Intervention de Dominique Voynet

Réunion du 19 janvier 2010 à 21h30
Réforme des collectivités territoriales — Suite de la discussion d'un projet de loi

Photo de Dominique VoynetDominique Voynet :

C’est par ces mots prometteurs que le Président de la République avait tenté, en présentant ses vœux aux parlementaires pour l’année 2009, de répondre aux inquiétudes suscitées, y compris au sein de sa majorité, par la frénésie législative qui semblait s’être emparée de lui.

Nous pouvons témoigner que Nicolas Sarkozy a tenu ses promesses en 2009 ! Ceux qui, parmi vous, espéraient que la loi serait élaborée minutieusement, avec sagesse et prudence, en sont encore pour leurs frais. Ceux qui n’avaient jamais imaginé que le Conseil constitutionnel, gardien de notre loi fondamentale, garantie de la démocratie et de l’État de droit, puisse être si ouvertement contesté, accusé de nuire aux ambitions « court-termistes » de ce régime, en perdent aujourd’hui leur latin. Silence, on réforme ! Procédure accélérée et vote conforme : telle est la méthode généralement employée.

Je l’admets, concernant le projet de réforme territoriale que nous examinons aujourd’hui, la recette est sensiblement différente, mais la saveur n’en reste pas moins familière : il est ici une nouvelle fois question de concentration des pouvoirs entre les mains de l’exécutif et d’affaiblissement de tout ce qui s’apparente, de près ou de loin, à un contre-pouvoir.

La nécessité d’améliorer l’organisation territoriale de la France fait pourtant l’objet d’un assez large consensus : rendre son cadre institutionnel plus lisible pour les citoyens est un enjeu démocratique majeur. C’est pourquoi personne dans cet hémicycle, me semble-t-il, n’est attaché au statu quo. La clarification de la répartition des compétences, de plus en plus nombreuses, assumées par les collectivités, la réaffirmation de leur autonomie financière – pourtant déjà inscrite dans la Constitution –, la simplification des circuits de décision : autant de pistes pour perfectionner l’architecture territoriale de notre pays.

En dépit des grands discours annonçant une véritable révolution territoriale, malgré la réunion d’un comité réunissant des compétences reconnues, ce projet de loi apparaît, en premier lieu, extrêmement décevant. Loin de simplifier le fameux millefeuille français, tant décrié, il le rend encore plus complexe !

Monsieur le ministre, je vous mets au défi d’expliquer de manière compréhensible aux citoyens la différence entre les métropoles, les pôles métropolitains, les communautés urbaines, les communautés d’agglomération et les simples communautés de communes ! Pourriez-vous préciser quelle simplification vous percevez dans le fait qu’un certain nombre de compétences, relevant jusqu’ici des conseils généraux, pourraient désormais être confiées aux métropoles ? Le projet de loi prévoit que, dans les départements comprenant une métropole, les conseils généraux exerceront des compétences différentes dans les territoires compris dans la métropole et dans le reste du département ! Pis encore : deux départements limitrophes n’auront pas les mêmes compétences selon qu’ils accueilleront ou non une métropole !

Par ailleurs, ce projet de loi entend faciliter les fusions de régions et de départements. Mais, concernant les départements, quel résultat pensez-vous donc obtenir, sinon la constitution de départements plus vastes, perdant en quelque sorte la proximité qui faisait jusqu’ici la pertinence de cet échelon en matière sociale, sans pour autant consolider leurs compétences ? Des compétences égales, voire diminuées s’ils accueillent une métropole, exercées sur des territoires plus étendus : est-ce là une amélioration ?

Bien sûr, ce texte prévoit l’élection des délégués communautaires au suffrage universel direct : il était temps ! C’était devenu une urgence démocratique compte tenu de la place qu’occupent à présent les intercommunalités dans le paysage local. Plus de la moitié des articles de ce projet de loi sont par ailleurs consacrés à l’achèvement de la carte de l’intercommunalité, qui constitue, en soi, une bonne chose. Mais dans la mesure où 93, 1 % des villes françaises – ce chiffre figure dans votre rapport, monsieur Courtois – sont déjà impliquées dans une coopération intercommunale au 1er janvier 2009, vous conviendrez, monsieur le ministre, qu’il ne s’agit pas là d’une avancée si extraordinaire !

J’ajoute que si les regroupements de communes et la constitution d’intercommunalités doivent effectivement être encouragés, nous sommes quelque peu préoccupés à l’idée que les ordonnateurs en la matière, c’est-à-dire les préfets, puissent négliger le principe constitutionnel de libre administration des collectivités locales. Nous restons vigilants sur ce point. N’y voyez pas une quelconque marque de défiance à l’égard des préfets, monsieur le ministre, mais comme un certain nombre d’entre eux dirigent également les cabinets de membres du Gouvernement, comprenez que nous souhaitions nous assurer que des considérations politiques, voire politiciennes, ne polluent pas exagérément ce processus.

En résumé, ce texte, pourtant intitulé « projet de loi de réforme territoriale », ne répond aucunement aux objectifs annoncés. Il ne simplifie pas l’organisation territoriale de la France et reporte à un projet de loi ultérieur l’examen de la question de la répartition des compétences. La juxtaposition des différentes mesures de ce projet de loi dresse en outre un tableau pour le moins flou de l’organisation territoriale de demain. Je prendrai un simple exemple à cet égard : le Gouvernement avait annoncé vouloir renforcer les régions françaises pour qu’elles puissent supporter la comparaison à l’échelle de l’Europe ; pourtant, ce projet de loi menace doublement les régions, d’abord parce qu’il prévoit de supprimer leur clause générale de compétence, réduisant d’autant leur capacité motrice, ensuite parce qu’il institue des conseillers territoriaux siégeant à la fois dans les conseils régionaux et dans les conseils généraux. Ces conseillers, élus au sein de leurs départements respectifs, pourraient bien être tentés d’adopter une vision des problèmes centrée sur les intérêts du département dont ils sont issus, aux dépens de considérations et d’enjeux régionaux plus globaux.

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