Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, une nouvelle fois nous sommes réunis pour aborder des questions relatives à l’environnement, et une nouvelle fois l’actualité nous rappelle l’impérieux devoir d’agir qui est le nôtre.
L’été dernier, en plein épisode caniculaire, nous votions la loi relative à l’énergie et au climat. Ce soir, nous débattons de la prise en charge des risques climatiques, au moment où certains de nos concitoyens, dans le sud de la France, sont touchés par des inondations de grande ampleur.
Le rapport de notre collègue Nicole Bonnefoy, issu des travaux de la mission d’information présidée par Michel Vaspart, fera date. Je vous le dis, de nombreux acteurs de terrain m’ont témoigné leur grande satisfaction de voir enfin prises en compte et bien identifiées les trop nombreuses difficultés liées au fonctionnement du régime de reconnaissance et d’indemnisation des catastrophes naturelles.
Je note que ce rapport a été adopté à l’unanimité, signe d’une mobilisation, sur toutes les travées de notre assemblée, autour des enjeux et des préoccupations environnementaux. Comme l’a rappelé le président Vaspart, il doit être non pas un « rapport de plus », mais un rapport pour faire mieux. Madame la ministre, l’immobilisme et l’inaction seraient coupables, pour aujourd’hui comme pour demain.
J’évoquerai trois points qui me paraissent essentiels au regard de l’avenir d’un dispositif qui, d’un avis partagé, est un bon dispositif, mais doit être adapté pour le rester.
Premièrement, il est nécessaire d’adapter les procédures d’indemnisation des catastrophes naturelles aux nouvelles données environnementales. Cela a été rappelé, le dispositif a peu évolué depuis sa création en 1982. Il indemnise « l’intensité anormale d’un phénomène climatique ». Le critère d’anormalité semble aujourd’hui dépassé, compte tenu de phénomènes climatiques récurrents et de forte intensité, et doit donc être revu. Les phénomènes provoqués par le dérèglement climatique – inondations, sécheresse, vagues de chaleur ou de froid, érosion des traits de côte – sont répétitifs et bien souvent causes de dommages d’une grande ampleur.
Or le régime des catastrophes naturelles ne tient compte ni de l’ampleur des dommages ni de leur caractère récurrent. C’est pourquoi il me paraît nécessaire de repenser le dispositif, soit en l’élargissant, soit en créant une nouvelle catégorie de sinistres ouvrant droit à indemnisation, directement liés à l’impact du changement climatique.
Cette meilleure prise en compte des dommages imputables au changement climatique doit conduire à repenser l’ensemble de la philosophie du régime « CatNat », en musclant le dispositif préventif, en simplifiant les procédures d’indemnisation et en prévoyant un meilleur accompagnement après le sinistre.
Deuxièmement, je crois nécessaire de souligner l’importance de retravailler la question du régime d’indemnisation. Une très grande place est laissée au pouvoir réglementaire, qui définit les critères pris en compte pour évaluer l’intensité d’un événement naturel et le seuil au-delà duquel il peut être considéré comme anormal. Les victimes de dommages climatiques sont donc soumises à la variabilité des positions de ce pouvoir réglementaire, qui emporte des conséquences majeures en termes d’ouverture du droit à indemnisation et d’accès à celui-ci.
Il serait par ailleurs pertinent, compte tenu des bouleversements que provoquent les sinistres liés au réchauffement climatique, de repenser l’articulation des régimes indemnitaires entre ce qui doit relever de la solidarité nationale et ce qui doit continuer d’être pris en charge par le régime assurantiel.
Enfin, il faut, comme le rapport y invite, renforcer la prise en compte de la « culture du risque » au sein de nos politiques publiques. À titre d’exemple, le directeur de l’Office métropolitain de l’habitat du Grand Nancy m’a confié que, à la suite des études faites sur le terrain en vue de son audition par notre mission d’information en juin dernier, le Bureau de recherches géologiques et minières, le BRGM, avait produit une nouvelle cartographie des risques de mouvements de terrain. Une telle révision n’avait pas été réalisée depuis 1970, alors qu’elle a conduit immédiatement l’État à rehausser d’un niveau l’ensemble de la cartographie des risques pour le territoire de la métropole du Grand Nancy. Cela nous laisse pantois !
Pourquoi avoir tant tardé à procéder à cette révision ? Parce que, dans le cas d’espèce, les moyens sont trop faibles, les ingénieurs manquent, les budgets sont insuffisants. Développer la culture du risque, ce n’est pas jeter la pierre à la politique urbaine de telle ou telle collectivité ; c’est donner les moyens aux collectivités d’accéder à une information fiable et régulièrement actualisée, qui permette de prendre les meilleures décisions pour la protection des populations. Mais, pour cela, il faut que l’État mobilise les moyens nécessaires.
Madame la ministre, mes chers collègues, vous m’avez souvent entendu plaider à cette tribune pour davantage de transversalité dans nos politiques publiques et pour l’avènement d’une vision « grand angle » de l’écologie. Redéfinir le régime d’indemnisation des catastrophes naturelles, c’est prendre en considération le paramètre écologique dans nos politiques d’aménagement du territoire, dans nos règles d’urbanisme, dans nos régimes d’indemnisation des risques, c’est aussi favoriser l’évolution des esprits pour sortir de la politique de l’autruche.
Madame la ministre, ce rapport est un énième signe extrêmement positif de la mobilisation unanime du Sénat sur un sujet critique. Je souhaite que le Gouvernement en prenne toute la mesure et nous annonce, le plus tôt possible, qu’il est prêt à engager les évolutions préconisées au travers d’une réforme attendue par tous.