Séance en hémicycle du 29 octobre 2019 à 22h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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La séance

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La séance, suspendue à vingt heures trente-cinq, est reprise à vingt-deux heures cinq, sous la présidence de M. Jean-Marc Gabouty.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

La parole est à Mme Agnès Canayer, pour une mise au point au sujet d’un vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Agnès Canayer

Lors du scrutin n° 19, ma collègue Annie Delmont-Koropoulis souhaitait ne pas prendre part au vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

Acte vous est donné de cette mise au point, ma chère collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

L’ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande du groupe Les Républicains, sur la politique sportive.

Nous allons procéder au débat sous la forme d’une série de questions-réponses dont les modalités ont été fixées par la conférence des présidents.

Je rappelle que l’auteur de la demande dispose d’un temps de parole de huit minutes, puis le Gouvernement répond pour une durée équivalente.

À l’issue du débat, le groupe auteur de la demande dispose d’un droit de conclusion pour une durée de cinq minutes.

Dans le débat, la parole est à M. Michel Savin, pour le groupe auteur de la demande.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Savin

Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, « plus vite, plus haut, plus fort » : telle est la devise bien connue proposée par le baron Pierre de Coubertin à la création du Comité international olympique en 1894.

Alors que la France accueillera le monde dans quatre ans et demi à l’occasion des jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024, il est urgent que notre pays s’engage enfin dans une politique sportive véritablement volontariste.

Si l’ensemble des acteurs est mobilisé pour que cet événement planétaire soit une réussite en termes de préparation, de mobilisation, d’accueil et de déroulement des épreuves, l’organisation de ces Jeux est aussi l’opportunité de replacer le sport au centre de nos politiques publiques. Il n’y aurait rien de pire que d’organiser les Jeux en oubliant de replacer le sport au cœur du quotidien des Français. Il est en effet nécessaire que les Français dans leur ensemble puissent bénéficier du formidable appel d’air créé par les Jeux et, en cela, leur héritage devra être une véritable réussite.

Pour débuter, je voudrais vous dire, madame la ministre, que la nouvelle Agence nationale du sport créée en ce sens nous paraît être une bonne initiative. Donner à l’ensemble des acteurs du sport – fédérations, État, collectivités et monde économique –, les moyens de débattre, de définir et de programmer des projets sportifs territoriaux en lien avec les clubs et les collectivités est une avancée indéniable.

Pour assurer cette réussite, il nous faut répondre à une seule et unique interrogation : quelle politique sportive voulons-nous pour la France ? C’est l’objet de nos débats d’aujourd’hui.

Il nous a semblé extrêmement important, au sein du groupe Les Républicains du Sénat, de soulever cette question afin que nous puissions débattre des enjeux à venir et des propositions que nous défendons. C’est là un choix audacieux de la part de la majorité sénatoriale. Nous parlons malheureusement trop peu de sport dans notre pays ; c’est une politique publique trop souvent reléguée au second plan. Or, bien que les actes concrets peinent souvent à émerger en faveur du sport, nous assistons régulièrement à des déclarations d’amour et de soutien au sport français. On peut légitimement attendre la transformation de ces paroles en actes, et c’est malheureusement trop peu souvent le cas.

Avant toute chose, toute politique publique nécessite un budget. Je ne m’attarderai pas sur les questions budgétaires, qui seront débattues dans le détail dans les prochaines semaines au Parlement. Toutefois, je tiens à rappeler quelques faits.

Aujourd’hui, le budget du sport représente moins de 0, 3 % du budget de l’État. Les faits sont ce qu’ils sont, et les chiffres sont les chiffres. Depuis le début de ce quinquennat, le budget du programme 219 « Sport » est en baisse : il était de 517, 4 millions d’euros en 2017 ; il est prévu à 458, 4 millions d’euros pour 2020. C’est un très mauvais signe envoyé au monde sportif, déjà inquiet dans cette période de forte instabilité, et alors même que l’accueil des Jeux et le déroulement de très nombreuses compétitions internationales en France devraient l’amplifier largement.

La politique sportive comporte trois dimensions essentielles : le sport pour tous, le sport de haut niveau et le sport professionnel.

Je ne m’attarderai pas sur le sport professionnel. Une loi a été votée à l’unanimité, je le rappelle, en février 2017, pour lui redonner de la compétitivité. Les premiers effets se font sentir, mais il reste encore du chemin à parcourir pour que le sport français ne soit pas pénalisé au niveau international : la formation, la gestion des infrastructures, l’accompagnement de la reconversion, la lutte contre le piratage des compétitions sportives, l’attractivité, notamment sur les questions fiscales, la préservation de l’éthique sur les paris sportifs et le dopage sont autant de chantiers qu’il faudra poursuivre dans les prochaines années.

La question taboue de la loi Évin se trouve également sur la table, avec l’hypocrisie actuelle de la législation sur la vente d’alcool de deuxième catégorie, qui est interdite ou tolérée par dérogation pour le grand public, mais largement présente dans les loges, et interdite pour les compétitions françaises mais présente de toutes parts dans les compétitions internationales.

La politique sportive est aussi une politique de soutien au haut niveau, qui permet à la France de soutenir les athlètes qui nous représentent et qui nous font rêver. Dans la perspective de Paris 2024, c’est un élément clé de la politique sportive française.

Votre prédécesseure avait annoncé l’objectif de quatre-vingts médailles. Où en sommes-nous aujourd’hui ? En la matière également, de nombreuses questions se posent.

Le modèle français a prouvé son efficacité dans un contexte international toujours plus compétitif, mais ce n’est certainement pas suffisant. Ainsi un système de bourses et de primes a-t-il été annoncé pour soutenir les sportifs, qui, pour la plupart, ne bénéficient que de très peu de moyens. Où en sommes-nous aujourd’hui ?

Où en sommes-nous également du soutien aux jeunes sportifs dès le plus jeune âge ? Nous avions travaillé sur l’accompagnement de ces jeunes sportifs de haut niveau ou en accession pour leur donner les moyens de leur ambition dans le cadre de la loi École. Il est regrettable que, dans notre pays, les aménagements d’étude pour les sportifs soient si peu soutenus.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Savin

S’agissant de l’accompagnement des sportifs de haut niveau, le dispositif du pacte de performance a fait ses preuves. Il mérite d’être amplifié et déployé à très grande échelle.

Quelques difficultés fiscales subsistent : le Sénat les avait levées lors des débats budgétaires il y a un an ; nous le referons cette année, en espérant que vous nous soutiendrez.

De multiples questions éthiques se posent également sur le développement et le soutien du sport féminin et du handisport, encore aujourd’hui trop marginalisés.

Concernant le soutien au retour au plus haut niveau des jeunes sportives qui font le choix de faire une pause pour avoir un enfant, la lutte contre les abus sexuels et sur bien d’autres sujets, nous faisons des propositions, madame la ministre. J’espère que les futurs débats législatifs permettront d’obtenir des améliorations.

Le rôle des CTS est aussi un élément clé. Je profite de ce débat pour rappeler le rôle moteur du Sénat pour sortir de la crise traversée au printemps à ce sujet. Il y a quelques jours, dans le Dauphiné libéré, vous avez déclaré vouloir « prendre le temps de la réflexion, de la concertation et de la discussion avec les CTS et les fédérations ». Je me félicite de cette évolution, alors que vos propos envers notre proposition, défendue par toutes les tendances politiques de cet hémicycle, étaient beaucoup plus durs en juin dernier.

Enfin, le système sportif français est basé sur une solidarité forte entre le sport professionnel, le sport de haut niveau et le sport pour tous. Des dispositifs fiscaux tels que la taxe Buffet et des taxes sur les paris sportifs ont été créés pour cela. Mais aujourd’hui plafonnés, ils ne permettent plus de faire bénéficier le sport de l’incroyable augmentation de la valeur économique du sport, et c’est regrettable.

Les récents échanges qui se sont tenus au Parlement ne sont guère encourageants. Je tiens à apporter mon soutien aux députés de la majorité comme de l’opposition qui avaient estimé nécessaire d’augmenter de 15 millions d’euros le budget affecté à l’Agence nationale du sport. Je regrette la réponse du Gouvernement, qui a jugé opportun de demander une seconde délibération, annulant cette hausse en plein milieu de la nuit. Quel mépris pour le Parlement, mais également pour le milieu sportif !

La politique sportive doit être un ensemble cohérent et ambitieux pour tous les publics et pour tous les territoires. Elle doit permettre d’accompagner nos concitoyens tout au long de la vie, de l’école à l’Ehpad, en passant par l’université, l’entreprise et l’hôpital. Il serait nécessaire que la France se dote d’une politique cohérente, suivie et ambitieuse pour le sport tout au long de la vie.

Alors que la sédentarité est une problématique en profonde expansion et que les jeunes générations souffrent de pathologies dues à un manque d’activité, …

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Savin

… il est plus que jamais urgent de donner les moyens à chacun d’avoir une pratique sportive.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Savin

M. Michel Savin. Madame la ministre, en matière de politique sportive, le Sénat est à vos côtés. Nous le prouvons depuis plusieurs années, même si nous regrettons de ne pas voir nos positions soutenues par le Gouvernement et la majorité présidentielle, alors qu’elles sont souvent soutenues par le milieu sportif. Nous devons accélérer pour faire de la France une nation sportive. Pour paraphraser le Président de la République, je dirai qu’il est temps de passer des paroles aux actes !

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.

Debut de section - Permalien
Roxana Maracineanu

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai plaisir à me présenter devant vous pour débattre des politiques publiques sportives que mène le Gouvernement. Les quelques contacts que nous avons noués pendant l’année écoulée et les propos que vous venez de tenir, cher Michel Savin, montrent que vous êtes à nos côtés sur ce sujet, ce dont je me félicite.

Je suis d’autant plus ravie d’être là que cela va me permettre de faire le point, presque un an jour pour jour après mon arrivée au Gouvernement, et de tracer des perspectives.

Si j’ai ce plaisir, c’est aussi que j’ai fait du dialogue le fil rouge de ma méthode : dialogue avec le mouvement sportif, les collectivités territoriales, le monde économique et social comme les agents du ministère. Je tâche également de nouer, voire de renouer ce dialogue très régulièrement avec vous comme avec les députés depuis un an maintenant. C’est essentiel à notre vitalité collective.

L’année dernière, on me disait que le sport allait mal ; j’entendais parler du démantèlement du ministère des sports. On me disait que le budget du ministère pour 2020 serait en baisse ; il a été en hausse. On me disait que l’Agence nationale du sport ne verrait jamais le jour ; elle existe, et elle fonctionne dans une collaboration renforcée avec les fédérations comme avec les collectivités locales dont vous êtes les représentants. Nous avons pu en débattre ensemble il y a quelques mois.

Le budget exécuté en 2018 a permis de constater une dépense publique en faveur du sport inédite depuis dix ans. Cela montre l’engagement du Président de la République derrière le sport français. Il se traduit par la pleine mobilisation de l’État pour Paris 2024. C’est cette mobilisation qui permet une augmentation du budget du ministère des sports de 9, 8 % cette année.

