Intervention de Jean-Michel Blanquer

Réunion du 29 octobre 2019 à 14h30
Neutralité religieuse des personnes concourant au service public de l'éducation — Article 1er

Jean-Michel Blanquer :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je ne répéterai pas ce que j’ai déjà dit, mais j’aborderai la question de l’efficacité de la loi. Quelle serait en effet l’utilité d’un tel texte, à la lumière de tout ce que vous avez dit ?

La question de M. Joyandet permet de synthétiser plusieurs propos. Il a comparé cette proposition de loi avec la loi de 2004, dont je suis un très fervent partisan. Je l’étais déjà en 2004, lorsque j’exerçais les fonctions de recteur. Il y avait à l’époque, aussi, des débats autour de ce texte. Certains arguments avaient trait à sa non-applicabilité et à son éventuel caractère stigmatisant.

Vous avez eu raison de le rappeler, la loi de 2004 a été bien faite, de façon très réfléchie : elle n’a pas surgi d’un seul coup, mais était le fruit de travaux qui avaient duré de nombreux mois. Elle a été bien appliquée, et s’applique aujourd’hui encore de façon satisfaisante, et c’est une bonne chose.

On ne peut toutefois pas faire de parallèle entre cette loi et le texte qui est proposé, et pas seulement parce que le sujet a déjà été débattu ou a fait l’objet d’avis du Conseil d’État. La problématique est en effet différente, pour plusieurs raisons, comme on a pu s’en rendre compte au travers de plusieurs interventions.

La problématique est différente, d’abord et profondément, en raison de son hybridité : chacun peut avoir raison selon l’angle qu’il choisit. Il s’agit en effet, cela a été dit, du temps scolaire, mais pas de l’espace scolaire. On peut en discuter à l’infini, car la situation, encore une fois, est complètement hybride.

Je suis très sensible à la situation des directeurs d’école, qui a été évoquée, et dont je dois garantir qu’elle sera la meilleure possible par rapport à ce problème de société bien réel.

Certains directeurs d’école me disent qu’ils ont besoin de règles, car il y a un problème de prosélytisme à l’occasion de sorties scolaires. D’autres considèrent qu’il ne faut surtout pas adopter une loi parce qu’ils n’arriveraient pas à la faire appliquer, certaines mères d’élèves étant voilées, mais sans aucune velléité de prosélytisme. Par ailleurs, dans certaines écoles, les directeurs n’ont pas le choix, car toutes les mères sont voilées.

Nous connaissons tous des exemples de directeurs d’école qui sont dans une situation inconfortable, dans un cas comme dans l’autre. C’est pourquoi j’ai insisté dans mon propos sur le fait que le droit actuel n’était pas muet. Lisez l’avis du Conseil d’État, qui n’est d’ailleurs qu’un avis et pourra être complété par des jurisprudences ultérieures…

5 commentaires :

Le 06/11/2019 à 16:40, aristide a dit :

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"Il a comparé cette proposition de loi avec la loi de 2004, dont je suis un très fervent partisan"

Vous savez qu'une jeune fille est musulmane uniquement parce qu'elle porte un foulard ?

Vous trouvez ce commentaire constructif : non neutre oui

Le 06/11/2019 à 17:09, aristide a dit :

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Monsieur le ministre devrait aller faire un tour dans les cantines scolaires des écoles classés en Rep ou Rep + du 93, notamment dans les maternelles. À l'heure du repas, il y verrait un nombre impressionnant de femmes voilées, une ou presque à chaque table des élèves, mais cela ne pose pas de problème car cela ne passe pas à la télé. Une sortie scolaire, c'est une sortie de temps en temps, une fois tous les deux ou trois mois, là, à chaque repas, tous les jours, vous avez droit à des femmes voilées qui accompagnent les enfants lors du repas, mais bien sûr cela ne passe pas dans les médias, cela ne passe pas dans la presse donc en fait le problème n'existe pas...

