Intervention de Aymeri de Montesquiou

Réunion du 19 janvier 2010 à 14h30
Réforme des collectivités territoriales — Suite de la discussion d'un projet de loi

Photo de Aymeri de MontesquiouAymeri de Montesquiou :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, Il est temps de décider ! Le titre du rapport rendu par le comité pour la réforme des collectivités locales présidé par Édouard Balladur donnait le ton et soulignait la volonté de poursuivre la grande réforme de la décentralisation.

En effet, il est temps de décider : soit nous choisissons de demeurer dans une organisation territoriale que nous reconnaissons tous comme étant complexe, coûteuse, désolidarisant les territoires et mal adaptée aujourd’hui aux besoins des populations ; soit nous choisissons la voie de la rationalisation administrative et financière, en prenant de front l’ensemble de l’organisation décentralisée pour l’amener vers son objectif premier, c’est-à-dire la vitalité et le dynamisme de nos collectivités au service de nos concitoyens.

Telle est, en résumé, l’alternative qui se présente à nous aujourd’hui.

L’évolution historique de notre organisation territoriale a engendré un monstre administratif où l’Europe, l’État, la région, le département, le pays, l’intercommunalité et la commune peinent à agir de concert.

On nous propose aujourd’hui non pas une table rase, mais une mutation profonde qui s’inscrit, à mon sens, dans l’évolution logique de la décentralisation initiée en 1982 par vous-même, monsieur Mauroy, alors que vous étiez Premier ministre, et revitalisée en 2003 par Jean-Pierre Raffarin.

Ce texte est le fruit d’une longue réflexion qui a associé l’ensemble des acteurs de la démocratie locale, au premier rang desquels le Sénat, au travers de la mission présidée par notre collègue Claude Belot. Si le consensus n’a malheureusement pas pu se faire, nous devons néanmoins retenir les avancées proposées.

Le conseiller territorial symbolise la mutation que j’évoquais à l’instant. Sans remettre en cause l’existence et le champ d’action propre des conseils régionaux et des conseils généraux, ce nouvel élu, qui siégera dans les deux institutions, pourra réaliser l’indispensable coordination entre les deux collectivités. Il jouira en effet d’une vision à la fois locale, ancrée dans son territoire d’origine, et stratégique, par la perspective qu’offre la région.

Nous devons attendre du conseiller territorial qu’il évite, par une vision globale, les actions concurrentes ou redondantes sur un même territoire que nous constatons aujourd’hui. Il deviendra un interlocuteur mieux identifié par les électeurs, pouvant relayer avec efficacité les besoins locaux au niveau régional.

J’ajouterai que la création de ce nouveau mandat permettra aussi accessoirement une substantielle réduction des dépenses liées aux 6 000 élus actuels.

Ayons de plus à l’esprit que la multiplication des élus locaux n’est pas un gage de vitalité démocratique. J’en veux pour preuve les city councils des plus grandes villes américaines, qui n’excèdent pas cinquante membres.

Cela dit, je regrette que nous devions attendre le projet de loi relatif à l’élection des conseillers territoriaux pour que soient levées les zones d’ombre qui persistent.

Nos compatriotes sont attachés à la commune, qui constitue la première et la plus proche expression de la démocratie. Cependant, l’insuffisance des ressources fiscales propres crée une dépendance vis-à-vis des dotations de l’État ou des autres collectivités. C’est pourquoi le renforcement et l’approfondissement de l’intercommunalité constituent un impératif que vise à traduire le présent projet de loi. Je m’en réjouis comme élu rural connaissant les difficultés des petites communes.

La carte de l’intercommunalité va enfin pouvoir être achevée, au besoin – hélas ! – par l’intervention nécessaire du préfet, mettant fin à l’incohérence des enclaves ou à l’égoïsme de communes peu disposées à partager certaines recettes fiscales au profit du développement et de l’aménagement du territoire.

Monsieur le ministre, je nourris cependant un regret. Le poids de nos régions reste malheureusement souvent très en deçà de celles de nos voisins européens pour pouvoir soutenir la comparaison dans une économie où la compétition est féroce.

Hormis trois ou quatre d’entre elles, parmi lesquelles naturellement l’Île-de-France, qui est la plus riche d’Europe, la plupart de nos régions n’atteignent pas la masse critique économique suffisante. La « banane bleue », qui s’étend de Hambourg à Milan, exerce une force centrifuge défavorable pour celles qui en sont exclues, sauf quelques exceptions, comme l’arc méditerranéen. Que pèsent aujourd’hui l’Auvergne ou le Limousin, que nous aimons tous, face au dynamisme de la Catalogne ou au poids économique de la Rhénanie ?

L’article 13 laisse à l’État le soin de donner ou non une suite aux délibérations concordantes de conseils régionaux optant pour une fusion. Une plus grande latitude des collectivités aurait été souhaitable, car elles sont les mieux au fait de leurs besoins, comme c’est le cas pour les deux Normandies.

Cette dernière observation ne remet cependant pas en cause le besoin de clarification, de rationalisation et de simplification auquel ce texte entend répondre.

Le contexte social et économique de notre pays a profondément changé. Il est normal de faire évoluer les structures administratives pour les adapter à une nouvelle époque. Parce que ce texte, comme vous l’avez dit, monsieur le ministre, « redonne du cœur et du corps à la décentralisation », je le voterai.

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