Je sais que Paris 2024 est aussi un argument pour dire qu’il en faudrait encore plus, mais ces 9, 8 % d’augmentation montrent que le sport français a convaincu. S’il a convaincu – ce qui, vous le savez, n’est jamais gagné d’avance –, c’est qu’ensemble, avec le mouvement sportif comme avec les collectivités, avec vous, parlementaires, avec les agents du ministère, nous avons démontré que nous étions en mouvement.

Cet engagement réitéré du Gouvernement est le fruit d’une conviction : le sport est un bien commun.

Le sport, c’est l’épanouissement personnel et le plaisir. Cette notion de plaisir est centrale, il ne faut jamais l’oublier ni la minimiser.

Mais le sport a un rôle qui va bien au-delà. Il a un rôle majeur dans l’éducation de nos enfants : il apprend l’effort, la règle, la discipline, la ténacité, le dépassement de soi ; il apprend à jouer collectif, à faire confiance à l’autre, à l’équipe ; il apprend la solidarité, et, je le crois, il est une marche vers la citoyenneté.

Le sport est aussi un élément clé du lien social. Il forme, il insère, il réinsère, il crée de la valeur, de l’emploi, participe au rayonnement de notre pays.

C’est en ce sens que je tâche de mener mon action : porter des politiques publiques pour le sport, mais également par le sport. Pour ne citer que quelques exemples : c’est le sens du travail en commun que je mène avec le ministère de l’éducation nationale pour développer le sport à l’école – et que vous soutenez, monsieur Savin – au sein d’un nouveau parcours sportif ; c’est le sens des mesures prises en faveur du sport santé, du plan Aisance aquatique et de lutte contre les noyades ou du plan Savoir rouler à vélo. Je pourrais citer également le soutien accru que nous avons apporté cette année avec l’Agence nationale du sport aux acteurs sociaux sportifs, le projet en cours de réflexion autour de la notion de « licence sociale » ou les actions menées en faveur du développement du sport féminin.

Le sport, c’est bon pour soi, c’est bon pour la santé, c’est bon pour l’éducation, c’est bon pour le lien social, pour le vivre ensemble, c’est bon pour le travail et l’emploi, c’est bon pour notre économie, pour nos entreprises et pour le tourisme.

Je tiens à partager avec vous une certitude : le sport français ne se réduit pas à l’état des crédits de son ministère. Le combat, c’est donc aussi de défendre la place du sport dans tous les ministères. Vous avez parlé, monsieur Savin, de l’appel d’air que provoquent les jeux Olympiques. Notre objectif est de faire respirer le sport partout dans la société. C’est le sens du travail que je mène avec mes collègues du Gouvernement Jean-Michel Blanquer, Gabriel Attal, Agnès Buzyn ou encore Christophe Castaner.

Permettez-moi de donner trois exemples concrets de mesures nouvelles prises cette année avec un budget à la clé.

Le premier est un programme de recherche appliquée dédié à la haute performance, pour plus de 20 millions d’euros sur cinq ans, avec Frédérique Vidal. Cela représente 4 millions d’euros par an, que l’on peut comparer aux 500 000 euros que le ministère des sports dédiait avant à l’Insep pour la recherche au service de la haute performance.

Le deuxième exemple est le volet « action sportive à vocation d’inclusion sociale et territoriale » inscrit désormais dans les contrats de ville grâce au soutien de Julien Denormandie.

Le troisième exemple est le plan d’investissement d’avenir de 55 millions d’euros pour le développement des éco-générateurs et les innovations dans le sport.

Ces sommes ne sont pas incluses dans le budget du ministère des sports, mais elles ont été mobilisées pour notre écosystème.

L’engagement du Gouvernement se traduit également dans le soutien plein et entier à Paris 2024 ; un soutien qui permet à ce projet magnifique pour le sport français d’être livré dans les temps et dans les budgets prévus.

Dès l’année qui vient, nous disposerons d’un héritage solide et concret de Paris 2024 : des équipements sportifs nouveaux ou rénovés, financés en complément de ceux qui figurent au budget de l’Agence. Paris 2024 consolide la place du sport, fédère et mobilise l’équipe du sport français.

Cette équipe rassemble le mouvement sportif et associatif, qui en est la cheville ouvrière. Elle réunit l’énergie de millions de sportifs amateurs qui s’entraînent des heures et des heures sans retour assuré de médaille, sans garantie d’une rémunération future de leur club ou d’un sponsor. Elle réunit aussi l’énergie des bénévoles, la passion des formateurs, des encadrants, de milliers de sportifs de haut niveau qui font rayonner l’image de notre pays.

Je pense aussi à tous les élus et à toutes les collectivités territoriales, qui, chaque jour, s’investissent pour son développement.

Je pense enfin au monde économique et aux organisations représentatives d’employeurs et de salariés, qui, comme nous, portent les couleurs du sport français et la volonté de le développer.

Cette équipe de France du sport, j’ai voulu – c’était d’ailleurs le mot d’ordre de nos vœux communs cette année avec le CNOSF : mieux faire ensemble – mieux la réunir au sein de l’Agence nationale du sport. Cette agence offre un espace de collaboration assez unique. Je dirai que c’est une forme innovante de décentralisation. Elle nous permet de nous rassembler pour porter une vision de notre passion commune.

Pour ne citer que quelques chiffres, ce sont près de 250 dossiers de subvention d’équipements déposés par les collectivités territoriales qui auront été soutenus en 2019, pour un montant de 54 millions d’euros. Ce sont aussi près de 90 millions d’euros qui seront consacrés au sport de haut niveau. Avec ce budget, nous déployons progressivement une nouvelle vision du soutien à nos athlètes et à leurs accompagnants ; de nouvelles aides plus importantes, plus justes, mieux ciblées ; de nouveaux services – je pense notamment au « sport data hub », qui vise à rassembler et à mettre à disposition de nos sportifs de haut niveau toutes les données existantes afin de se comparer aux autres athlètes de la planète en dehors des temps de confrontation directe. Cela va les aider à optimiser leurs performances. Nous sommes sur la route de Tokyo, mais ce nouveau système nous permettra aussi d’emprunter dans de meilleures conditions le chemin vers Pékin 2022, puis celui de Paris 2024.

En conclusion, je souhaite faire état de l’avancée de nos travaux autour d’une future loi Sport, qui a vocation à accompagner la transformation du modèle sportif français. Ce texte, qui devrait voir le jour au premier semestre de 2020, visera à développer la pratique sportive, à simplifier et à fluidifier les rapports entre les associations sportives et les pouvoirs publics. Il permettra de rendre la France plus attractive et dynamique dans le secteur de l’économie du sport et d’accroître l’éthique et la régulation du sport.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

Nous allons maintenant procéder au débat interactif.

Je rappelle que chaque orateur dispose de deux minutes au maximum pour présenter sa question, suivie d’une réponse du Gouvernement pour une durée équivalente.

Dans le cas où l’auteur de la question souhaite répliquer, il dispose de trente secondes supplémentaires, à la condition que le temps initial de deux minutes n’ait pas été dépassé.

Dans le débat interactif, la parole est à M. Jean-Jacques Lozach.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Lozach

Dans son étude annuelle 2019 intitulée Le sport : quelle politique publique ?, le Conseil d’État plaide pour la préservation de la place de l’État dans la définition de la politique du sport, son organisation et sa régulation.

En effet, en deux ans, la donne a été profondément modifiée : mise en place d’une Agence nationale du sport, dans laquelle l’État est un parmi quatre, faiblesse récurrente du budget ministériel, refus systématique de déplafonnement des taxes affectées hier au CNDS et, aujourd’hui, à l’ANS, transfert envisagé des conseillers techniques sportifs vers les fédérations, restructuration des services extérieurs de l’État dans le cadre du programme Action publique 2022, fusion des inspections générales… Tout cela intervient de plus dans un contexte exigeant de préparation des JO 2024 de Paris.

Ces différents éléments conduisent de nombreux observateurs ou acteurs à prophétiser la disparition à terme du ministère et, donc, d’un service public des sports en France – certains disent qu’elle interviendra après 2024.

Ces inquiétudes vous paraissent-elles justifiées ? L’État doit-il désormais se concevoir et s’assumer comme un simple partenaire financier, et non comme un stratège impulsant une dynamique pour le sport de haut niveau et le développement des pratiques ?

Le projet de loi Sport et société envisagé pour le printemps 2020 – ce que vous venez de rappeler, madame la ministre –, tranchera-t-il entre les options institutionnelles et administratives envisageables ? Laissera-t-il à l’État un rôle central compatible avec une plus grande responsabilisation du mouvement sportif, la reconnaissance du rôle des collectivités et l’implication souhaitée du monde économique ?

Les lois de décentralisation ont conduit à transférer des compétences aux collectivités locales, devenues les premiers financeurs du sport en France. Avec la loi du 1er août 2019, le Parlement a souhaité renforcer la déclinaison territoriale de la gouvernance partagée du sport. Pouvez-vous nous préciser le stade de développement et le mode de fonctionnement des conférences régionales du sport et des conférences territoriales des financeurs croisant projets sportifs fédéraux et projets sportifs territoriaux ?

Enfin, de quelles ressources ces instances collégiales de concertation et de décision disposeront-elles ?

Debut de section - Permalien
Roxana Maracineanu

Monsieur le sénateur, l’étude annuelle du Conseil d’État a effectivement porté sur le sport : c’est une grande première dont je me réjouis.

Cette étude a souligné la force de notre système sportif français, qui réside dans le lien fort et historique entre l’État et les fédérations instauré dans les années soixante. L’État a délégué aux fédérations l’organisation des compétitions et a choisi d’avoir la main sur le sport de performance, via notamment les fonctionnaires placés auprès des fédérations. L’État a aussi structuré l’accès au haut niveau grâce à des établissements d’État comme l’Institut national du sport, de l’expertise et de la performance, l’Insep. C’est ce dispositif qui a permis le développement de la pratique sportive, mais aussi celui du sport pour tous.

L’expertise d’État au sein des fédérations a également facilité l’accueil de grands événements sportifs dans nos territoires. C’est une vitrine importante pour donner envie à nos jeunes. Cette expertise s’est aussi progressivement orientée vers le développement des pratiques, pour élargir le vivier du haut niveau et répondre aux priorités définies par feu le Centre national pour le développement du sport, le CNDS, sur des thématiques de politique publique comme la préservation de la santé de nos concitoyens, la vie en cohésion et la mixité dans les territoires d’accueil des différentes vagues d’immigration.

L’étude du Conseil d’État rappelle aussi l’acte 1 de la décentralisation et l’apport de la loi NOTRe, qui a permis aux collectivités territoriales de s’investir et d’investir davantage dans le sport.

Aujourd’hui, les pratiques sportives de nos concitoyens évoluent, les modes de vie professionnelle et personnelle changeant, les familles s’agrandissant et se séparant.

On observe une tendance très prononcée des grandes entreprises à recourir au sport et à ses valeurs comme outil de management. Par ailleurs, de plus en plus d’entreprises du secteur sportif cherchent à développer le goût du sport chez leurs clients actuels ou futurs.

