Intervention de Thierry Carcenac

Réunion du 23 octobre 2019 à 15h00
Fiscalité de la succession et de la donation — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Thierry CarcenacThierry Carcenac :

Nous proposions de lisser la progressivité de l’imposition, alors que les seuils sont aujourd’hui très irréguliers. Nous proposions également, ce qui nous semblait parfaitement logique, de ne pas offrir aux mêmes héritiers plusieurs abattements dans le cas d’héritages multiples : on nous l’a également refusé.

Le système actuel est pourtant aberrant : une personne qui hérite de 200 000 euros en une seule fois sera taxée au titre des droits de mutation, alors qu’une personne héritant deux fois de 100 000 euros ne le sera pas ! Comment justifier cette inégalité de traitement manifeste ?

Nous proposions le même travail à l’article 6, afin de ne pas pénaliser les héritiers les plus modestes. Or le Gouvernement nous a opposé les difficultés de ciblage de nos propositions. Monsieur le secrétaire d’État, c’est peut-être exact : nous ne disposons pas, comme vous, de l’administration fiscale pour effectuer des simulations complètes. Toutefois, je formulerai deux observations à cet égard.

Tout d’abord, vos analyses se fondent sur la seule lecture d’un article : elles ne tiennent pas compte des effets de l’intégralité des articles, notamment ceux qui réforment l’assiette des droits de mutation. En étendant cette assiette, l’on permet de taxer plus en raccommodant les trous de la raquette.

Ensuite – cette remarque va d’ailleurs dans le sens des propos récemment tenus par Gérald Darmanin –, vous auriez pu proposer des aménagements par voie d’amendements et engager le dialogue avec nous. J’ai cru comprendre que cette discussion était remise à plus tard.

Nous aurions été heureux de pouvoir travailler avec vous dans le sens de l’intérêt général : vous nous avez opposé le silence et le rejet pur et simple de nos propositions. Nous en prenons acte.

En définitive, le deuxième enjeu de cette proposition de loi visant à assurer une fiscalité des héritages et donations plus juste et plus équilibrée a été clairement rejeté par la droite sénatoriale et par le Gouvernement. Il sera difficile d’affirmer que les plus grands patrimoines ne sont pas protégés, ce au détriment des autres parties de la population.

Le troisième et dernier enjeu de notre proposition de loi consistait à revoir l’assiette même des droits de mutation. Cela permettait, en premier lieu – il ne faut pas le cacher –, de financer nos propositions en faveur de la jeunesse tout en rééquilibrant la progressivité de l’impôt, et, en second lieu, de mettre fin à des situations d’iniquité fiscale, voire à des pratiques d’optimisation fiscale de la part des contribuables les plus aisés.

En effet, on ne comprend pas bien pourquoi, aujourd’hui, l’assurance vie, premier placement financier des Français, ne serait pas incluse dans l’assiette des droits de mutation. Dans quelques instants, nous défendrons d’ailleurs un amendement tendant à rétablir cette disposition. À en croire certaines compagnies d’assurance, dont les offres sont consultables sur internet, il serait possible de pratiquer de l’optimisation fiscale en souscrivant au moins pour 2 millions d’euros d’assurance vie. Tel est le sens de notre proposition tendant à revenir sur cette exonération.

Comment justifiez-vous que les plus aisés puissent aujourd’hui, par le biais des placements en assurance vie, pratiquer une optimisation fiscale aussi choquante que légale ?

On ne comprend pas bien non plus la subsistance du régime des bois et forêts issu de la loi Sérot, datant des années 1930 : plus rien ne justifie une telle exception sur le fond. Cette niche permet principalement à quelques riches propriétaires fonciers, « agriculteurs du XVIe arrondissement », de réduire leur taux d’imposition.

Enfin, si nous convenons tous qu’il est nécessaire d’aider les transmissions d’entreprise familiale – je pense notamment à ce que va nous dire M. Nougein –, nous ne comprenons pas que l’on actionne le levier des droits de mutation, lequel est largement remis en cause, rapport après rapport. À cet égard, nous défendrons également un amendement de rétablissement, même si nous souhaitons évidemment disposer d’un plus grand laps de temps pour mener à bien ce travail.

La transmission d’entreprises, notamment familiales, peut recevoir l’appui des pouvoirs publics ; mais le système actuel ne répond pas de cette logique, et c’est cela que nous voulons changer.

Monsieur le secrétaire d’État, là encore, le « ni droite ni gauche » ne tient pas : vous vous êtes aligné sur les positions de la droite sénatoriale, …

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