Intervention de Didier Marie

Réunion du 22 octobre 2019 à 21h30
Débat à la suite de la réunion du conseil européen des 17 et 18 octobre 2019

Photo de Didier MarieDidier Marie :

Cette belle unanimité sur le Brexit ne peut, pour autant, être l’arbre qui cache la forêt.

En effet, madame la secrétaire d’État, la réunion du Conseil européen dont nous sommes invités à commenter les résultats me laisse inquiet, frappé par l’état de faiblesse de nos institutions européennes, alors que débutera, au 1er novembre prochain, une nouvelle mandature, qui devrait ouvrir un nouveau cycle européen.

Alors que le besoin de relance d’une Europe forte est de plus en plus prégnant, les dirigeants européens ont semblé paralysés par un manque de cohésion intérieure et la menace des défis extérieurs : mise en place laborieuse de la Commission, absence de politique étrangère, défaut d’entente sur les frontières de l’Europe, blocage du budget à long terme de l’Union européenne… Autant de dossiers que le Conseil européen, attentiste, n’a pas réussi à régler. Ses conclusions sont d’ailleurs anémiques, toute décision étant reportée, au mieux, au prochain Conseil, qui se réunira au mois de décembre.

Permettez-moi de m’arrêter sur quelques-uns de ces sujets. Ma première inquiétude concerne la capacité d’impulsion de la Commission européenne.

La présidente élue prendra ses fonctions dans quelques jours sans avoir bouclé sa Commission. Imposée par défaut par les dirigeants européens et mal élue par les députés, elle apparaît plus en situation de devoir plaire au Parlement et de complaire au Conseil que de tracer les lignes de force des politiques de l’Union européenne. Mme von der Leyen reconnaît elle-même être à la tête d’une Commission plus géopolitique que politique, composée de commissaires désignés pour répondre avant tout à des considérations nationales. La France, prise à son propre jeu, est d’ailleurs tombée dans ce piège.

La nouvelle configuration du Parlement européen ne devrait pas l’aider. Avec un Parlement sans majorité, celle-ci devant être bâtie au fil des textes, la Commission européenne risque d’abaisser par anticipation le degré d’ambition de ses propositions.

Le fragile équilibre du collège de la Commission, son organisation extrêmement pyramidale, la difficulté à discerner parfois les fonctions des uns et des autres risquent de concourir à la neutralisation des initiatives indispensables à la relance européenne. Le signal envoyé par le Conseil européen à son intention pourrait également réduire sa marge de manœuvre.

La France porte une part de responsabilité dans cette situation. L’Union européenne ne peut être le terrain de manœuvres incessantes et l’interventionnisme continuel du Président de la République ne peut que se retourner contre notre pays. L’exécutif doit respecter les rôles dévolus à chaque institution européenne. La Commission ne peut être le secrétariat du Conseil, encore moins celui des intérêts particuliers des États. L’indépendance du Parlement européen doit être respectée, le renforcement de son rôle doit être défendu, notamment à travers l’attribution d’un droit d’initiative propre. Nous avons tout intérêt à la défense de la démocratie parlementaire européenne, car c’est elle qui, dans l’équilibre des institutions, permet de faire primer les intérêts des citoyens européens sur les logiques nationales qui, actuellement, affaiblissent tant la Commission que le Conseil.

La France, au lieu de voir une crise institutionnelle là où le Parlement n’a fait qu’exercer ses prérogatives, serait mieux avisée de plaider efficacement pour un cadre financier ambitieux et un Green Deal européen à hauteur des défis de la transition écologique et de défendre le mieux-disant social européen.

Madame la secrétaire d’État, l’Europe est dans l’urgence. Alors que le populisme prospère, elle a besoin d’institutions fortes et d’un projet clair. En quoi la France y a-t-elle contribué ? Que comptent faire le Gouvernement et le Président de la République pour sortir de l’ornière dans laquelle l’Union européenne se trouve ?

Ma deuxième inquiétude concerne l’incapacité du Conseil européen, au-delà d’une condamnation de principe, à définir une position claire et ferme à l’égard de l’invasion par la Turquie du nord-est de la Syrie pour en chasser les Kurdes, abandonnés honteusement par la coalition internationale.

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