C’est pourquoi le Conseil d’État salue notre action en faveur d’une gouvernance partagée du sport. Je peux dire qu’il s’agit d’un embryon de l’acte 2 de la décentralisation, qui contribue à mettre en œuvre la dynamique collective voulue par le Président de la République pour le sport en France, à cinq ans de la tenue des jeux Olympiques dans notre pays.

Cette gouvernance nouvelle permettra de mieux partager la responsabilité de l’obligation de réussite en matière de sport de haut niveau et de développement des pratiques. Le pari est gagné aujourd’hui en ce qui concerne les collectivités territoriales, parmi lesquelles l’Agence nationale du sport fait l’unanimité. La prochaine étape consistera à mettre en œuvre sa déclinaison territoriale, à laquelle vous avez accordé une grande importance au travers de la loi que vous avez adoptée. Ma priorité pour toute l’année à venir sera de travailler sur cette déclinaison territoriale.

Restent les fédérations, avec lesquelles nous devons inventer un nouveau mode de relation, en prenant en compte leur diversité, leur stade de développement et leur taux de dépendance à l’égard de l’État, les entreprises étant, elles, convaincues.

Notre objectif est de répondre aux attentes des citoyens qui pratiquent ou ne pratiquent pas encore. Par cette démarche de gouvernance partagée, nous voulons inciter et accompagner toutes les parties prenantes.

La création de l’Agence nationale du sport sous la forme d’un groupement d’intérêt public, le 24 avril dernier, inscrite ensuite dans la loi, amendée par vos soins, vise à répondre à cet enjeu de mieux faire ensemble.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

Madame la ministre, vous vous êtes exprimée pendant près de trois minutes ; je vous rappelle que la règle des deux minutes de temps de parole s’applique également à vous.

La parole est à Mme Mireille Jouve.

Debut de section - PermalienPhoto de Mireille Jouve

Depuis 2011, deux types d’arrêtés de restriction ou d’interdiction de déplacement de supporters peuvent être mis en œuvre.

D’une part, le préfet peut interdire l’accès à un stade ou à ses abords aux supporters visiteurs. D’autre part, le ministre de l’intérieur a la possibilité d’interdire les déplacements de supporters sur le territoire de la commune, ou même du département, accueillant la rencontre sportive.

Depuis cette date, la prise de tels arrêtés a connu un développement pour le moins significatif. Si seulement quatre matches ont été concernés lors de la saison 2011-2012 de Ligue 1 de football, ce sont 102 rencontres qui l’ont été la saison dernière.

Nous sommes conscients de l’ampleur des troubles à l’ordre public qu’ont déjà pu occasionner des déplacements de supporters par le passé. Nous avons également à l’esprit la sursollicitation qui caractérise la mobilisation et le déploiement de nos forces de l’ordre depuis maintenant plusieurs années. L’encadrement d’un déplacement de supporters requiert des moyens humains qui peuvent faire défaut ailleurs, tout particulièrement dans le contexte sécuritaire que nous connaissons, mais nous souhaitons voir cette situation connaître enfin une évolution favorable, afin que l’accueil des supporters visiteurs dans nos enceintes sportives de haut niveau redevienne la norme.

En 2017, j’avais déjà interpellé le ministre de l’intérieur sur le caractère souvent très tardif de la publication de ces arrêtés, qui ne manque pas de pénaliser financièrement les personnes visées, alors que celles-ci ont préalablement engagé des dépenses pour s’associer à un déplacement de supporters.

Madame la ministre, M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur a annoncé hier une évolution des pratiques, afin de rétablir le caractère exceptionnel de ces restrictions ou de ces interdictions de déplacement de supporters. Pouvez-vous nous exposer les évolutions attendues ?

Debut de section - Permalien
Roxana Maracineanu

Madame la sénatrice, au mois de septembre, j’ai évoqué avec Laurent Nunez, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur, la situation difficile dans laquelle nous étions, en particulier depuis le début de la saison, les interdictions de déplacement devenant la norme aujourd’hui.

Nous avons tous deux bien conscience des enjeux de sécurité et de mobilisation des forces de l’ordre qui sous-tendent ce sujet complexe. Néanmoins, nous sommes convenus qu’il fallait une meilleure justification et une meilleure explication des décisions, ainsi qu’une meilleure anticipation, par les préfets et par les clubs eux-mêmes, des difficultés liées à la tenue des matches et une meilleure reconnaissance du rôle des référents « supporters » des clubs par les préfets et au sein même des clubs. Enfin, il nous faut améliorer la coordination entre le ministère de l’intérieur et le ministère des sports sur cette question.

Notre objectif est de mieux équilibrer l’approche de ce sujet pour que les supporters puissent continuer à encourager leur équipe et vivre leur passion du sport. Il faut que le supporter soit considéré comme un acteur majeur du sport et du spectacle sportif.

Hier s’est tenue une réunion plénière de l’instance nationale du supportérisme, en présence de représentants de la Ligue et de la Fédération française de football, ainsi que de deux parlementaires, Mme Buffet et M. Houlié, qui travaillent aujourd’hui dans le cadre d’une mission parlementaire sur le supportérisme.

Nous avons pu annoncer l’élaboration prochaine d’une circulaire à destination des préfets, qui reprend toutes les préconisations que nous avons décidées ensemble. L’objectif est de mettre en place, bien en amont de la tenue des matches sensibles ou à risques, un tour de table avec les deux clubs, les directeurs de la sécurité et les deux référents « supporters », afin d’évaluer en toute transparence la possibilité et les modalités du déplacement des supporters.

La première condition de la réussite de l’application de cette circulaire, c’est l’établissement par les clubs d’une relation de confiance avec les préfectures. Il faut aussi que l’État assure une meilleure coordination à l’échelon national et l’association du ministère des sports à la décision.

À l’évidence, il ne faut plus banaliser les interdictions strictes de déplacement et privilégier plutôt les déplacements encadrés, dès lors que les conditions de sécurité le permettront.

Debut de section - PermalienPhoto de Mireille Jouve

Je vous remercie de ces précisions qui me conviennent, madame la ministre.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Rambaud

Madame la ministre, chaque année est marquée par son lot de drames liés aux noyades. Près de 1 960 noyades, dont 597 suivies d’un décès, ont été recensées pour le seul été 2018.

Le caractère récurrent de ces drames inquiète et interpelle. Le Premier ministre s’en est ému : il a souhaité que les ministères de l’éducation nationale et des sports se saisissent de ce dossier et apportent des solutions concrètes. Si des personnes de tous âges sont concernées, il est particulièrement regrettable que les jeunes enfants soient trop souvent exposés dans les piscines familiales.

Madame la ministre, vous pilotez un plan d’action pour favoriser l’aisance aquatique des plus jeunes, en vue de réduire le nombre des décès par noyade. Votre priorité est de développer les apprentissages précoces et concentrés, dès l’âge de 4 ans.

Ma première question portera sur l’expérimentation de cette modalité d’apprentissage à l’échelon du territoire. Quelles avancées ont été réalisées à ce jour ou sont en passe de l’être ? Si l’apprentissage de la nage est essentiel et inscrit dans les enseignements, il est nécessaire d’inventer une compétence du « savoir flotter » à destination des publics les plus jeunes.

Il convient d’établir une cohérence et une complémentarité entre les différentes stratégies d’intervention des acteurs institutionnels, telles que le « Savoir nager » de l’éducation nationale et le « J’apprends à nager » du ministère des sports, ainsi qu’avec le rôle de la famille, véritable premier acteur éducatif. Comment comptez-vous faire adhérer à ce projet le vaste ensemble d’acteurs concernés par le sujet ?

Les récents rapports de Santé publique France indiquent que d’autres publics sont victimes de noyades. Je pense notamment aux seniors en bord de mer. Je pense aussi aux jeunes, en âge d’être lycéens ou étudiants, qui se noient dans les plans d’eau ou les cours d’eau. Avez-vous également un plan d’action pour répondre à cette problématique ? Comment coordonnez-vous ces actions ?

Debut de section - Permalien
Roxana Maracineanu

Monsieur le sénateur Rambaud, vous l’avez souligné, les jeunes enfants sont les premières victimes des noyades.

Notre plan Aisance aquatique vise à réduire le nombre, trop important, de décès par noyade. Nous agissons via les messages de sensibilisation, la démarche pédagogique et d’accompagnement auprès de ces jeunes publics. La petite enfance est, de manière générale, encore trop peu concernée par ces politiques publiques.

Aujourd’hui, des tutoriels réalisés par le ministère des sports sont mis à la disposition des parents, afin de démocratiser et de rendre accessible l’accompagnement de son enfant dans la découverte du milieu aquatique.

Nous incitons aussi à la construction, à la rénovation et à l’acquisition d’équipements aquatiques adaptés à l’accueil d’un public qui est clairement nouveau pour les municipalités, les associations et même les maîtres-nageurs.

Nous envisageons en outre la refonte et le réenchantement du métier de surveillant de baignade et de maître-nageur sauveteur.

Un plan de déploiement de l’apprentissage précoce de la sécurité dans l’eau vient d’être lancé. Il vise l’aisance aquatique des enfants à partir de 4 ans : les compétences acquises vont leur permettre de savoir flotter, être mobiles, se mettre sur le dos pour se reposer ou appeler à l’aide, le cas échéant, regagner le bord et parvenir à s’extraire de la piscine. Cet enseignement est conçu pour être dispensé par groupe au cours d’une classe bleue, dans le cadre de l’école ou dans un cadre associatif, de telle sorte que, au bout d’une ou deux semaines par an, les enfants à partir de 3 ans acquièrent cette aisance aquatique.

Les jeunes enfants sont ma priorité, mais je n’oublie pas que les adolescents ou les seniors sont également concernés par le risque de noyade. À partir de l’année prochaine, nous orienterons une partie de nos dispositifs vers ces publics, notamment les plus de 60 ans, qui sont aussi touchés que les enfants de moins de 6 ans.

Debut de section - PermalienPhoto de Céline Brulin

Madame la ministre, sans attendre la remise du rapport Cucherat-Resplandy-Bernard, personnalités que vous avez missionnées pour réfléchir au devenir des conseillers techniques sportifs, les CTS, je voudrais rappeler que l’inquiétude des membres du groupe CRCE reste forte devant le projet de détachement de ces conseillers auprès des fédérations. Nous souhaitons vivement que vous entendiez le message du mouvement sportif, relayé d’ailleurs par le Sénat, sur l’ensemble de ses travées, au cours de ces derniers mois.

Ces détachements d’office constitueraient en effet une remise en cause inacceptable du rôle de l’État dans la définition de la politique sportive et l’accompagnement vers le haut niveau. Ils renforceraient les inégalités entre fédérations, puisque seules celles qui sont en mesure de prendre en charge financièrement les CTS pourraient bénéficier de leur apport. On imagine aisément les graves problèmes que cela poserait pour certaines disciplines, notamment dans le cadre de fédérations omnisports. Enfin, nous doutons de la pertinence de ce véritable big-bang, à l’approche d’importantes échéances sportives internationales.

Une partie de ces critiques est partagée par le Conseil d’État, qui, dans son rapport du 16 octobre, évoque la possibilité de passer par l’ANS pour l’affectation et la rémunération des CTS au sein des fédérations qui ne pourraient en assumer le coût.

