - ou la chôle qui se pratique encore dans un village appelé Tricot. C'est un rugby de rue assez viril qui consiste à se passer le ballon par-dessus les maisons. Ce jeu remonte au Moyen Âge.
Par ailleurs, j'ai cru vous entendre dire, concernant la répartition des fonds, que vous ne travailleriez pas avec la Fédération...
Ce n'est pas tout à fait ce que j'ai dit.
En 1998, lors de la coupe du monde de football, des redistributions avaient été organisées sur tout le territoire par la Fédération qui, avec les ligues, constitue un lien difficilement remplaçable.
Les collectivités et les clubs peuvent directement avoir affaire au GIP, mais j'ai senti une pointe de tension - je me trompe peut-être.
Tout d'abord, je partage la remarque d'Olivier Paccaud concernant le titre de votre document.
Une règle a-t-elle été définie concernant la prise en charge des dépenses des collectivités qui accueilleront des aménagements temporaires, comme les « fans zones » ? Quelle est la participation éventuelle du Comité d'organisation et des collectivités ? S'agit-il d'une règle générale ou cela se négocie-t-il au cas par cas ?
Monsieur le directeur général, vous avez la parole pour répondre à cette première série de questions.
Tout d'abord, M. Kern s'est demandé comment sensibiliser les territoires et les animer avant et après la coupe du monde.
Nous avons mis en place, avec la FFR, des comités locaux de coordination. Ils ont trois missions essentielles, animer, mobiliser, promouvoir la coupe du monde de rugby. Y sont représentés les organismes décentralisés de la FFR - ligues régionales, comités départementaux et clubs. Sont également représentées les différentes associations professionnelles comme les chambres de commerce, les chambres d'artisanat, le MEDEF, ainsi que les collectivités - conseils régionaux, conseils départementaux villes -, de façon à nourrir une réflexion permanente.
Que se passera-t-il après la coupe du monde 2023 ? En 2007, le nombre de licenciés avait augmenté de 35 % en moyenne sur l'ensemble du territoire. En 2009, on avait toutefois perdu 50 % de ces 35 %. On travaille donc à un plan qui permette d'identifier club par club les ressources, les infrastructures, les équipements et le matériel nécessaires pour faire face à cette augmentation. Nous avons la faiblesse de croire que la coupe du monde va attirer de nouvelles populations.
Le GIP étudie avec le ministère du travail la mise en place d'un diplôme d'administrateur de club et la signature de 2 023 contrats d'apprentissage répartis entre les 2 000 clubs du territoire français dans le cadre de centres de formations d'apprentis (CFA). Nous allons réaliser une analyse des besoins et identifier les actions nécessaires pour accueillir ces nouvelles recrues dans les meilleures conditions.
À partir de 2023, nous allons pérenniser entre 300 et 400 emplois pris sur le boni de liquidation de la coupe du monde de rugby pour les répartir géographiquement sur l'ensemble du territoire.
Les territoires d'outre-mer seront bien évidemment concernés, même s'ils ne le sont pas par les camps de base.
Combien a coûté l'achat de l'événement ? Ce n'est pas une question taboue. Nous avons acquis les droits d'organisation, le sponsoring et les droits d'hospitalité.
En tant qu'organisateur, nous avons donc aujourd'hui les mains libres. Nous avons payé les droits d'organisation 170 millions d'euros, les droits de sponsoring 30 millions d'euros et les droits d'hospitalité 80 millions d'euros.
Ceci représente un investissement, mais il a été mesuré et calculé en liaison avec l'État et l'inspection générale des finances (IGF), qui a réalisé un audit complet du dossier de candidature.
Cela nous laisse les mains libres sur un grand nombre de sujets. Le GIP a ainsi la maîtrise de tous les droits de restauration. C'est un sujet extrêmement important pour la dynamique de mobilisation des territoires. On ne va pas servir à Toulouse les mêmes menus qu'à Lyon, Saint-Étienne ou Lille. On s'approvisionnera auprès d'un circuit court, et on favorisera les métiers de bouche locaux. Personne ne nous imposera de boissons américaines. Nous consommerons des jus de fruits français, des vins français, du champagne français. On mangera des produits français. C'est la raison d'être d'un événement sportif.
