Intervention de Hubert Védrine

Groupe de suivi sur le retrait du Royaume-Uni et la refondation de l'Union européenne — Réunion du 11 janvier 2017 à 8h35
Audition M. Hubert Védrine ancien ministre des affaires étrangères

Hubert Védrine, ancien ministre des affaires étrangères :

Il faut distinguer sécurité et défense. Refonder un espace Schengen crédible et fonctionnel, ce n'est pas hors de portée, tandis qu'une Europe de la défense serait plus complexe.

Monsieur Marie, il n'y a pas d'un côté, la Grande-Bretagne et, de l'autre, les autres pays européens : ces autres pays ne sont pas unanimement d'accord entre eux ! Sinon on n'aurait pas un tel désarroi des peuples. La Cour de Karlsruhe considère que l'Allemagne doit arrêter tout abandon de souveraineté, et que le Parlement européen n'est pas assez représentatif des Allemands - alors qu'à chaque réforme, les Allemands ont gagné du terrain : nombre de parlementaires, droits de vote au Conseil... Il n'y a pas de vision homogène.

Les Britanniques ne nous ont pas empêchés de progresser et sont un partenaire sérieux pour la politique étrangère et de défense. Je le dis d'autant plus que j'ai joué un rôle dans l'accord de Saint-Malo : il place les progrès en matière de défense européenne sous l'égide de l'Alliance atlantique et, en échange, Tony Blair reconnaissait que l'Union avait vocation à développer une capacité de défense. Cet accord a conduit à celui de Lancaster House, très utile et important. Nous avons intérêt à conserver ce lien et cet accord.

La pause n'est pas une mise à l'arrêt mais l'écoute des peuples, au lieu de continuer à avancer coûte que coûte. C'est un arrêt momentané pour plus de réflexion et pour casser le bulldozer européen qui n'a pas de marche arrière, afin de rétablir la confiance.

Depuis la Deuxième Guerre mondiale, les Européens ont confié la défense à l'Alliance atlantique. Les Américains sont repartis après la guerre mais, devant la menace de Staline, l'Europe a paniqué. Ils ont essayé le bricolage de l'Union de l'Europe occidentale (UEO), qui n'a rien donné, avant de demander le retour des Américains qui ont rétabli leur protection. Le Sénat américain ne voulait pas de l'Alliance atlantique avec son article 5 qui l'obligerait à aider un Etat attaqué, mais Truman a arbitré en faveur du traité de Washington. Les idées françaises étaient alors les plus ambitieuses. Le danger est réapparu avec la guerre de Corée, De Gaulle déclarant que l'armée rouge n'était qu'à deux étapes du Tour de France... L'Alliance ne reposant sur rien, la France a réclamé une organisation du traité de l'Atlantique Nord (OTAN). Les États-Unis, échaudés par les deux guerres mondiales, ont accepté, à condition qu'ils contrôlent tout. L'OTAN a été créée avec un général en chef systématiquement américain.

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