Toutefois, cette suggestion ne nous semble pas de nature à régler efficacement la problématique des inégalités entre fédérations, d’autant qu’elle s’inscrit dans un contexte où la Cour des comptes exige de définir de nouveaux critères d’affectation, qui s’appuieraient notamment sur le nombre de licenciés, au risque de favoriser les disciplines les plus médiatisées, et donc les plus pratiquées, au détriment des autres, qui ont précisément besoin d’un soutien fort de l’État.

La question du détachement des CTS recoupe celle de la mise en place d’un véritable ministère des sports et d’une véritable politique publique du sport.

Debut de section - Permalien
Roxana Maracineanu

Madame la sénatrice, à cinq ans de la tenue des jeux Olympiques en France, il est de notre responsabilité collective, comme je l’ai dit tout à l’heure, d’être à la hauteur d’un héritage de performances et de pratiques qui est la vraie richesse du sport français.

Aujourd’hui, nous devons faire mieux en analysant avec sincérité et transparence nos forces et nos faiblesses. C’est dans ce cadre que s’inscrit mon action et, plus particulièrement, la transformation du modèle sportif français avec la création de l’Agence nationale du sport.

Au travers d’une gouvernance partagée, je veux développer et renforcer le rôle des fédérations. Ces dernières auront une responsabilité accrue et des moyens dédiés plus importants. J’entends aussi repositionner les fédérations à l’égard des clubs, des associations et, surtout, des pratiquants.

L’idée directrice de la réforme est de remettre le club sportif au cœur du projet. Nous devons aussi capter la moitié des Français qui ne pratiquent aucune activité physique. Le sport doit rester un jeu, un défi, un plaisir. C’est dans ce contexte que la question de la relation des cadres d’État avec les fédérations et de son impact sur les politiques publiques doit être abordée sans tabou.

Pour conduire ces travaux, j’ai tenu un dialogue ouvert, qui respecte et favorise l’expression et l’écoute de chacun, afin que toutes et tous puissent partager librement leur vision, faire valoir leur expertise et leurs revendications et, surtout – j’insiste sur ce point –, être forces de proposition, car nous ne détenons pas toutes les solutions pour tout le monde. Nous avons besoin de solutions innovantes, une gouvernance partagée étant elle-même une solution innovante de dialogue avec notre écosystème.

À l’occasion de mon intervention devant l’Assemblée nationale le 21 mai dernier, j’ai proposé que la réforme du positionnement des conseillers techniques sportifs prenne une autre forme que celle qui était évoquée à mon arrivée à la tête du ministère, en septembre 2018. C’est pourquoi j’ai confié une mission à MM. Alain Resplandy-Bernard et Yann Cucherat, lui-même CTS : leur rôle consiste à animer une concertation qui portera sur les métiers, la nature des missions, les évolutions de carrière, le positionnement et l’efficience des moyens humains de l’État au service du sport. J’attends la remise de ce rapport pour vous en dire plus à ce sujet.

Debut de section - PermalienPhoto de Dany Wattebled

La politique sportive de la France se trouve aujourd’hui à un moment charnière, dans la perspective des jeux Olympiques de 2024, bien sûr, mais également de l’institution de l’Agence nationale du sport, approuvée par le Sénat cet été : un événement incontournable pour toutes les fédérations, d’une part, et une réorganisation majeure pour tous les acteurs du sport, d’autre part. Se pose une question essentielle : celle des moyens mobilisés pour relever ces deux défis.

Alors que le projet de loi de finances pour 2020 sera prochainement examiné au Sénat, de nombreuses interrogations ont déjà été soulevées qui appellent des réponses claires du Gouvernement.

De prime abord, pourtant, il n’existe aucune raison de s’inquiéter, puisque les crédits auront été multipliés par deux en cinq ans. Mais, alors que les premières dépenses pour les infrastructures des jeux Olympiques seront engagées en 2020, les acteurs locaux se demandent si le prochain budget profitera à tous les territoires et à tous les sports. Sur le terrain, on redoute en effet un budget en trompe-l’œil.

Je ne reviendrai pas sur le cas des conseillers techniques sportifs, encore inquiets quant à l’avenir de leur statut, en dépit des gages que le Gouvernement a tenté de leur apporter.

Ma question, madame la ministre, porte sur le financement des fédérations sportives. Alors que certaines voient le nombre de leurs adhérents augmenter d’année en année, d’autres peinent à se développer. Or l’objectif annoncé de quarante médailles aux jeux Olympiques ne pourra être atteint qu’avec le concours de toutes les fédérations. Quels mécanismes de péréquation entre fédérations prévoyez-vous pour développer la pratique de tous les sports dans toute la France, tant au très haut niveau qu’au niveau amateur ?

Debut de section - Permalien
Roxana Maracineanu

Monsieur le sénateur, sachez que nous avons changé de critères pour le financement des fédérations : jusqu’à maintenant, nous prenions en compte le nombre de licenciés ; désormais, avec l’Agence nationale du sport, ce sont les projets de développement des pratiques qui seront pris en considération, ainsi que la capacité des fédérations à décliner ces projets sur les territoires puisque, avec la nouvelle gouvernance, nous cherchons à mettre en cohérence fédérations et associations. Jusqu’à présent, les fédérations éprouvaient des difficultés à mesurer ce que leurs propres associations faisaient sur le terrain, parce que l’État finançait en partie les fédérations via le ministère des sports, d’un côté, et, de l’autre, les associations sur les territoires au travers du CNDS.

Aujourd’hui, le Centre national pour le développement du sport s’étant fondu dans l’Agence nationale du sport, nous avons pour objectif d’assurer une meilleure cohérence et de proposer aux fédérations une vraie politique de structuration et de développement, en leur offrant de s’engager dans des projets innovants et ambitieux, avec une vision claire de leurs propres déclinaisons territoriales.

Parallèlement, la nouvelle gouvernance du sport prévoit un accompagnement par les territoires, les collectivités et l’État de ces projets sportifs fédéraux, pour parvenir à les mettre en adéquation avec les projets sportifs de territoire. L’ANS est là pour y veiller.

S’agissant des cadres techniques sportifs, nous sommes parfaitement conscients du rôle et de l’importance de cette présence de l’État au sein des fédérations. Dans le cadre de la réforme que je conduis aujourd’hui avec les CTS et les fédérations, il est essentiel pour moi de prendre en compte le degré de maturité et de développement des fédérations, mais aussi leur taux de dépendance à l’État. Cela me paraît primordial pour pouvoir mener à bien cette réforme.

Debut de section - PermalienPhoto de Dany Wattebled

M. Dany Wattebled. Je remercie Mme la ministre de ces éclaircissements. Le sport est un élément fort de notre cohésion sociale : plus on consacrera de moyens au sport, mieux on se portera. La pratique sportive devrait même être remboursée par la sécurité sociale, car le sport, c’est la santé !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Kern

Notre modèle sportif, tout à fait original et singulier, permet, par un système de responsabilité partagée entre l’État, les collectivités territoriales et le mouvement associatif, de conjuguer le développement du sport pour tous, l’organisation du sport de haut niveau et tout un volet social allant de la prévention par le sport à la lutte contre le dopage, en passant par la protection des sportifs.

L’État a toujours occupé une place prééminente dans l’organisation, la régulation et le contrôle des activités sportives. Cependant, comme le souligne le dernier rapport du Conseil d’État, les collectivités territoriales sont devenues les premières contributrices au financement des pratiques et des équipements sportifs, sans que leur place soit véritablement reconnue au sein d’une gouvernance où la politique publique relève d’abord de l’État et les règles du jeu du mouvement sportif.

Aujourd’hui, alors que nous mettons en œuvre une nouvelle gouvernance du sport à travers la création de l’ANS, il faut se donner les moyens de réussir cet ambitieux virage, qui doit permettre de coordonner les politiques sportives de ses membres aux niveaux national et territorial, dans un esprit de concertation, de mobilisation et de proximité.

Cela ne pourra résulter que d’une organisation très décentralisée, au sein de laquelle les représentants des collectivités doivent se voir attribuer une place toute particulière. Ainsi, on devra lutter contre tout tropisme conduisant à faire de la gouvernance territoriale une simple déclinaison régionale de l’action de l’ANS.

À ce sujet, nous ne pouvons que déplorer la position timorée adoptée par l’Assemblée nationale, qui a repoussé notre proposition de faire présider les conférences régionales par une personnalité élue parmi les représentants des collectivités territoriales ou du mouvement sportif. Aujourd’hui, il faut à tout le moins prévoir que le secrétariat des conférences régionales du sport et celui des conférences des financeurs soient assurés par les collectivités territoriales par voie de convention, dans le cadre de la compétence partagée. Alors que les décrets d’application de la loi du 1er août 2019 doivent rapidement être pris, pouvez-vous nous donner votre position sur ce point, madame la ministre, sachant qu’une convention pourrait déterminer leur fonctionnement et les moyens qui y seraient consacrés ?

Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Roxana Maracineanu

Monsieur Kern, vous étiez le rapporteur du projet de loi portant création de l’Agence nationale du sport, dont nous avons entériné ensemble l’institution le 1er août dernier. Dans sa déclinaison territoriale, le rôle de l’ANS consistera à veiller à la cohérence entre les projets sportifs territoriaux et les projets sportifs des fédérations. Pour ce faire, nous allons instaurer des conférences régionales du sport, qui comprendront des représentants de l’État, des collectivités territoriales, du mouvement sportif, du monde économique et des usagers sur les territoires. Elles éliront un président en leur sein.

Chaque conférence régionale du sport établira un projet sportif de territoire qui tiendra compte des spécificités des territoires et restera cohérent avec les orientations nationales en matière de politique publique sportive. Elle instituera une ou plusieurs conférences des financeurs du sport, dont nous souhaitons la déclinaison jusqu’au niveau communal.

Le projet sportif territorial servira à conclure des contrats pluriannuels d’orientation venant préciser les actions, les ressources humaines et financières et les moyens matériels qui seront consacrés aux projets présentés par les associations ou les collectifs d’usagers. C’est ce que l’on appelle la logique du guichet unique du sport.

Nous travaillons actuellement en concertation étroite avec les différents acteurs à la rédaction de trois décrets. Ceux-ci permettront notamment d’appliquer la déclinaison territoriale de l’ANS, telle que vous l’avez votée le 1er août 2019. Les points d’accord concernent la répartition des postes : la présidence des conférences sera confiée à des élus locaux, le secrétariat général à différentes catégories d’acteurs. Il reste des points de désaccord avec les collectivités, notamment sur le quantum de voix accordé à chacun des acteurs au sein des conférences et sur la part d’autonomie laissée aux acteurs locaux pour identifier les besoins des territoires, mais je suis confiante sur le fait que nous parviendrons à mettre en place la déclinaison territoriale de l’ANS.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Piednoir

Madame la ministre, j’en suis comme vous profondément convaincu, la pratique d’une activité physique et sportive participe à l’épanouissement de l’enfant et contribue ainsi à sa réussite scolaire.

