Intervention de Antoine Karam

Réunion du 29 octobre 2019 à 14h30
Neutralité religieuse des personnes concourant au service public de l'éducation — Discussion générale

Photo de Antoine KaramAntoine Karam :

Vous en conviendrez, mes chers collègues, notre passion commune pour la laïcité peut décidément avoir des priorités surprenantes.

Monsieur le ministre, vous avez rappelé avec justesse les principes qui régissent la laïcité de notre République.

C’est la liberté de croire ou de ne pas croire, mais aussi l’égalité de tous devant la loi, quelles que soient nos croyances ou nos convictions. C’est aussi la stricte neutralité de l’État à l’égard du fait religieux.

Dans le milieu scolaire, un vade-mecum rappelle avec clarté le cadre de cette neutralité.

Aujourd’hui, aucune loi n’interdit à un adulte qui accompagne une sortie scolaire de porter un signe ostensible de religion, sauf en cas de prosélytisme. En effet, la neutralité religieuse dans les écoles, les collèges et les lycées s’applique seulement aux enseignants, aux employés de la fonction publique et aux élèves.

L’objectif annoncé par les auteurs de ce texte est de clarifier la situation.

Pour ce faire, la proposition de loi crée une nouvelle catégorie de personnes qui « participent » au service public de l’éducation. Or l’étude du Conseil d’État de 2013 affirme que le parent d’élève demeure un usager du service public, y compris lorsqu’il accompagne une sortie scolaire.

En effet, le caractère bénévole de la tâche confiée aux parents accompagnateurs ne permet pas, à mon sens, de les assimiler à des collaborateurs occasionnels.

En revanche, il revient aux chefs d’établissement de prévenir, voire de signaler tout acte prosélyte qui constituerait un trouble à l’ordre public et au bon fonctionnement du service public.

L’état actuel du droit, que certains jugent ambigu, révèle en fait l’équilibre lumineux trouvé par la loi et la jurisprudence pour concilier les principes si exigeants qui fondent la laïcité.

Ce silence sur les signes religieux, Aristide Briand, rapporteur de la loi de 1905, l’explique mieux que je ne pourrais le faire : « Le silence du projet de loi n’a pas été le résultat d’une omission. […] Il a paru à la commission que ce serait encourir […] le reproche d’intolérance et même s’exposer à un danger plus grave encore, le ridicule, que de vouloir, par une loi qui se donne pour but d’instaurer dans ce pays un régime de liberté, […] imposer de modifier la coupe de [ses] vêtements. »

Ainsi, une fois l’État et les Églises séparés, la kippa, le foulard, la croix ou le turban deviennent des accessoires et des vêtements comme les autres, portés par qui le souhaite.

Une fois cela dit, la loi peut toujours évoluer, mais doit-elle régler les convictions intimes qu’elle suppose chez les adultes ? Le pourrait-elle seulement ?

Mes chers collègues, les évolutions du paysage religieux ne doivent pas nous conduire à remettre en cause l’esprit de la loi de 1905. Je crois qu’il nous faut au contraire prendre appui sur ses piliers : la liberté de croire, la neutralité et le non-subventionnement des cultes pour apporter des réponses pragmatiques aux questions nouvelles.

D’ailleurs, ce bel usage qui veut que les enseignants sollicitent des parents pour participer à l’encadrement d’une sortie scolaire s’organise déjà dans le cadre d’un dialogue, d’une relation de confiance entre l’école et ces parents.

Dans cet échange, les enseignants rappellent le cadre laïque de l’école et peuvent inviter les parents à s’y conformer, sans pour autant les y obliger.

De même, il faut le dire, le port d’un signe religieux lors d’une sortie est moins un droit exercé par les parents qu’une tolérance dans le pacte de confiance qu’ils nouent avec l’école. §À cet égard, la récente affiche revendicatrice de la FCPE me semble tout aussi contre-productive et inadaptée que la présente proposition de loi.

1 commentaire :

Le 16/05/2022 à 20:27, aristide a dit :

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"Ainsi, une fois l’État et les Églises séparés, la kippa, le foulard, la croix ou le turban deviennent des accessoires et des vêtements comme les autres, portés par qui le souhaite."

De toute façon, le voile ou le turban n'ont pas nécessairement de signification religieuse, contrairement à la kippa ou à la croix.

S'il y a bien une cause facile à défendre, c'est bien celle du voile dans l'espace public...

Vous trouvez ce commentaire constructif : non neutre oui

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