Mes chers collègues, la laïcité n’est pas une palette chromatique dans laquelle chacun choisirait sa coloration en fonction de sa sensibilité.
La République a magnifiquement défini la seule et unique laïcité qui existe, c’est-à-dire la possibilité laissée à chacune et à chacun de croire ou de ne pas croire dans un esprit de concorde et de tolérance mutuelle. Robert Badinter l’a récemment présentée comme l’« une des grandes barrières contre le poison du fanatisme, parce que vous reconnaissez l’autre tel qu’il est, comme humain, avec les mêmes droits que vous, quelle que soit sa religion. […] C’est l’autre que je rencontre dans le respect ».
Évidemment, la laïcité interroge avant tout notre rapport individuel et collectif à l’altérité, la manière dont nous parvenons ou non à vivre en société. Elle est cette pierre angulaire sur laquelle repose notre socle commun. Et il est terrible de constater que c’est en son nom, que c’est en l’instrumentalisant que d’aucuns effritent progressivement ce socle et finissent par fragmenter et déliter la communauté nationale !
Immigration, islam, communautarisme, radicalisation, tout est amalgamé, parfois sciemment. Et ce désordre alimenté en permanence empêche de régler les vrais problèmes et dérives qui se font jour, puisque tout n’est que confusion. Arrêtons de tout mélanger et de tout confondre !
Oui, la République a sûrement des territoires à reconquérir, mais il s’agit d’un sujet d’une nature et d’une ampleur tellement différentes et tellement plus importantes que celui qui nous occupe actuellement.
Interdire aux mères voilées d’accompagner des enfants lors de sorties scolaires pourrait se révéler contre-productif et ne fera qu’ériger un fossé entre la République et ses citoyens de confession musulmane. La laïcité exige une éthique de responsabilité. Or, dans le cadre de ce texte, je ne l’aperçois pas.
À l’opposé des fondamentalistes qui prospèrent sur le sentiment d’exclusion, et à l’opposé des identitaires qui ne peuvent accepter une société multiple, nous ne voterons pas cette proposition de loi.
J’en appelle à votre sagesse, mes chers collègues, le Sénat ayant pour tradition de prendre de la hauteur et de viser l’apaisement, surtout dans le contexte actuel. Ne nous trompons pas de combat en faveur de la laïcité, ne nous trompons pas de combat en faveur de la République, ne la desservons pas ! Comme s’exclamait Aristide Briand, nous n’avons pas le droit de faire une loi qui ébranle la République.
Le 16/05/2022 à 15:32, aristide a dit :
"Robert Badinter l’a récemment présentée comme l’« une des grandes barrières contre le poison du fanatisme, parce que vous reconnaissez l’autre tel qu’il est, comme humain, avec les mêmes droits que vous, quelle que soit sa religion. […] C’est l’autre que je rencontre dans le respect »."
Mme Badinter ne dit pas tout à fait la même chose...
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