Séance en hémicycle du 19 janvier 2010 à 21h30

Résumé de la séance

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  • métropole

La séance

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La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt-cinq, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Roland du Luart.

Photo de Roland du Luart

La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion du projet de loi de réforme des collectivités territoriales.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Pierre-Yves Collombat.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour reprendre l’excellente expression du président du Sénat, niant que cela en fut un, ce projet de loi est avant tout un « fric-frac électoral ». Cela est suffisamment clair pour que je puisse me dispenser de développer !

Officiellement, il s’agit de réaliser des économies, de simplifier l’organigramme territorial et de mieux articuler les politiques, ainsi que les relations entre les acteurs locaux. Voyons cela.

Les économies attendues de la division par deux du nombre d’élus – économies de moins en moins chiffrables, d’ailleurs, depuis l’invention du remplaçant du conseiller territorial – sont au mieux dérisoires, plus probablement illusoires, de même que les économies à attendre de l’ « encadrement » des financements croisés : financer seul une action ne la rend pas deux fois moins coûteuse que si on la finançait à deux.

C’est par une autre voie, celle de l’étranglement financier des régions, en tout cas des trois quarts d’entre elles, de l’asphyxie progressive des départements et du transfert aux ménages de l’essentiel du financement des communes et de leurs EPCI, que le Gouvernement atteindra son objectif. Cette démarche est d’ailleurs en contradiction – mais nous n’en sommes plus à une contradiction près – avec le rôle qu’il entend faire jouer au pôle région-département.

Pour la simplification du paysage institutionnel et la mise en cohérence des politiques locales, deux logiques s’offraient.

La première est imposée par notre histoire et notre territoire, avec ses trois niveaux d’administration spécifiques que sont les communes, les départements et les régions, les intercommunalités étant de simples outils pour faire à plusieurs ce que l’on ne pouvait faire seul. Elle prend en compte la profondeur de la réalité affective et politique de la commune, voire du département, ainsi que cette autre évidence : la façon la plus efficace et la moins coûteuse de gérer un territoire aussi étendu et divers que le nôtre est encore d’en confier le soin à des bénévoles ou quasi-bénévoles, élus au plus près des intéressés.

C’est la logique du contre-projet que le groupe socialiste présentera sous la forme d’un faisceau d’amendements. Alternative cohérente au projet gouvernemental, il s’inspire directement des propositions du rapport Krattinger-Gourault et de l’ensemble des travaux de la mission Belot, qui ont permis de rassembler les sénateurs au-delà des clivages habituels. Sauf à admettre que nous avons travaillé pour la forme, il n’y a pas de raison de ne pas se rejoindre à nouveau sur ces propositions.

Nous entendons en particulier tirer toutes les conséquences du principe selon lequel les intercommunalités sont des « coopératives de communes » tenant leur légitimité des communes, et non les antichambres de la disparition de celles-ci.

Nous entendons aussi corriger l’un des défauts majeurs du projet de loi, à savoir l’absence de dispositions permettant de renforcer réellement la position européenne de nos grands ensembles urbains, généralement répartis sur un territoire discontinu et relevant d’une pluralité d’acteurs dans des domaines aussi stratégiques que l’enseignement supérieur, la recherche, la recherche-développement, le développement en général et les grands réseaux. Ce n’est certainement pas en confiant la gestion des routes départementales, du RMI-RMA, de l’APA et des collèges aux métropoles, par définition assises sur un territoire continu, que l’on y parviendra, pas plus qu’en créant des « pôles métropolitains » au sens où l’entend le projet de loi, c’est-à-dire des métropoles pour insuffisants démographiques…

La seconde logique est celle des « managers », des modernisateurs, des experts multicartes, des communicants –auxquels nous devons un niveau de chômage et de sous-emploi permanent élevé, la montée des inégalités et l’explosion de l’endettement de ces trente dernières années, années glorieuses pour ceux qui ont de l’argent –, avec ses deux niveaux d’administration : les intercommunalités, en lieu et place des communes, et une dizaine de régions.

C’est clairement la logique du rapport Attali et, présentée sous une forme plus diplomatique, du rapport Balladur, ainsi que, dans une large mesure, de l’avant-projet de juillet 2009.

Ensuite, les choses se brouillent. Confronté à une levée de boucliers, le Gouvernement, avec l’aide de la commission des lois, va désormais avancer masqué. Je ne doute pas qu’il soit prêt à d’autres concessions pour trouver sa majorité, pour l’instant introuvable. Je m’en félicite, car cela débouchera sur un résultat moins toxique pour le pays, mais ce sera au prix de la confusion, dont la « réforme » devait en principe être l’antidote.

Si le destin des communes est toujours de disparaître au sein des intercommunalités, on leur concède un trépas plus long, plus doux, différencié : pas une commune de moins, certes, mais plusieurs types de communes, selon qu’elles sont anciennes ou nouvelles, parties d’une métropole ou d’une commune nouvelle, et une multiplication des formes d’EPCI. Les départements et les régions les plus peuplés ne seront plus obligatoirement vampirisés par les métropoles, mais ils le seront par le biais de conventions plus ou moins obligatoires, variables selon les lieux : là, le RSA ou l’APA relèveront du département, mais un kilomètre plus loin, de la métropole.

On crée des conseillers territoriaux censés assurer la mise en cohérence des politiques de la région avec celles des départements, mais pas avec celles des métropoles, puisque les compétences régionales et départementales transférées seront du ressort exclusif des conseillers métropolitains. Ainsi, les conseillers territoriaux de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur seront chargés du développement économique de l’ensemble du territoire régional, à l’exception des métropoles de Marseille, de Toulon et de Nice ! Comme aurait dit l’oncle de la chanson de Boris Vian : « Y a quelque chose qui cloche là-dedans ! »

Le millefeuille territorial aux couches bien identifiables est mort, place au pudding territorial où tout se mêle : communes et intercommunalités, régions et départements, métropoles et départements, métropoles et régions. C’est incontestablement une réforme appelée à faire date, mais certainement pas un progrès. Néanmoins, comme l’a dit tout à l’heure l’un de nos collègues, c’est tout de même un pur moment de bonheur…

Sourires et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, voici une réforme de plus. Quel est son objectif ? Existe-t-il un fil conducteur dans la succession de textes que nous présente le Gouvernement ? Vont-ils vraiment simplifier le travail des élus et clarifier leur action aux yeux du citoyen, alors que ceux-ci ont été pointés du doigt, présentés comme trop nombreux et trop coûteux ? En fait, l’objectif est clairement de dépenser moins !

Pour notre part, nous sommes de ceux qui sont convaincus que les mutations de notre société n’ont jamais été aussi rapides que durant les dernières décennies et que le cadre législatif doit impérativement en tenir compte par de grandes orientations les permettant, sans qu’il soit nécessaire d’empiler constamment des lois dont l’encre n’a souvent point le temps de sécher.

Nous avons toujours dit que l’évolution du cadre juridique de nos collectivités s’inscrivait dans la logique de ces mutations. Nous avons accueilli positivement le refus du fédéralisme, le renforcement du couple commune-intercommunalité, l’achèvement de la carte intercommunale, d’autant que le processus de décentralisation a mis davantage encore nos collectivités au cœur des questions tant de proximité que d’investissement public.

Peut-être avons-nous naïvement cru qu’un certain consensus pouvait faciliter une évolution souhaitable. Or nous nous trouvons aujourd’hui face à une rafale de textes qui donnent à penser à nombre d’entre nous que la charrue a été mise avant les bœufs.

« Nous allons prendre le temps », a récemment déclaré dans un quotidien régional M. le ministre de l’intérieur. Le Sénat, dans le cadre de la mission confiée à M. Belot, a pris du temps pour rechercher une œuvre commune. Qu’en est-il resté lorsque, le dernier jour, le conseiller territorial est sorti de l’ombre où il était tapi ? Il n’est l’enfant ni des associations d’élus, ni surtout des citoyens.

L’exemple de la suppression de la taxe professionnelle, sans cohérence évidente avec la réforme des collectivités et qui n’a pas été accompagnée d’un véritable exposé par vos soins, monsieur le ministre, de la teneur du texte sur les compétences, est révélateur. Il fallait aboutir avant le 31 décembre. Pour qui ? Dans Le Journal du dimanche du 17 janvier, le MEDEF s’attribue la paternité de cette réforme. Comment ? Dans la confusion technique et le renvoi à des clauses de revoyure. Avec quelles conséquences ? Je me bornerai, à cet égard, à citer le titre d’un article de La Tribune du 18 janvier dernier : « Taxe professionnelle, avantage aux riches », au premier chef les Hauts-de-Seine, Paris, Neuilly-sur-Seine. La Corrèze va-t-elle définitivement rejoindre le Zambèze ?

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Une fois de plus, la péréquation est en grande partie passée à la trappe, renvoyée à des jours qui ne se lèvent pas, alors que cette question représente chaque année davantage un abcès purulent dans le fonctionnement équilibré de la décentralisation. Prendre le temps n’a de sens que si toutes les cartes sont mises loyalement sur la table. Ainsi, en matière de fiscalité locale, il faut des simulations en amont des textes et une politique dépourvue d’ambiguïté entretenue. Le Gouvernement déclare vouloir assurer une compensation intégrale, à l’euro près, mais la lecture des propos tenus par M. Marleix dans La Gazette des communes du 26 octobre 2009, sous le titre « L’objectif de la loi est de dégager des économies substantielles », m’amène à m’interroger sur la savante alchimie qui permettra d’économiser 20 milliards d’euros sur le chevauchement des compétences. Est-ce la création du conseiller territorial qui permettra ces économies, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

… ce conseiller territorial qui est au cœur du projet de loi et n’est pas négociable, avons-nous compris, selon la commande reçue de l’exécutif ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Je mets en garde ceux qui peuvent comme nous acquiescer à plusieurs articles du projet de loi, mais qui considèrent que l’article 1er constitue une greffe inopportune : qu’ils ne s’y trompent pas, cet article est l’expression d’une volonté non négociable, l’axe central du projet, …

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, ministre

Tout à fait !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

… les autres articles étant la « garniture ».

Nous ne sommes pas dupes : le recul annoncé sur le mode de scrutin est un sirop destiné à faire passer la purge, en donnant bonne conscience à ceux qui toussent !

Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Or le texte qui nous est soumis se caractérise par ce qui en est absent : des indicateurs fiables sur le nombre de sièges de conseiller territorial et sur les équilibres entre départements et régions, ainsi que des garanties sur la parité au sein des conseils territoriaux, les améliorations à l’échelon des communes ne constituant pas une réelle compensation.

Comment voter ce texte muet sur les modalités précises du scrutin, lesquelles auront pourtant incontestablement des conséquences sur l’architecture des circonscriptions cantonales, surtout avec la proportionnelle, machine à promouvoir apparatchiks et recalés du suffrage universel ?

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Comment ne pas aborder, aussi, la question du cumul des mandats par les conseillers territoriaux, ainsi que celle du statut de ces élus, voués à devenir inéluctablement des voyageurs-représentants-politiques, certes moins nombreux que les conseillers généraux et régionaux, mais affublés de remplaçants mis en appétit ?

Ce texte est fondamentalement ambigu, parce que volontairement inachevé, pour des raisons d’opportunité ; il nous amène au milieu du gué : vous ne nous dites pas où on va, monsieur le ministre, mais comment on va y aller !

Mme Françoise Laborde rit

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Ainsi, au-delà de toutes les déclarations, peut-on sérieusement considérer que, dans ce nouvel édifice départemento-régional mêlant présidents de région et présidents de conseil général, l’une des deux entités ne sera pas amenée à prendre naturellement le pas sur l’autre ? D’ailleurs, serait-ce un mal ? L’avenir nous le dira. C’est une option envisageable, mais pourquoi la dissimuler, et pourquoi évacuer du débat actuel la question des compétences et repousser son examen à un an ? Vous devez bien avoir une idée précise du texte à venir, la création du conseiller territorial ayant pour objet, selon le Gouvernement, de « faire travailler ensemble les deux collectivités » !

De la même manière, la création des communes nouvelles et des métropoles, qui pourraient devenir des structures intéressantes en matière d’aménagement du territoire, à condition d’être validées par les électeurs, constitue, au regard du non-dit caractérisant le texte actuel, soit une abstraction, soit, plus vraisemblablement, la première étape d’un processus d’absorption, de digestion lente, qu’il faut oser assumer. Pour l’heure, c’est plutôt la fusion dans la confusion.

En conclusion, ce texte en appelant inéluctablement d’autres, le bégaiement législatif a de beaux jours devant lui ! Vous nous fabriquez un millefeuille plus épais, mais avec moins de sucre : nous n’aurons ni la simplification fiscale, ni la simplification territoriale.

Bravo ! et applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Adnot

M. Philippe Adnot. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je n’ai pu assister au début de cette discussion générale, parce que je votais le budget de mon département. Cela m’a permis de mesurer les effets de l’application du texte récemment adopté, et de constater qu’elle mène à une impasse budgétaire : alors que les ressources stagnent, les dépenses obligatoires ne cessent de croître.

Mme Dominique Voynet applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Adnot

Il vous faudra revenir sur ce sujet, monsieur le ministre, car une telle situation ne sera pas tenable deux ans.

Le vote du budget départemental a également mis en exergue le scandale du surfinancement des collectivités les plus riches, dont nos concitoyens ne manqueront pas de se rendre compte. Dans ces conditions, comment allez-vous pouvoir tenir jusqu’au rendez-vous fixé dans six mois ? Comment allez-vous pouvoir continuer à affirmer, comme vous l’avez fait ici avec beaucoup d’assurance, que la réforme fiscale accroîtra la compétitivité des entreprises et mettra fin aux délocalisations ? Renault n’a pas mis longtemps à vous contredire, monsieur le ministre !

Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Adnot

En ce qui concerne la création du conseiller territorial, elle constitue clairement un recul de la décentralisation. Le département et la région ne pourront plus qu’obéir aux prescriptions du Gouvernement, …

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Adnot

C’est là la négation de l’existence pleine et entière des collectivités locales. On ne connaît aucun autre exemple, nulle part ailleurs, de deux assemblées auxquelles on aurait imposé d’être constituées des mêmes élus ! C’est d’ailleurs extrêmement dangereux pour la diversité de la représentation et pour la pluralité de la réflexion. En outre, cela n’apportera nullement, selon moi, les résultats que vous attendez en termes de maîtrise de la dépense publique.

À ce propos, le Gouvernement continue d’affirmer qu’il y aurait 20 milliards d’euros de dépenses inutiles, mais je n’ai encore jamais entendu aucun de ses membres nous expliquer à quoi correspondent les premiers millions de ce gaspillage supposé. Les financements croisés, cela a déjà été dit, n’ont jamais entraîné de surfinancements.

Il y aura donc des assemblées régionales pléthoriques, puisque leur effectif va doubler, ce qui n’engendrera pas d’économies. En revanche, le nombre des membres des assemblées départementales diminuera d’un tiers. Or comme ce sont ces derniers qui assurent le travail de proximité, par exemple en siégeant au sein des conseils d’administration des collèges ou des maisons de retraite, leur effectif ne sera pas suffisant. Il s’agit vraiment là d’un recul de la démocratie.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC -SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Adnot

La réforme ne permettra pas de gains d’efficacité, pas plus qu’elle ne sera source d’économies. Elle conduira à une recentralisation et à une reprise en main par l’État : c’est un très mauvais coup porté aux collectivités territoriales !

Tout à l’heure, j’ai entendu dire que la création du conseiller territorial n’était pas négociable. Eh bien ma position ne l’est pas davantage, monsieur le ministre : si vous faites voter ce dispositif, je ne voterai plus aucun de vos textes !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Adnot

Ces mesures, auxquelles s’ajoute la suppression de la clause de compétence générale, amèneront la destruction des collectivités territoriales. Ce sont surtout les territoires les plus faibles, les plus périphériques, qui pâtiront de cette réforme. Les autres s’en tireront très bien ! On nous affirme que la clause de compétence générale est pratiquement maintenue dans les textes, mais elle est entourée d’une complète insécurité juridique : tout préfet pourra toujours s’opposer à sa mise en jeu, quoi que l’on nous dise à ce sujet.

M. le ministre de l’intérieur a prétendu l’autre jour, en plaisantant, que nous étions « anti-réformes ». C’est un peu facile, et surtout, c’est faux ! En effet, nous sommes capables de proposer des réformes.

Ainsi, vous avez affirmé, monsieur le ministre, que tout sera résolu si notre pays compte 2 000 élus de moins. Je vous propose, pour ma part, de diminuer de 10 % l’effectif de la totalité des assemblées, toutes strates confondues : cela ferait 52 000 élus de moins. Dans le même ordre d’idées, je suggère de réduire de 10 % le nombre des membres de chacun des exécutifs, ce qui ferait 15 000 élus de moins. C’est autre chose que la suppression de 2 000 conseillers généraux que vous proposez ! Pourquoi viser seulement les assemblées départementales ?

Par ailleurs, je propose que l’on conserve le mode de scrutin actuel pour les assemblées régionales, en les complétant par la désignation de quelques conseillers généraux à la proportionnelle. Cela permettra une concertation et un fonctionnement plus efficaces.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE et de l’Union centriste.

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

M. François-Noël Buffet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après ce que nous venons d’entendre, on peut se référer soit à Talleyrand, en disant comme lui que « tout ce qui est excessif est insignifiant »

Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC -SPG

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

, soit à Alain, selon lequel « le pessimisme est d’humeur ; l’optimisme est de volonté ». Vous avez brossé un tableau si noir de la situation, mon cher collègue, qu’il ne peut s’agir de votre part que du souhait d’aligner un certain nombre de bons mots…

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Beaucoup a déjà été dit sur cette réforme, dont de nombreux orateurs ont rappelé les objectifs : adapter notre organisation territoriale aux réalités du temps, optimiser l’usage de l’argent public, mutualiser au mieux les moyens des collectivités. Réduire le nombre d’élus n’est pas l’alpha et l’oméga de la réforme ; ce qui importe, c’est la volonté de rassembler les collectivités, de mutualiser leurs moyens et de rationaliser l’organisation, pour être au plus près des attentes de la population et des élus.

Le texte soumis aujourd'hui au Sénat résulte d’une importante concertation entre le Gouvernement, les associations d’élus, les forces vives de la nation, le Parlement et tous ceux qui ont bien voulu s’engager dans la réflexion.

Bien sûr, l’objet principal du texte est la création du conseiller territorial, ce nouvel élu qui siégera à la fois à l’échelon départemental et à l’échelon régional.

Bien sûr, le texte, et ce n’est pas le moindre de ses mérites, renforce la commune et l’intercommunalité. Il maintient pour cette cellule de base la clause de compétence générale, parce que les maires doivent avoir les moyens de conduire les politiques qu’il leur est demandé de mettre en œuvre.

Bien sûr, le texte contient des éléments nouveaux : la création des métropoles traduit la volonté de répondre au fait urbain, quarante ans après la création des communautés urbaines, décidée par le général de Gaulle. Ce fait urbain, par son poids économique et démographique, participe à l’équilibre de notre territoire national. La création de métropoles permettrait à un certain nombre de communautés urbaines de France de jouer dans la cour européenne, voire au-delà. Le projet de loi prévoit par ailleurs la mise en place de pôles métropolitains. À cet égard, j’ai entendu avec beaucoup d’intérêt M. Collombat les qualifier de « métropoles pour insuffisants démographiques »… Ceux des membres de son groupe qui soutiennent ce projet n’auront pas manqué d’apprécier !

Un double constat s’est imposé ces dernières années, au fil des différents rapports consacrés à l’organisation territoriale de la France : d’une part, cette dernière n’a pas suffisamment pris en compte la montée en puissance du fait urbain, qui réclame la mise en œuvre de politiques publiques très intégrées ; d’autre part, la compétition entre les grandes agglomérations, européennes ou internationales, n’a cessé de s’accentuer.

Il est donc aujourd’hui nécessaire de proposer un nouveau cadre de gouvernance, plus adapté que celui des actuelles communautés urbaines. La création du statut de métropole par les dispositions de l’article 5 du projet de loi répond à cet objectif.

Cette métropole sera un nouvel EPCI regroupant, sur la base du volontariat, plusieurs communes qui forment un ensemble de plus de 450 000 habitants, d’un seul tenant et sans enclaves. Elle sera constituée pour conduire un projet d’aménagement et de développement économique, écologique, éducatif et culturel de son territoire. Elle disposera à cet effet de compétences élargies en matière de développement économique, d’urbanisme, d’habitat, de transport et d’infrastructures, d’éducation, dont certaines par transfert des départements et des régions. Au-delà d’un socle obligatoire, elle pourra passer des conventions avec les autres collectivités territoriales et l’État pour exercer des compétences supplémentaires, nécessaires pour son développement et sa compétitivité. Les charges transférées par les communes sont compensées par le transfert à la métropole des principales recettes fiscales et de la DGF. De plus, l’évaluation des charges transférées est placée sous le contrôle d’une commission consultative.

Au-delà du statut de la métropole, qui ne concernera qu’un nombre limité de grandes agglomérations – cinq, peut-être six, au plus sept –, il est nécessaire de favoriser une coopération renforcée, à une plus large échelle, entre territoires urbains. C’est l’objet de l’article 7 du projet de loi, qui instaure les pôles métropolitains, présentés sous un jour si séduisant par M. Collombat… Ce dispositif est conçu comme un instrument souple, permettant la mise en œuvre d’une véritable politique d’aménagement du territoire.

Le pôle métropolitain est un établissement public constitué, sur une base volontaire, par des EPCI à fiscalité propre formant un ensemble de plus de 450 000 habitants, dont l’un des membres a une population supérieure à 200 000 habitants. Sa création, après accord entre les collectivités, est laissée à l’appréciation du préfet. Les pôles métropolitains obéissent au régime juridique des syndicats mixtes dits « fermés ».

Le travail de la commission des lois du Sénat a permis de préciser le champ d’intervention des pôles métropolitains en matière de développement économique, écologique, éducatif et universitaire, de promotion de l’innovation, d’aménagement de l’espace et de développement des infrastructures et des services de transport, ainsi que les modalités de représentation de leurs membres au sein de leur organe délibérant.

Il s’agit donc de développer un réseau de métropoles pour relever le défi de la mondialisation, dans un univers ouvert et compétitif, sans pour autant oublier les territoires ruraux, ainsi que la nécessité d’assurer un équilibre au sein de cette organisation générale, et même une grande cohérence, les uns ne pouvant pas vivre sans les autres. Par conséquent, il s’agit non pas d’opposer les territoires, mais de les rendre complémentaires.

La deuxième avancée considérable du présent projet de loi concerne la rationalisation de l’intercommunalité.

Historiquement, l’intercommunalité a constitué la réponse originale de la France à son émiettement communal à la suite de l’échec du mouvement de fusion des communes dans les années soixante-dix. Elle n’a cessé de se développer, particulièrement depuis la loi du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale. Désormais, la majeure partie du territoire national est couverte par des structures intercommunales. Cela nous a permis, à nous élus, d’apprendre à travailler en commun, en dépassant le cadre, devenu souvent trop étroit, de la commune, afin de nous inscrire dans une perspective de solidarité territoriale. Nous avons tous en tête des exemples d’élus qui, d’abord réservés, ont finalement compris l’intérêt d’une telle démarche.

Il est maintenant essentiel de conforter l’acquis de l’intercommunalité en franchissant une nouvelle étape. En la matière, le Gouvernement se fixe donc trois objectifs : la couverture intercommunale intégrale du territoire français à l’horizon du début de l’année 2014, la rationalisation des périmètres des structures intercommunales à la même échéance et l’approfondissement de l’intercommunalité à travers la rénovation de son cadre juridique.

Les préfets seront chargés d’élaborer avant la fin de l’année 2011, au terme d’une large concertation avec l’ensemble des conseils municipaux des communes et des organes délibérants des EPCI et des syndicats concernés, un schéma départemental de coopération intercommunale, qui sera soumis à la commission départementale de la coopération intercommunale. S’ouvrira ensuite une période de deux années, 2012 et 2013, durant laquelle les préfets seront dotés de pouvoirs temporaires destinés à faciliter la déclinaison du schéma, qui devra être achevée au 1er janvier 2014.

Un tel travail d’élaboration et de déclinaison d’un schéma partagé avec les élus englobera évidemment le chantier de la rationalisation des multiples structures intercommunales – syndicats et EPCI –, dont les périmètres ou les compétences se chevauchent encore trop souvent.

Enfin, plusieurs mesures permanentes, distinctes du dispositif temporaire d’achèvement et de rationalisation de la carte intercommunale, permettront d’approfondir l’intercommunalité.

Le présent projet de loi a suscité beaucoup d’inquiétudes. Fallait-il supprimer tel ou tel échelon, le remplacer par un autre ? En tout cas, le Gouvernement semble ouvert à la discussion sur la question du mode d’élection des nouveaux conseillers territoriaux. Ce qui est certain, c’est que nous ne pouvions plus rester sans rien faire !

Certes, il aurait été possible d’aller plus loin et d’avoir encore plus d’ambition, notamment s’agissant des métropoles. Mais il est aussi un principe de réalité : il faut que les objectifs de ce texte puissent être largement partagés. Le projet de loi qui nous est soumis aujourd'hui répond bien à cette exigence.

Oui, ce texte est fondamental pour moderniser l’organisation territoriale de notre pays ! Il a sans doute un caractère historique, et s’inscrit dans la droite ligne d’un processus engagé par François Mitterrand, poursuivi par le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin et porté par le Président Sarkozy. Il permettra de renforcer la décentralisation et les libertés locales en France : c'est la raison pour laquelle je le voterai.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Krattinger

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi est-il véritablement à la hauteur des ambitions affichées ? Répondra-t-il aux attentes de nos concitoyens et des élus ? Au départ, les mots clés du vocabulaire gouvernemental et présidentiel étaient « simplification », « lisibilité », « économie », « réduction du millefeuille »… Or ces termes ne trouvent guère d’écho dans le texte qui nous est soumis. Il s’agissait de faire le ménage dans les compétences, de supprimer les doublons, de raccourcir les procédures : ces objectifs seront-ils atteints ?

Telles sont les questions que nous pouvons aujourd'hui légitimement nous poser.

Monsieur le ministre, essayons d’imaginer ce qu’aurait pu être un projet de loi un peu « gonflé », puisque celui-ci est en train de se dégonfler…

Sourires sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Krattinger

Comme on me l’a dit dans une réunion départementale : « Quand on veut faire le ménage, il faut commencer par le haut. » Or, dans l’escalier institutionnel, le haut, c’est l’État ! Commençons donc par lui.

