Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi de réforme des collectivités territoriales dont nous débattons aujourd’hui traite de l’une des questions sur lesquelles j’ai le plus réfléchi sans doute et, surtout, agi dans toutes les fonctions que j’ai occupées, notamment quand j’étais Premier ministre. Je m’adresse donc à vous pour vous faire part de ma profonde conviction sur ce sujet.
En mars 2003, sous le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, alors Premier ministre, la Constitution a été modifiée pour préciser que la France est non seulement une « République indivisible, laïque, démocratique et sociale », mais aussi que son « organisation est décentralisée ». Pour simplifier, on a parlé de « République décentralisée ». J’ai vu dans cette réforme l’aboutissement d’un long processus engagé sous mon gouvernement par les lois de décentralisation de 1982 et 1983, avec l’assentiment du Président de la République de l’époque, François Mitterrand, et la complicité efficace de Gaston Defferre, alors ministre de l’intérieur.
Rompant avec une longue tradition jacobine, ces lois ont rendu leur liberté aux collectivités territoriales et aux élus locaux. Elles ont en outre rapproché les citoyens des décisions qui les concernent dans leur vie quotidienne. Les Français ne s’y sont pas trompés, qui ont à plusieurs reprises largement approuvé cette démarche décentralisatrice.
Tous les gouvernements qui ont succédé aux miens ont poursuivi cette réforme, beaucoup d’opposants s’y étant finalement ralliés. Je pense notamment aux lois Joxe, Chevènement et Vaillant, qui ont permis la montée en puissance de l’intercommunalité et de la démocratie de proximité.
Personne ne nie la nécessité de faire évoluer un dispositif vieux de presque trente ans. Déjà, en 2000, Lionel Jospin, alors Premier ministre, m’avait confié la présidence d’une commission sur l’avenir de l’action publique, qui avait avancé 154 propositions. L’an dernier, plusieurs missions et comités ont travaillé sur cette question. J’ai moi-même accepté de participer au comité Balladur pour la réforme des collectivités locales, avec la perspective de faire progresser la décentralisation et la régionalisation dans notre pays.
Mais je dois dire, mes chers collègues, que, au beau milieu des travaux de ce comité, qui avaient très bien commencé, puisque j’avais approuvé une dizaine de propositions, certaines idées sont apparues, auxquelles je me suis opposé, qui devaient préparer la contre-réforme confuse et rétrograde que le Gouvernement nous présente aujourd’hui. (