Intervention de Patrick Kanner

Réunion du 22 octobre 2019 à 14h30
Offensive militaire turque au nord-est de la syrie — Adoption d'une proposition de résolution

Photo de Patrick KannerPatrick Kanner :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, il y a peu de moments, dans l’histoire d’un pays, où son honneur est en jeu. Il existe des événements glorieux, et d’autres qui parfois le sont moins. Il existe des moments sur lesquels les nations se retournent avec regret, trop longtemps après. Mais les moments où un simple choix peut faire basculer dans l’honneur ou le déshonneur sont rares.

Notre pays est aujourd’hui devant l’un de ces moments, au regard de l’offensive turque dans le nord-est syrien, qui expose en première ligne le peuple kurde.

Depuis 2011, la Syrie est en guerre civile. Dans l’intervalle, notre pays, comme d’autres, a été durement touché par le terrorisme de Daech. Dès 2013, avant Trump, les volte-face américaines avaient empêché la communauté internationale de se prémunir contre les crimes d’Assad et le développement de l’État islamique. Nous connaissons tous cette histoire.

Aujourd’hui, plus personne ne peut ignorer les conséquences de l’inaction dans cette région du monde. Fermer les yeux est désormais trois fois irresponsable, pour rejoindre les propos du président Retailleau : fermer les yeux, c’est laisser déstabiliser la région, c’est permettre aux cellules toujours actives de Daech de se restructurer, c’est mettre à mal la sécurité de nos concitoyens ; fermer les yeux, c’est abandonner les Kurdes, c’est trahir un allié alors qu’on a déjà vu le sort réservé aux Kurdes à Afrin, il y a un an et demi ; fermer les yeux, c’est redonner la main à Assad, c’est lui pardonner ses crimes contre son propre peuple !

Si les États-Unis ont une responsabilité évidente, ne rien faire serait, pour la France, particulièrement déshonorant. Je dis bien : ne rien faire, ne pas agir, car, pour le moment, monsieur le secrétaire d’État, l’action de notre pays n’est pas à la hauteur des enjeux, ni sur le plan international ni sur le plan européen. La fin des licences de ventes d’armes à la Turquie n’est qu’une position d’affichage, sans presque aucune conséquence sur le terrain.

Pourtant, notre pays aurait les moyens d’agir. Nous avons des alliés pourraient agir avec nous. Il est possible de prendre des initiatives de paix à l’ONU et devant l’Union européenne. Notre pays l’a déjà fait et a alors eu les honneurs de la communauté internationale, comme en 2004, avec le refus de Jacques Chirac d’engager la France dans une guerre dangereuse et sans fondement.

Il est temps que notre pays agisse ! C’est ce que propose cette résolution. Le Gouvernement de la France doit tenir compte de cette résolution et agir enfin, même si c’est avec retard. J’irai même plus loin, monsieur le secrétaire d’État. Notre pays peut remercier – je dis bien remercier – le peuple kurde pour le combat courageux qu’il a mené au sol contre Daech, pour la liberté, pour notre liberté et notre sécurité, au-delà de la seule défense de son territoire ! Notre pays, comme beaucoup d’autres, a une dette envers les Kurdes. Ils ont sacrifié des milliers de vies et nous ne les remercierions qu’en les abandonnant ? Le Sénat s’y refuse !

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