Intervention de Élisabeth Lamure

Réunion du 23 octobre 2019 à 15h00
Changement d'assurance emprunteur — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Élisabeth LamureÉlisabeth Lamure :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous sommes en quelque sorte invités, aujourd’hui, à mettre la touche finale à une aventure entamée voilà à peu près dix ans. Il s’agit de permettre concrètement au consommateur de résilier son assurance emprunteur s’il le souhaite.

En effet, le consommateur apparaît souvent comme la partie faible du contrat de prêt ou d’assurance. Le législateur est intervenu à plusieurs reprises, depuis 2010, pour renforcer ses droits et rééquilibrer la relation qui le lie à son assureur. Plusieurs manquements sont pourtant constatés sur le terrain, qui viennent obérer les chances, pour un assuré, de changer d’assureur, donc de réaliser des économies substantielles.

Mes chers collègues, avant d’examiner les solutions proposées dans le texte de notre collègue Martial Bourquin et par la commission des affaires économiques pour renforcer l’effectivité du droit de résiliation, je veux préciser de quoi l’on parle et vous donner quelques chiffres.

L’assurance emprunteur est une question importante dans la vie quotidienne de nos concitoyens, puisqu’elle conditionne, dans la majorité des cas, l’obtention d’un prêt immobilier. Elle facilite donc l’accès au crédit de tous les segments de la population.

Les chiffres relatifs à ce marché parlent d’eux-mêmes : 1 million de crédits immobiliers ont été contractés en 2018. À peu près autant de nouveaux contrats d’assurance emprunteur ont donc été conclus. Les cotisations de cette assurance représentent environ 9 milliards d’euros par an. En moyenne, l’assurance emprunteur représente entre 6 % et 15 % du montant du prêt pour un ménage, selon son profil de risques. Les montants en jeu sont donc considérables.

Depuis 2010, le législateur est intervenu à quatre reprises afin d’ouvrir, puis d’élargir progressivement le droit à la résiliation de cette assurance, augmentant ainsi la concurrence sur ce marché.

De fait, l’objectif d’une baisse des tarifs au profit du consommateur a été atteint : d’après la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la DGCCRF, les assureurs alternatifs ont proposé des tarifs plus bas et permis de diminuer les prix moyens, forçant les bancassureurs à s’aligner et à diminuer à leur tour les prix, afin de conserver leur clientèle.

C’est d’ailleurs la raison pour laquelle les parts de marché ont peu évolué dans les faits : si les bancassureurs détiennent toujours environ 87 % du marché, c’est avant tout parce qu’ils se sont adaptés à la concurrence, ce qui s’est traduit par plusieurs milliers d’euros d’économie pour les assurés ayant changé d’assureur.

Pour autant, les intentions du législateur ne sont parfois pas respectées sur le terrain. Or il nous revient d’évaluer concrètement l’application des lois que nous adoptons et de proposer des améliorations ou des modifications lorsqu’elles sont nécessaires.

En l’espèce, des incertitudes juridiques et les manœuvres dilatoires de certains prêteurs entretiennent la confusion du consommateur, appelant des précisions et des correctifs.

Une partie de ces manquements tirerait son origine du flou juridique entourant la notion de « date d’échéance » du contrat d’assurance emprunteur. Certains contrats n’en disposent pas, parce qu’ils ont été signés avant la consécration du droit à résiliation, en 2014, puis en 2017. D’autres présentent, au contraire, plusieurs dates, qui peuvent toutes en même temps prétendre à ce qualificatif. C’est ce flou qu’exploitent parfois certains prêteurs pour indiquer au consommateur qu’il n’a pas respecté la bonne date et qu’il ne peut donc pas rejoindre la concurrence.

Pour répondre à ce problème, notre collègue Martial Bourquin proposait deux solutions : inscrire dans la loi de ce que recouvre la notion de date d’échéance et créer, pour les assureurs, d’une obligation annuelle d’informer l’assuré de son droit à résiliation, trois mois avant la date anniversaire de la signature du prêt.

À l’unanimité de la commission des affaires économiques, des compléments et des précisions ont été apportés au texte. Je veux vous en exposer les grandes lignes.

