Le fondement de l’État de droit, c’est une séparation des pouvoirs dans laquelle l’autorité judiciaire est indépendante et la justice ainsi que les décisions qu’elle rend sont dépourvues de toute suspicion.
Notre Constitution prévoit que le juge judiciaire est garant de nos libertés individuelles. L’article 6 de la convention européenne des droits de l’homme garantit, quant à lui, le droit à un procès équitable, dont le principe du contradictoire est un des fondements.
Or nous assistons actuellement à un inquiétant glissement des prérogatives du juge judiciaire vers l’exécutif et l’administration, mais aussi à plusieurs atteintes aux droits de la défense, qui sont particulièrement inadmissibles et inquiétantes pour nos libertés. À ce titre, j’évoquerai les pratiques relatives à des personnes étrangères « entendues » en visioconférences effectuées depuis un commissariat dans le cadre d’un appel de la décision du juge des libertés et de la détention prolongeant leur enfermement, dans l’attente d’une procédure d’éloignement. Cela s’est produit dans un commissariat, un établissement de police, dépendant du ministère de l’intérieur, qui jouxte le CRA d’Hendaye au Pays basque !
Plusieurs associations et syndicats d’avocats ont dénoncé ces audiences scandaleuses « conçues dans le seul but de faire l’économie des escortes policières » et « tenues en violation des principes les plus essentiels régissant les débats judiciaires dans un État de droit ».
Si les vidéoaudiences, sans consentement des intéressés, ont été malheureusement introduites avec le vote de la loi Collomb relative à l’asile et à l’immigration, il n’en demeure pas moins que l’article L. 552-12 du Ceseda prévoit à cette fin des « salles d’audience ouvertes au public » et la « confidentialité de la transmission ». Or, en l’espèce, un commissariat n’est pas une salle d’audience remplissant ces conditions !
Ces vidéoaudiences semblent donc dépourvues d’une base légale. Comment rendre une justice impartiale depuis des locaux de police et en dehors d’un bâtiment du ministère de la justice ? Comment rendre la justice sans respecter les conditions de son exercice, de son impartialité et le droit de la défense ?
Monsieur le ministre, dans un climat où le justiciable manifeste de plus en plus de méfiance à l’égard du système judiciaire, comment peut-on justifier de telles dérives ?