Une telle réforme constituait une occasion formidable de supprimer enfin les interventions des services déconcentrés de l’État dans les compétences transférées aux collectivités.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Krattinger

Par ailleurs, nous attendions l’attribution d’une partie du pouvoir réglementaire aux régions et aux départements dans les domaines de compétence qui leur ont été transférés. Prenons l’exemple de l’accessibilité des transports aux personnes handicapées : les mêmes dispositions doivent-elles continuer à s’appliquer à l’intérieur du périphérique parisien et dans mon département, la Haute-Saône, peuplé de 230 000 habitants ? Je ne le crois pas. Il me semble nécessaire d’adapter la réglementation aux territoires, ce que vous refusez toujours de faire, au nom d’un principe centralisateur. Selon vous, la France n’a pas le droit d’évoluer, pourtant elle le voudrait ! C’est vous qui l’en empêchez !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Krattinger

Ce projet de loi représentait également une occasion de refonder les relations financières entre l’État et les collectivités territoriales. Les parlementaires de la majorité ont beau faire preuve de beaucoup de talent – je le reconnais bien volontiers – lorsqu’ils essaient d’expliquer les nouveautés de la fiscalité locale aux élus locaux et aux citoyens, personne n’y comprend rien !

Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Krattinger

Par conséquent, une clarification et une réécriture des principes régissant les relations financières entre l’État et les collectivités territoriales s’imposent, mais le projet de loi est muet sur cette question fondamentale.

Nous attendons en outre de l’État qu’il assume clairement ses compétences en matière d’infrastructures. Depuis quelques années, comme on a pu le voir avec la réalisation du TGV-Est, les régions, les départements, les agglomérations sont mis à contribution pour financer les infrastructures de niveau national, qu’il s’agisse du rail ou de la route. Il en va de même en matière de haut débit ou de téléphonie. Au demeurant, monsieur le ministre, vous connaissez très bien ces sujets, pour avoir vous-même, en tant que responsable d’un exécutif local, abondé abondamment

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Krattinger

Sur l’escalier institutionnel, quelques marches plus bas que l’État, on trouve les régions.

Les propos tenus tout à l’heure par M. Hortefeux m’ont vivement déçu. Comparées aux régions des autres grands pays européens, les nôtres apparaissent comme des naines, notamment en matière financière.

M. Jean-Pierre Sueur applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Krattinger

M. Yves Krattinger. Nos régions, et c’est là leur vraie spécificité, n’ont ni compétences ni budget ! C’est « rétréci de chez rétréci » !

Sourires sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Krattinger

Les régions devraient être confortées dans leur mission stratégique, qui consiste à préparer l’avenir en renforçant la compétitivité des territoires, en les rendant plus accessibles et en formant les hommes. En d’autres termes, il faut tirer les régions vers le haut. Est-ce vraiment votre intention alors que vous entendez créer la confusion des compétences avec l’échelon départemental ? Nous n’en sommes absolument pas convaincus ! Alors que les régions devraient s’occuper de recherche, d’enseignement supérieur, d’innovation, d’aide aux entreprises et d’accompagnement économique, vous prévoyez qu’elles fassent doublon avec les départements dans le domaine social. Ce n’est pas raisonnable !

Nous devrions aussi attribuer de manière ferme et définitive aux régions la distribution des fonds européens.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Krattinger

Nous attendons que les régions disposent d’un véritable droit à l’expérimentation. Par exemple, il faudrait transférer à titre expérimental la compétence en matière d’emploi à deux ou trois régions. Un tel transfert paraît logique dans la mesure où les régions exercent déjà des compétences en matière de développement économique ou de formation professionnelle et technologique. Vous devriez ouvrir ce champ d’expérimentation.

Nous demandons aussi un élargissement du socle des compétences obligatoires des régions, en vue d’améliorer la lisibilité et l’efficacité de leur action. Nous proposons de renforcer leur rôle de chef de file en termes de développement économique et pour un certain nombre de compétences partagées. Nous appelons de nos vœux la création d’un guichet et d’un interlocuteur uniques pour l’instruction des dossiers. Il s’agit de supprimer non pas les financements, qui seront toujours nécessaires, mais les doublons en matière d’instruction. Or le premier à doublonner, c’est l’État !

En outre, nous devrions achever aujourd'hui le transfert des personnels techniciens, ouvriers et de services, les TOS, par celui des intendants des collèges et des lycées. Les collectivités territoriales fournissent les budgets et les agents, mais l’État continue de contrôler la chaîne hiérarchique. C’est incohérent ! Aucune entreprise privée ne tolérerait de telles bêtises !

En continuant à descendre l’escalier institutionnel, on trouve, au rez-de-chaussée, d’un côté les départements, de l’autre les régions. C’est l’échelon de la proximité.

Chacun s’accorde à reconnaître que le département est l’acteur des solidarités sociales. Nous pensons qu’il fallait conforter ce bloc en permettant aux départements d’élaborer des schémas prescriptifs dans le domaine médicosocial avec les agences régionales de santé, les ARS. Dans cette optique, nous estimons également qu’il serait cohérent de leur transférer le versement de l’allocation pour adulte handicapé et le financement des établissements et services d’aide par le travail. Mais vous le refusez…

Nous voulons par ailleurs que les départements soient confortés dans leur mission de fournir les conseils juridiques et techniques nécessaires aux collectivités infra-départementales, en particulier dans les zones rurales. Notre collègue Edmond Hervé l’a abondamment souligné. Nous étions tous d'accord sur ce point au sein de la mission. Mais aujourd’hui, tout cela a été oublié !

Nous avions également proposé, monsieur le ministre, un redécoupage des cantons, avec pour première préoccupation de réduire, dans chaque département, l’écart de population entre les plus petits et les plus grands d’entre eux. Ce redécoupage serait aussi l’occasion d’adapter le nombre de cantons en fonction de l’évolution démographique du département, ce nombre devant dans certains cas diminuer de façon sensible, dans d’autres augmenter.

Aucune de ces attentes n’a trouvé un écho dans vos propositions, les communes étant les seules collectivités considérées au travers du texte.

Les 36 000 communes que compte notre pays, nées de la Révolution, sont un symbole de liberté. Ce nombre pléthorique a donné lieu à un foisonnement de formes de coopération : syndicats intercommunaux à vocation unique, syndicats intercommunaux à vocation multiple, syndicats mixtes, syndicats d’agglomération nouvelle, communautés de communes, communautés d’agglomération, communautés urbaines, pays. Vous aviez annoncé un grand ménage, et nous vous voyions déjà arriver avec votre balai !

Sourires sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Krattinger

Il s’agissait d’organiser, de simplifier et de clarifier cette coopération, mais le projet de loi, en dépit de louables efforts, ne fait qu’accroître la confusion : on crée les métropoles, les pôles métropolitains et les communes nouvelles, sans supprimer aucune des structures existantes… Peut-être eût-il été préférable, monsieur le ministre, de suivre certaines de nos recommandations.

Nous l’avons dit, et nous n’allons pas renier notre parole : nous sommes d’accord pour la création de sept ou huit métropoles destinées à émerger dans l’espace européen et à rivaliser avec Munich, Glasgow, Milan, Barcelone. Vous connaissez ce dossier par cœur, monsieur le ministre, vous qui vivez dans une de ces agglomérations. Nous attendions que la loi fixe les critères d’accès au statut de métropole et de délimitation du territoire métropolitain. Ces critères auraient pu être l’existence d’un aéroport international, de connexions TGV, d’un ensemble suffisant d’universités et d’écoles d’ingénieurs, de centres de recherche médicale et technologique, etc. Tout cela figure dans les conclusions de la commission présidée par M. Belot. Il aurait fallu en outre confier aux métropoles des compétences stratégiques, par exemple en matière d’enseignement supérieur et de recherche, mais vous vous y êtes refusé, préférant ratisser à leur profit, ou plutôt mettre à leur charge, des compétences de proximité de niveau communal ou départemental. Ce n’est pas en œuvrant dans ce registre qu’elles émergeront dans l’espace européen ! Je crains que vous ne vous soyez trompé de moyen pour atteindre un objectif qui était louable.

Plutôt que l’ajout de nouvelles structures, nous attendions une harmonisation et un statut unique de la coopération intercommunale. Nous attendions la fixation d’échéances plus rapprochées en ce qui concerne l’achèvement et la rationalisation de l’intercommunalité. Nous attendions une ambition forte en termes de réduction du nombre de syndicats intercommunaux, or vous osez à peine en parler. Nous attendions de nouveaux transferts de compétences aux communautés pour élargir le socle commun.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Krattinger

M. Yves Krattinger. La montagne accouche d’un élu hybride : le conseiller territorial. Son rôle est tellement mal compris sur le terrain, il est tellement critiqué, il sera tellement mal élu, il engendrera tellement de confusion et suscitera tant de jeux byzantins au sein des assemblées régionales que je ne m’acharnerai pas sur lui, monsieur le ministre : on lui « fera la peau » dans les territoires !

Rires sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Krattinger

Nous sommes nombreux ici à partager cette opinion, y compris dans les rangs de la majorité, où certains tiennent un autre langage sur le terrain que dans cet hémicycle !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Protestations sur les travées de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Krattinger

M. Yves Krattinger. Monsieur le ministre, je suis profondément déçu par l’absence de fond et de corps de votre projet de loi !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

M. le président. Mes chers collègues, je vous demande de bien vouloir respecter les temps de parole impartis, faute de quoi certains orateurs inscrits, appartenant notamment au groupe socialiste, ne pourront pas s’exprimer.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

M. Krattinger a dépassé de près de six minutes son temps de parole. Je me suis montré tolérant parce qu’il a été rapporteur de la mission présidée par M. Belot, mais cela ne va pas sans poser problème pour l’organisation de nos débats !

La parole est à M. Dominique Braye.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Braye

M. Dominique Braye. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je veux d’abord féliciter le Gouvernement pour son courage d’engager une réforme dont je partage la philosophie et que je soutiendrai sans réserve, à condition qu’un certain nombre de points concernant nos communes et l’intercommunalité soient modifiés.

Ah ! sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Braye

Je tiens à saluer le travail de nos collègues Jean-Jacques Hyest, Jean-Patrick Courtois et Charles Guené, respectivement président de la commission des lois, rapporteur au fond et rapporteur pour avis du présent projet de loi. Je connais suffisamment leur sens de l’ouverture et de l’intérêt général pour être persuadé qu’ils accueilleront avec une très grande bienveillance les propositions constructives qui leur seront faites au cours de nos débats.

Le mouvement intercommunal, monsieur le ministre, dont je suis un praticien et un représentant en tant que secrétaire national de l’Assemblée des communautés de France, attendait depuis de nombreuses années des améliorations de son cadre législatif.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Braye

L’émergence d’un pôle commune-intercommunalité, l’amélioration de certaines règles de fonctionnement des communautés et l’achèvement de la carte intercommunale sont aujourd’hui une impérieuse nécessité, à laquelle répond le texte qui nous est soumis.

La remarquable progression du fait intercommunal qu’a connue notre pays au cours des deux dernières décennies a souvent été qualifiée, et ce matin encore par M. le ministre de l’intérieur, de « révolution silencieuse ».

Grâce à la loi Chevènement du 12 juillet 1999, notre pays s’est doté des moyens d’une rationalisation et d’une modernisation des intercommunalités existantes, ainsi que de puissantes incitations à la création de nouvelles communautés.

Le succès de ce mouvement est incontestable, puisque aujourd’hui plus de 93 % des communes et plus de 87 % de la population nationale vivent sous le régime de l’intercommunalité, au sein de 2 601 communautés, qu’elles soient des communautés de communes, des communautés d’agglomération ou des communautés urbaines.

Si ce mouvement de regroupement intercommunal a rencontré un tel succès, c’est qu’il constitue un puissant outil d’optimisation du fonctionnement de nos communes, de développement de nos territoires et même, pour certaines communes, de survie.

Cette réussite, bâtie sur la libre adhésion et l’incitation, rencontre toutefois aujourd’hui ses limites, puisque, ici et là, subsistent des réticences et des résistances, souvent mal fondées, qui empêchent l’achèvement de la couverture intercommunale de notre pays, et donc l’émergence d’une meilleure gouvernance.

Le recours à la contrainte ne devant être que l’ultima ratio de notre République, le projet de loi qui nous est soumis entend laisser encore un certain temps à ces retardataires pour rejoindre le mouvement intercommunal.

Il convient donc d’achever dans un délai raisonnable la carte de l’intercommunalité, mais en conservant impérativement ce qui a fait son succès et sa force, c’est-à-dire le respect de toutes les communes dans leur identité et leur diversité, …

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Braye

… la capacité pour les élus de chaque commune de faire entendre leur voix et l’élaboration d’un projet commun sur un périmètre pertinent, celui du bassin de vie quotidienne.

Or le texte du projet de loi, tel qu’il nous est présenté, comporte certaines dispositions contraires à cet esprit, monsieur le ministre. Il nous faudra donc impérativement revenir sur celles-ci, les deux principales portant sur la date d’achèvement de la carte intercommunale et, surtout, sur le mode de répartition des sièges entre communes au sein des assemblées communautaires.

En ce qui concerne la date d’achèvement de la couverture intercommunale de notre pays, je considère que l’échéance proposée par le Gouvernement, à savoir le 31 décembre 2013, n’est pas la meilleure, en raison de sa trop grande proximité avec les élections municipales de 2014. Un délai d’à peine trois mois entre l’achèvement de la carte intercommunale et les élections municipales ne permettra pas aux élus, mais surtout aux habitants des communes concernées, de percevoir les apports bénéfiques de ce changement ou de voir leurs craintes apaisées. Monsieur le ministre, nous prendrions le risque de voir les renouvellements municipaux de 2014 se dérouler dans les pires conditions dans certaines communes, favorisant le recours à la démagogie et aux contre-vérités, aux dépens du débat de fond et de la raison. C’est pourquoi, en phase avec l’Association des maires de France, l’AMF, l’Assemblée des communautés de France et la mission Belot, il me paraît important d’avancer d’un an cette date, au 31 décembre 2012. Seuls Paris et ses trois départements limitrophes me semblent devoir bénéficier ultérieurement de dispositions particulières méritant un examen très attentif, que le moment n’est pas venu d’aborder aujourd'hui.

