Intervention de Édouard Philippe

Réunion du 16 octobre 2019 à 15h00
Questions d'actualité au gouvernement — Situation des kurdes ii

Édouard Philippe :

Je n’ai rien à retrancher ou à ajouter au constat que vous venez de dresser, monsieur le président Cambon, s’agissant du caractère unilatéral des décisions qui ont été prises par la Turquie et les États-Unis, s’agissant des conséquences très lourdes sur le plan de la sécurité – je les ai évoquées, mais je me retrouve entièrement dans ce que vous avez vous-même formulé – de la résurgence probable de Daech liée à la déstabilisation, s’agissant de l’impossibilité, ou de la très grande difficulté, à trouver une solution politique dès lors que cette intervention se déroule.

Vous soulevez deux questions distinctes, bien qu’elles soient un peu liées.

La première est relative à l’OTAN. La Turquie, la France, les États-Unis, ainsi qu’un grand nombre – pas tous – de partenaires de la coalition internationale en sont membres.

Vous avez évoqué les questions posées par un certain nombre de parlementaires français à l’Assemblée parlementaire de l’OTAN et l’absence de réponse à laquelle ils ont été confrontés, qui me semble traduire un très grand trouble, pour dire les choses de façon posée. Regardons ce trouble en face.

Si le principe d’une alliance est de permettre à des partenaires de travailler ensemble, les décisions unilatérales ou celles qui s’entrechoquent les unes avec les autres ne me paraissent pas relever d’un bon fonctionnement. Regardons la situation en face et travaillons sérieusement avec nos partenaires. Quiconque prétendrait que l’OTAN fonctionne comme elle a toujours fonctionné – « circulez, il n’y a rien à voir », pardon de le dire trivialement – se tromperait.

Votre seconde question est relative à la sécurité en France, qui se traduit de deux façons. Tout d’abord, il y a la reconstitution d’un espace géographique maîtrisé par Daech, lequel serait propice à l’organisation d’actions à l’extérieur de ce territoire. Nous n’en sommes pas là, même si le risque n’est pas nul. En effet, les détenus sont toujours détenus et les prisons sont situées assez loin, voire très loin, de la zone où ont lieu les combats. Les camps où sont parqués, si j’ose dire, un certain nombre de gens qui s’étaient échappés après les derniers combats, notamment à Baghouz, dans le sud de la région, subsistent encore.

Nous devons évidemment avoir en tête que la résurgence de Daech est possible. Nous devons discuter avec nos partenaires de la région, qui ont les mêmes intérêts que nous, pour éviter la reconstitution de Daech. La discussion s’avérera compliquée, car la situation est profondément déstabilisée.

Qui peut dire, compte tenu de la décision américaine, que nous pourrons compter, demain, sur nos alliés kurdes ?

Quant à la question des retours vers le territoire national, monsieur le président Cambon, l’ensemble du dispositif est prêt. Nous sommes bien évidemment prêts à judiciariser tous ceux qui, s’étant rendus sur zone, se sont rendus complices des actions criminelles qui ont été conduites sur place.

Autrement dit, une grande vigilance s’impose sur le territoire métropolitain, dans l’hypothèse où certains voudraient revenir. Pour autant, nous le savons, un certain nombre de personnes, si elles devaient échapper au contrôle de nos alliés kurdes, ne chercheraient pas forcément à revenir, mais iraient se battre.

Par ailleurs, nous devons travailler avec les pays voisins, notamment avec l’Irak. Vous l’avez dit, monsieur le président Cambon, M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères se rendra dès ce soir en Irak, pour discuter avec son homologue irakien des mesures à mettre en place et, éventuellement, d’un accompagnement en matière de coopération judiciaire. En effet, un certain nombre de ceux qui sont détenus en Syrie par les Kurdes ayant commis des crimes en Irak, ils pourraient, le cas échéant, être judiciarisés sur place.

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