Là où les Kurdes attendaient un soutien concret, le Conseil a acté son incapacité à peser sur la Turquie autrement que par l’adoption de « positions nationales concernant leur politique d’exportation d’armements » et par la mise en place – tenez-vous bien, mes chers collègues ! – d’un groupe de travail. Que dire d’un Haut Représentant qui affirme ne pas avoir de « pouvoirs magiques » ? Le Président de la République ne cesse de parler d’« autonomie stratégique européenne », mais en quoi celle-ci consiste-t-elle réellement ?
Madame la secrétaire d’État, quelles initiatives concrètes la France compte-t-elle prendre pour contribuer à un sursaut de l’Union européenne à l’égard de la Turquie et, plus largement, à une recherche de cohésion en matière de politique étrangère ?
Ma troisième inquiétude concerne l’attentisme du Conseil face aux défis que nous devons relever et l’incapacité de l’Union à définir son projet pour les années à venir.
Concernant la question migratoire, si l’accord obtenu il y a quelques semaines entre quelques États membres sur un dispositif commun pour le débarquement des migrants secourus en mer est le bienvenu, il reste temporaire et repose sur une simple base volontaire. Face aux milliers de personnes qui tentent de franchir la Méditerranée et aux centaines de morts, nous avons déjà trop tergiversé. Il est plus que temps d’engager une réforme du règlement de Dublin, d’harmoniser les critères européens, de créer des centres de premier accueil sur tous les points d’arrivée, d’ouvrir d’autres voies légales d’immigration, plus sûres, plus respectueuses, y compris s’agissant des procédures de réinstallation.
Il est temps que les dirigeants européens traduisent concrètement leur indignation envers les pays d’où partent les embarcations par la solidarité envers les personnes qui les fuient.
L’Union européenne a de nombreux défis à relever. Elle ne pourra le faire sans un budget ambitieux. Or, là encore, les divergences nationales l’emportent, les États membres ayant une fois de plus bloqué les discussions.
Pour rappel, le Parlement européen a proposé, depuis novembre 2018, des dépenses globales à hauteur de 1, 3 % du revenu national brut de l’Union, contre 1, 11 %, taux recommandé par la Commission européenne. Un an après, qu’ont fait les États ? Rien. Pis, la Finlande propose désormais un taux entre 1, 03 % et 1, 08 %. Alors que la présidence finlandaise suggère également de réduire la taille des enveloppes destinées à la PAC, nous devons nous assurer que les nouvelles priorités stratégiques que sont la défense, les migrations et le climat soient développées et que les politiques traditionnelles soient confortées.
Par ailleurs, face à l’urgence environnementale, il est indispensable de mettre nos politiques européennes, comme la PAC, la politique de cohésion ou la recherche, au service de l’environnement et de la lutte contre le dérèglement climatique.
Si nous saluons la décision de nommer un vice-président exécutif qui sera chargé de mettre en place le Green Deal, tout reste néanmoins à bâtir concernant ce dernier : son volume, son champ, le choix du levier de financement, ses modalités.
Les premiers indices ne plaident pas, pour l’instant, en faveur d’un plan Climat qui permette de dégager 1 100 milliards d’euros par an, comme le prône la Cour des comptes européenne. Pour que les nouvelles priorités ne se fassent pas au détriment des politiques traditionnelles, ni la transition écologique au détriment de la justice sociale, de nouvelles ressources propres sont nécessaires.
Un retard du vote du budget 2021-2027 porterait préjudice à l’Europe. Un mauvais accord tout autant ! Dans ces conditions, et alors que M. Macron prétend ne pas être inquiet de l’absence de consensus, comment le Gouvernement entend-il peser pour que celui-ci soit trouvé dans les temps et qu’il soit à la hauteur des défis qui nous attendent ?
Pour conclure, madame la secrétaire d’État, nous ne pouvons plus demeurer dans l’expectative et rester bloqués par les logiques nationales. Il nous faut maintenant avancer pour consolider l’existant et bâtir des politiques nouvelles qui rétablissent la confiance dans l’Union européenne.
Les forces populistes, en réclamant des solutions nationales et un retour aux frontières, mènent l’Europe au bord de la fragmentation et du déclin. Pour les faire reculer, nous devons mettre un terme aux logiques technocratiques et budgétaires et redonner corps à l’idée européenne.
Quelles grandes orientations le Gouvernement entend-il porter pendant cette mandature pour donner à l’Europe les moyens de réussir ? L’Europe doit sortir de son inertie, dépasser ses blocages et s’élancer vers de nouveaux horizons. Pour cela, elle a besoin de la France. Nous attendons donc de l’exécutif des actes forts.