Monsieur Grosperrin, j'ai travaillé huit ans au Japon. Je connais donc bien ce pays. C'est moi qui ai fait venir en France le gouverneur de Yamanashi, il y a deux ans et demi pour rencontrer les instances sportives françaises de manière à promouvoir ce territoire. Aujourd'hui, onze équipes de France vont se préparer à Yamanashi pour les jeux Olympiques.
Rien ne peut donc empêcher les équipes, lors de la future coupe du monde de rugby ou des prochains jeux Olympiques, de se préparer en France. Les collectivités ont intérêt à utiliser le rugby comme porte d'entrée dans les fédérations sportives et auprès des comités olympiques pour proposer des camps d'entraînements sur leur territoire. C'est une opportunité à saisir. Le Comité d'organisation favorisera ce genre de contacts à chaque fois qu'il le pourra.
Je reviens sur la mobilisation de la France et les vertus républicaines que vous prôniez. J'ai la faiblesse de penser qu'un événement comme la coupe du monde de rugby va apporter un supplément d'âme à la société française. C'est notre ambition. Certes, nous ne sommes pas des politiques, mais nous avons un discours politique. Cet événement, il faut l'ancrer dans la société française, en faire un acte social, le mettre au service des territoires.
Deux mots s'agissant de l'équipe de France. Je rappelle que notre équipe de moins de vingt ans est deux fois championne du monde. On peut être dubitatif devant les résultats face au Japon, mais on est cependant en quarts de finale. Une génération de joueurs talentueux et ambitieux arrive sur le terrain. Un équilibre a été trouvé. On va découvrir ces jeunes joueurs lors du tournoi des six nations, en 2020. Une compétition reste une compétition, mais je suis très optimiste sur nos capacités d'être champions du monde en 2023. Si ce n'est pas le cas, on aura manqué une opportunité.
S'agissant des Jeux handisport, j'ai rencontré Mme Cluzel il y a quelque temps. C'est l'un des objectifs prioritaires du Comité d'organisation. On a discuté de plusieurs projets, dont celui d'inclure dans le programme des volontaires un nombre important de personnes en situation de handicap. On va aussi réfléchir à la possibilité de faire travailler des centres d'aide par le travail (CAT) sur des objets promotionnels ou publicitaires qui doivent être distribués à différentes populations.
Je rappelle que la FFR a mis en place au stade de France un dispositif destiné à permettre à des personnes aveugles de suivre un match commenté par des commentateurs spécialisés. Nous le reproduirons en 2023.
Par ailleurs, nous avons mis en place depuis mars un plan de gestion de risques extrêmement détaillé en nous basant sur l'expérience de 2007. Nous avons un plan B, un plan C, voire un plan D pour chacun des 48 matches de la coupe du monde de rugby.
Je ne sais ce qui s'est passé au Japon puisque, le mardi précédant le week-end des derniers matches de poule, la manifestation devrait être délocalisée à Ôita. L'équipe de France devait être transférée pour y jouer le match contre les Anglais à huis clos. Le jeudi, la décision était différente. Je n'en connais pas les raisons.
Nous avons quant à nous des solutions de repli pour chaque match. On a la chance, en France, d'avoir des villes qui comptent deux stades. Les solutions sont souples à mettre en oeuvre : le premier scénario prévoit en premier lieu de jouer le match dans un stade en présence de spectateurs, le second de le jouer sans spectateurs mais en le retransmettant à la télévision, le troisième de le jouer à huis clos, avec une simple production télévisée.
Monsieur Karam, concernant les retombées financières, les petits clubs sont évidemment en première ligne. Les décisions qui seront prises par le conseil d'administration favoriseront les clubs amateurs sans ressources, par rapport à des clubs professionnels.
Nous avons engagé des discussions avec l'éducation nationale. En 2007, un programme appelé « scolar rugby », mis en place un an avant la coupe du monde, a permis de distribuer dans les collèges du matériel d'initiation au rugby. Ce programme a touché 370 000 jeunes, qui ont tous été invités aux matches. Nous allons essayer de reconduire ce programme avec l'éducation nationale et de l'améliorer.
