Intervention de Édouard Philippe

Réunion du 16 octobre 2019 à 15h00
Questions d'actualité au gouvernement — Intervention turque en syrie

Édouard Philippe :

Conséquences très lourdes aussi pour notre sécurité : après cinq années de lutte, le risque d’une résurgence des effectifs et des forces de Daech est quasiment avéré. L’idée que l’État islamique puisse reprendre pied de façon organisée, que ce soit au nord-est syrien ou, le cas échéant, à travers la déstabilisation de la région, au nord-ouest irakien fait peser un risque sécuritaire sur l’ensemble de la région et sur l’ensemble de nos pays pour les raisons que nous n’ignorons pas.

Conséquences très lourdes encore sur le plan humanitaire : 700 000 civils se trouvent aujourd’hui dans cette zone, des familles entières ont pris la route pour fuir les combats. Depuis le début de l’offensive, on dénombre 150 000 déplacés et, bien évidemment, de premières victimes civiles.

Conséquences très lourdes, enfin, sur la recherche d’une solution pérenne dans la région : l’offensive militaire et les menaces de la Turquie de réinstaller, de force, les réfugiés syriens en Turquie, dans la zone des trente kilomètres qui longe la frontière entre la Syrie et la Turquie, ne vont pas faciliter l’avènement d’une solution politique dans la région.

Monsieur le président Requier, vous posez la question de la réaction de la France. Nous avons pris un très grand nombre d’initiatives.

D’abord, la France a, de la façon la plus claire et la plus ferme, condamné cette opération militaire. Nous l’avons dit à l’ambassadeur de Turquie en France, par l’intermédiaire du Quai d’Orsay. Le Président de la République a eu l’occasion de s’entretenir avec le Président Erdogan : il lui a dit clairement quelle était la position de la France et lui a signifié notre condamnation de cette opération militaire.

Nous avons ensuite cherché à mobiliser dans les enceintes internationales, et partout où le multilatéralisme a du sens, l’ensemble de nos partenaires : c’est vrai du Conseil de sécurité de l’ONU, qui s’est réuni en urgence ; c’est vrai de l’Europe, qui s’est exprimée d’une seule voix ; c’est vrai aussi de la coalition. N’oublions pas que la décision unilatérale des États-Unis, au regard de leur importance au sein de la coalition, empêche les autres pays membres de continuer de peser sur le terrain.

Face à l’impact de cette opération militaire sur la sécurité européenne, nous avons décidé, avec d’autres pays, de suspendre nos exportations d’armes vers la Turquie. C’est une décision commune de l’Allemagne, des Pays-Bas, de la Norvège, de la Finlande et du Royaume-Uni. Le Canada a pris la même décision.

Nous souhaitons, avec nos partenaires de l’Union européenne, continuer de prendre toutes les initiatives possibles en vue de conduire la Turquie à mettre un terme à cette opération. Toutefois, compte tenu des décisions turques et de l’unilatéralisme dont ce pays a fait preuve, ne nous voilons pas la face : demander, condamner, inciter, nous le ferons ; obtenir, ce sera beaucoup plus difficile – ce le sera d’autant plus en raison de la décision unilatérale des États-Unis.

Sans jeter l’opprobre sur qui que ce soit, monsieur le président Requier, les conséquences de cette décision unilatérale seront très lourdes : pour les États-Unis, sans doute ; pour la région, c’est certain ; et probablement même pour la façon dont nous nous envisageons les relations avec nos partenaires sur des théâtres d’opérations compliqués.

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