Le sport à l’école a des effets bénéfiques, notamment en termes de santé publique, puisqu’il permet de lutter contre la sédentarité et l’obésité chez les jeunes. Je crois aussi en sa capacité à susciter des vocations ou, a minima, à inciter les jeunes à pratiquer une activité physique tout au long de leur vie.

Cependant, pour jouer pleinement ce rôle, le sport à l’école devrait faire l’objet d’une réelle stratégie, d’un suivi et, surtout, d’une coordination entre tous les acteurs concernés : professeurs d’éducation physique et sportive, bénévoles chargés du sport scolaire et fédérations sportives. Nous en sommes encore loin, si l’on en croit un récent rapport de la Cour des comptes, qui pointe des faiblesses de structuration opérationnelle, des carences dans l’évaluation de l’enseignement et le manque d’une stratégie globale qui serait partagée par tous.

Pour ne prendre que quelques exemples des lacunes existantes, les trois heures d’éducation physique et sportive par semaine ne sont pas correctement assurées dans l’ensemble des établissements et aucun contrôle n’est réalisé. Il n’existe par ailleurs aucune continuité éducative entre le premier et le second degré, aussi surprenant que cela puisse paraître.

De plus, aucune proposition du Sénat n’a été retenue dans le cadre du projet de loi pour une école de la confiance, que nous avons examiné récemment.

Madame la ministre, nous ne le répéterons jamais assez, les jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 sont un formidable levier pour susciter un engouement pour la pratique sportive en général. Ils doivent être l’occasion, pour notre pays, d’affirmer une ambition collective fondée sur une vision globale, partagée par tous les acteurs du parcours sportif des élèves. Quelles sont les actions engagées par votre ministère, en lien avec le ministère de l’éducation nationale, pour rendre plus efficiente l’organisation du sport à l’école ?

Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et UC.

Debut de section - Permalien
Roxana Maracineanu

Monsieur le sénateur, sachez que je regrette, tout comme vous, mon arrivée tardive à la tête de ce ministère ! J’ai pu néanmoins amorcer une réelle collaboration avec Jean-Michel Blanquer, même si tous les projets que nous avons élaborés n’ont malheureusement pas pu être inscrits dans la loi pour une école de la confiance. Je vous invite à représenter les propositions que vous avez évoquées lors de l’examen du projet de loi sur le sport qui vous sera soumis au prochain trimestre.

Effectivement, le constat est dramatique : nos enfants ne sont pas en aussi bonne forme qu’il y a quarante ans, du fait de la sédentarité. Les maladies liées à l’inactivité frappent plus massivement et plus précocement. Il faut une réaction collective : mon ministère s’est entendu avec le ministère de l’éducation nationale pour mobiliser les acteurs associatifs et sportifs à cet effet.

Ma priorité, c’est l’école élémentaire, où tout se joue. La loi de M. Blanquer a instauré l’école obligatoire dès 3 ans. Nous devons installer durablement des rituels sportifs dans le quotidien de nos enfants. Je demande à chaque club de travailler en partenariat avec les équipes enseignantes des écoles. Lors de la journée nationale du sport scolaire, nous avons renouvelé une convention entre les ministères et quatorze fédérations sportives. L’objectif que nous comptons vraiment atteindre cette année est de faciliter et de développer les interventions des clubs et des associations dans le cadre du temps scolaire à l’école primaire. Nous suivons de près l’appel à projets « école le matin, sport l’après-midi ». J’ai également fait une offre de services pour participer au dédoublement des classes grâce à nos associations, en priorité dans les cités éducatives.

Enfin, nous allons élaborer, en partenariat avec le ministère de l’éducation nationale, un parcours éducatif et sportif de la maternelle à l’université, qui permettra de conserver et de valoriser toutes les qualifications acquises pendant sa scolarité dans un club ou à l’école, par exemple l’aisance aquatique, le « savoir rouler » à vélo ou toute action bénévole engagée dans une association par les jeunes enfants.

Toutes ces compétences doivent pouvoir être mieux valorisées dans le curriculum vitae des futures générations. Nous sommes persuadés qu’elles permettront une meilleure insertion professionnelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

Au cours des trente dernières années, la professionnalisation du sport de haut niveau s’est accompagnée d’un essor vertigineux de son écosystème, porté singulièrement par l’explosion des droits de retransmission des compétitions – l’exemple le plus éclairant à cet égard est bien évidemment celui du football.

En parallèle, le paysage audiovisuel s’est radicalement transformé. Le nombre de chaînes payantes nationales diffusant des programmes sportifs est ainsi passé de trois en 1995 à vingt-cinq en 2016. Aujourd’hui, ces dernières retransmettent plus de 95 % du volume horaire dédié au sport.

De son côté, France Télévisions fait face à un effet ciseaux particulièrement préoccupant, qui combine baisse des ressources publiques – 160 millions d’euros d’ici à 2022 – et forte inflation des droits audiovisuels relatifs aux événements sportifs. Il n’est donc guère surprenant que le budget alloué par le groupe au sport soit passé de 230 millions en 2016 à 192 millions en 2019. À terme, on pourrait légitimement craindre que certaines compétitions sportives telles que le tournoi de tennis de Roland-Garros ou le Tour de France, qui constituent pourtant l’identité sportive de France Télévisions, n’échappent au service public.

Malgré cette tendance, les chaînes du groupe ont effectué des efforts qui peuvent être salués, dans la mesure où, en 2018, elles ont retransmis des compétitions dans 132 disciplines et ont exposé beaucoup plus le sport féminin, notamment en direct.

Par conséquent, de ce bref panorama ressort un enjeu majeur en termes d’accès aux programmes sportifs, en particulier du fait de la fragmentation progressive de l’offre payante télévisuelle.

Madame la ministre, envisagez-vous d’élargir rapidement la liste des événements sportifs d’importance majeure, fixée par le décret du 22 décembre 2004, dans un triple objectif de meilleure exposition des compétitions féminines, de diversification des disciplines diffusées et, bien sûr, d’accessibilité croissante des sports les plus pratiqués et populaires ? Allez-vous autoriser la réintroduction exceptionnelle de la publicité après 20 heures lorsque les chaînes du service public retransmettent des événements sportifs ?

M. Michel Savin applaudit.

Debut de section - Permalien
Roxana Maracineanu

Je suis entièrement favorable à l’élargissement de cette liste, madame la sénatrice, car, effectivement, peu de compétitions féminines font partie des événements protégés. Nous avons donc lancé, avec Franck Riester, une consultation publique en vue de permettre l’accès gratuit à la retransmission de nos grandes manifestations sportives, de faire évoluer cette liste et d’y ajouter des compétitions féminines, mais aussi de donner la priorité aux matchs ou aux épreuves auxquels participent l’équipe de France ou des sportifs français.

Nous étudions actuellement les retours de cette consultation et, bien sûr, nous agirons dans ce sens. Nous avons peut-être trouvé une solution grâce à la création de la chaîne Sport en France, qui permettra de diffuser en clair beaucoup de compétitions sportives, notamment féminines, ou d’exposer des sports aujourd’hui confidentiels. La participation de l’Agence nationale du sport et du CNOSF, le Comité national olympique et sportif français, pourrait permettre d’assumer les coûts de production liés à ces manifestations, afin de pouvoir proposer gratuitement leur retransmission aux chaînes de grande diffusion publiques. Les apports des annonceurs publicitaires pourraient abonder un fonds de dotation au sport féminin que je viens de créer. Il s’agit de rassembler toutes les bonnes volontés – entreprises, annonceurs, chaînes de télévision – pour structurer la pratique par les femmes du sport pour tous, mais surtout du sport de haut niveau, et lui accorder plus d’importance.

Mon objectif est en effet de travailler plus et mieux pour le sport féminin, qui n’a jamais vraiment été considéré en France. La cause de nos sportives féminines confrontée à la maternité pendant leur carrière sportive, par exemple, n’a jamais été entendue ni même abordée. J’ai organisé une table ronde avec des sportives, voilà quelques semaines : elles ont pu, pour la première fois, évoquer cette thématique avec une instance sportive. Elles ne sont écoutées ni dans leur club, ni dans leur fédération, ni par leur entraîneur, ni par leur entourage.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Gatel

Les bénéfices de la pratique du sport pour la santé, de façon générale, et pour les personnes souffrant d’affections de longue durée, en particulier, sont aujourd’hui indiscutables. Une activité physique modérée permet ainsi d’éviter, par exemple, 30 % des maladies cardiovasculaires et 25 % des cancers du sein ou du côlon.

La loi de 2016 qui permet aux médecins de prescrire une activité physique à leurs patients est une avancée majeure. Force est de constater, toutefois, que l’absence de financement de cette mesure par la sécurité sociale est un réel obstacle au développement de sa mise en œuvre. En effet, outre que le coût financier peut représenter un obstacle pour le malade, cette prescription ne sera pas réellement considérée comme un acte de soin tant qu’elle ne sera pas remboursée.

Je me réjouis donc que, dans le PLFSS que nous examinerons bientôt, soit prévue la création d’un parcours de soins pris en charge par l’assurance maladie pour accompagner les patients après le cancer. En effet, comme le rappelait la Haute Autorité de santé en 2018, pour les personnes atteintes de cancer, « une activité physique régulière d’intensité au moins modérée est associée à des réductions de la mortalité toutes causes confondues ».

C’est une évolution importante que je salue. Toutefois, madame la ministre, l’enveloppe de 10 millions d’euros permettra de financer un bilan d’activité physique, mais aucune activité. Selon l’étude d’impact, 250 000 patients atteints de cancer seraient concernés chaque année : chacun d’entre eux pourrait donc bénéficier de 40 euros… Pourtant, ce type de mesure permettra à moyen terme de réaliser des économies au titre des dépenses d’assurance maladie.

Madame la ministre, de nombreuses initiatives sont déployées localement, grâce à la bonne volonté de communes, d’associations ou d’agences régionales de santé, mais elles sont considérablement fragilisées par le manque de stabilité et de visibilité financières. Pouvez-vous nous dire si cette enveloppe a vocation à être pérennisée ? Y aura-t-il une montée en charge pour porter son montant à la hauteur de l’enjeu ?

Debut de section - Permalien
Roxana Maracineanu

Je suis tout à fait d’accord avec vous, madame la sénatrice. J’espère moi aussi que cette avancée inscrite dans le PLFSS est une première étape vers la mise en place d’une vraie stratégie sport-santé. Sachez en tout cas que nous travaillons main dans la main, avec Agnès Buzyn, à l’élaboration de cette stratégie et à sa mise en œuvre.

Effectivement, seul le bilan pourra aujourd’hui être remboursé, mais la démarche s’inscrit dans une dynamique territoriale qui engage déjà différents acteurs : les collectivités, les associations sportives, déjà mobilisées dans les territoires, et de nombreux centres de soins.

Cette enveloppe de 10 millions d’euros représente un moyen de valoriser ce qui se fait déjà aujourd’hui et de permettre un effet de levier pour ce qui concerne les engagements des acteurs privés du secteur, comme les mutuelles, avec lesquelles le ministère des sports signera prochainement une convention pour les encourager à aller encore plus loin que la mise en place de maisons sport-santé et à cofinancer avec nous un parcours d’activités physiques à visée principalement thérapeutique.