Deuxième projet avec l'éducation nationale, faire chanter les hymnes des 48 matches par des collégiens ou des lycéens. L'hymne est un moment important. Les joueurs sont très concernés. Nous allons mettre en place un programme qui va permettre à des jeunes, durant un an, de bénéficier de cours sur le pays dont ils vont interpréter l'hymne.
Nous avons passé un contrat avec l'Opéra-Comique pour que celui-ci mette en oeuvre l'orchestration et la chorégraphie. Cent cinquante jeunes par pays, soit 12 000 personnes au total, deviendront acteurs de la coupe du monde.
Quant au slogan, je rappelle que celui de 2007 était « Aller au contact » et qu'on ne l'a jamais traduit en anglais. On va changer de signature d'ici 2023, et on a bien en tête qu'il faut qu'elle soit en français, la coupe du monde se déroulant en France.
Je n'ai pas dit que la FFR était écartée : j'ai précisé qu'elle n'était pas seule décisionnaire. On a créé un Comité héritage, à propos duquel on a d'ailleurs sollicité le Sénat pour qu'il délègue un sénateur afin de participer aux décisions concernant la distribution des fonds destinés à financer les projets.
Je sais que le président du Sénat s'y est opposé. Je pense que ceci résulte d'une incompréhension. Un député est déjà présent au sein de ce Comité. Il me semble important qu'un sénateur y siège également, ce débat devant présider à l'éligibilité des projets qui seront financés. L'État et la FFR devront tomber d'accord sur le financement. Il y va de l'intérêt général de la collectivité.
Concernant les « fans zones », nous considérons que cette appellation est davantage associée au football qu'au rugby. C'est une notion qui n'est pas toujours valorisante. Nous souhaitons que les villes ou les collectivités mettent en place des espaces d'animation liés au rugby, afin de mettre la culture française en avant. Nous leur laissons le soin de nous proposer des projets autofinancés ou pouvant faire l'objet de financements de partenaires de la FFR. Nous laissons la porte ouverte à leur créativité.
Si la France est en demi-finale, des « fans zones » seront automatiquement mises en place. On n'est pas certain que le faire dès le début de la compétition apporte une grande valeur ajoutée. Lors de l'euro 2016, ces « fans zones » ont coûté une fortune et sont demeurées vides certains jours. On a essayé de meubler avec des jeunes de l'Union nationale du sport scolaire (UNSS), mais ce n'était pas forcément efficace. Pour le reste, on préfère parler de « nuits du rugby », de « festivals du rugby » ou de « villages du rugby ».
Enfin, je suis entièrement avec M. Brisson, je l'ai dit : il me paraît intéressant de proposer aux collectivités d'associer l'accueil des équipes en lien avec les comités olympiques pour assurer la promotion du territoire auprès des autres équipes.
Tout d'abord, merci de nous avoir communiqué votre charte éthique - même si je fais mienne la réflexion concernant le slogan en anglais. Merci également pour votre volonté de porter cette équipe et ses jeunes talents au plus haut niveau.
Je voudrais savoir, en tant qu'élue de Paris, comment la coupe du monde de rugby de 2023 se positionne par rapport aux jeux Olympiques de 2024, notamment en matière de démarchage des sponsors et de relations avec les collectivités.
Monsieur le directeur général, pour avoir joué longtemps au football et l'apprécier profondément, je sais que se saisir du ballon rond à la main constitue un sentiment de liberté à nul autre pareil. Les Anglais ont élaboré une réglementation un peu complexe, mais intéressante, en matière de rugby pour encadrer ce sentiment de liberté.
On parle aujourd'hui beaucoup des valeurs du rugby. Or Vincent Moscato le dit très bien : on ne voit pas pourquoi le rugby véhiculerait plus de valeurs que d'autres sports.
Par ailleurs, comme le football, le rugby a évolué. Il est devenu un sport d'affrontement physique. Les parents répugnent aujourd'hui à y inscrire leurs enfants. Certains sportifs de très haut niveau sont aujourd'hui victimes de cette violence physique sur le terrain. Comment allez-vous traiter cette question dans le cadre de la coupe du monde de rugby ?
Ma question rejoint celle de M. Hugonet.