Il nous faudra, par voie de conséquence, avancer de six mois la date de la fin de l’élaboration des schémas départementaux de coopération intercommunale, ce qui permettra d’ailleurs une plus grande sérénité, liée à une échéance plus éloignée de la date des élections municipales.

J’en viens maintenant à ce qui me paraît être le point capital de la partie du texte concernant le couple commune-intercommunalité, à savoir les modes de répartition des sièges entre communes au sein des assemblées communautaires.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, si ce point est à mes yeux tellement important, c’est qu’il y va de la vie, voire de la survie, de dizaines de milliers de petites et moyennes communes.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Braye

Vous comprendrez donc aisément que cette question conditionne mon approbation à ce projet de loi : en tant que sénateur, je suis un représentant des collectivités territoriales. Je tiens d’ailleurs à préciser, monsieur le ministre, que je ne m’exprime pas seulement à titre personnel, mais aussi au nom de l’Assemblée de communautés de France, qui regroupe 1 100 EPCI et plus de 35 millions d’habitants !

Le texte initial du Gouvernement était à cet égard insatisfaisant, et je salue la position de la commission des lois et de son rapporteur, Jean-Patrick Courtois, qui ne l’ont pratiquement pas modifié, souhaitant que le débat sur ce point essentiel soit tranché en séance publique.

Il en résulte donc que, sur le problème de la représentation des communes au sein des conseils communautaires, le texte sur lequel nous devrons débattre n’est pas plus le texte initial du Gouvernement que celui de la commission ; c’est celui qui sera présenté par deux de nos collègues, Gérard Collomb et Pierre Hérisson, au travers de deux amendements identiques.

Mes chers collègues, ces amendements sont techniques et compliqués. C’est pourquoi je les ai fait analyser. J’ai en outre demandé à l’Assemblée des communautés de France de procéder à des simulations sur de nombreuses intercommunalités. Ces amendements marquent incontestablement un progrès, mais le compte est loin d’y être : le risque est toujours présent de voir des dizaines de milliers de petites et moyennes communes mises sous la coupe de communes un peu plus peuplées.

La seule question, mes chers collègues, est de savoir ce que nous voulons.

Voulons-nous que, dans une intercommunalité de trente à quarante communes comportant une ville-centre, cette dernière puisse, en s’alliant à deux ou trois petites communes périphériques, imposer sa volonté à toutes les autres ?

Voulons-nous que, dans de très nombreuses intercommunalités, des communes de 200 et de 7 000 habitants aient la même représentation ?

La Haute Assemblée, chargée constitutionnellement de représenter toutes les collectivités locales, a-t-elle le droit de sacrifier ainsi des dizaines de milliers de petites et moyennes communes sur l’autel du seul critère de la démographie ?

La Haute Assemblée a-t-elle le droit d’opposer à ce point population et territoire, dont on a toujours dit, dans cet hémicycle, qu’ils étaient complémentaires et que nous devions les concilier ?

La Haute Assemblée pense-t-elle que nos compatriotes et leurs élus, si attachés à leurs communes, lui pardonneront de les sacrifier de la sorte ?

À ces cinq questions, mes chers collègues, je crois que nous pouvons tous répondre par la négative ! Or le danger que j’évoque n’est pas écarté par les amendements Collomb et Hérisson. C’est pourquoi, sans remettre en cause leur équilibre et leur économie, je présenterai des sous-amendements tendant à les améliorer.

Mes chers collègues, s’il paraît tout à fait anormal qu’au sein d’un conseil communautaire une commune ayant beaucoup plus d’habitants qu’une autre bénéficie de la même représentation, il est tout aussi anormal que le critère démographique devienne la seule clef de répartition des sièges.

L’intercommunalité n’est pas qu’une addition de populations – combien de fois l’avons-nous dit dans cette assemblée ! –, mais le regroupement de territoires communaux ayant chacun un long passé et une existence propre. Nous aurons le temps de nous en expliquer, monsieur le rapporteur.

Il nous faut donc impérativement trouver cet équilibre subtil entre territoire et population, et c’est certainement nous, sénateurs, qui sommes les mieux placés pour y parvenir. C’est d’ailleurs bien en raison de notre compétence et de notre connaissance des territoires que la Constitution a confié à notre assemblée la responsabilité d’examiner la première les projets de loi relatifs à l’organisation des collectivités territoriales.

Notre responsabilité, mes chers collègues, est lourde, et nous avons le devoir de ne pas voter des dispositions sans les avoir évaluées, même si elles paraissent complexes, comme c’est le cas aujourd’hui, je le reconnais bien volontiers.

S’il existe dans notre Haute Assemblée des adeptes du seul critère démographique, ceux-ci peuvent être pleinement satisfaits par d’autres articles du présent projet de loi, qui se réfèrent au principe « un homme, une voix », comme c’est le cas pour la création des communes nouvelles, monsieur le ministre. Mais attention : les communes nouvelles ne relèvent pas de l’intercommunalité ; au contraire, leur création signe la disparition de celle-ci.

Il nous faut donc être clairs dans la définition de nos objectifs : soit nous croyons, à l’instar de notre président Gérard Larcher, que le maire est, avec le Président de la République, le responsable public le plus plébiscité par les Français et que la commune est l’échelon institutionnel auquel nos compatriotes sont le plus attachés – combien de fois avons-nous dit, dans cet hémicycle, que la commune était à la démocratie ce que la cellule est au corps humain, et qu’elle devait être préservée coûte que coûte ! –, soit nous estimons, au contraire, que cet échelon est complètement dépassé.

Dans le premier cas, il ne saurait être question d’affaiblir nos communes, et encore moins de concentrer tout le pouvoir local entre les mains des élus des plus peuplées d’entre elles.

Dans le second cas, n’hésitons pas à faire disparaître toutes nos petites et moyennes communes, mais alors sans nous revendiquer comme des partisans de l’intercommunalité, qui s’inspire d’une philosophie exactement inverse !

Mes chers collègues, ne dévoyons pas l’esprit intercommunal. L’intercommunalité, ce n’est pas l’emprise d’une grosse commune sur des communes moins peuplées, c’est la recherche d’un consensus fort entre communes différentes mais complémentaires, en vue de la réalisation d’un projet de territoire ambitieux et audacieux ! Dans nos intercommunalités, ne reléguons pas les élus des petites et moyennes communes sur des strapontins, depuis lesquels ils regarderaient passer les trains sans pouvoir le moins du monde en changer la direction. C’est dans cet esprit que je défendrai un sous-amendement crucial, tendant à imposer, en cas d’échec de l’accord local pour la répartition des sièges communautaires, qu’un pourcentage maximal de 25 % des sièges puisse être redistribué aux petites et moyennes communes les moins bien pourvues, pour rééquilibrer leur représentation face aux communes les plus peuplées.

Permettez-moi enfin de regretter que la commission des lois ait supprimé un certain nombre de dispositions présentées par le Gouvernement, qui allégeaient et assouplissaient grandement le fonctionnement des communautés, leur conférant ainsi plus de dynamisme et d’efficacité. Nous aurons l’occasion d’en reparler au cours du débat.

Mes chers collègues, l’intercommunalité s’est toujours épanouie dans le dialogue, le débat et la conviction, en aucun cas dans l’obligation et la contrainte. Ne changeons pas ces règles qui ont fait le succès et la force de l’intercommunalité ! Laissons nos communes vivre une intercommunalité de liberté, de souplesse et de solidarité, ne bâtissons pas une intercommunalité de domination, de rigidité et de contrainte, sinon les petites et moyennes communes s’organiseront pour se défendre contre les plus grosses et nous provoquerons la paralysie de nos territoires !

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP, ainsi que sur certaines travées de l’Union centriste et du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Voynet

« Soit on réforme, soit on ne réforme pas ! »

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Voynet

C’est par ces mots prometteurs que le Président de la République avait tenté, en présentant ses vœux aux parlementaires pour l’année 2009, de répondre aux inquiétudes suscitées, y compris au sein de sa majorité, par la frénésie législative qui semblait s’être emparée de lui.

Nous pouvons témoigner que Nicolas Sarkozy a tenu ses promesses en 2009 ! Ceux qui, parmi vous, espéraient que la loi serait élaborée minutieusement, avec sagesse et prudence, en sont encore pour leurs frais. Ceux qui n’avaient jamais imaginé que le Conseil constitutionnel, gardien de notre loi fondamentale, garantie de la démocratie et de l’État de droit, puisse être si ouvertement contesté, accusé de nuire aux ambitions « court-termistes » de ce régime, en perdent aujourd’hui leur latin. Silence, on réforme ! Procédure accélérée et vote conforme : telle est la méthode généralement employée.

Je l’admets, concernant le projet de réforme territoriale que nous examinons aujourd’hui, la recette est sensiblement différente, mais la saveur n’en reste pas moins familière : il est ici une nouvelle fois question de concentration des pouvoirs entre les mains de l’exécutif et d’affaiblissement de tout ce qui s’apparente, de près ou de loin, à un contre-pouvoir.

La nécessité d’améliorer l’organisation territoriale de la France fait pourtant l’objet d’un assez large consensus : rendre son cadre institutionnel plus lisible pour les citoyens est un enjeu démocratique majeur. C’est pourquoi personne dans cet hémicycle, me semble-t-il, n’est attaché au statu quo. La clarification de la répartition des compétences, de plus en plus nombreuses, assumées par les collectivités, la réaffirmation de leur autonomie financière – pourtant déjà inscrite dans la Constitution –, la simplification des circuits de décision : autant de pistes pour perfectionner l’architecture territoriale de notre pays.

En dépit des grands discours annonçant une véritable révolution territoriale, malgré la réunion d’un comité réunissant des compétences reconnues, ce projet de loi apparaît, en premier lieu, extrêmement décevant. Loin de simplifier le fameux millefeuille français, tant décrié, il le rend encore plus complexe !

Monsieur le ministre, je vous mets au défi d’expliquer de manière compréhensible aux citoyens la différence entre les métropoles, les pôles métropolitains, les communautés urbaines, les communautés d’agglomération et les simples communautés de communes ! Pourriez-vous préciser quelle simplification vous percevez dans le fait qu’un certain nombre de compétences, relevant jusqu’ici des conseils généraux, pourraient désormais être confiées aux métropoles ? Le projet de loi prévoit que, dans les départements comprenant une métropole, les conseils généraux exerceront des compétences différentes dans les territoires compris dans la métropole et dans le reste du département ! Pis encore : deux départements limitrophes n’auront pas les mêmes compétences selon qu’ils accueilleront ou non une métropole !

Par ailleurs, ce projet de loi entend faciliter les fusions de régions et de départements. Mais, concernant les départements, quel résultat pensez-vous donc obtenir, sinon la constitution de départements plus vastes, perdant en quelque sorte la proximité qui faisait jusqu’ici la pertinence de cet échelon en matière sociale, sans pour autant consolider leurs compétences ? Des compétences égales, voire diminuées s’ils accueillent une métropole, exercées sur des territoires plus étendus : est-ce là une amélioration ?

Bien sûr, ce texte prévoit l’élection des délégués communautaires au suffrage universel direct : il était temps ! C’était devenu une urgence démocratique compte tenu de la place qu’occupent à présent les intercommunalités dans le paysage local. Plus de la moitié des articles de ce projet de loi sont par ailleurs consacrés à l’achèvement de la carte de l’intercommunalité, qui constitue, en soi, une bonne chose. Mais dans la mesure où 93, 1 % des villes françaises – ce chiffre figure dans votre rapport, monsieur Courtois – sont déjà impliquées dans une coopération intercommunale au 1er janvier 2009, vous conviendrez, monsieur le ministre, qu’il ne s’agit pas là d’une avancée si extraordinaire !

J’ajoute que si les regroupements de communes et la constitution d’intercommunalités doivent effectivement être encouragés, nous sommes quelque peu préoccupés à l’idée que les ordonnateurs en la matière, c’est-à-dire les préfets, puissent négliger le principe constitutionnel de libre administration des collectivités locales. Nous restons vigilants sur ce point. N’y voyez pas une quelconque marque de défiance à l’égard des préfets, monsieur le ministre, mais comme un certain nombre d’entre eux dirigent également les cabinets de membres du Gouvernement, comprenez que nous souhaitions nous assurer que des considérations politiques, voire politiciennes, ne polluent pas exagérément ce processus.

En résumé, ce texte, pourtant intitulé « projet de loi de réforme territoriale », ne répond aucunement aux objectifs annoncés. Il ne simplifie pas l’organisation territoriale de la France et reporte à un projet de loi ultérieur l’examen de la question de la répartition des compétences. La juxtaposition des différentes mesures de ce projet de loi dresse en outre un tableau pour le moins flou de l’organisation territoriale de demain. Je prendrai un simple exemple à cet égard : le Gouvernement avait annoncé vouloir renforcer les régions françaises pour qu’elles puissent supporter la comparaison à l’échelle de l’Europe ; pourtant, ce projet de loi menace doublement les régions, d’abord parce qu’il prévoit de supprimer leur clause générale de compétence, réduisant d’autant leur capacité motrice, ensuite parce qu’il institue des conseillers territoriaux siégeant à la fois dans les conseils régionaux et dans les conseils généraux. Ces conseillers, élus au sein de leurs départements respectifs, pourraient bien être tentés d’adopter une vision des problèmes centrée sur les intérêts du département dont ils sont issus, aux dépens de considérations et d’enjeux régionaux plus globaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Voynet

Dans ces conditions, monsieur le ministre, quelle logique cohérente a bien pu présider à l’élaboration de ce texte ? Vous donnez l’impression de ne pas savoir quoi faire du département, mais vous le placez dans le même temps en position de sursis. Ceux qui faisaient mine de vous croire quand vous prétendiez ne pas vouloir étrangler financièrement les collectivités territoriales en réformant la fiscalité locale pourraient bien finir par ouvrir les yeux !