Nous avons pour objectif d’accompagner l’ouverture et la labellisation de 500 maisons sport-santé, qui auront pour vocation d’accueillir et d’orienter toutes les personnes souhaitant pratiquer une activité physique, pas seulement les personnes en rémission, mais aussi les personnes sédentaires. Nous souhaitons que ces maisons sport-santé soient un sas vers la pratique, où le citoyen pourra être accompagné avec un regard bienveillant vers davantage d’activité physique adaptée au quotidien. Le sport, ce n’est pas seulement la recherche de la performance ou le sport pour tous, c’est aussi l’activité physique adaptée à tous les publics. Il est aussi de notre devoir d’encourager le ministère de la santé à s’orienter davantage vers une telle politique de prévention.

Debut de section - PermalienPhoto de Florence Lassarade

Avec 382 000 nouveaux cas recensés en 2018, 157 000 décès, 4 millions de personnes vivant avec un cancer ou ayant eu un cancer, le cancer pèse lourdement sur la société française.

De nombreuses études épidémiologiques mettent en évidence l’effet positif de l’activité physique en termes de prévention primaire et tertiaire du cancer du sein et de la récidive, ainsi que de mortalité liée au cancer. Ainsi, selon une étude de l’Inserm, l’activité physique « améliore la qualité de vie et réduit les effets secondaires liés au cancer et aux traitements ainsi que les récidives ». Plusieurs autres études scientifiques indiquent qu’une pratique régulière du sport diminue de 50 % le risque de récidive d’un cancer du sein. L’étude intitulée La vie cinq ans après un diagnostic de cancer, publiée en juin 2018 par l’Institut national du cancer, l’INCa, montre que la santé des personnes concernées est toujours affectée cinq ans après le diagnostic. Or, cette étude met aussi en évidence que 53 % d’entre elles ont réduit ou cessé leur activité physique.

L’idée est donc d’encourager les personnes à pratiquer une activité physique à leur niveau et d’adapter cette activité à leurs besoins. La période de l’après-cancer du sein est favorable aux modifications du mode de vie. La pratique du sport et d’une activité physique doit aussi être intégrée dans les protocoles de traitement, pour améliorer la vie après le cancer du sein.

Pourtant, si l’activité sportive est recommandée par de nombreux oncologues, elle n’est toujours pas prise en charge par les pouvoirs publics au titre du traitement de la maladie ou de la prévention de la récidive.

Madame la ministre, je souhaiterais savoir quelles sont les mesures mises en œuvre par le ministère des sports pour favoriser l’activité physique des malades, et plus particulièrement des malades du cancer du sein. Quelles sont les formations dispensées aux éducateurs sportifs qui s’occupent des malades ? Disposez-vous de données chiffrées sur ce point ?

M. Michel Savin applaudit.

Debut de section - Permalien
Roxana Maracineanu

J’irai encore plus loin que vous, madame la sénatrice.

Les instituts qui prennent en charge les malades du cancer me disent qu’aujourd’hui cette maladie touche des personnes de plus en plus jeunes. Des traitements de plus en plus forts sont disponibles, mais pour les administrer utilement il faut absolument que le corps du patient puisse les supporter. De ce point de vue aussi, l’activité physique devient vraiment indispensable.

Notre stratégie sport-santé vise aussi, en amont, la prévention : nous cherchons à faire pratiquer une activité physique et sportive à des personnes sédentaires, davantage susceptibles que les autres de contracter ces maladies. Les maisons sport-santé constituent à cet égard un outil. Leur création répond à un engagement du Président de la République, et nous allons, dans un premier temps, labelliser un maximum d’initiatives locales. Au travers de la mesure financière du PLFSS évoquée tout à l’heure par Mme Gatel, qui permettra le remboursement du bilan et un suivi de l’activité sportive, nous chercherons à mobiliser le plus d’acteurs possible. De nombreuses fédérations se sont déjà positionnées, en dispensant des formations aux éducateurs des associations qui pourront accueillir les personnes en rémission. Nous allons continuer à accompagner ces fédérations afin de créer des passerelles entre le monde de la santé et le monde du sport.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

La parole est à Mme Florence Lassarade, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Florence Lassarade

Mme Florence Lassarade. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre. En théorie, ces mesures d’accompagnement du malade vers l’activité sportive sont vertueuses. En pratique, mon expérience familiale récente m’amène à constater que l’on est très loin de proposer des activités physiques à tous les patients atteints de cancer. Bien sûr, le bilan proposé dans le cadre du parcours de soin est intéressant, mais sa portée est faible, presque dérisoire, au regard de l’enjeu. Il faut consentir un effort beaucoup plus important.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Sylvie Vermeillet applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Manable

Le transfert des conseillers techniques et sportifs aux fédérations sportives est une très mauvaise nouvelle, pour ces agents, pour les fédérations, pour le sport de très haut niveau et pour tout le modèle sportif français.

Les conseillers techniques et sportifs occupent en effet une place unique dans l’organisation du sport français et représentent l’un des maillons essentiels de notre modèle sportif. Ils font vivre à la fois le sport de masse et le vivier du sport amateur, ils sont des relais indispensables des fédérations, dont ils constituent souvent une très grande part des salariés, et ils sont la cheville ouvrière du dispositif de détection des talents de demain.

C’est pourquoi, madame la ministre, nous continuons de dénoncer le transfert annoncé des 1 600 conseillers techniques et sportifs aux fédérations et aux collectivités locales.

Les fédérations, notamment les plus petites, ne pourront pas absorber ces nouvelles dépenses. Elles auront beaucoup de difficultés à conserver des cadres techniques, faute de moyens financiers. Elles devront faire face à une très forte hausse de leur masse salariale, puisque le nombre des salariés permanents est souvent très inférieur à celui des CTS détachés.

Quel est donc le modèle économique soutenable que vous proposez au sport français, madame la ministre ? Comment éviter, pour faire face à ces nouvelles dépenses, l’augmentation du prix de la licence sportive, qui risque de pénaliser durablement le sport amateur et accessible à tous ?

L’empressement de ce gouvernement à se séparer des CTS relève manifestement davantage d’un choix politique que d’une décision rationnelle. Comment ne pas voir que la disparition du cadre historique français est déjà engagée ? Le concours de recrutement de professeurs de sport n’a-t-il pas été suspendu, tout comme les mobilités ?

On est en droit de se demander si vous n’êtes pas en train de déstabiliser en catimini l’ensemble du modèle français du sport. Sous couvert de réformes techniques, c’est la démocratisation des pratiques sportives que vous mettez à mal !

Debut de section - Permalien
Roxana Maracineanu

Si la réforme était mise en œuvre comme vous l’avez décrit, monsieur le sénateur, dans la précipitation, en considérant de manière uniforme toutes les fédérations, je serais d’accord avec vous pour dire que c’est une mauvaise nouvelle. La réforme annoncée voilà un an a peut-être été mal comprise ; ce n’est plus celle que nous menons aujourd’hui, car nous avons remis les choses sur la table. Nous allons adopter une approche par métier, associer les personnes concernées et les fédérations à la transformation du modèle et nous sommes parfaitement conscients que les fédérations ne sont pas toutes en mesure de prendre en charge les CTS.

Nous engagerons notamment une concertation sur le métier d’entraîneur, qui nous paraît ne pas avoir été assez considéré par le monde du sport jusqu’à présent. Nous allons réfléchir aux moyens de mieux accompagner les sportifs dans leur accession à la haute performance et leur parcours à haut niveau. C’est un élément important, puisque la moitié des CTS sont entraîneurs des équipes de France. Nous devons considérer leur métier et leur capacité à l’exercer, avant de considérer leur statut.

Il s’agit aujourd’hui pour nous de renouer un dialogue qui a été rompu, à juste titre, à cause de cette réforme. Nous n’imaginons pas mettre en péril le sport français à un an des jeux Olympiques. Ce que nous voulons avec cette nouvelle gouvernance du sport, c’est adapter les ressources humaines disponibles pour le sport français – entraîneurs, développeurs du sport, formateurs… – au nouveau modèle et partager les responsabilités entre tous les acteurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

M. le président. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet.

Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Raymond Hugonet

L’explosion du phénomène du piratage de la retransmission des compétitions sportives est une triste réalité. La consommation de flux pirates revêt désormais un caractère industriel. En mai 2019, la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet publiait une étude sur la consommation illicite de programmes télévisés en direct : 17 % des internautes français regardent des retransmissions de programmes sportifs en direct sur des sites de streaming.

Les conséquences sont désastreuses pour le sport amateur, qui bénéficie, notamment via la taxe Buffet, d’une partie des recettes engendrées par le sport professionnel. Ce pillage, organisé en toute impunité, représente un détournement de plusieurs centaines de millions d’euros par an et affaiblit l’ensemble de l’écosystème sportif français.

En 2024, la France accueillera les jeux Olympiques et Paralympiques. La tenue de cet événement est une chance fantastique pour le rayonnement de nos sportifs et du secteur tout entier. C’est aussi une responsabilité : celle d’assurer la protection des droits sportifs.

À ce jour, il n’existe aucun moyen adapté pour fermer l’accès aux sites rapidement, voire en direct, comme cela se fait en Grande-Bretagne. Les procédures judiciaires prennent plusieurs mois. Or, un match de football ne dure qu’une heure et demie !

Dès lors, comment garantir la protection des droits et le bon déroulé de la retransmission des compétitions dans ce contexte ?

Dévoilé dans sa mouture transmise au Conseil d’État, le projet de loi sur l’audiovisuel comporte, en son article 30, un dispositif dédié à la lutte contre le piratage des compétitions sportives. Plusieurs acteurs s’interrogent déjà sur la possibilité qu’il soit pleinement opérationnel dans un délai extrêmement court. En effet, la rapidité d’intervention est clé. Les pirates ont très souvent un temps d’avance sur les parades, aussi bien techniques que juridiques, des ayants droit. Ils sont notamment en mesure de répliquer de façon extrêmement rapide des offres pirates, dès que certains sites font l’objet d’une identification par les diffuseurs et les ayants droit. Le juge, saisi par les ayants droit, ne sera pas en mesure, dans le cadre de la mise en œuvre de sa décision initiale de blocage, d’intervenir rapidement à l’encontre des sites dits « miroirs ».

Madame la ministre, quelle mesure pourriez-vous envisager pour renforcer le dispositif de l’article 30, afin de garantir une intervention rapide du juge à l’encontre de ces sites ?

Debut de section - Permalien
Roxana Maracineanu

Sachez, monsieur le sénateur Hugonet, que le Gouvernement a une ambition forte sur le sujet du piratage de la retransmission des compétitions.

Nous avons travaillé, avec Franck Riester, sur une mesure introduite dans le projet de loi sur l’audiovisuel qui sera présenté en conseil des ministres d’ici à la fin de l’année. Elle permettra de combattre le piratage des compétitions sportives, qui représente un manque à gagner évalué à 500 millions d’euros par an pour l’univers de la télévision payante et à 100 millions d’euros pour les organisateurs d’événements sportifs, que nous finançons par ailleurs, et de prendre en compte les enjeux du sport.

