Intervention de Laurent Nunez

Réunion du 24 octobre 2019 à 14h30
Statut de citoyen sauveteur — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Laurent Nunez :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, la question des arrêts cardiaques nous concerne tous.

Chaque année, 40 000 personnes meurent en France d’un arrêt cardiaque inopiné ; notre taux de survie en cas d’attaque est de 3 % à 4 %. Ce taux est faible ; il l’est plus encore lorsqu’on le compare avec celui des pays anglo-saxons et scandinaves, où 20 % à 40 % des victimes survivent, soit dix fois plus.

Ces chiffres démontrent deux choses : une urgence à agir et une urgence à former. C’est l’objet même de la proposition de loi déposée par Jean-Charles Colas-Roy à l’Assemblée nationale. Ce texte n’appelle pas aux débats partisans, mais à la responsabilité de toutes et tous. C’est d’ailleurs cet esprit qui avait prévalu à l’Assemblée nationale, où le texte avait été adopté à l’unanimité.

J’aimerais revenir sur les fondements et les objectifs de ce texte. Dès son élection, le Président de la République avait fixé un objectif aussi nécessaire qu’ambitieux : former 80 % de la population aux gestes qui sauvent d’ici à dix ans.

C’est d’autant plus essentiel que 70 % des attaques cardiaques se déroulent devant des témoins et que chaque minute compte. Je veux vous en donner une idée précise : sans massage cardiaque, les chances de survie s’amenuisent de 10 % par minute. Au-delà de trois minutes sans massage, les lésions provoquées sont généralement irréversibles. Au-delà de dix minutes, les chances de survie sont pratiquement nulles.

En moyenne, les secours mettent treize minutes à intervenir – c’est à peine trois minutes de plus que le laps de temps très court, dix minutes, qui condamne une victime.

Aussi, augmenter le nombre de personnes formées et capables d’intervenir vite en cas de détresse permettra de sauver des vies. À nouveau, des chiffres seront plus parlants : si nous atteignons l’objectif fixé par le Président de la République, nous augmenterons le taux de survie de 3 % à 10 % et sauverons 3 000 vies chaque année. Bien sûr, ces chiffres sont théoriques, ils n’en demeurent pas moins parlants.

Cette proposition de loi nous permet d’aller dans le bon sens.

Dans le texte issu des travaux de la commission des lois du Sénat, la première mesure consiste à créer la qualité de sauveteur occasionnel. Je n’anticiperai pas sur les débats qui viendront à l’occasion de l’examen des amendements à l’article 1er. Il s’agit d’une mesure importante, car aujourd’hui une personne qui pratique un massage cardiaque sur une victime n’est pas protégée par le droit et peut être exposée à des poursuites. Le sauveteur occasionnel, c’est-à-dire la personne qui pratique un geste de premiers secours, doit bénéficier d’une protection et de reconnaissance pour son geste.

Par ailleurs, nous devons responsabiliser les Français par tout moyen ; c’est pourquoi l’article 11 de la proposition de loi renforce les peines en cas de vol ou de détérioration d’un défibrillateur.

Le Sénat a beaucoup transformé le texte issu de l’Assemblée nationale. Si je comprends parfaitement sa volonté de législateur d’opérer une séparation rigoureuse des mesures législatives et réglementaires, je crains qu’il ne soit allé un peu trop loin, en supprimant quelques-uns des effets utiles du texte.

Je ne prendrai qu’un exemple : son changement de titre. Avoir remplacé les « gestes qui sauvent » par « les premiers secours » implique un changement et une réduction assez importante du champ d’application du texte. En effet, les « gestes qui sauvent » sont un ensemble de pratiques qui sont rigoureusement définies dans un arrêté du 30 juin 2017 et qui correspondent à une formation précise. Il me paraissait donc utile de maintenir leur mention dans le nom de la proposition de loi afin de continuer à y faire référence.

Il importe par ailleurs que la notion de collaborateur occasionnel du service public, consacrée par la jurisprudence administrative, puisse trouver à s’appliquer non seulement au sauveteur occasionnel, mais aussi à d’autres acteurs du secours.

En ce sens, j’émettrai un avis favorable sur l’amendement déposé par le groupe La République En Marche, qui vient consolider la rédaction de l’article 1er de cette proposition de loi. Mme la rapporteure a également déposé un amendement à ce sujet et nous aurons l’occasion de débattre tout à l’heure. Il s’agit de la mesure phare de ce texte. C’est elle qui permet les plus grandes avancées pour notre prévention et contre les risques d’accident cardiaque. Encore une fois, nous aurons l’occasion de débattre de cette articulation entre le statut de sauveteur occasionnel et celui, jurisprudentiel, de collaborateur bénévole qui assure également une protection à ces personnes.

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