Je partage les valeurs du rugby, mais sa pratique connaît un certain essoufflement chez les amateurs, en particulier les plus jeunes. La rudesse du jeu n'y est certainement pas étrangère. La coupe du monde 2023, dont l'une des principales finalités est la promotion de cette discipline dans notre pays, prendra-elle en compte cette composante et saura-elle se faire l'écho d'un rugby d'évitement, dont la finalité n'est pas forcément la percussion, et où l'on ne s'en remet pas toujours au joueur le plus puissant physiquement ?
Il me semble que cette dimension est essentielle si nous souhaitons que cette coupe du monde ait la portée escomptée en matière de pratiques accrues.
Monsieur le directeur général, j'ai particulièrement apprécié que vous fassiez référence à 1995 et à la lutte contre l'apartheid : c'est en effet quelque chose d'assez structurant dans le rugby et au-delà.
Par ailleurs, le fait que les équipes éliminées puissent rester en France ouvre des voies de réflexion extrêmement intéressantes.
D'autre part, vous avez évoqué de nombreux partenariats avec l'éducation nationale, les collectivités, etc., mais je ne vous ai pas entendu parler du ministère des sports. Nous sommes un certain nombre ici à éprouver des inquiétudes sur son devenir à plus ou moins long terme. Pouvez-vous nous apporter des précisions à ce sujet ? La question mérite d'être posée dans le cadre du montage que vous avez rappelé.
Enfin, quels volumes financiers représentent pour les territoires les infrastructures prévues sur ces derniers ?
Je voudrais revenir sur les propos de mon collègue Olivier Paccaud. En tant qu'historien, je réfute la thèse selon laquelle le rugby est né en 1823 en Angleterre.
On pratique la chôle dans le village de Tricot, à la limite de la Somme, depuis le Moyen Âge. Cela se joue avec un choulet, qui est l'ancêtre du ballon de rugby. Deux équipes s'affrontent, une équipe d'hommes mariés contre une équipe de célibataires, et c'est la dernière mariée de l'année qui donne le coup d'envoi. On doit faire passer le choulet au-dessus du toit d'une maison, et la violence est plus intense encore que dans les pires matches de rugby. On compte à chaque fois de nombreux blessés, et on prend la précaution de fermer les volets des maisons qui se situent le long de cette rue.
Par ailleurs, j'ai été président du Rugby club amiénois... Section football ! Au risque d'essuyer les lazzis de cette honorable commission, je dois vous avouer que je n'ai pas un goût très prononcé pour le rugby.
Néanmoins, j'ai souvent constaté que les matches de football se terminaient par des coups de poing, alors qu'au rugby, les vaincus font la haie d'honneur aux vainqueurs. C'est ce type de valeurs que je ne retrouve pas dans le football.
Monsieur le directeur général, le GIP s'est-il fixé des objectifs en matière de nouveau équipements pour les territoires ? On sait en effet que la pratique de certains sports est freinée par le déficit d'équipements. Or les collectivités ne peuvent pas tout.
Participez-vous par ailleurs à la réflexion sur le sport-santé ?
Concernant le rugby féminin, la pratique ne peut se développer qu'à partir du moment où il existe des structures, mais aussi lorsque les femmes ont la possibilité de s'identifier à des joueuses. Cela signifie des retransmissions et des visages connus dans les médias.
J'en viens à la question que Dominique Vérien m'a demandé de poser. Un enfant sur cinq est victime de violences sexuelles avant dix-huit ans, qui vont du harcèlement numérique jusqu'au viol. Le sport n'est pas épargné, comme en témoigne l'association Colosse aux pieds d'argile, notamment le sport de haut niveau. Un travail en partenariat avec le ministère de la justice est-il prévu pour prémunir la société contre ce type de dérives ?
Je souhaiterais revenir sur le boni de liquidation évoqué tout à l'heure. Je rêve d'un futur où les équipes du nord et de l'est de la France battront celles du sud...
C'est déjà le cas !
C'est encore très parcellaire. Il n'y a pas si longtemps, cette partie de l'Hexagone était encore une terre de mission pour le rugby.
Les bonis de liquidation ne pourraient-ils pas faire l'objet d'une répartition territoriale déséquilibrée en faveur des endroits où des progrès sont à accomplir, où les marges de manoeuvre sont encore importantes ? Ce critère pourrait-il être pris en compte ?