Je sais le Sénat très attentif à cette question, sur laquelle il a d’ailleurs organisé une table ronde en janvier dernier.

Sur la méthode, le texte a fait l’objet d’un travail interministériel important, entre les ministères de la culture, de la justice et des sports. Il a été élaboré en toute transparence et en concertation avec les acteurs du sport, notamment l’Association pour la protection des programmes sportifs.

Aujourd’hui, il faut aller plus loin. Les fédérations sportives, les ligues professionnelles et les médias pourront désormais saisir le juge en amont d’une compétition sportive pour demander aux fournisseurs d’accès à internet le blocage instantané des sites qui retransmettraient la compétition sans en avoir acquis les droits. Le tout est d’avoir une réaction très rapide, donc très adaptée à la diffusion en direct des contenus sportifs. L’objectif est aussi de responsabiliser les fédérations internationales en matière d’arrêt de la diffusion illicite. Nous faisons ainsi un pas de plus vers une désacralisation du concept de neutralité absolue de la Toile et franchissons une étape décisive pour la préservation du modèle économique des compétitions sportives et des fédérations.

Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Paccaud

Permettez-moi de vous parler de ruralité, madame la ministre. Nous connaissons tous le sigle EPS : éducation physique et sportive. En matière de sport, dans la ruralité, c’est-à-dire sur les trois quarts du territoire national, il a une autre signification : environnement parcimonieux et sous-doté… Là-bas, il y a le grand air, de l’espace, mais bien peu de structures. Ce n’est pas comme dans les villes : on y trouve rarement des piscines, des pistes d’athlétisme, des murs d’escalade.

Certes, les collectivités locales font des efforts pour réduire la fracture territoriale en termes d’équipements sportifs. À titre d’exemple, dans mon département de l’Oise, le conseil départemental, depuis maintenant plus de dix ans, construit des équipements sportifs de proximité, des ESP, plus communément appelés City stades, avant tout dans les petites communes : 150 terrains d’activité ont ainsi pu voir le jour.

Les communes et intercommunalités rurales font aussi de leur mieux pour offrir aux petits campagnards des activités sportives diverses et variées. Néanmoins, le fossé reste abyssal entre zones urbaines et zones rurales. Ainsi, à Beauvais, ville préfecture de l’Oise, les élèves peuvent aller à la piscine, découvrir le roller, le tir à l’arc, l’escrime, le cyclisme, l’athlétisme, le tennis… Les enseignants peuvent s’appuyer sur des intervenants extérieurs, des professionnels du sport. Tant mieux ! Quant à la campagne…

Quelle est la politique sportive de l’État pour la ruralité ? Le Gouvernement se gargarise souvent de sa politique de « discrimination positive », avec, par exemple, le dédoublement de classes en zones d’éducation prioritaires. Madame la ministre, que faites-vous donc dans le domaine sportif pour réduire les inégalités ?

Jadis, il y avait la réserve parlementaire, une bourse fort décriée par votre majorité, mais qui manque cruellement depuis sa suppression. Ces aides permettaient de compenser, pour les mairies et les associations, le plus souvent rurales, les investissements en matériel. Ne me parlez pas des crédits attribués par le fonds départemental de la vie associative, le FDVA… Les critères d’attribution sont flous et les besoins des territoires ruraux rarement pris en compte !

Madame la ministre, êtes-vous consciente de cette situation ? Comment comptez-vous compenser le manque de moyens et réparer cette injustice territoriale ?

Debut de section - Permalien
Roxana Maracineanu

Je suis bien sûr consciente de cet enjeu. Au travers de toutes nos politiques sportives, nous incitons d’ailleurs les fédérations à s’impliquer dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, les QPV, et les zones de revitalisation rurale, les ZRR.

Notre priorité est de parvenir à déployer dans les territoires ruraux les bonnes politiques mises en œuvre dans les grandes villes. L’action de l’État est guidée par l’application du principe de subsidiarité : il s’agit d’être là quand il le faut puis de se retirer dès lors que les acteurs locaux savent faire, pour se tourner vers les territoires encore dépourvus de politique sportive.

Aujourd’hui, l’Agence nationale du sport, le nouvel opérateur du ministère des sports et, bien sûr, des collectivités territoriales, développe une politique ambitieuse au profit des territoires, qui s’inscrit dans les mesures de l’Agenda rural annoncé le 20 septembre 2019 par le Gouvernement. Les mesures mises en place sont axées autour du soutien à l’emploi sportif. Il a été demandé aux délégués territoriaux de veiller à accompagner le recrutement des personnels prioritairement au sein des territoires dits carencés, les QPV et les ZRR.

Debut de section - Permalien
Roxana Maracineanu

Cette politique concerne aussi nos territoires ultramarins.

Le soutien aux équipements sportifs occupe également une place très importante au sein de la politique de l’Agence nationale du sport.

Enfin, la nouvelle gouvernance privilégiera l’action au plus près des territoires : c’est, en définitive, la meilleure des avancées. Région par région, département par département, chaque territoire pourra faire valoir son projet sportif et être accompagné dans sa mise en œuvre. La priorité du Gouvernement est de donner une forte place aux territoires dits carencés, ceux que l’on appelle les territoires oubliés de la République.

M. Jean Boyer s ’ exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Duranton

Madame la ministre, en novembre 2018, vous avez présenté au Premier ministre un projet pour développer la pratique du sport et mieux relever les défis à venir, notamment la préparation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024.

Afin de mieux coordonner l’action des acteurs de la politique sportive française, à savoir l’État, les collectivités territoriales, le mouvement sportif et le monde économique, l’Agence nationale du sport a été créée.

Dans la continuité, deux déclinaisons territoriales de cette agence ont été prévues : les « parlements du sport », d’une part ; les « conférences des financeurs », d’autre part. Et c’est là qu’existe un flou…

En effet, parallèlement, certaines régions ont déjà élaboré, grâce aux conférences territoriales, des schémas régionaux de développement du sport, les SRDS, sur lesquels les futurs parlements du sport pourront s’appuyer. C’est le cas des régions Nouvelle-Aquitaine, Auvergne-Rhône-Alpes et Grand Est. La région Grand Est servira même de territoire d’expérimentation pour les parlements du sport. De son côté, le parlement du sport de Nouvelle-Aquitaine intègre la participation du public à ses travaux, et ses réunions sont co-animées par le conseil régional et la direction régionale et départementale de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale. La région Auvergne-Rhône-Alpes, quant à elle, s’est focalisée sur l’analyse de l’existant, en élaborant un document de 116 pages.

Le président de l’Agence nationale du sport et délégué interministériel aux jeux Olympiques et Paralympiques, Jean Castex, a pour mission de piloter l’avancée de chaque région. Or, aujourd’hui, force est de constater qu’il existe des différences, tant dans les modèles d’organisation et de pilotage que dans le degré d’avancement des travaux thématiques. Si les fédérations se réjouissent d’être sorties de la tutelle étatique, les collectivités, d’ores et déjà premiers financeurs nets de la politique sportive française, souhaitent savoir dans quelle direction va ce projet.

Madame la ministre, comment garantir à tous les territoires un niveau de développement sportif équivalent, en assurant une évolution cohérente et coordonnée des déclinaisons locales de l’Agence nationale du sport ?

Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Roxana Maracineanu

Madame la sénatrice, c’est précisément le défi qui nous attend cette année : ce projet n’a pas encore de direction bien précise, puisque cette direction, nous allons la construire ensemble. Vous l’avez dit, c’est l’objet même de l’Agence nationale du sport.

Le président de l’ANS, Jean Castex, son directeur général, Frédéric Sanaur, et moi-même allons nous rendre dans les territoires, en commençant par le Grand Est, à l’occasion de la conférence régionale expérimentale. Nous allons notamment étudier sa déclinaison infrarégionale. En effet, cette nouvelle gouvernance du sport doit pouvoir se décliner à l’échelle des communes en réunissant, comme à l’échelle nationale, toutes les associations, qu’elles soient sportives ou culturelles, l’éducation nationale, les entreprises, la mairie et les familles.

Aujourd’hui, nous sommes conscients que l’état d’avancement de cette organisation diffère selon les territoires. Tant mieux : par cette démarche, nous voulons précisément nous adapter aux spécificités locales. C’est la concertation qui a conduit à créer l’Agence nationale du sport : c’est cette même méthode qui guidera l’action de son président et de son directeur général, ainsi que celle du ministère des sports. Mais le rôle de l’État reste le même : élever le niveau d’un cran et permettre à tous les territoires de bénéficier de la même expertise.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Grosperrin

Madame la ministre, j’aurais pu vous poser une question au sujet des arts martiaux mixtes, les MMA, mais je ne le ferai point : sur ce sujet, vous avez su régler les problèmes pendants depuis plusieurs années ; je vous en remercie !

L’organisation du sport a été transformée en 1960 par le général de Gaulle : après les piteux résultats obtenus par la France aux jeux Olympiques, le chef de l’État a décidé de réorganiser le sport de haut niveau, en mettant en place des fédérations et des directeurs techniques nationaux, ou DTN, ainsi que des conseillers techniques sportifs, les CTS.

Depuis, le rôle des fédérations a évolué au-delà du haut niveau ; on leur a reconnu des missions d’intérêt général et de service public. Christian Manable l’a rappelé : les fédérations et leurs bénévoles maintiennent une activité dans les zones carencées, rurales comme urbaines, en luttant contre la désocialisation et la désertification.

Aujourd’hui, le budget que l’État consacre au sport apparaît en augmentation, mais le périmètre couvert a fortement évolué, compte tenu des variations de contenu et de l’impact grandissant de la préparation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024. Les missions de service public assumées par les fédérations s’en trouvent affectées.

Les activités sportives alimentent deux taxes affectées, une troisième, sur les recettes de la Française des jeux, ayant été créée spécifiquement au bénéfice du sport. Je ne reviendrai pas sur la taxe Buffet : l’enjeu est d’en relever le plafond, sinon de la déplafonner, pour abonder les fonds territoriaux de l’Agence nationale du sport. La taxe sur les recettes de la Française des jeux pourrait aussi être rehaussée, voire déplafonnée, pour financer les équipements sportifs : le parc actuel est insuffisant, inadapté et vieillissant. La troisième taxe, sur les paris sportifs, dont le produit est de 111 millions d’euros, pourrait aussi être relevée pour financer les emplois sportifs associatifs, qui garantissent la pérennité des activités.

Au total, l’État accorde une délégation aux fédérations pour conduire des politiques publiques, mais prélève des revenus sur les activités qu’elles créent. On ne peut raisonnablement ponctionner le sport de la sorte ! En la matière, les fonds de l’État devraient être dédiés exclusivement au mouvement sportif et aux collectivités territoriales.

Dans le même temps, la licence est dévalorisée et attaquée. Dans la définition de vos objectifs, vous distinguez les pratiquants sportifs, sur lesquels lorgnent les entreprises marchandes, et les licenciés sportifs des fédérations. Or les ressources des fédérations reposent en grande partie sur les licences. En la matière, le ministère des sports présente les chiffres avec habileté, mais ces derniers ne reflètent pas la réalité, dans la mesure où l’on inclut, dans les recettes des diverses fédérations olympiques, celles des fédérations françaises de football et de tennis, y compris le montant de leurs droits audiovisuels. La lecture des chiffres s’en trouve biaisée.

