… rapport que vous avez pris l’initiative de leur commander, madame la garde des sceaux, quelques mois après les travaux conduits par le Sénat – en juillet 2018, si je ne me trompe.
Pour permettre à la France de retrouver sa place de leader en Europe, il faut que nos maisons aient la capacité de proposer à la vente des objets de valeur venus de France et des autres pays européens. Cela suppose que nous disposions d’un système qui, à la fois, soit dynamique et inspire la confiance. C’est ce qui justifie ma proposition de réforme du Conseil des ventes volontaires.
Il ne serait pas souhaitable, à mon sens, de déréguler totalement la profession. Gardons à l’esprit que, contrairement à d’autres pays, comme le Royaume-Uni, le secteur des ventes volontaires ne se limite pas à Paris, même si c’est généralement dans la capitale que sont vendues les œuvres de plus grande valeur. Il ne faudrait pas que nous perdions ce maillage territorial si précieux.
Le maintien d’une instance de régulation est indispensable, pour trois motifs.
Premièrement, éviter que la concentration du secteur, déjà forte, ne s’accroisse encore davantage.
Deuxièmement, garantir le maintien sur l’ensemble du territoire de maisons de vente utiles au tissu économique, social et culturel local.
Troisièmement, veiller au bon fonctionnement de ce marché, particulièrement exposé aux risques de blanchiment et de trafic illicites.
Pour autant, je crois que le fonctionnement du Conseil des ventes volontaires n’est plus adapté aux réalités du marché de l’art. Il doit être modernisé. D’où mes différentes propositions.
Tout d’abord, rebaptiser ce conseil en « Conseil des maisons de vente », pour en faciliter l’identification.
Ensuite, réviser la composition du conseil pour attribuer aux représentants des professionnels la majorité des sièges, tout en assurant la représentation du maillage territorial et des autorités de régulation.
Les professionnels ne se reconnaissent pas suffisamment dans la composition actuelle du Conseil des ventes volontaires, et je les comprends, alors même qu’ils sont à la base de son financement, via leurs cotisations. D’où l’importance d’avoir une majorité de professionnels, qui permettront de tisser des liens plus étroits avec le terrain, mais également d’imprimer un esprit plus « entrepreneurial » dans le fonctionnement de cet organe.
Au demeurant, j’insiste sur l’importance que tous les professionnels se sentent représentés au sein de cette nouvelle instance, indépendamment de la taille des structures ou de leur implantation géographique.
Ces évolutions, qui permettront au conseil d’être plus représentatif, sont à mon sens de nature à accroître l’écoute et le dialogue entre les professionnels et le Gouvernement.
Ma proposition de loi tend également à élargir le périmètre des missions du conseil pour en faire un véritable outil de concertation entre le Gouvernement et les professionnels des ventes volontaires.
Elle lui confie une fonction d’information et d’observation du secteur. Cette connaissance est un préalable indispensable pour imaginer, ensuite, les outils les plus adaptés pour faire face aux différentes mutations actuelles, qui sont loin d’être négligeables quand on voit l’importance prise par les ventes aux enchères en ligne.
Dernier axe de ma proposition de loi, la question des sanctions disciplinaires, un sujet essentiel si l’on veut garantir la confiance dans le secteur.
La directive européenne du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur, dite « directive Services », n’autorise pas des professionnels à prendre des décisions individuelles à l’encontre d’autres professionnels, d’où la difficulté à confier cette mission au nouveau Conseil des maisons de vente, dès lors que les représentants des professionnels détiendraient la majorité des sièges.
Cela m’a conduite à proposer la création d’un organe disciplinaire indépendant au sein du conseil, composé de trois membres : un membre du Conseil d’État, un conseiller à la Cour de cassation et une personnalité ayant cessé d’exercer depuis moins de cinq ans l’activité d’opérateur de ventes volontaires, pour éviter tout conflit d’intérêts.
Je suis très attachée à cette proposition, car j’estime, d’une part, qu’il serait contreproductif de confier cette mission aux juridictions de droit commun, compte tenu de leur fort encombrement, dans un secteur où il est, de surcroît, souvent nécessaire de statuer en urgence ; d’autre part, que cette option permet de favoriser la médiation, ce qui me paraît devoir être privilégié dans un secteur comme celui-ci.
J’espère, madame la garde des sceaux, que l’examen de cette proposition de loi se poursuivra dans les prochaines semaines à l’Assemblée nationale, tant nous sommes nombreux à partager le constat de la nécessité de légiférer en la matière, et parce qu’il faut répondre à une profession depuis longtemps dans l’attente.
Je ne doute pas que ce texte puisse servir de base de discussion et que nous parvenions à trouver des points de convergence au cours de la navette, pour lui permettre de connaître le même destin qu’une autre proposition de loi sénatoriale, votée récemment à l’unanimité des deux chambres. Je pense, bien sûr, à la proposition de loi tendant à créer un droit voisin au profit des agences de presse et des éditeurs de presse, que nous évoquions voilà quelques instants avec le ministre de la culture. §