Il n'y a pas de compétition avec la ville de Paris. Il existe une véritable complémentarité. La maire de Paris s'est engagée par écrit à mettre à disposition de la coupe du monde de rugby des lieux prestigieux pour accueillir le Centre international des médias, le Centre international de télévision, et mettre en place de moyens supplémentaires pour développer le rugby à Paris.
Il n'y a par ailleurs aucune interaction avec les jeux Olympiques.
J'ai trouvé la question de M. Hugonet extrêmement intéressante. Il ne faut pas nier l'intensité de ce sport de combat collectif. Cela signifie des chocs d'une certaine intensité entre les différents acteurs, ce qui nécessite une autorité incontestable de l'arbitre.
Au rugby, vous ne verrez pas ses décisions remises en cause par les joueurs. Je pense que c'est la meilleure école de droit. Si jamais un joueur n'accepte pas la sanction - c'est assez rare, mais cela peut arriver -, on applique une punition collective qui concerne toute l'équipe : il recule en effet de dix mètres. C'est un élément important dans la façon de contrôler cette liberté dont vous avez fait état.
Je n'ai toujours pas compris pourquoi le football n'a pas matérialisé le carton jaune par une expulsion temporaire. Au rugby, c'est un élément fondamental du respect de la règle. C'est souvent lorsqu'un joueur doit sortir dix minutes que s'établit la différence. Si les footballeurs devaient jouer à neuf contre onze, cela pourrait changer leur comportement. Cette règle s'applique également au hand-ball et au basket-ball.
D'autre part, je préfère quant à moi parler de vertus que de valeurs. En effet, les valeurs du rugby sont celles du sport en général, même si le rugby possède quelques valeurs particulières, notamment du fait de la notion de sport de combat collectif.
Mme Jouve a demandé si la coupe du monde prendrait en compte la notion de contact par rapport à l'évitement. Je vais être très honnête : je ne suis pas à l'aise avec l'évolution de ce sport. Au départ, le rugby est un sport d'évitement. Malheureusement, le sport professionnel a fabriqué des joueurs qui font 1,95 mètre, pèsent 120 kilos et qui se rentrent dedans. Ce n'est pas du rugby ! L'évitement est aussi important que l'affrontement.
Autrefois, des joueurs comme les frères Boniface, Jo Maso, ou Jean Gachassin n'avaient pas les mêmes gabarits que ceux d'aujourd'hui, mais étaient capables de semer le désordre sur un terrain grâce à leur sens de l'évitement et à leurs qualités techniques.
Je fais partie de ceux qui estiment qu'il faut redonner un équilibre à ce sport. Le sport professionnel a souvent privilégié la tactique par rapport au jeu. Le premier geste essentiel, au rugby, c'est la passe. Or on en voit moins. Pourtant les meilleures équipes sont celles qui se font le plus de passes ! Ce sont des questions qu'il faut se poser pour redonner envie aux jeunes de pratiquer ce sport et aux spectateurs de se rendre dans les stades. Olivier Mantei, directeur de l'Opéra-Comique, dit que le rugby est, comme la danse, un spectacle vivant. Il nous faut donc absolument travailler dans cette direction.
Les équipes éliminées pourront soit rester dans la région qui les hébergera pendant les matches de poule, soit être déplacées dans d'autres régions. Dans le Grand Est, on n'a malheureusement pas trouvé de stades.
J'avais organisé, il y a quelques années, un match à Sochaux entre l'équipe de France et les joueurs du Pacifique. C'est une enceinte intéressante, mais on n'a pas suffisamment d'infrastructures hôtelières pour accueillir des matches de la coupe du monde. Nous avons cependant un devoir de déplacer des équipes pour réaliser des animations et créer la mobilisation.
Quant au ministère des sports, je ne sais pas trop quoi dire. Notre interlocuteur privilégié, vous l'avez compris, est la Délégation interministérielle aux grands événements sportifs. C'est elle qui fait le lien avec tous les ministères. Ce sont nos interlocuteurs quotidiens. Nous n'avons pas vraiment de missions identifiées avec le ministère des sports. Nous essayons de les tenir au courant de la préparation.
Nous travaillons avec eux sur l'augmentation de la pratique sportive. On se doit de mesurer la façon dont celle-ci évolue dans les différentes couches de la population. C'est la seule véritable collaboration que nous partageons avec le ministère des sports.
