Parlons-en, justement, de ceux qui nous alertent. Vous avez accepté de sacrifier les lanceurs d’alerte, notamment les journalistes, sur l’autel complaisant du secret des affaires. Vous avez accepté de mettre en danger le secret des sources. En mai, plusieurs journalistes du Monde et de Disclose ont été convoqués par la DGSI pour avoir diffusé des contenus relatifs à l’affaire Benalla et à l’utilisation d’armes françaises par l’Arabie saoudite au Yémen. En février, Mediapart faisait face à une perquisition scandaleuse !
Vous avez accepté que notre liberté d’expression soit limitée. La proposition de loi contre les contenus haineux sur internet viendra s’ajouter à la liste, alors même que nous avons observé, la semaine dernière encore, à quel point les réseaux sociaux pouvaient être des lieux de censure, après la suspension de comptes Facebook et Twitter de syndicalistes de la SNCF.
Vous êtes en train de céder sur la biométrie faciale, qui va s’installer progressivement, si nous n’y prenons garde, dans notre vie quotidienne. Face à ces dérives permises par les avancées technologiques, la CNIL a de bien trop faibles moyens.
Vous êtes en train de promouvoir la société de vigilance et le transfert de responsabilité de l’État vers les citoyens pris individuellement. Conséquence : ce ne sont plus les autorités qui assument, mais la société tout entière qui s’inquiète et qui, dès lors, participe à la construction des barreaux d’un espace sécuritaire toujours plus important.
Toutes les digues sautent.
Ce qui est sûr, c’est que l’ensemble de ces dispositifs contribuent à accroître la violence dans notre société plutôt qu’à la résorber.
Benjamin Franklin le disait : « Un peuple prêt à sacrifier un peu de liberté pour un peu de sécurité ne mérite ni l’une ni l’autre et finit par perdre les deux. »
Mes chers collègues, un État de droit, c’est aussi un pouvoir exécutif contrôlé. Notre débat est un débat de contrôle, et nous en connaissons les limites. L’illustration en sera très certainement criante, car, quelle que soit la teneur des propos qui seront échangés ici, quelle que soit la gravité des faits exposés, qui, mis bout à bout, offrent un tableau alarmant de l’état de nos libertés publiques, le pouvoir exécutif nous répondra, certes, mais n’aura aucune obligation d’en tenir compte. Cette situation doit aussi nous interpeller quant au rôle du Parlement, qui doit être renforcé dans l’exercice de ses missions de contrôle.