Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, la présente proposition de loi vise à moderniser la régulation du marché des ventes aux enchères publiques opérée par le Conseil des ventes volontaires, rebaptisé Conseil des maisons de vente.
L’existence de cet établissement est une particularité française, si bien que sa suppression est souvent évoquée, au profit de la création d’une direction dédiée à ce secteur au sein du ministère de la culture.
L’auteure du texte, Catherine Morin-Desailly, ainsi que la rapporteure, Jacky Deromedi, dont je salue le travail, ont fait le choix de préserver le Conseil des ventes volontaires tout en proposant une réforme de fond tendant à moderniser l’établissement. Il s’agit, pour l’essentiel, de renforcer son efficacité et la transparence de son fonctionnement tout en agrandissant son périmètre d’action.
La commission des lois a souhaité recentrer ses missions sur la régulation du secteur, en supprimant la fonction de représentation des opérateurs de ventes volontaires auprès des pouvoirs publics, rôle dont l’on proposait de doter le Conseil et qui, aujourd’hui, est assumé par les syndicats.
Nous saluons également l’adoption d’un amendement visant à autoriser l’établissement à effectuer des contrôles sur place dans le cadre de la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Selon les estimations du Fonds monétaire international, le FMI, le marché noir des œuvres d’art représenterait en 2019 un volume de 6 milliards d’euros, soit 10 % du marché de l’art. Ces pratiques sont renforcées par l’opacité du marché et par l’anonymat des acheteurs, qui, dès le mois de janvier prochain, devrait être levé pour les transactions supérieures à 10 000 euros, en application de la cinquième directive européenne anti-blanchiment. La création d’un organe disciplinaire distinct du Conseil contribuera également à renforcer l’efficacité de la régulation du marché de l’art, en limitant les conflits d’intérêts.
Nous sommes convaincus que cette proposition de loi va dans le bon sens, mais nous mesurons également ses limites. Nous devons poursuivre nos efforts pour relancer le secteur, qui accuse un très fort déclin depuis cinquante ans.
Jusque dans les années soixante, la France était au cœur du marché de l’art mondial. Aujourd’hui, les rapports de force économiques et normatifs ont changé, l’attractivité de la place de Paris décline : cette dernière arrive loin derrière New York, Londres et Hong Kong.
Cette partition récente témoigne du fort vent de compétitivité qui souffle sur un marché des ventes aux enchères désormais mondialisé, volatil et fortement polarisé par des acteurs puissants, tels que les maisons de vente Christie’s et Sotheby’s.
Comment expliquer un tel décrochage, alors même que la France bénéficie d’événements à dimension internationale comme la Foire internationale d’art contemporain, la FIAC, et d’un réseau de spécialistes de grande qualité ?
Les objectifs de préservation du patrimoine ont longtemps éclipsé les politiques de soutien au marché de l’art. La réforme du marché des ventes aux enchères, engagée sous l’impulsion de la Commission européenne à partir des années 1980, a mis fin au blocage des commissaires-priseurs, opposés à toute forme d’évolution. Les nombreux rapports publiés ces dernières années témoignent à la fois de l’importance du secteur des ventes aux enchères et des difficultés rencontrées par le législateur pour le faire évoluer.
La loi du 10 juillet 2000 a opéré une première réforme, libéralisant le marché français en mettant fin au monopole des commissaires-priseurs pour les ventes volontaires, et créant en même temps le Conseil des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques. À l’origine, cette instance était essentiellement chargée de délivrer des agréments aux opérateurs et de sanctionner les manquements à leurs obligations.
L’effort de libéralisation des ventes volontaires aux enchères publiques s’est poursuivi avec la réforme de 2011, autorisant notamment les commissaires-priseurs à effectuer des ventes de gré à gré.
Malgré ces réformes, l’organisation du marché est restée archaïque, et les divergences législatives et réglementaires entraînent des distorsions de concurrence entre les différentes places de vente. Paris est en concurrence directe avec Londres, au marché plus libéral et partant plus attractif pour les œuvres. Or il est difficile de se départir de règles qui limitent tant bien que mal la fraude et les opérations de blanchiment. Il est également difficile, à ce stade, de prévoir les conséquences, certaines, qu’aura le Brexit sur l’attractivité déjà faible de la place de Paris vis-à-vis de celle de Londres sur le marché des enchères.
Aussi, les membres du groupe Les Indépendants – République et Territoires apportent tout leur soutien à cette réforme. Nous invitons le Gouvernement à poursuivre les efforts pour permettre à la place de Paris, non pas de retrouver son rayonnement d’antan – ce serait illusoire –, mais de s’affirmer face au leadership du Royaume-Uni. Nous avons un maillage de galeries exceptionnel, des experts de très bon niveau, un savoir-faire reconnu et un réseau d’artistes contemporains qui ne demandent qu’à être valorisés !