Concernant la première solution, qui consiste à inscrire dans la loi que la date d’échéance est la date anniversaire de la signature de l’offre de prêt par l’emprunteur, la commission a souhaité retranscrire fidèlement la recommandation du Comité consultatif du secteur financier, le CCSF, de novembre 2018, dont l’avis a été rendu à l’unanimité de ses membres, lesquels regroupent des représentants des banques, des assurances et des consommateurs – c’est suffisamment rare pour être souligné.

Cet avis a recommandé de retenir comme date d’échéance la date anniversaire de la signature de l’offre ; c’est ce que fait la proposition de loi. Cependant, il recommandait également de préciser qu’une autre date d’échéance pouvait être retenue à la demande du client, si cette date figure sur le contrat.

Par exemple, si un assuré a déjà changé d’assureur, il possède un nouveau contrat qui indique, lui, une date précise d’échéance. Il convient que l’assuré puisse opter pour cette date. La commission a donc choisi d’inscrire également dans la proposition de loi cette partie de l’avis du CCSF. Ainsi, l’assuré garde véritablement la main sur la période de résiliation qui lui convient le mieux, ce qui est un facteur de clarté et de bonne appropriation du droit qui lui a été reconnu.

La commission a aussi prévu que cette nouvelle définition de la date d’échéance figure sur la notice énumérant les risques garantis que le prêteur remet à l’emprunteur lorsqu’il lui propose une assurance.

La seconde solution proposée dans le texte consistait à créer, pour les assureurs, une obligation d’informer l’assuré trois mois avant la date d’échéance de son droit à résiliation. Bien informer le consommateur est fondamental, car c’est seulement ainsi que celui-ci connaîtra ses droits et pourra faire jouer la concurrence.

Toutefois, nous nous sommes rendu compte que, présentée ainsi, cette obligation ne pouvait être respectée, tous les assureurs ne connaissant pas cette date de signature de l’offre de prêt, qui relève des relations contractuelles entre un prêteur et un emprunteur.

Ainsi, pour les contrats en cours, qui sont parfois anciens, les assureurs seraient contraints de calculer une période d’envoi de l’information à partir d’une date qui leur est inconnue. Ils seraient donc placés involontairement dans l’illégalité. Par conséquent, cette obligation serait source d’un contentieux de masse.

Une solution aurait été que les assureurs demandent aux différents prêteurs la date de signature de chacun de leurs millions de contrats, ce qui aurait constitué une obligation disproportionnée, alors que d’autres solutions existent pour la bonne information du consommateur.

C’est pourquoi la commission a choisi de créer une obligation pour l’assureur d’informer chaque année l’assuré de son droit général à résiliation et des délais et procédures qu’il doit respecter s’il souhaite en faire usage.

Ainsi, chaque assuré saura qu’il peut résilier son contrat et sera informé de la démarche à accomplir, à charge pour lui, bien évidemment, de connaître sa date de signature. C’est un vrai pas en avant dans le rééquilibrage des relations entre le consommateur et l’assureur.

Il a également été décidé de renforcer fortement les sanctions administratives dans les cas où les prêteurs et assureurs tentent d’induire leurs clients en erreur, de ne pas leur répondre ou de le faire hors délai, bref, de les tromper de mauvaise foi. En effet, une obligation sans sanction risque de rester un vœu pieux, à l’opposé de ce que nous recherchons.

Aujourd’hui, les sanctions pénales s’élèvent à 3 000 euros environ. Non seulement leur montant est trop faible, mais elles sont peu appliquées dans la pratique.

La commission les a dépénalisées, afin que la DGCCRF et l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, l’ACPR, soient en charge de les appliquer. Cela présentera un avantage décisif : leur montant s’élèvera jusqu’à 15 000 euros par infraction pour une personne morale, soit cinq fois plus qu’aujourd’hui. En outre, le droit actuel offre à la DGCCRF et à l’ACPR la possibilité de publier leurs décisions de sanction, pour plus de dissuasion.

Voilà, mes chers collègues, le travail conduit par la commission des affaires économiques. Je me félicite que ses propositions aient été adoptées à l’unanimité. Cela témoigne à la fois de l’urgence d’agir et du consensus qui entoure ces mesures.

Je forme le vœu que, dans le même élan, notre assemblée parvienne à la même unanimité aujourd’hui. §

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