Intervention de Jacqueline Eustache-Brinio

Réunion du 29 octobre 2019 à 14h30
Neutralité religieuse des personnes concourant au service public de l'éducation — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Jacqueline Eustache-BrinioJacqueline Eustache-Brinio :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, chaque jour, près de 13 millions d’enfants et adolescents sont confiés à l’école de la République, dont 2, 5 millions en maternelle et 4, 3 millions en primaire, généralement quatre jours par semaine, de 8 heures 30 à 11 heures 30 et de 13 heures 30 à 16 heures 30.

Cette école républicaine, qui trouve son socle dans les lois Ferry de 1881 et 1882, a pour objectif de former des citoyens à la République et de les intégrer dans la société. C’est la raison pour laquelle je fais miens les propos de Jules Ferry, dans sa lettre de 1883 aux instituteurs et institutrices sur l’école laïque, tendant à établir la neutralité confessionnelle des écoles : « Sans doute [le législateur] a eu pour premier objet de séparer l’école de l’église, d’assurer la liberté de conscience et des maîtres et des élèves, de distinguer enfin deux domaines trop longtemps confondus, celui des croyances qui sont personnelles, libres et variables, et celui des connaissances qui sont communes et indispensables à tous, de l’aveu de tous. »

Plus tard, dans sa circulaire du 15 mai 1937, Jean Zay, ministre de l’éducation nationale, soulignait à son tour l’importance de la neutralité de l’école républicaine, en précisant : « Ma circulaire du 31 décembre 1936 a attiré l’attention de l’administration et des chefs d’établissement sur la nécessité de maintenir l’enseignement public de tous les degrés à l’abri des propagandes politiques. Il va de soi que les mêmes prescriptions s’appliquent aux propagandes confessionnelles. L’enseignement public est laïque. Aucune forme de prosélytisme ne saurait être admise dans les établissements. Je vous demande d’y veiller avec une fermeté sans défaillance. »

Voilà quinze ans, la loi interdisant le port de signes religieux ostentatoires dans les écoles publiques françaises, voulue par le président Chirac, était adoptée par le Parlement. Cette loi, fondée sur le principe selon lequel le déroulement des cours n’est pas possible dans de bonnes conditions sans la neutralité religieuse de l’école, a jeté les bases du confinement de la religion à l’intimité des élèves. Il était devenu indispensable de permettre à nos enfants d’acquérir des savoirs dans l’harmonie garantie par la République française, afin de préserver leur liberté de conscience.

Depuis lors, la question de la neutralité des accompagnants des sorties scolaires refait régulièrement surface, opposant défenseurs de la laïcité républicaine et tenants d’une laïcité dite « ouverte », sans que celle-ci soit véritablement définie.

La circulaire du 23 mars 2012 signée de Luc Chatel, alors ministre de l’éducation nationale, semblait avoir mis fin à cette polémique : « Il est recommandé de rappeler dans le règlement intérieur que les principes de laïcité de l’enseignement et de neutralité du service public sont pleinement applicables au sein des établissements scolaires publics. Ces principes permettent notamment d’empêcher que les parents d’élèves ou tout autre intervenant manifestent, par leur tenue ou leurs propos, leurs convictions religieuses, politiques ou philosophiques lorsqu’ils accompagnent les élèves lors des sorties et voyages scolaires. »

Ainsi était affirmée la nécessité de l’absolue neutralité des parents concourant au service public de l’éducation en participant aux sorties scolaires et astreints, de ce fait, au respect des valeurs fondamentales du service public français, au premier rang desquelles le principe de laïcité. Un principe, du reste, partagé à droite comme à gauche, si bien que Vincent Peillon décida de ne pas abroger la circulaire Chatel, après l’élection de François Hollande à la présidence de la République.

Plus tard, sitôt nommée, Najat Vallaud-Belkacem déclarait que l’acceptation de la présence d’accompagnatrices voilées lors des sorties scolaires devait être la règle et son refus, l’exception. Cette position peu claire a conduit les juridictions à adopter des positions contradictoires à travers la France, laissant aujourd’hui les enseignants face à un vide juridique insécurisant, sans principe unique régissant les sorties scolaires.

En juillet dernier, la cour administrative d’appel de Lyon a jugé que le principe de laïcité imposait que les personnes participant à des activités assimilables à celles des personnels enseignants à l’intérieur des locaux scolaires soient astreintes aux mêmes exigences de neutralité. Par ailleurs, il apparaît clairement à toute personne douée d’un minimum de bon sens que les sorties scolaires font partie intégrante du temps scolaire et s’inscrivent dans le cadre du service public de l’éducation.

2 commentaires :

Le 14/05/2022 à 19:12, aristide a dit :

Avatar par défaut

"Voilà quinze ans, la loi interdisant le port de signes religieux ostentatoires dans les écoles publiques françaises,"

Loi qui ne concerne pas les voiles, car on ne peut pas déduire d'un simple voile la religion d'une personne. "À son visage on voit bien qu'elle est musulmane, la fille qui le porte", me rétorque le bon peuple prompt à voter Le Pen... Et là, pas de chance, la discrimination raciale est interdite par la loi. Donc la loi de 2004 ne peut pas être opposée à une fille qui porte un voile.

Vous trouvez ce commentaire constructif : non neutre oui

Le 14/05/2022 à 19:24, aristide a dit :

Avatar par défaut

" L’enseignement public est laïque. Aucune forme de prosélytisme ne saurait être admise dans les établissements. Je vous demande d’y veiller avec une fermeté sans défaillance. »

Le prosélytisme athée est aussi strictement interdit. Et donc le lavage de cerveau par l'entremise de la négation des signes supposés religieux est interdit de ce fait.

Vous trouvez ce commentaire constructif : non neutre oui

Inscription
ou
Connexion