Intervention de Hubert Védrine

Groupe de suivi sur le retrait du Royaume-Uni et la refondation de l'Union européenne — Réunion du 11 janvier 2017 à 8h35
Audition M. Hubert Védrine ancien ministre des affaires étrangères

Hubert Védrine, ancien ministre des affaires étrangères :

Monsieur Bockel, je ne partage pas l'idée répandue à Paris qu'une sortie des Britanniques nous autoriserait des avancées qu'ils nous empêchaient de faire précédemment. Lorsque l'Union européenne a vraiment voulu faire quelque chose, les Britanniques se sont mis en dehors du processus, comme pour Schengen ou la zone euro. Lorsque l'Union n'a pas fait une chose, ce n'est pas de la faute des Britanniques. S'ils sortent, on se retrouvera face à nos désaccords internes. Le blocage est dû aux peuples et non aux « méchants » Britanniques.

Il n'y a plus de couple franco-allemand depuis la réunification - c'est un état de fait. Depuis dix à quinze ans, le discours de la refondation du couple franco-allemand n'a jamais totalement disparu en France, alors qu'il n'était plus évoqué que par M. Schäuble en Allemagne, qui estime qu'on ne prendra la France au sérieux que lorsqu'elle aura fait des réformes sérieuses. Si je comprends la nostalgie, vous ne verrez plus jamais de couples - au sens sentimental du terme - De Gaulle-Adenauer, Valéry Giscard d'Estaing-Helmut Schmidt ou Mitterrand-Kohl, d'une autre époque. Évoquer le terme de moteur serait plus adéquat. Il n'y a pas de solution de remplacement. L'Allemagne est gênée par son poids actuel, qui n'est pas dû à Mme Merkel : le père de la réunification est Mikhaïl Gorbatchev, celui de la force économique allemande Gerhard Schröder. Les Allemands seraient contents de trouver des partenaires de très haut niveau, mais non un couple. Même après cinquante ans de religion d'État sur l'amitié franco-allemande, ils restent des peuples différents. Une entente peut se reconstituer sur certains sujets. Je crois à la nécessité d'une entraide franco-allemande pour des projets efficaces, mais ce n'est pas si évident. Si on ne se remet pas à niveau par les réformes qu'ont réalisées tous les pays développés, les Allemands ne nous prendront pas au sérieux. C'est un objectif raisonnable, intéressant et utile.

Madame Keller, si le Royaume-Uni sort complètement de l'Union européenne, ce sera un pays tiers avec lequel les négociations seront difficiles, et qui n'est plus soumis à la libre circulation dans l'espace Schengen. Or paradoxalement, le peuple britannique souhaite un contrôle radical mais surtout par rapport aux migrations internes à l'Union européenne, et non aux réfugiés. Si les Britanniques restent dans l'Union, la libre circulation dépendra d'un éventuel accord en 2018-2019, à condition que l'Union propose des conditions différentes.

Oui, il faut respecter les peuples, mais c'est le Parlement britannique qui s'estime incarner la légitimité démocratique depuis toujours. En 2018, peut-être qu'il estimera qu'en dépit de son mandat de négociation exercé durant un an, la situation est inextricable. Il pourra reprendre la main si l'opinion publique britannique est rassurée et si l'Union se refonde. Je n'exclus pas totalement cette hypothèse...

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