Intervention de André Gattolin

Réunion du 23 octobre 2019 à 22h00
Régulation du marché de l'art — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de André GattolinAndré Gattolin :

Tout en approuvant les grandes lignes de cette réforme de l’organisation interne de cette autorité, la commission des lois du Sénat a apporté quelques modifications substantielles, notamment en recentrant l’activité du Conseil sur sa mission de régulation. Elle a également précisé sa composition. À ce titre, l’amendement du Gouvernement ayant pour objet la représentation territoriale des opérateurs de ventes volontaires parmi les professionnels élus au sein du Conseil relève, à mes yeux, du bon sens.

Concernant le régime disciplinaire, la commission des lois a utilement clarifié les règles applicables au fonctionnement de la commission d’instruction. Tout d’abord, elle a précisé que cette instance devait constituer un organe distinct de la juridiction disciplinaire. Puis, au titre de son organisation, elle a détaillé les règles applicables en cas d’empêchement ou de déport simultané d’un membre titulaire ou en cas de désaccord entre deux membres de la commission.

Mes chers collègues, en résumé, ce texte, attendu et salué par les professionnels des maisons de vente, est relativement consensuel. Aussi, les élus du groupe La République En Marche le soutiendront, en attendant naturellement que nos collègues députés l’examinent et l’enrichissent à leur tour.

Toutefois, il ne faut pas se leurrer quant aux buts visés : il s’agit notamment de s’inscrire dans une stratégie globale de reconquête du marché de l’art mondial. Réformer la régulation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques n’aura – il faut bien l’avouer – qu’une incidence secondaire, voire minime, sur la place de notre pays sur le marché de l’art.

On le sait : aujourd’hui, l’essentiel du marché de l’art se concentre dans trois pays, le Royaume-Uni, les États-Unis et la Chine, qui totalisent environ 90 % du chiffre d’affaires global. La part de la France ne représente en moyenne que 4 % de ce montant. Les principales ventes de 2019 ont lieu à New York ou à Londres, et les maisons françaises ne profitent pas des ventes record dédiées à l’art moderne.

Le déclin de la place de Paris – il faut le dire – a commencé dès l’après-guerre. À l’époque, Drouot était encore le principal lieu de ventes dans le monde, et son chiffre d’affaires était équivalent à celui de Sotheby’s et Christie’s réunis. Le recul de la France s’est définitivement accéléré durant les années soixante. Daniel Cordier, compagnon de la Libération et ancien secrétaire de Jean Moulin, résuma assez bien la situation lorsqu’il ferma sa galerie en 1964 : « Paris fait désormais partie de la périphérie par rapport à New York. »

Mes chers collègues, depuis vingt ans, l’on assiste à la montée des places asiatiques, qui n’est sans lien avec l’enrichissement rapide de la région, notamment de certains hommes d’affaires ou responsables chinois. Pourtant, nous avons aujourd’hui devant nous une belle occasion de reconquérir des parts du marché mondial de l’art, grâce aux effets à venir du Brexit : des galeries ferment actuellement à Londres, tandis que de nouveaux espaces ouvrent à Paris.

Notre point fort, c’est le marché unique. Nous devons en profiter pour nous demander pourquoi le chiffre d’affaires des maisons de vente françaises est si faible et comment il est possible d’augmenter le volume des ventes. Faut-il simplifier le fonctionnement des maisons de vente ? Faut-il simplifier l’accès à la profession de commissaire-priseur volontaire, comme le préconise le rapport Chaubon-de Lamaze ?

Stéphane Travert l’a parfaitement relevé dans son propre rapport : le statut et le monopole des commissaires-priseurs ont conduit à une démarche de contournement du marché français. Les maisons de vente étrangères, qui se sont senties exclues de notre pays par la réglementation française, ont développé un réseau et des outils tellement performants que le retard pris peut parfois paraître irrattrapable.

Toutefois, plus encore que la réglementation, l’axe sur lequel il faudrait collectivement avancer est celui de la scène française et de la création artistique. Je dis « collectivement », parce qu’en premier lieu nos institutions et nos collectionneurs doivent oser mettre en avant des artistes français.

Si François Pinault ou Bernard Arnault sont des collectionneurs influents, ils le sont grâce à leurs achats internationaux : excepté Daniel Buren, ils ne mettent pas en avant des artistes français.

En la matière, « acheter français » ne se décrète pas. Il y a donc encore beaucoup à faire, notamment en associant le ministère de la culture à nos grands acteurs économiques et financiers pour redonner tout son lustre à notre pays sur le marché de l’art !

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