Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la France est une République laïque. Cette règle, fruit de notre histoire, a longtemps divisé notre nation, mais, aujourd’hui, elle la rassemble et elle doit la rassembler !
La laïcité n’est pas seulement un droit ; c’est un devoir ! Elle exige d’accepter des règles communes, indispensables à l’équilibre de la société, au premier rang desquelles la neutralité des services publics.
Le législateur a voulu faire de l’école un espace neutre d’un point de vue religieux, pour permettre à l’élève de se construire librement en tant que citoyen, en le protégeant contre les influences et les passions extérieures.
Cette conquête d’une école laïque s’est faite par étapes. Il y a d’abord eu la substitution à l’enseignement d’une morale religieuse d’une instruction morale civique et laïque, puis la suppression en 2004 des signes ostensibles d’appartenance religieuse dans les établissements scolaires.
Il faut aujourd’hui franchir une nouvelle étape en inscrivant dans la loi le principe de neutralité religieuse applicable à toute personne participant aux sorties scolaires, ce qui est déjà le cas pour les enfants et les enseignants, mais pas pour les accompagnants. Il est donc temps de mettre fin à cette incohérence juridique !
Je ne comprends pas la posture de désintérêt du Président de la République, qui affirme que le port du voile dans l’espace public n’est pas son affaire. Doit-on lui rappeler que les sorties scolaires sont des temps pédagogiques s’inscrivant dans le temps de l’éducation nationale ?
Cela fait bien longtemps que l’enseignement scolaire ne se limite plus aux quatre murs de la classe. Cette ouverture vers l’extérieur nous invite à repenser le principe de laïcité appliqué à l’école.
Chaque sortie nourrit un projet pédagogique et fait l’objet d’une préparation en amont. Il n’est donc pas possible de déconnecter les enseignements scolaires en classe de ceux qui sont dispensés à l’extérieur. La sortie scolaire n’est en réalité qu’un prolongement des enseignements délivrés en classe, une école « hors les murs ».
La neutralité religieuse doit donc aussi s’y appliquer, de la même façon qu’elle s’applique en classe, de la même façon qu’elle s’applique dans le gymnase ou la salle municipale accueillant les activités d’éducation sportive.
Cette proposition de loi est également la suite logique des récentes évolutions jurisprudentielles, qui tendent vers toujours plus de neutralité des parents d’élèves.
En juillet dernier, la cour administrative d’appel de Lyon a admis la légalité d’un règlement intérieur imposant la neutralité religieuse à toute personne, y compris les parents d’élèves, intervenant dans une classe pour participer à des activités assimilables à celles des enseignants.
Par ailleurs, si le Conseil d’État estime que les parents d’élèves ne sont pas soumis à l’obligation de neutralité religieuse, il a toutefois précisé que le chef d’établissement peut leur recommander de s’abstenir de manifester leur appartenance ou leur croyance religieuses. Cette situation entraîne des décisions différentes d’un établissement scolaire à l’autre, au grand dam des parents d’élèves et des élus locaux.
Le droit actuel et l’ambivalence du Gouvernement sont sources de polémiques et de tensions, comme l’ont récemment montré les affiches de campagne de la FCPE, la Fédération des conseils de parents d’élèves, défendant le droit pour les mères voilées de participer à des sorties scolaires.
Monsieur le ministre, alors que plusieurs de vos collègues ont multiplié les prises de position contradictoires – ce sont les limites du « en même temps » –, votre gouvernement doit sortir de l’ambiguïté. Les Français vous le demandent, puisque 66 % d’entre eux sont favorables à cette proposition de loi.
Mes chers collègues, la laïcité que nous défendons n’est en aucun cas l’expression d’un sentiment antireligieux. C’est, au contraire, la liberté et la tolérance pour tous.
Jacques Chirac affirmait en 2003 que le débat sur la laïcité renvoyait « à notre cohésion nationale, à notre aptitude à vivre ensemble, à notre capacité à nous réunir sur l’essentiel ». Seize ans plus tard, la loi a juste besoin de clarté, et ce texte en apporte.
Deux questions, mes chers collègues : la neutralité religieuse à l’école a-t-elle été pensée pour protéger les enfants ou les murs de l’établissement ? La sortie scolaire est-elle du temps scolaire ?