Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes à la veille d’une évolution profonde de nos structures de gouvernance locale, trente années quasiment après que la France s’est engagée dans cette rupture historique qu’est la décentralisation. Je regrette d’ailleurs que M. le Premier ministre Pierre Mauroy ait quitté l’hémicycle, car je l’aurais remercié de vive voix !
Pour une fois dans l’histoire de la République, les Girondins l’ont emporté sur les Jacobins, et cette victoire a été décisive. La Constitution ne précise-t-elle pas, désormais, le caractère décentralisé de la République, et ce grâce au rôle décisif joué par notre collègue Jean-Pierre Raffarin, alors Premier ministre ?
Le bilan de ces presque trois décennies est, à mon sens, très positif sur le plan des libertés locales. La vitalité de notre pays a été renforcée, l’énergie de nos territoires libérée et, surtout, l’appétence de nos concitoyens pour les affaires locales nourrie d’un principe simple et efficace : la démocratie de proximité.
Renforcer les collectivités locales, c’est donner davantage de sens et de responsabilités aux acteurs des territoires. C’est donc aussi renforcer le goût de l’engagement citoyen. En un mot, c’est choisir de favoriser la démocratie par rapport aux technostructures.
La décentralisation permet aussi de gérer les affaires publiques au plus près des spécificités des territoires et des besoins exprimés localement. Communes et intercommunalités, départements et régions sont désormais à même de faire du « cousu main ». Ce fut une avancée considérable.
Pour autant, il ne sert à rien de nier les défauts de notre organisation territoriale actuelle.
La décentralisation s’est essentiellement focalisée sur les transferts de compétences, sans que l’on repense ni les structures, ni le système dans sa globalité. On n’a pas cessé d’ajouter et de juxtaposer, sans se préoccuper suffisamment de supprimer, de clarifier, de réorganiser.
Le résultat, chacun le constate, c’est un paysage institutionnel fragmenté, auquel s’ajoute l’enchevêtrement des compétences qui entraîne un excès de financements croisés et, au final, trop de complexité, trop de doublons, trop de dépenses.
Nous sommes tous des élus nationaux et, pour une large majorité, des élus de terrain. Nous savons à quel point nos concitoyens et tous les maires, adjoints, conseillers municipaux et conseillers généraux, aspirent à une organisation plus simple et plus cohérente.
Grâce aux travaux du comité pour la réforme des collectivités locales, présidé par Édouard Balladur, mais également grâce à la mission temporaire du Sénat conduite par notre collègue Claude Belot, avec Jacqueline Gourault et Yves Krattinger notamment, la concertation et l’échange ont permis d’aboutir à un constat partagé sur de nombreux points. Il convient de saluer les efforts et le sens de l’intérêt général de toutes celles et de tous ceux qui ont pris part à cette réflexion.
Le Gouvernement a déposé sur le bureau du Sénat une réforme cohérente et courageuse. La commission des lois, après un travail remarquable dont je tiens à vous féliciter, monsieur le rapporteur, nous propose un texte à la hauteur des défis à relever.
Cette réforme porte en elle de grandes ambitions, celle de donner plus de clarté et plus de simplicité à notre organisation territoriale, celle d’assurer une répartition des compétences plus nette, celle, aussi et surtout, de proposer le meilleur service public au meilleur coût.
C’est l’occasion de m’arrêter quelques instants sur l’aspect financier de la question, ô combien important, alors que les collectivités locales sont nombreuses à avoir fait ou à se préparer à faire des choix parfois difficiles pour les budgets 2010.
Avec au moins 1 500 milliards d’euros de dette, soit 80 % du PIB, le niveau d’endettement du pays est pour le moins préoccupant. Au cours des douze dernières années, la dette publique a doublé. Convenons ensemble que, retenant la période 1997 à 2009, je ne fais pas de « petite politique ».
Si la crise économique, historique, à laquelle nous sommes confrontés explique largement l’envolée des déficits et la croissance de la dette, le déficit structurel, c’est-à-dire la part que nous portons année après année, quel que soit le taux de croissance, est évalué à 45 milliards d’euros.
C’est pourquoi personne ne se fait d’illusion : nous avons atteint la « fourchette haute » de nos capacités d’endettement.
Face à la rareté de la ressource publique, nous devons non seulement intensifier nos efforts de bonne gestion, mais aussi « changer de braquet ». Une réforme n’est pas seulement nécessaire, elle est indispensable. Je l’ai déjà dit maintes fois, par exemple le 16 novembre dernier, devant une assemblée peu convaincue, lors de la réunion nationale des conseillers généraux. Et quand je dis « peu convaincue », c’est une douce litote.