Alors, à quoi peut donc bien servir ce projet de loi ? L’essentiel semble dit en quelques mots dès l’article 1er : s’il consacre effectivement l’avènement des conseillers territoriaux après qu’un premier texte, en décembre dernier, eut annoncé leur création en 2014, le plus important, c’est-à-dire le mode de scrutin pour l’élection de ces nouveaux conseillers et les compétences qu’ils exerceront, est encore reporté à un futur projet de loi. Cette méthode a un nom : le teasing. Habilement organisé, ce teasing législatif nuit évidemment au fonctionnement démocratique de nos institutions. Je me permets de vous le rappeler, monsieur le ministre : les parlementaires sont censés connaître la loi qu’ils ont à voter, et les citoyens pouvoir la comprendre !

Néanmoins, nous sommes avertis : pour l’élection de 80 % des futurs conseillers territoriaux, c’est un scrutin uninominal à un tour qui reste prévu. On en discute encore, semble-t-il, en haut lieu, mais la logique est claire : il s’agit de reprendre le pouvoir qui échappe à l’UMP au sein des collectivités territoriales, en espérant remporter la mise avec une majorité relative de 30 % à 35 % des suffrages seulement au premier et unique tour de scrutin. Tel est le grand dessein de la réforme concoctée par le Président de la République !

Dérogeant ainsi aux principes démocratiques qui ont jusqu’ici prévalu, le projet de loi s’expose à un possible rappel à l’ordre constitutionnel. Peu importe : chantre d’une rupture qui conduit de toutes parts au délitement de la cohésion nationale, le Président de la République n’en est plus à une fracture près… Après l’audiovisuel public, l’hôpital, le projet recentralisateur du Grand Paris, dont l’examen a été prudemment reporté après les élections régionales, et en attendant une réforme de la justice qui suscite de nombreuses et légitimes inquiétudes pour l’indépendance de celle-ci, il fallait remettre la main, coûte que coûte, sur les pouvoirs locaux.

Que n’avons-nous pas entendu pour justifier cette entreprise ! Les élus locaux seraient trop nombreux, ils seraient de mauvais gestionnaires, se complaisant dans une gabegie dispendieuse. Ils sont devenus, dans la bouche du chef de l’État, la cause de tous les maux. Cette vision erronée ignore évidemment les mises en garde de la Cour des comptes, qui a récemment expliqué que, au-delà des déficits abyssaux qui caractérisent la conduite de la France par le gouvernement actuel, lorsque les collectivités territoriales se voyaient transférer des compétences jusque-là assumées par l’État, induisant le recrutement de personnels, sans pour autant percevoir les dotations financières correspondantes, l’administration centrale de l’État omettait d’ajuster ses propres effectifs. Par conséquent, on peut craindre que la vindicte présidentielle ne relève avant tout d’une posture tacticienne, étrangère à l’intérêt général.

J’en veux pour preuve qu’il fut une époque où Nicolas Sarkozy semblait voir dans les collectivités territoriales plus une opportunité qu’une menace pour la France. N’a-t-il pas lui-même écrit ces mots, dans un ouvrage publié en 2001 : « Une nation moderne est une nation qui revendique la décentralisation. Un État moderne est celui qui organisera son efficacité en reconnaissant qu’il lui est impossible de tout régenter, diriger, organiser. »

En conclusion de mon intervention, face aux visées jacobines et claniques qui semblent sous-tendre ce projet de loi, j’en appelle au sursaut républicain de l’ensemble des membres de cette assemblée, puisqu’ils représentent les collectivités territoriales, mises à mal par ce projet de loi.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Doligé

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l’instar de M. Adnot, j’ai fait voter, voilà un mois et demi, le budget de mon département. Ce fut dur, mais j’y suis parvenu sans avoir augmenté les impôts et en maintenant toutes nos politiques. Je suis très heureux de mener cette action à la tête de mon conseil général, en dépit des difficultés.

Nous nous trouvons actuellement au beau milieu d’une révolution bien engagée, celle de la réforme des collectivités territoriales. Le processus s’annonce long, et il nous reste plusieurs étapes à franchir. La réflexion de fond a débuté dès 2008, au travers de la constitution de multiples groupes de travail, et débouché sur l’élaboration de rapports et de propositions intéressantes, que M. Hortefeux a cités cet après-midi. La littérature sur le sujet est donc déjà fort abondante.

Les grandes étapes sont la suppression de la taxe professionnelle, la réforme de l’organisation territoriale, la définition du mode de scrutin, la répartition des compétences, la révision des bases : tout cela devrait probablement nous occuper jusqu’en 2011.

Fallait-il se lancer dans l’aventure ? Le monde change, les entreprises changent, l’État change : que doit-on faire à l’échelon de nos collectivités, fort dépendantes de leur environnement économique et social ? Doivent-elles vivre dans une bulle ? Doivent-elles évoluer ?

La réponse apportée à ces questions permet de distinguer deux écoles, deux chapelles : celle des passifs, qui proposent de ne rien faire, et celle des actifs, qui entendent faire bouger les choses. La majorité a très clairement choisi le camp des seconds !

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Doligé

Alors que l’on se plaît à prôner la recherche, l’innovation, et donc l’évolution, certains souhaiteraient néanmoins que rien ne change et que le statut de nos collectivités demeure figé ou presque. S’ils sont prêts à accepter quelques réformettes, ils refusent la réforme.

Fort heureusement, le Président de la République et le Gouvernement osent proposer de vraies réformes ! Chacun sait ici que le conservatisme est souvent affaire d’opposition. Ainsi, mes chers collègues, souvenez-vous des grandes lois Deferre de décentralisation : en 1982, l’opposition au gouvernement de Pierre Mauroy était plus que frileuse ! Quant à l’actuelle opposition, elle est aujourd’hui tout simplement figée devant les importantes réformes proposées.

Nous venons de franchir la première étape : la taxe professionnelle a été supprimée au 1er janvier 2010. L’opposition présente aux élus locaux cette suppression comme une catastrophe, elle l’agite comme un épouvantail, annonçant la ruine des communes et des intercommunalités. Sans pouvoir apporter aucune preuve financière, en se fondant sur des approximations, on instille des idées fausses. C’est à mon avis faire là un très mauvais procès et engager le débat de la pire des façons.

Pour la deuxième étape, que nous abordons aujourd’hui, on peut présager des actes de résistance, de blocage, avec des prises de position probablement excessives, voire agressives. Nous en avons déjà entendu quelques-unes. J’ai lu, dans les journaux départementaux que m’adressent mes collègues présidents de conseil général de gauche, que l’on appelle les territoires et leurs habitants à entrer en « résistance ». On y affirme qu’après la réforme, les départements ne pourront plus continuer à mettre en œuvre leurs politiques en faveur des personnes âgées ou handicapées, à faire fonctionner les collèges ou à entretenir le réseau routier.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Doligé

On y annonce à tous les clubs sportifs et culturels la fin des subventions dont ils bénéficient actuellement. Pour ma part, en tant que président de conseil général, je ne tiens nullement un tel discours, au contraire. Il s’agit, pour certains, de pratiquer une politique de la peur, visant donc à inciter à la « résistance ». C’est à mes yeux une provocation scandaleuse, qui montre, s’il en était besoin, l’incapacité des intéressés à s’adapter ou à accepter les évolutions.

Supposons que nous ne fassions aucune réforme, chers collègues de l’opposition. Pouvez-vous m’affirmer que dans cette hypothèse nos collectivités seraient encore en mesure d’assurer, dans les deux prochaines années, leurs compétences actuelles ? Je ne le crois pas !

Debut de section - Permalien
Un sénateur du groupe socialiste

C’est de la pommade !

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Doligé

Les dépenses sociales absorbent progressivement toutes nos marges de manœuvre et toute notre capacité d’autofinancement. Nos recettes au titre des droits de mutation se réduisent considérablement, la baisse atteignant en moyenne 35 %. L’affaiblissement économique diminue les recettes et augmente les dépenses sociales.

Debut de section - Permalien
Une sénatrice du groupe socialiste

Et alors ?

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Doligé

Telle est la réalité actuelle, voilà tout !

Au fil du temps, tous les gouvernements ont imposé leur générosité, et les nouveaux ministres se présentent avec de bonnes idées, qui visent à prouver l’utilité de leur fonction mais entraîneront, en définitive, l’asphyxie des départements. Je pense, par exemple, à la décentralisation, aux 35 heures, …

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Cela faisait longtemps qu’on ne l’avait pas entendu !

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Doligé

… au revenu minimum d’insertion, à l’allocation personnalisée d’autonomie, au revenu de solidarité active, aux politiques relatives au handicap, etc.

Il est assez facile de faire voter de telles mesures et de se montrer généreux, mais qu’il est difficile de payer… sauf à demander à un tiers de le faire à sa place ! C’est ainsi que l’État détermine les prestations, fixe les taux et définit les prestataires, tandis que les collectivités financent…

Plus qu’un révélateur des déséquilibres structurels, la crise en a été un accélérateur. Rien ne sert de solliciter en permanence le Gouvernement pour qu’il veuille bien régler la totalité des arriérés découlant des nombreuses promesses non tenues par ses divers prédécesseurs depuis vingt-cinq ans. Il faut d’évidence changer de système, c’est-à-dire réformer. Je pense que nous ne trouverons une solution à nos difficultés financières structurelles que lorsque nous aborderons le cinquième risque : le Président de la République a évoqué ce sujet en présentant ses vœux, et il nous a écoutés sur ce point.

Par ailleurs, si le couple commune-intercommunalité fonctionne en général très bien, il n’en va nullement de même du couple département-région. En effet, les assemblées de ces deux collectivités n’ont ni le même mode d’élection ni les mêmes compétences, mais sont en compétition sur les mêmes dossiers, auprès des mêmes interlocuteurs. Les règles, les approches et les modes de gestion étant différents, cela ne peut évidemment pas fonctionner !

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Doligé

M. Éric Doligé. Vous croyez, monsieur Miquel ? Sachez que, dans la région Centre, grande comme la Belgique, qui compte six départements et 2, 5 millions d’habitants, les quatre présidents que nous avons connus en douze ans n’ont réuni que deux ou trois fois les présidents de conseil général ! Nous n’avons pu évoquer qu’en une seule occasion les sujets qui nous intéressaient : c’était au conseil général de l’Indre, présidé par notre collègue Louis Pinton. Dans ces conditions, vous comprendrez mieux mon impatience de voir créer le conseiller territorial. J’en avais rêvé, le gouvernement Fillon l’aura fait !

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP. –Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Doligé

L’intercommunalité et les communes qui la composent sont gérées par les mêmes hommes et femmes. Le couple département-région ne pourra fonctionner que selon un schéma identique. Le conseiller territorial en sera le ciment. Il gèrera le quotidien au conseil général, tandis qu’au conseil régional il aura toute latitude pour réfléchir au devenir du territoire : il sera l’artisan de la clarification et de la simplification, et saura faire vivre et valoriser les deux collectivités.

La création du conseiller territorial est la pierre angulaire du projet de loi de réforme des collectivités territoriales. Elle devrait intervenir, dans quelques heures au plus tard – du moins je l’espère –, grâce à l’adoption de l’article 1er de ce texte. Il restera alors à définir, dans un texte ultérieur, les contours exacts de sa fonction, son mode d’élection, ainsi que toutes les règles afférentes. Il faudra préciser le périmètre de la circonscription, sa dimension, sa population, en veillant à ne pas écorner le caractère rural de nos départements par une réduction massive du nombre des cantons ruraux. Il faudra aussi traiter au fond le sujet du cumul des mandats, de manière pragmatique.

Enfin, il faudra régler les conditions d’accès au mandat, qui ne doivent pas être passées sous silence. Si celui-ci est réservé à certains, nous ne serons plus en démocratie ! Or, monsieur le ministre, l’application stricte du texte dans sa rédaction actuelle poserait problème à cet égard. Il s’agirait alors d’une question de parité non plus entre hommes et femmes, mais entre public et privé. En effet, le mandat de conseiller territorial risquerait de n’être accessible en pratique qu’aux seuls retraités et fonctionnaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Doligé

Selon moi, les incompatibilités professionnelles devront également être revues.

Ce projet de loi aborde de nombreux autres sujets importants.

Je suis persuadé que certains départements ou régions pourraient être intéressés par la possibilité de fusionner. L’article 35 du projet de loi, relatif à la clarification des compétences des collectivités territoriales, était nécessaire. Il apporte de vraies réponses et mettra fin à certaines interrogations.

Enfin, la création des métropoles et des communes nouvelles constitue un vrai sujet, mais prenons garde à ne pas inquiéter sans raison les communes.

