Intervention de Amélie de Montchalin

Réunion du 22 octobre 2019 à 21h30
Débat à la suite de la réunion du conseil européen des 17 et 18 octobre 2019

Amélie de Montchalin :

Merci, madame la présidente.

J’ai été interrogée par M. le président Cambon sur le portefeuille du prochain commissaire français. Nous cherchons à nous assurer que l’industrie, le numérique, la défense soient bien, au cœur de cette nouvelle Commission, portés par le candidat que le Président de la République proposera à Ursula von der Leyen dans les prochains jours. Sur son profil type, son portrait-robot, si je peux m’exprimer ainsi, il faut qu’il s’agisse de quelqu’un susceptible de gagner la confiance du Parlement européen et travailler avec lui à obtenir des résultats. Au fond, la question est la suivante : comment créons-nous concrètement des emplois en Europe dans les domaines industriels, numériques, et dans le secteur de la défense ? Nous cherchons non pas une figure, mais un candidat qui aura la capacité de porter devant le Parlement le projet ambitieux du Président de la République, qui, parfois, fait grincer un peu les dents.

Vous m’avez aussi interrogée sur la nomination d’un commissaire britannique. Je rappelle que c’est bien pour cette raison que le Président de la République avait fixé la date du 31 octobre. J’étais même venue m’en expliquer ici. Il fallait s’assurer qu’à l’entrée en fonction de la nouvelle Commission nous puissions être opérationnels dans sa configuration de plein exercice, c’est-à-dire sans les Britanniques. Je suis d’accord avec vous, la relation future sur l’économie, la défense, la politique extérieure, la sécurité, la culture, l’éducation, la recherche aura à être reconstruite. Néanmoins, je le répète, l’échéance du 31 octobre nous permettait d’avoir une position cohérente.

Nous le savons, si le Royaume-Uni est encore membre de l’Union européenne après l’entrée en fonction de la nouvelle commission, dorénavant fixée au 1er décembre, la question va se poser. C’est donc pour cela que nous travaillons à des échéances les plus claires et les plus rapprochées possible. Si un commissaire doit être nommé, il faut une décision à l’unanimité de tous les chefs d’État et de gouvernement, puisqu’il faudra changer des textes qui requièrent une telle unanimité. C’est beaucoup de travail et de procédures. C’est surtout nous retrouver dans une situation que nous ne voulions pas, c’est-à-dire que le Brexit perturbe notre capacité à nous donner des objectifs et des priorités pour les citoyens de l’Union.

Je répondrai bien entendu ensuite aux questions que les sénatrices et les sénateurs m’auront posées, mais je veux m’attarder un instant sur l’élargissement. Pourquoi avons-nous refusé de découpler ? Le Président de la République a pensé qu’il s’agissait d’une stratégie funeste pour la stabilité de la région. C’était aussi l’avis de très nombreux chefs d’État et de gouvernement. Si, d’un côté, nous disons « oui » à la Macédoine du Nord, mais que nous laissons l’Albanie au milieu du gué, sans perspective, sans trajectoire, tous les efforts que nous faisons pour stabiliser le Kosovo, sachant qu’il y a des minorités albanaises dans l’intégralité des pays de la région, seront réduits à néant.

En outre, nous avons constaté que des réformes demandées en juin 2018 et en juin 2019 n’étaient pas arrivées à leur terme en Macédoine du Nord, et que d’autres réformes demandées en Albanie n’étaient pas non plus mises en œuvre complètement. Il était alors difficile de dire qu’avec la même méthode nous arrivions à des conclusions différentes.

Le point clé de notre démarche, monsieur le président Bizet, c’est non pas de proposer une solution alternative, mais de travailler avec ces pays pour qu’ils puissent rejoindre l’Union européenne en ayant franchi les étapes initiales que nous leur avons fixées. C’est un processus par étapes, et nous ferons des propositions à la Commission, propositions que nous avons partagées, depuis déjà quelques mois, avec nos partenaires. Je ne parlerai pas de statut intermédiaire. À mon sens, ce n’est pas forcément le statut qui compte, mais il faut que nous puissions apporter à ces pays la possibilité d’avoir un accès graduel, séquentiel aux politiques, en commençant, peut-être, par la politique agricole, la politique de cohésion, la politique d’innovation, pour, in fine, accéder au marché intérieur et au Conseil européen.

Aujourd’hui, c’est un processus purement juridique. Seule la Commission met de la pression, mais les populations n’en voient pas les résultats. Pour un gouvernement, c’est plus difficile de faire des réformes si la pression vient seulement de l’extérieur. Si nous arrivons à apporter aux populations des bénéfices concrets, ces peuples accorderont beaucoup de crédit à l’Europe.

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