Je vous rassure, je ne suis pas là pour dénoncer les femmes voilées dans les cantines scolaires, moi je défends la laïcité, la vraie, celle qui ne reconnaît pas les cultes, celle qui est d'ailleurs également contre les doubles menus religieux, car ces menus impliquent le fait de demander la religion des élèves, donc de reconnaître leur religion, pour ne pas faire d'"erreur", ce qui n'est évidemment pas laïc. Pour ma part, je constate simplement qu'un fait bien plus important que celui des mères voilées accompagnantes existe et qui n'est absolument pas signalé, alors que sa fréquence est nettement plus importante, que la communication, la présence des femmes voilées avec les enfants est nettement plus importante que pendant les sorties scolaires, mais cela ne dérange personne. Tout cela pour dire que cette affaire de femmes voilées accompagnantes scolaires est un pur effet médiatique qui n'a pas de réalité intellectuelle et sociale, il est là pour faire le buzz politique, c'est de la pure instrumentalisation.

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Le 12/11/2019 à 21:48, aristide a dit :

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"Elle a été bien appliquée, et s’applique aujourd’hui encore de façon satisfaisante, et c’est une bonne chose."

Bien sûr, l'identification au faciès pour savoir si un foulard est religieux ou contre le froid ou la pluie, vous appelez ça de l'efficacité ? C'est satisfaisant ?

Et vous en faites quoi du "sans distinction de religion" inscrit dans la constitution au fait ?

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Le 12/11/2019 à 21:54, aristide a dit :

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"Lisez l’avis du Conseil d’État, qui n’est d’ailleurs qu’un avis et pourra être complété par des jurisprudences ultérieures…"

qui seront bien sûr de plus en plus coercitives à l'égard du port du voile, n'est ce pas, on a bien compris votre état d'esprit à l'égard du foulard supposé islamique.

Ah oui c'est vrai que dans notre belle République, du moins ce qui en tient lieu , on ne suppose rien, on est toujours sûr de tout, on est ultra dominant, et même quand on fait des contre-sens, quand on dit des bêtises, et bien on a encore raison, c'est ce qu'on appelle en général le totalitarisme : dire qu'on a raison même quand on a tort

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Le 13/11/2019 à 08:43, aristide a dit :

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"Vous avez eu raison de le rappeler, la loi de 2004 a été bien faite, de façon très réfléchie : elle n’a pas surgi d’un seul coup, mais était le fruit de travaux qui avaient duré de nombreux mois."

Rappelons la loi :

"Dans les écoles, les collèges et les lycées publics, le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse est interdit.

Le règlement intérieur rappelle que la mise en oeuvre d'une procédure disciplinaire est précédée d'un dialogue avec l'élève. »

Il y avait en effet de quoi souffrir pendant de nombreux mois pour sortir une ineptie anti-constitutionnelle et anti-laïque pareille, aussi courte en plus, on se moque vraiment du monde en France, mais toute façon c'est la marque de fabrique de notre système politique qui se fout de la gueule des citoyens et de la constitution, les citoyens qui n'existent absolument pas en fait, comme d'ailleurs monsieur Retailleau l'a rappelé en spécifiant bien que les citoyens n'avaient pas d'avis privés. Si les citoyens non pas d'avis privés, c'est qu'on peut en faire ce qu'on veut et donc leur dire des choses invraisemblables, cela ne posera pas de problème.

Cette loi de 2004 vient en effet dans cet ordre des choses, puisqu' elle reconnaît la religion, elle distingue les objets supposés religieux comme étant réellement religieux, sans aucune preuve, avec même une petite once de paranoïa pour tenter d'en faire la preuve, paranoïa exprimée par le mot "ostensiblement", et ce pour en faire un élément d'exclusion. C'est une loi clairement discriminatoire, la honte du corpus législatif français, qui nous ramène aux sombres heures de l'histoire de France. Rappelons que demander sa religion à quelqu'un pour s'en assurer est strictement interdit par la loi, chacun a le droit au secret sur sa religion, c'est le b-a ba de la laïcité, et dire qu'un foulard est nécessairement religieux relève de l'interprétation personnelle qui, même si elle est vraie, ne regarde que la personne qui émet ce jugement.

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