Monsieur le ministre, ce texte est à mes yeux très positif, même s’il mérite d’être encore travaillé et enrichi de nos échanges. Je vous remercie de nous le présenter.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Collomb

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, je suis de ceux qui pensent que le travail parlementaire doit permettre d’améliorer les projets de loi, comme ce fut le cas, par exemple, à l’occasion de la réforme de la taxe professionnelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Collomb

Si les sénateurs n’avaient pas contribué à modifier de manière fondamentale le texte initial du Gouvernement, nous rencontrerions sans doute aujourd’hui encore plus de difficultés dans nos collectivités locales.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Collomb

Pour ma part, c’est dans cet esprit que j’aborde le présent débat.

Les collectivités locales sont, à l’heure actuelle, un acteur important, peut-être essentiel, du développement de notre pays. Si l’action du Gouvernement est évidemment fondamentale, elle n’a à mon avis aucune portée si celui-ci ne fait pas confiance aux collectivités territoriales. C’est pourquoi la réforme ne pourra se faire contre elles ou sans elles.

Cela étant, que devons-nous nous fixer comme objectif ? Le rapport Belot est clair : nous devons viser l’excellence des territoires, tant dans la performance économique que dans la prise en compte des besoins sociaux de la population ou dans la création d’un cadre de vie permettant à nos concitoyens de s’épanouir au mieux.

Cet objectif ne saurait être atteint si nous nous enfermons dans une caricature de débat, opposant territoires ruraux et territoires urbains, petites villes et grandes agglomérations, centre et périphérie.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Collomb

Si nous abordons le débat de cette manière, le texte issu de nos travaux ne représentera pas une avancée positive pour l’avenir de notre pays. La France, pour gagner, pour permettre à tous ses citoyens de vivre bien, a besoin de tous ses territoires, qu’ils soient grands ou petits, urbains ou ruraux : leur diversité est pour elle une chance.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Collomb

Il convient donc que la loi prenne en compte cette diversité. En examinant ce projet de loi, j’ai vu par exemple une métropole qui dépouillait les communes la composant de tous leurs pouvoirs, sauf en matière d’état civil, de crèches et de petite enfance. Ayant quelque expérience de l’intercommunalité, j’ai alors pensé que si certains élus étaient prêts à assurer en commun des services urbains, à mettre en place une stratégie métropolitaine communautaire, ils n’étaient pas disposés à accepter que la gestion quotidienne soit transférée totalement des communes à la métropole.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Collomb

En commission des lois, j’ai donc prôné à vos côtés, monsieur Braye, un juste équilibre entre métropole et échelon de proximité, entre centre et périphérie. Cela ne doit cependant pas conduire à proposer, comme vous le faites aujourd’hui, d’abolir la notion de centralité : seule importerait la périphérie, le cœur des villes devant être négligé. En définitive, les élus représentant très peu d’habitants devraient, selon ce schéma, l’emporter au sein de l’intercommunalité ou de la métropole !

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Collomb

Pour l’élection des délégués communautaires, nous avons par exemple proposé, monsieur Braye, que tous les territoires soient représentés, que chaque commune soit représentée, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Collomb

… mais qu’il y ait en même temps une certaine adéquation entre la réalité démographique et le nombre de sièges.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Collomb

S’il n’en était pas ainsi, c’est le fondement même de notre République qui serait remis en cause.

Il faut une certaine égalité devant le suffrage universel.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Collomb

Si nous voulons continuer à progresser dans la construction de métropoles d’intérêt national, ce sera nécessairement par la recherche d’une complémentarité entre les fonctions majeures et les fonctions de proximité.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Collomb

C’est ce que doit permettre le texte issu des travaux de la commission des lois.

Au-delà des villes qui ont la capacité de devenir des métropoles d’intérêt national, il fallait aussi répondre aux problématiques de nos plus grandes agglomérations. C’est pourquoi la création de pôles métropolitains me semble être une bonne idée, qu’il conviendra certes de préciser au cours des débats.

Nous savons bien aujourd’hui que les plus grandes villes de notre pays sont en compétition non pas entre elles, mais avec les autres grandes villes, en Europe voire dans le monde.

Si nous voulons éviter ailleurs l’étalement urbain constaté en région parisienne, il faut donner à ces villes les moyens de coopérer entre elles. Pour rivaliser avec Barcelone ou Milan, ces agglomérations doivent pouvoir se développer d’un point de vue non seulement quantitatif, mais aussi qualitatif, cher Edmond Hervé, car le propre d’une grande ville, ce n’est pas sa démographie §c’est la qualité dans les domaines universitaire et économique, mais aussi la qualité de la vie et l’équilibre social.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Collomb

C’est ainsi que nous bâtirons les villes d’avenir.

Mes chers collègues, je souhaite que nous puissions progresser ensemble au cours de ces débats, car il me semble que les points de convergence sont nombreux. Finalement, le seul véritable blocage concerne le conseiller territorial.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Blanc

C’est la clé : sans conseiller territorial, il n’y a pas de réforme !

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Collomb

Monsieur le ministre, vous savez bien qu’entre les compétences d’un conseil général et celles d’un conseil régional le champ est très divergent.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Braye

Il a dépassé son temps de parole de 100 % !

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Collomb

C’est, à mon sens, ce qui fait la qualité de ces deux assemblées : l’une se caractérise par la proximité, la prise en compte de la vie quotidienne et des problèmes sociaux ; l’autre essaie plus largement de construire l’avenir, afin que notre pays soit compétitif au niveau mondial.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Collomb

Nous devons donc essayer de progresser ensemble, mes chers collègues, pour éviter de réitérer les erreurs commises lors de la réforme de la taxe professionnelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Collomb

Je me rappelle être intervenu à cette tribune pour attirer l’attention sur le fait que les villes, les agglomérations, les départements les plus industrialisés seraient les plus grandes victimes de la réforme.

Le ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi vient de nous faire parvenir ses chiffres. Je vous en cite quelques-uns : Dunkerque subit une perte d’autonomie de 65 %, Montbéliard de 56 % et Fos de 75 %. Dans le même temps, les communes résidentielles sont gagnantes. Est-ce ainsi que nous soutiendrons l’industrie française ?

Mes chers collègues, tirons les leçons du passé pour essayer de préparer ensemble l’avenir !

Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste et du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

M. le président. La parole est à M. Philippe Richert.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à ce stade de la discussion générale, il serait prétentieux de vouloir se lancer dans une analyse globale de ce texte. Je me limiterai donc à exprimer quelques remarques et attentes.

Je souhaite d’abord exprimer une certitude. Chers collègues, j’ai été élu conseiller général pour la première fois en 1982, avant l’adoption des lois de décentralisation. J’ai eu la chance de vivre les transferts de compétences au profit de collectivités débarrassées de la tutelle de l’État, mais confrontées à de nouvelles obligations, à des choix difficiles, parfois, en matière de financement ; des collectivités dont les ressources étaient également de plus en plus encadrées. Nous l’avons tous souligné.

Depuis plus de vingt-cinq ans, nous pouvons constater les effets bénéfiques de la « république des libertés locales » que constituent nos collectivités. Elles sont au service de plus de proximité, de plus de démocratie, de plus d’efficacité.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Mais nous constatons tout autant combien le contexte a changé en un quart de siècle. La mondialisation, la concurrence de plus en plus exacerbée, le défi de la maîtrise des moyens pour faire face aux enjeux du financement des retraites, de la prise en charge de la dépendance, de l’allègement des charges pour permettre plus de compétitivité, le besoin d’alléger les procédures pour plus de lisibilité et d’efficacité ont poussé l’État à se réformer en profondeur : réforme des armées, de la justice, de la présence territoriale, création notamment de Pôle emploi, révision générale des politiques publiques…

Nous, les décentralisateurs, qui étions habitués à répéter que l’État devait apprendre à se moderniser, constatons que l’État se réforme, alors que les collectivités territoriales, disons-le, restent en retrait de cette évolution.

Jamais l’État n’a osé aller aussi loin dans la remise à plat de son organisation et de son fonctionnement. Les collectivités ne peuvent pas rester à l’écart de ce mouvement en refusant la réforme, en s’arc-boutant sur l’existant. À mon avis, ce serait contre-performant pour les collectivités, voire pour le principe de décentralisation.

Ces réformes sont indispensables pour permettre, une fois la clarification opérée, de transférer de nouvelles compétences en utilisant mieux et plus souvent l’expérimentation.

Si nous décidions de ne pas entrer dans le cycle de réforme des collectivités voulu par l’État, nous donnerions du poids à ceux que nous pourrions qualifier de « jacobins », qui ne veulent toujours pas confier de responsabilités aux collectivités locales. Ceux qui, aujourd’hui, sous prétexte de défendre les collectivités, veulent le statu quo, font en réalité le jeu de ceux qui souhaitent revenir sur les différentes étapes de la décentralisation.

La réforme est donc indispensable à mes yeux.

La création de métropoles est sans doute une bonne chose, même si cette notion reste à préciser. D’ailleurs, les élus de Strasbourg sont presque tous favorables à une telle évolution pour leur ville.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

J’approuve également l’achèvement de la carte de l’intercommunalité : qui pourrait ici prétendre le contraire sous prétexte que nous aurions déjà fait beaucoup ?

La simplification, la précision des compétences des différents niveaux de collectivité constituent également un point essentiel : qui pourrait prétendre aujourd’hui que les régions et les départements ne se marchent pas quelquefois sur les pieds, …

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

… y compris lorsque les majorités sont du même bord politique ?

J’avoue que la création du conseiller territorial suscite un débat. Nous devrions cependant pouvoir nous accorder sur le principe, car la conciliation de l’élection de proximité, propre au conseil général, et du scrutin de liste, propre au conseil régional, ne peut être contestée. Nous pourrons ensuite apporter des précisions sur le mode d’élection de ce nouvel élu, sur son statut, afin qu’il puisse effectivement siéger dans les deux assemblées.

Qui pourrait sincèrement mettre en cause l’intérêt de la mise en place de deux pôles, l’un associant les communes et les intercommunalités, l’autre les départements et les régions, en assurant leur complémentarité ? Et qui pourrait aujourd'hui contester qu’il serait illusoire de vouloir proposer la fusion entre deux ou plusieurs départements, deux ou plusieurs régions ?

Le pire serait de ne rien changer. Ce serait une belle victoire pour les jacobins qui pourraient démontrer que c’est finalement la décentralisation qui rigidifie et l’État central qui sait se réformer.

Pour autant, monsieur le ministre, le texte du Gouvernement mérite d’être amendé. Je remercie la commission des lois, présidée par M. Jean-Jacques Hyest, d’avoir déjà proposé un certain nombre d’amendements qui vont dans le bon sens.

Je voudrais également exprimer ma satisfaction au rapporteur, M. Jean-Patrick Courtois : il a en effet proposé, outre la fusion entre deux départements ou entre deux régions, la possibilité d’unir le conseil général et le conseil régional pour créer une nouvelle collectivité. Une telle mesure dépasse ce que prévoit le texte initial, mais il faut permettre à ceux qui le souhaitent d’aller plus loin dans cette réorganisation.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Je voudrais conclure par une dernière suggestion. Lorsque nous examinerons le texte visant à préciser les compétences, vraisemblablement en 2011, je souhaite que nous puissions proposer une expérimentation.

Dès avant 2014, nous pourrions préparer la fusion entre départements et régions, en suggérant qu’un certain nombre de compétences soient transférées ou déléguées d’une collectivité à une ou à plusieurs autres. Je pense en particulier aux départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et à la région Alsace, où nous devrions être capables de proposer de manière anticipée des simplifications dans le fonctionnement entre collectivités.

Nous avons entendu à cette tribune tout et son contraire, mais le pire n’est pas toujours certain. L’exécutif du conseil régional d’Alsace et les exécutifs des deux conseils généraux ont pris la décision de se réunir au moins une fois par mois, dans un souci d’efficacité et dans le but de préparer les évolutions ultérieures.

De la même façon, nous appliquons depuis vingt ans une convention qui a délégué à la ville de Strasbourg l’ensemble des compétences sociales exercées par le conseil général du Bas-Rhin. Nous avons procédé ainsi par souci de clarification et d’efficacité.

Cet exemple vise à montrer que le projet de loi qui nous est proposé permet des avancées, même s’il ne va pas aussi loin que nous aurions pu le souhaiter.

C’est donc avec un grand plaisir, monsieur le ministre, que je voterai ce projet de loi de réforme des collectivités territoriales.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Lozach

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, deux motifs ont guidé la rédaction du texte qui nous est soumis : un nombre prétendument excessif, d’une part, de collectivités territoriales et, d’autre part, d’élus. Or la mission Belot-Krattinger a montré qu’il n’y a pas plus de niveaux de collectivités en France que dans les pays comparables et que le nombre d’élus n’ajoute aucune difficulté, au contraire.

Il y a un an, cette mission temporaire sur l’organisation et l’évolution des collectivités territoriales débutait ses travaux. Ce travail collectif et consensuel de grande qualité faisait honneur au Sénat. C’était une sorte de printemps législatif. À la dernière seconde, le groupe UMP a présenté une contribution comportant des propositions surprenantes, contradictoires avec ce que ses propres représentants venaient d’approuver ! Mais, au final, le travail considérable et novateur de la mission a été bien mal respecté. Déconsidéré, le Sénat travaille maintenant sur les propositions des hommes de l’Élysée, pas encore « sous leur dictée », certes. Mais, reconnaissons-le, les principes affichés lors de la dernière révision constitutionnelle et les ambitions en matière d’initiative parlementaire sont bien mal traités.

Dans les années quatre-vingt, la décentralisation a été très violemment combattue par la droite parlementaire. Mais chacun a vite reconnu ses bienfaits : une profonde et exemplaire oxygénation de notre vie administrative. Or, au vu de ce projet de loi, on peut se demander si certains ont bien accepté ce qui, pour le coup, était une heureuse révolution.