S'agissant du sport féminin, je suis fan de l'équipe de France de rugby féminine. C'est une équipe exceptionnelle, numéro deux mondiale. Certaines joueuses ont des personnalités incroyables. Nous publions un manifeste, quatre ans avant la finale, en association avec Le Journal du Dimanche. Je vous recommande de lire l'interview de Safi N'Diaye, qui dit que le rugby est un sport d'homme qui lui a permis de devenir une femme. Tout est presque dit dans une phrase !
Bien évidemment, le rugby féminin est une des priorités du développement de ce sport en matière d'image, de relations mères-joueuses et de pratiques. L'équipe de France a l'intention de devenir championne du monde de la Coupe de rugby féminine, qui aura lieu en 2021 en Nouvelle-Zélande. Nos joueuses en ont parfaitement les moyens.
S'agissant de la violence dans le rugby, on vient de vivre une année catastrophique, inacceptable, parsemée d'accidents mortels qui ont touché de jeunes joueurs. Le rugby est l'un des sports où les blessures par commotion sont le plus analysées, avec des médecins et des vidéos qui examinent toutes les situations. Un médecin a la capacité de faire sortir un joueur du terrain à tout moment s'il suspecte une commotion.
On a créé un carton bleu dans les championnats amateurs pour obliger le joueur chez qui l'arbitre suspecte une commotion à sortir du terrain. Ce problème est bien pris en compte pas la Fédération. Les commotions ont baissé de 16 %, même si ce n'est pas le débat, étant donné les décès qui ont eu lieu.
Par ailleurs, la FFR a mis en place cette année de nouvelles règles dans les écoles de rugby. Aujourd'hui, on y sanctionne le passage en force, comme au basket-ball. Au bout de deux contacts, les jeunes doivent rendre le ballon à l'adversaire. La prise de conscience et la volonté de diminuer les accidents sont réelles.
Concernant les violences faites aux enfants, le rugby n'est à l'abri de rien. L'association Colosse aux pieds d'argile, dont le président est un ancien joueur de rugby lui-même victime de violences sexuelles dans son enfance, essaie de sensibiliser les jeunes dans les écoles et les collèges à ce sujet.
Je ne sais comment la législation peut nous aider dans ce domaine. Je ne pense pas posséder la compétence requise pour en parler, mais je pense qu'il est nécessaire que l'État se penche sur le sujet.
Je rêve moi aussi que les équipes du nord battent celles du sud. Rouen en est un excellent exemple. Vannes est une équipe remarquable. J'espère que le stade de La Meinau, qui va être rénové, pourra à l'avenir accueillir de grands matches de rugby. Strasbourg a une très bonne équipe. Ils ont malheureusement eu quelques ennuis financiers l'année dernière.
Il n'y a aucune raison pour qu'il n'existe pas une très bonne équipe de rugby dans l'est de la France. C'est le voeu que je forme. Plus le rugby rayonnera sur ces territoires, mieux on assurera la promotion du sport.
On a assisté depuis quelques années à une évolution des typologies de joueur qui pratiquent le rugby. Celui-ci a longtemps été installé dans la ruralité, les petites villes et villes moyennes. Aujourd'hui, il s'implante de plus en plus dans les quartiers des grandes villes. On le voit au niveau des joueurs de l'équipe de France, qui viennent de Bobigny, Sarcelles ou Massy. Mathieu Bastareaud a été un des précurseurs. Aujourd'hui, on compte des joueurs comme Sekou Macalou. Je suis convaincu que le fait de mettre en place des actions de développement ou de promotion des vertus éducatives du rugby dans les zones d'éducation prioritaires (ZEP) constitue un élément important pour atteindre les objectifs de la coupe du monde.
La coupe du monde a la chance de maîtriser son organisation. La FFR, c'est aujourd'hui 1 200 matches par week-end. C'est chronophage, et elle n'a pas toutes les ressources pour développer ce genre d'action. Nous, nous disposons de ce temps pour rééquilibrer l'image du rugby et assurer la promotion du sport.
Merci d'avoir répondu à nos questions. Nous aurons sans doute l'occasion de nous revoir. Vous avez tout notre soutien. Il n'y a ici que des passionnés.
La réunion est close à 11 heures 20.