Intervention de Alain Anziani

Réunion du 19 janvier 2010 à 21h30
Réforme des collectivités territoriales — Suite de la discussion d'un projet de loi

Photo de Alain AnzianiAlain Anziani :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je commencerai mon intervention par cette question : quelles sont aujourd’hui les préoccupations des Français ? Le chômage, le pouvoir d’achat qui diminue, les inégalités qui se creusent, les délocalisations qui menacent notre industrie, peut-être aussi la planète qui s’affole…

Vous m’accorderez, monsieur le ministre, que ces difficultés ne relèvent ni des communes, ni des départements, ni des régions. Pourtant, vous choisissez de mener avec la plus grande énergie la réforme des collectivités territoriales, en dénonçant ces dernières, ou en les qualifiant de boucs émissaires de tous les maux que je viens d’énoncer. Vous inventez, qui plus est, le conseiller territorial, comme si cet élu à deux têtes allait répondre à des questions qui relèvent pourtant, pour l’essentiel, de la compétence du Gouvernement.

D’une certaine façon, je suis injuste, monsieur le ministre, car vous avancez un argument fort et simple à l’appui de votre volonté de big bang territorial : la réduction de la dette publique qui, effectivement, devient astronomique. Vous avez raison : une dette qui frôle les trois quarts du produit intérieur brut compromet certainement l’avenir. Mais à chaque fois que vous pointez du doigt l’endettement public, vous faites en réalité le procès non pas des collectivités territoriales, mais de l’État. Sur 1 500 milliards d’euros d’endettement, les collectivités n’interviennent que pour 141 milliards d’euros, soit moins de 10 %.

L’État veut réformer les collectivités : qu’il commence par se réformer lui-même ! Cette réforme de l’État ne devrait pas se confondre avec les restrictions budgétaires de la révision générale des politiques publiques, c’est-à-dire avec des suppressions d’emplois parfois aveugles. Ce n’est pas en fermant des tribunaux, des hôpitaux ou des sous-préfectures que vous allez changer notre administration en profondeur.

La vraie réforme de l’État consiste dans un autre partage de l’action publique et, au fond, près de trente ans après les lois Defferre, à accepter enfin la décentralisation. Aujourd’hui, l’État entretient une relation ambiguë avec les collectivités locales. Incapable de gestion de proximité, il transfère des compétences, mais souvent à regret, toujours avec méfiance et jamais à bon compte – Philippe Madrelle en sait quelque chose dans notre département de la Gironde !

À l’inverse, faute de moyens, il fait les poches des collectivités pour trouver de quoi financer ce qui lui incombe, notamment les grandes infrastructures du territoire. Parfois, il lui arrive même de mettre aux enchères une ligne de TGV ou une autoroute. Et toujours, sans crainte de se contredire, il leur fait le procès de dépenser trop.

La vérité est autre : la dépense publique de nos collectivités ne représente que 21 % de la dépense publique totale en France ; elle est par ailleurs l’une des plus faibles d’Europe : moitié moins qu’en Allemagne, trois fois moins qu’au Danemark.

Voilà sans doute notre grand désaccord. Nous pensons que la décentralisation est une chance ; au-delà de vos déclarations de principe, vous la voyez comme un danger. Nous voulons la développer ; vous voulez la diminuer.

Ce désaccord est sans doute encore plus profond, car il oppose deux visions. La première date des années Thatcher : moins il y a d’action publique, mieux le pays se porte ; cela donne moins d’État et moins de collectivités locales. Nous connaissons le résultat…

La seconde vision, qui est la nôtre, privilégie le service public, qu’il soit national ou local.

En fait, monsieur le ministre, le gouvernement auquel vous appartenez tente de vendre cette réforme avec des mots : la modernité, le progrès, l’innovation, l’adaptation… J’ai même entendu tout à l’heure l’un de nos collègues nous dire que M. Fillon allait enfin réaliser la réforme dont il avait rêvé… Mais quand ce rêve-là prendra fin, nous ouvrirons les yeux et découvrirons un paysage dévasté par votre casse territoriale !

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