Cette logique de décentralisation, peu à peu adaptée et perfectionnée, a guidé les lois successives de 1992, de 1995, de 1999, de 2002 et de 2004.

Mais, aujourd’hui, vous nous proposez un changement de cap, radical et brutal, car votre projet de loi signifie l’enterrement de la décentralisation, sous prétexte de simplifier l’entrelacs des échelons territoriaux. Il signe l’enterrement d’une décentralisation qui, pourtant, préserve les particularismes géographiques et culturels et permet à nos concitoyens d’entretenir des relations de proximité avec des élus qui se penchent sur leurs difficultés ou leurs projets.

Or nous allons, via les conseillers territoriaux, vers une « déterritorialisation » des élus. En réalité, c’est même une véritable recentralisation que nous impose le Gouvernement. On a pourtant connu Nicolas Sarkozy plus ouvert à l’égard des territoires, notamment lorsque, en 2001, il déclarait ceci : « Une nation moderne est une nation qui revendique la décentralisation. Un État moderne est celui qui reconnaît qu’il lui est impossible de tout régenter, diriger, organiser. »

J’ai bien peur que la réforme qui nous est ici proposée ne soit l’antithèse complète de la modernité évoquée par le Président de la République.

Ainsi, pour la première fois depuis 1982, il n’est plus question d’accorder davantage de responsabilités aux échelons et aux représentants locaux ; pour la première fois, il est question non plus de les émanciper, mais, à l’inverse, de limiter leurs libertés, de les encadrer de manière étouffante, voire de les déstabiliser. Nous allons vers une régression majeure.

Cette révision générale des politiques publiques appliquée à l’architecture territoriale de la République, associée à la mise sous tutelle financière des collectivités territoriales, marque le retour historique d’un jacobinisme qui refuse de dire son nom et qui affaiblit délibérément des corps intermédiaires pourtant indispensables à une démocratie vivante.

Et que nous propose-t-on en compensation de cette ample restructuration ? Des conseillers territoriaux ! Cette vaste supercherie ne convainc même pas, j’en suis sûr, beaucoup de nos collègues de la majorité. La mission de ces conseillers, trop peu nombreux, sera bien difficile, voire inopérante ; elle se déploiera au détriment du lien social, de l’écoute des attentes de la population, de la proximité, principe républicain de base. Si cette réforme est votée, l’État ne respectera pas la Constitution de notre République et ne remplira pas sa mission d’équité.

Le département, premier partenaire des communes, acteur incontournable de la solidarité sociale et territoriale, se trouve sérieusement menacé. Il était déjà mis à mal par des transferts considérables de charges non compensés depuis une dizaine d’années. Cet étranglement financier, accompagné de la suppression de la clause de compétence générale, menace son avenir.

D’ailleurs, la majorité parlementaire semble déjà envisager l’étape suivante. Invité dans une émission de télévision, le 11 janvier dernier, Jean-François Copé n’évoquait-il pas déjà la fusion des départements et des régions ? Édouard Balladur n’a-t-il pas préconisé « l’évaporation des départements » ?

Je ne peux pas croire que le projet de loi qui nous est soumis soit l’acte I de la disparition des départements. Nombre d’entre nous sont membres d’un conseil général ou l’ont été. Nous sommes bien placés pour apprécier, au quotidien, l’importance de cet acteur au niveau local. Pourtant, ce texte, en particulier son article 12, ouvre une brèche susceptible de conduire à la mort des départements.

Les conseillers territoriaux envisagés seront désignés à l’issue d’un scrutin à un seul tour, scrutin d’où sortiront parfois des élus minoritaires. Est-ce ce lien que vous souhaitez établir avec vos concitoyens ? Par ce tripatouillage du mode d’élection, on affaiblit la légitimité des élus et on dénature la volonté populaire ; on ne tient aucun compte de la tradition électorale de notre pays, pourtant bien acceptée de tous.

À ce propos, j’ose à peine évoquer l’incertitude et l’immobilisme qui risquent de peser sur nos collectivités d’ici à 2014. En effet, le risque est grand de voir nos collectivités paralysées pendant quatre ans, alors même que, maintenant plus que jamais, elles doivent impérativement se montrer réactives face à la crise.

Qu’en est-il des régions proprement dites ? Sortiront-elles renforcées ? À l’évidence non, car leur pouvoir émergent subit un funeste coup d’arrêt. L’incontestable affirmation du fait régional devenait-elle dérangeante ?

Enfin, je veux exprimer ma crainte de voir s’aggraver la dévitalisation de nombreux espaces ruraux, dont le dynamisme du tissu économique et social repose en particulier sur l’organisation et l’animation des territoires. La notion de proximité est chère à l’ensemble des Français, mais elle l’est sans doute davantage encore sur ces espaces en difficulté, qui assistent au dramatique effacement des services publics de l’État.

Monsieur le ministre, les citoyens ne s’opposent pas à votre vœu de réforme par conformisme, habitude ou refus du changement ; ils apprécient tout simplement que, au sein de nos institutions de proximité territoriale, s’exercent la démocratie, le débat et la solidarité au quotidien, en un mot la citoyenneté, bien si précieux pour notre fonctionnement républicain.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Bernard-Reymond

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais saluer avec beaucoup de satisfaction l’avènement de cette réforme indispensable des collectivités territoriales.

Sourires sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Bernard-Reymond

Il serait en effet inconcevable que notre pays, confronté à une compétition internationale de plus en plus vive et préoccupante, se réforme dans tous les secteurs – l’État, les chambres consulaires, les entreprises –, tandis que notre structure territoriale resterait en l’état.

Celle-ci offre une vision inextricable : verticalement, par l’empilement de couches successives d’institutions ; horizontalement, par un entrelacs de périmètres parfaitement illisibles.

Pour réussir cette réforme, il faut s’interroger sur la signification de chacun des quatre niveaux qui émergent de cet imbroglio.

Ils vont deux par deux. La commune et le département sont des créations anciennes et revêtent une signification pour chaque citoyen. Il s’agit de l’histoire, de la culture, de la proximité, de la solidarité, d’un cadre de référence qui renvoie à des élus et à des territoires connus qui font l’objet d’un certain patriotisme.

Inversement, la communauté de communes ou d’agglomération et la région sont de création plus récente, dotées de dimensions plus adaptées à un monde qui a complètement changé, caractérisé par le primat de l’économique, la formation de l’Europe et le défi de la mondialisation.

L’idée de coupler un niveau historique et culturel, qui est une référence forte pour le citoyen, avec un niveau où s’exerce la prospective et où se jouent l’économie et l’aménagement du territoire est une bonne idée, et c’est pour cela que la réforme réussira.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Bernard-Reymond

Ce système va faire émerger un nouvel élu, le conseiller territorial, qui va prendre une très grande importance dans nos territoires. Raison de plus pour lui éviter la tentation de cumuler son mandat avec d’autres !

Personnellement, monsieur le ministre, je n’approuve pas le mode d’élection qui a été retenu.

Ah ! sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Bernard-Reymond

La coexistence de deux scrutins en un seul vote est une disposition singulière qui n’est pas nécessairement conforme aux attentes du Conseil constitutionnel.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Bernard-Reymond

En revanche, je constate que le scrutin municipal dans les villes de plus de 3 500 habitants recueille un très large consensus : il permet de faire émerger une majorité stable ; il assure une représentation de l’opposition ; il réalise la parité femme-homme ; lors des élections, il suscite un débat qui porte, certes, sur un leader, le futur maire, mais aussi sur un programme, alors que les élections cantonales, aujourd’hui, se focalisent sur des personnalités, surtout en zone rurale.

Ces élections très « cantonalisées » ne provoquent pas de vrai débat sur l’avenir du département ; tout au plus en provoquent-elles un sur l’avenir du canton. Aux yeux des électeurs, les majorités, les équipes et le programme ne se forment qu’après les élections.

Pour toutes ces raisons, il me paraîtrait intéressant de transposer le scrutin municipal au niveau départemental. Toutefois, pour s’assurer que toutes les zones du département seront représentées sur les listes et pour éviter qu’elles ne soient constituées que de représentants des zones urbaines, il pourrait être envisagé de découper le département en autant de « circonscriptions territoriales » qu’il y a de postes à pourvoir et d’exiger que chaque liste compte obligatoirement un candidat issu de chacune de ces « circonscriptions ».

Monsieur le ministre, je soumets cette proposition à votre réflexion et à votre appréciation.

Le deuxième point que je voudrais évoquer concerne les métropoles. Vous m’avez déjà entendu à ce sujet, monsieur le ministre, mais souffrez que je vous redise la grande inquiétude et la grande angoisse que suscite en moi ce dialogue entre les métropoles, …

Debut de section - Permalien
Plusieurs sénateurs du groupe socialiste

Plusieurs sénateurs du groupe socialiste. Il souffre !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Bernard-Reymond

… dont notre collègue maire de Lyon, par la passion dont il fait preuve, est exemplaire, et ce qui se passe actuellement dans les zones rurales de notre pays.

Je comprends que les maires des grandes villes aient voulu adapter les outils de la gestion urbaine à la dimension de leur agglomération. Autant l’innovation scientifique et culturelle naît dans les grandes villes, autant son rayonnement dépend davantage de la qualité des services que proposent celles-ci que de leur dimension démographique. Or, qu’on le veuille ou non, c’est cette dimension démographique qui pèse sur les politiques des métropoles.

Obsédées par la compétition entre villes européennes et mondiales, les grandes villes font tout, avec l’aide de l’État, pour entasser autour d’elles toujours plus de populations, créant de nouvelles banlieues, de nouveaux problèmes insurmontables de transports urbains, d’insécurité, de délinquance et de mal-vivre, lesquels appellent à leur tour de nouveaux aménagements qui inciteront de nouveaux entassements, créant ainsi un processus cumulatif que nous ne maîtriserons pas.

Il faudrait avoir le courage d’ouvrir les espaces ruraux enclavés en construisant des infrastructures modernes pour y attirer davantage d’activités et de population et parvenir ainsi à une meilleure répartition des hommes sur notre territoire. Vous savez que 70 % de nos compatriotes vivent en zone urbaine. La mise à mort programmée de l’autoroute A 51 entre Grenoble et Gap va exactement en sens inverse.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Bernard-Reymond

Au moment où nous démontrons notre capacité à prendre le virage du développement durable, nous risquons de rater celui de l’aménagement du territoire.

Nous préparons deux France : la France du Grand Paris, des grandes métropoles, des TGV, des autoroutes, et la France des enclavés, des bas salaires, des saisonniers, de l’agriculture difficile, de l’hémorragie des services publics, de l’expatriation des jeunes diplômés, la France des réserves d’indiens, des montagnes à chèvres, des sanctuaires de biodiversité, des vitrines écologiques et des trames vertes.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Bernard-Reymond

Nous mourrons dans les fleurs, mais nous mourrons !

Monsieur le ministre, je souhaite que l’on garde cette importante question présente à l’esprit au moment où l’on créera des métropoles et des pôles métropolitains.

Enfin, je suis conscient que ce projet de loi va aussi loin qu’il est possible dans les circonstances actuelles : il faut donner du temps au temps.

Permettez-moi en conclusion d’évoquer la prochaine réforme des collectivités territoriales, celle qui succédera à la vôtre, dans quinze ou vingt ans.

L’interdiction du cumul des mandats sera généralisée, …

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Bernard-Reymond

… l’exercice d’un même mandat sera limité dans le temps.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Bernard-Reymond

On proposera un big bang des finances locales en coupant toute relation financière entre l’État et les collectivités territoriales, qui ne se financeront plus qu’avec leurs impôts, les emprunts, les taxes et le produit d’une dotation de péréquation autogérée par la conférence nationale des collectivités territoriales.

Le budget des communes ne comptera plus de section d’investissement, car ces derniers seront entièrement assumés par les communautés de communes ou d’agglomération ou par les métropoles, les communes restant le lieu privilégié de la proximité, de la convivialité et de la solidarité vécue.

Pour assurer une vraie et complète indépendance des collectivités les unes par rapport aux autres, le système moyenâgeux des subventions entre collectivités territoriales sera supprimé. Les maires des petites communes et les présidents d’intercommunalité ne seront plus des mendiants à l’égard de l’État ni des vassaux plus ou moins obligés auprès des présidents de conseils généraux et régionaux.

La France comptera dix régions et quarante départements. L’Europe s’abstiendra d’en « remettre une couche » ! Mais, monsieur le ministre, c’est une autre histoire.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme je l’ai fait à diverses reprises du haut de cette tribune, ou lors de la discussion des propositions de la commission Belot, je concentrerai mon intervention sur l’intercommunalité.

Permettez-moi au préalable de faire quelques observations sur la méthode retenue par le Gouvernement pour engager la réforme des collectivités locales.

Cette réforme est saucissonnée en quatre textes, eux-mêmes pris en sandwich – si vous me permettez cette image – entre la suppression de la taxe professionnelle et la future clarification des compétences.

La réforme de la fiscalité, avec le remplacement de la taxe professionnelle par la contribution économique territoriale, a des incidences très fortes sur le financement des intercommunalités, notamment sur les intercommunalités à fiscalité propre. Les communautés d’agglomération seront particulièrement touchées, et j’en parle en connaissance de cause puisque je préside une communauté d’agglomération d’environ 70 000 habitants.

On peut faire deux reproches majeurs à la contribution économique territoriale.

Tout d’abord, elle manque de dynamisme par rapport à la taxe professionnelle, puisqu’elle est constituée d’une cotisation foncière des entreprises qui évolue peu et d’une cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises dont le taux sera fixé sur le plan national, ce qui coupe le lien entre les entreprises et les territoires.

Par ailleurs, la CET se traduira de fait – et j’insiste sur ce point – par la création d’une fiscalité sur les ménages que beaucoup d’élus, notamment dans ma communauté d’agglomération, refusaient d’instaurer.

Outre une nouvelle fiscalité, la réforme des collectivités locales passera par une clarification des compétences dont on ignore encore la nature, puisque le projet de loi devrait être discuté dans un an.

Contrairement à ce qui a pu être affirmé, la suppression de la clause de compétence générale pour les conseils généraux et les conseils régionaux mettra automatiquement en difficulté les communes et certaines intercommunalités qui avaient pourtant bien besoin de ces deux collectivités pour boucler des plans de financement de projets à caractère sportif, culturel, éducatif, économique. Les intercommunalités seront donc prises entre le marteau de la nouvelle fiscalité et l’enclume de compétences redéfinies.

J’en viens plus précisément au texte qui nous est soumis. Je soutiendrai certains principes qui me semblent importants, notamment l’achèvement de la carte de l’intercommunalité, le renforcement des pouvoirs de la commission départementale de coopération intercommunale et de la représentativité des membres des EPCI dans cette commission.

Dans ce domaine, il nous reste des progrès à réaliser ; mais, comme l’a indiqué le Gouvernement, le chantier est ouvert. Je m’en réjouis, car il appartient aux élus et non au seul préfet d’établir le schéma départemental de coopération intercommunale et de décider de l’éventuelle fusion de certaines intercommunalités.

La commission Belot avait proposé l’élection des délégués communautaires par fléchage. Il me semble toutefois nécessaire de revoir le tableau qui nous a été proposé, dans la mesure où nous ne disposons d’aucune simulation. Les socialistes présenteront de nouvelles propositions. Comme j’ai déjà eu l’occasion de l’indiquer à cette tribune, il serait souhaitable, pour assurer la parité et la non-discrimination, de procéder à l’élection des délégués communautaires dans toutes les communes, sans fixer un seuil de 500 habitants.

Quant au nombre de délégués des intercommunalités, même si cela doit nous amener à fixer certains critères démographiques et représentatifs, il convient, me semble-t-il, de revenir à une pratique qui n’impose pas de manière uniforme, sur tous les territoires, la même représentativité des conseils communautaires.

J’évoquerai enfin la limitation des exécutifs des intercommunalités. Il ne me semble pas cohérent d’appliquer aux membres du bureau d’une intercommunalité une double limite liée au nombre de vice-présidents, qui ne devrait pas dépasser quinze, et à un pourcentage, qui serait de 20 % des membres. Je rappelle que, dans les communes et les intercommunalités qui sont issues de la collaboration des communes, le nombre des adjoints au maire ou au président peut atteindre 30 % des membres du conseil ou de l’assemblée.

Nous devons donc encore travailler afin d’élaborer les modalités d’une représentativité choisie, définie par les conseils communautaires, et non imposée par le haut, ce qui constituerait une vraie recentralisation, contraire aux mouvements de décentralisation que nous avons connus.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Blanc

J’ai envie d’aborder ce débat non pas avec une approche idéologique, mais à partir de mon expérience de conseiller général pendant dix-huit ans, de président de région pendant dix-huit ans, de maire d’une commune rurale pendant trente ans.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Blanc

Par ailleurs, mon expérience au Comité des régions m’a permis d’observer le fonctionnement des collectivités locales et régionales en Europe.

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Blanc

Monsieur le ministre, j’ai la conviction que les propositions qui nous sont faites représentent une chance nouvelle pour un aménagement équilibré et harmonieux de notre territoire ; elles nous offrent la possibilité de sortir du faux débat concernant la suppression du département ou de la région. Pour les communes et les communautés de communes, la décision est acquise. À cet égard, je félicite la commission d’avoir supprimé le seuil pour les communautés de communes, car le nombre d’habitants ne constitue pas, en effet, un critère déterminant.

Je centrerai mon propos sur le cœur de la réforme, à savoir la création des conseillers territoriaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Blanc

Le système actuel, qu’on le veuille ou non, quelles que puissent être nos convictions, débouchera inévitablement, à terme, sur la suppression du département ou de la région. Ce serait préjudiciable pour tout le monde, parce que nous avons besoin tout à la fois d’un niveau de proximité et d’un niveau politique disposant de moyens financiers.

Je regrette d’ailleurs que certains collègues, avec le soutien de députés de droite et de gauche, aient supprimé en commission mixte paritaire le mécanisme de mutualisation que le Sénat avait instauré afin de garantir l’évolution des ressources des départements. Nous reviendrons sur ce sujet.

À propos des conseillers territoriaux, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Blanc

M. Jacques Blanc. … il faut d’abord s’assurer – et c’est l’une des conditions de mon soutien – qu’il y aura au moins quinze conseillers territoriaux par département. Ce nombre est un minimum pour faire vivre un département.

Bravo ! et applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Blanc

C’est une condition sine qua non pour qu’il puisse fonctionner.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Blanc

Ensuite, tous les conseillers territoriaux devront siéger dans les conseils généraux et dans les conseils régionaux.

J’ai écouté l’intervention de M. Gérard Collomb tout à l'heure : ses propos étaient effrayants ! Comment peut-on concevoir une assemblée régionale reposant uniquement sur une représentation de la population ? Le grand mérite de votre réforme, monsieur le ministre, est de faire des conseils régionaux des assemblées représentatives des territoires, et non pas seulement de la population.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Blanc

Veillons à ne pas tomber dans le piège qui consisterait à penser que cette formule introduit des inégalités de représentation. La Lozère aura quinze représentants au conseil régional, contre deux auparavant. Certes, cela ne m’a pas empêché d’être le président de la région pendant dix-huit ans, mais c’était un miracle ! Je puis vous assurer qu’il ne peut plus y avoir…

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Blanc

… de politique vraie d’aménagement du territoire dans une assemblée régionale représentative de la seule population.

Je vous demande surtout, monsieur le ministre, de nous prémunir contre une éventuelle censure du Conseil constitutionnel. La Lozère a déjà perdu son deuxième siège de député, et je ne veux pas que l’histoire se renouvelle ! J’espère d’ailleurs que, lors d’une prochaine réforme constitutionnelle, on pourra revenir sur cette décision. Il suffisait en effet de prévoir dans la Constitution un minimum de représentation pour chaque territoire, ce qui n’a pas été fait. Tirons donc les leçons de cette erreur commise tant par le Gouvernement que par le Parlement, et faisons en sorte que l’assemblée régionale soit représentative des territoires.

En effet, monsieur Collomb, certains élus lozériens ne représenteront que très peu de population à côté d’élus de grandes villes comme Montpellier ! Toutefois, cette inégalité, loin d’être injuste, apparaît au contraire nécessaire pour assurer la représentation des territoires.

Il faut également que le conseiller territorial – sur ce point, je suis en désaccord avec mon ami Pierre Bernard-Reymond – reste attaché à son territoire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Blanc

M. Jacques Blanc. Il est vrai que cela posera des problèmes pour mettre en œuvre la parité, mais ce que nous ferons au niveau communal permettra aux femmes de prendre des responsabilités et d’être reconnues.

Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Vous voulez que les femmes fassent leur apprentissage politique !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Blanc

M. Jacques Blanc. Cela permettra de faire naître des vocations !

Rires ironiques sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Blanc

La Lozère a été l’un des rares départements à avoir eu une femme de grande qualité, Mme Bardou, à la fois sénateur et président du conseil général.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Blanc

Cette réforme devrait permettre de supprimer des risques de conflit entre les villes et le monde rural, et d’établir de réelles complémentarités, comme l’a dit en termes forts le Président de la République dans le discours peu médiatisé qu’il a prononcé le 14 janvier dernier à Mortagne-au-Perche, en votre présence, monsieur le ministre.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, ministre

On en a parlé !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Blanc

Je ne verse pas dans la « sarkomanie » mais, quand je suis d’accord, je le dis !

Il faut faire confiance aux élus. À ceux qui me disent que les élus de proximité ne seront pas capables, au niveau régional, d’avoir une vision prospective ou de s’ouvrir sur l’Europe et sur le monde, je leur réponds qu’ils méprisent les élus locaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Et vous, vous méprisez le temps de parole !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Blanc

Excusez-moi, mais M. Collomb a lui aussi dépassé son temps de parole de cinq minutes !

De notre côté, nous faisons confiance à ces élus locaux de proximité, accrochés à leurs territoires, mais capables également d’avoir une vision globale régionale, car je crois à cette exigence d’une région ouverte sur l’Europe et, pour ce qui nous concerne, sur la Méditerranée.

Cela peut être l’occasion de trouver un nouvel équilibre dans l’aménagement du territoire, de sortir d’un risque d’opposition entre grande ville, métropole et pays rural, et de créer une dynamique nouvelle permettant à la France de devenir un modèle de développement, durable parce qu’harmonieux et équilibré sur l’ensemble de son territoire.

Alors oui, nous acceptons de saisir cette chance, mais il faudra également accepter ce que nous demandons…

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Blanc

M. Jacques Blanc. … et ne pas nous opposer, dans les futurs débats, des blocages qui empêcheraient cette réforme de réussir.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je commencerai mon intervention par cette question : quelles sont aujourd’hui les préoccupations des Français ? Le chômage, le pouvoir d’achat qui diminue, les inégalités qui se creusent, les délocalisations qui menacent notre industrie, peut-être aussi la planète qui s’affole…

Vous m’accorderez, monsieur le ministre, que ces difficultés ne relèvent ni des communes, ni des départements, ni des régions. Pourtant, vous choisissez de mener avec la plus grande énergie la réforme des collectivités territoriales, en dénonçant ces dernières, ou en les qualifiant de boucs émissaires de tous les maux que je viens d’énoncer. Vous inventez, qui plus est, le conseiller territorial, comme si cet élu à deux têtes allait répondre à des questions qui relèvent pourtant, pour l’essentiel, de la compétence du Gouvernement.

D’une certaine façon, je suis injuste, monsieur le ministre, car vous avancez un argument fort et simple à l’appui de votre volonté de big bang territorial : la réduction de la dette publique qui, effectivement, devient astronomique. Vous avez raison : une dette qui frôle les trois quarts du produit intérieur brut compromet certainement l’avenir. Mais à chaque fois que vous pointez du doigt l’endettement public, vous faites en réalité le procès non pas des collectivités territoriales, mais de l’État. Sur 1 500 milliards d’euros d’endettement, les collectivités n’interviennent que pour 141 milliards d’euros, soit moins de 10 %.

L’État veut réformer les collectivités : qu’il commence par se réformer lui-même ! Cette réforme de l’État ne devrait pas se confondre avec les restrictions budgétaires de la révision générale des politiques publiques, c’est-à-dire avec des suppressions d’emplois parfois aveugles. Ce n’est pas en fermant des tribunaux, des hôpitaux ou des sous-préfectures que vous allez changer notre administration en profondeur.

La vraie réforme de l’État consiste dans un autre partage de l’action publique et, au fond, près de trente ans après les lois Defferre, à accepter enfin la décentralisation. Aujourd’hui, l’État entretient une relation ambiguë avec les collectivités locales. Incapable de gestion de proximité, il transfère des compétences, mais souvent à regret, toujours avec méfiance et jamais à bon compte – Philippe Madrelle en sait quelque chose dans notre département de la Gironde !

À l’inverse, faute de moyens, il fait les poches des collectivités pour trouver de quoi financer ce qui lui incombe, notamment les grandes infrastructures du territoire. Parfois, il lui arrive même de mettre aux enchères une ligne de TGV ou une autoroute. Et toujours, sans crainte de se contredire, il leur fait le procès de dépenser trop.

La vérité est autre : la dépense publique de nos collectivités ne représente que 21 % de la dépense publique totale en France ; elle est par ailleurs l’une des plus faibles d’Europe : moitié moins qu’en Allemagne, trois fois moins qu’au Danemark.

Voilà sans doute notre grand désaccord. Nous pensons que la décentralisation est une chance ; au-delà de vos déclarations de principe, vous la voyez comme un danger. Nous voulons la développer ; vous voulez la diminuer.

Ce désaccord est sans doute encore plus profond, car il oppose deux visions. La première date des années Thatcher : moins il y a d’action publique, mieux le pays se porte ; cela donne moins d’État et moins de collectivités locales. Nous connaissons le résultat…

La seconde vision, qui est la nôtre, privilégie le service public, qu’il soit national ou local.

En fait, monsieur le ministre, le gouvernement auquel vous appartenez tente de vendre cette réforme avec des mots : la modernité, le progrès, l’innovation, l’adaptation… J’ai même entendu tout à l’heure l’un de nos collègues nous dire que M. Fillon allait enfin réaliser la réforme dont il avait rêvé… Mais quand ce rêve-là prendra fin, nous ouvrirons les yeux et découvrirons un paysage dévasté par votre casse territoriale !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mercredi 20 janvier 2010, à quatorze heures trente et le soir :

1. Examen de la motion tendant à proposer au Président de la République de soumettre au référendum le projet de loi de réforme des collectivités territoriales (170, 2009-2010).

2. Suite du projet de loi de réforme des collectivités territoriales (60, 2009-2010).

Rapport de M. Jean-Patrick Courtois, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d’administration générale (169, 2009-2010).

Avis de M. Charles Guené, fait au nom de la commission des finances (198, 2009-2010).

Texte de la commission (n° 170, 2009-2010).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

La séance est levée à vingt-trois heures cinquante-cinq.