En conclusion, le sport ne peut être considéré comme une dépense sèche : il s’agit en réalité d’un investissement rentable à moyen et à long terme, au bénéfice de la société. Vous avez déclaré il y a quelques instants, madame la ministre, avoir réfléchi à l’orientation à donner aux fédérations.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Grosperrin

M. Jacques Grosperrin. Quelle est votre vision de leur rôle ? Il faut les aider à se structurer et les rassurer.

Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

Vous avez battu le record du dépassement du temps de parole…

La parole est à Mme la ministre.

Debut de section - Permalien
Roxana Maracineanu

Monsieur le sénateur, il y a beaucoup de questions dans votre question ! Ma réponse se limitera à l’aspect budgétaire. Merci de me permettre de l’évoquer, avant que le Sénat n’examine le projet de loi de finances. Dans quelques semaines, j’aurai le plaisir d’engager avec vous le débat budgétaire sur une base extrêmement solide : avec une hausse de 9, 8 % de ses crédits, le ministère des sports disposera de 65 millions d’euros supplémentaires par rapport au budget de 2019.

Vous êtes, comme moi, passionné de sport, et vous défendez la pratique sportive, en particulier les MMA. L’année dernière déjà, la Haute Assemblée a démontré son intérêt pour le sport en votant l’augmentation de 15 millions d’euros des crédits que nous proposions. Je me réjouis du soutien du Premier ministre à notre projet de budget, qui non seulement conserve cette augmentation, mais prévoit aussi une nouvelle hausse, de 65 millions d’euros.

Le soutien du Premier ministre et du Gouvernement à nos politiques sportives ne s’arrête pas là. Je le répète, les crédits du sport ne se limitent pas à ceux de mon ministère. Le sport français et son ministère auront, en 2020, les moyens de leurs ambitions. Les médaillés olympiques et paralympiques de Tokyo, ainsi que leur encadrement, bénéficieront d’une augmentation. Le budget dédié à la lutte contre le dopage, qui m’importe beaucoup, croîtra de 7, 5 % et, en complément, nous assurerons le financement du déménagement du laboratoire de l’Agence française de lutte contre le dopage, l’AFLD. En outre, nous financerons 500 places en formation au brevet professionnel d’éducateur sportif au sein des centres de ressources, d’expertise et de performance sportive, les Creps, dans le cadre de Parcoursup. Nous accorderons également à la pratique arbitrale un soutien de plus de 40 millions d’euros, par le biais d’exonérations de charges sociales ou fiscales.

Nous aurons l’occasion d’approfondir ces points à la fin du mois de novembre prochain, en examinant les crédits de la mission « Sport, jeunesse et vie associative ». Je vous remercie de m’avoir permis, dès à présent, d’annoncer la hausse des crédits alloués au ministère des sports, qui me procure une grande joie.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

M. le président. En conclusion de ce débat, la parole est à M. Alain Dufaut, pour le groupe auteur de la demande.

Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Dufaut

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce débat sur la politique du sport, à quatre ans de la tenue des jeux Olympiques et Paralympiques dans notre pays, était particulièrement nécessaire. Je remercie notre collègue Michel Savin de l’avoir proposé.

Au sein de la Haute Assemblée, nous sommes nombreux à être très attachés au développement du sport en France et, quelles que soient nos opinions politiques, nous travaillons en commun dans le cadre de la commission de la culture, de l’éducation, de la communication et du sport du Sénat ou de groupes de travail et de réflexion, afin de toujours améliorer la pratique sportive en France.

Madame la ministre, dans le tout premier courrier que vous m’avez adressé, le 3 juillet dernier, au sujet des CTS et de l’évolution de leur statut, vous écriviez : « À cinq ans des jeux Olympiques en France, […] nous devons aujourd’hui faire mieux en analysant, avec sincérité et transparence, nos forces et nos faiblesses, en interrogeant, avec ambition, nos modalités d’action et nos marges de progrès, tout en proposant, avec humilité, des adaptations du modèle sportif français. »

Ici au Sénat, nous avons les mêmes ambitions pour le sport français et nous sommes prêts à vous aider à concrétiser les adaptations nécessaires à l’émergence d’un modèle sportif français ambitieux. Ce fut d’ailleurs la mission de notre groupe de travail « sport et société : pour un développement du sport dans la société française au XXIe siècle ». Les quarante-quatre propositions formulées par celui-ci, regroupées selon cinq thématiques, sont à votre disposition.

Ce soir, beaucoup de choses ont déjà été dites par les différents intervenants. Aussi centrerai-je mon propos conclusif sur quelques problèmes qu’il me paraît fondamental de résoudre en vue de pouvoir développer le sport pour tous dans notre pays.

À nos yeux, il faut ouvrir la pratique sportive à tous. À cette fin, les moyens budgétaires dont vous disposez doivent être ciblés en priorité sur les publics suivants : les femmes, tout d’abord, pour lesquelles il faut accélérer la mise en œuvre de la parité à tous les niveaux sportifs, y compris dans les quartiers défavorisés, s’agissant en particulier des femmes les plus isolées socialement ; les habitants des zones rurales, qui, comme l’a dit Olivier Paccaud, subissent un déficit chronique d’équipements sportifs et doivent impérativement bénéficier d’aides à l’investissement dans ce domaine ; les 2, 7 millions de personnes en situation de handicap, au-delà des seuls athlètes paralympiques ; enfin et surtout, les personnes âgées, qui ont un besoin évident de pratiquer des exercices et des sports, adaptés bien sûr à leur âge, en étant surveillés, pour le très grand âge, par des spécialistes de la gériatrie.

Non seulement l’activité physique prévient efficacement les maladies chroniques, mais elle permet de vieillir mieux, de vivre plus longtemps avec un maximum d’autonomie. Nous avons auditionné de nombreux spécialistes médicaux et des élus qui ont mené des expériences de pratique sportive à destination des personnes âgées. Tous leurs rapports concordent : cette activité physique est un investissement, et non un coût. Oui, les moyens financiers et humains consacrés à la pratique sportive de nos anciens sont largement compensés par les économies réalisées par la sécurité sociale : voilà ce qu’il faut expliquer aux idéologues de Bercy ! Le sport maintient en bonne santé, quel que soit l’âge des pratiquants. Avec les précautions et l’encadrement qui s’imposent, favoriser une pratique physique adaptée pour le troisième âge, y compris dans les Ehpad, est un enjeu majeur de santé publique.

L’inactivité physique est la première cause de mortalité évitable dans les pays développés, avant le tabagisme. À l’inverse, marcher quinze minutes tous les jours diminue de 15 % la mortalité précoce. Bref, madame la ministre, c’est du gagnant-gagnant !

Je vous le concède, le chantier est immense pour relever tous ces défis : le sport pour tous, le sport handicap, le sport du troisième âge, le sport professionnel, le sport à l’école, les jeux Olympiques de 2024, sans oublier la mise en place de l’Agence nationale du sport et la construction à Saclay du nouveau laboratoire de l’AFLD, qui doit impérativement être opérationnel pour les jeux Olympiques. Pour affronter ces défis, il faut non seulement une énergie et une volonté de tous les instants – vous les avez –, mais aussi des évolutions structurelles et, surtout, des moyens et des financements, que pour l’heure vous n’avez pas toujours en suffisance.

Soyez certaine que les sénateurs passionnés de sport seront toujours à vos côtés, dans cette maison, pour affirmer l’exigence, qui nous rassemble tous, de développer à court terme la pratique du sport et l’activité physique dans notre pays. Cette généralisation de la pratique sportive, y compris pour les plus anciens, doit devenir demain une cause nationale !

Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi que sur des travées des groupes RDSE et SOCR.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

Nous en avons terminé avec le débat sur la politique sportive.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à vingt-trois heures quarante-trois, est reprise à vingt-trois heures quarante-cinq.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

L’ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande de la mission d’information sur la gestion des risques climatiques et l’évolution de nos régimes d’indemnisation, sur les conclusions du rapport : Catastrophes climatiques. Mieux prévenir, mieux reconstruire.

La parole est à M. le président de la mission d’information auteur de la demande.

Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et UC. – Mme Maryse Carrère applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vaspart

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, sur l’initiative du groupe socialiste et républicain, le Sénat s’est doté d’une mission d’information sur la prévention et l’indemnisation des risques climatiques, que j’ai eu l’honneur de présider et dont ma collègue Nicole Bonnefoy a été la rapporteure.

De janvier à juin derniers, la mission a entendu plus d’une trentaine de représentants d’organismes, des sinistrés, des élus locaux, des administrations, des experts ou encore des assureurs. Nous avons également procédé à une large consultation du public par internet et fait deux déplacements, en Charente et dans l’Aude.

Les attentes de nos territoires sont très fortes et l’on observe une grande détresse des victimes de catastrophes naturelles, laissées pour compte par le système actuel d’indemnisation – c’est notamment le cas pour les sécheresses.

Le constat général est clair : notre modèle français de prévention des risques climatiques n’a pas pris la mesure du changement climatique auquel notre pays doit faire face, et son fonctionnement est d’une grande opacité. Il existe donc un vrai décalage entre l’ampleur des défis climatiques et la pesanteur des décisions publiques.

Je pense tout d’abord aux difficultés pour conclure et mettre en œuvre des programmes d’actions de prévention des inondations et les plans de prévention des risques naturels, les PPRN, pour les collectivités locales.

Madame la ministre, je pense également aux atermoiements constatés à propos de la problématique du recul du trait de côte : le Gouvernement n’a toujours rien proposé aux élus du littoral, alors même que les parlementaires formulent des préconisations concrètes depuis de nombreuses années.

Je pense enfin aux prélèvements effectués sur le Fonds national de gestion des risques agricoles, le FNGRA, en 2015 ou sur le fonds Barnier en 2016 et en 2017. Ils reviennent à faire abonder le budget de l’État par les assurés, alors que ces fonds jouent un rôle indispensable pour renforcer la prévention des risques et protéger les populations. En plafonnant les ressources de ces mêmes fonds, on a envoyé un très mauvais signal, alors qu’il faut rehausser le niveau des politiques publiques pour faire face au changement climatique.

Notre mission d’information a donc proposé de corriger ces dysfonctionnements en adoptant, à l’unanimité, plus de cinquante propositions concrètes applicables rapidement, si le Gouvernement en a la volonté.

Si la prévention ne supprime pas complètement le risque, elle permet d’en limiter considérablement les conséquences humaines et matérielles. Il est indispensable d’accentuer les efforts de prévention. Nous sommes convaincus que nous devons changer d’approche face au risque, en passant du « lutter contre » au « vivre avec ».

L’information et la connaissance doivent être au cœur de ce changement et tous les outils doivent être mobilisés : les outils numériques, les réunions de terrain ou l’expérimentation d’un diagnostic « Catnat » lors de l’acquisition d’un bien immobilier, par exemple.

Bien entendu, nous ne relèverons ce défi qu’avec les collectivités territoriales. Or nombre d’élus sont démunis face à la survenance de catastrophes naturelles. La formation, la prise en compte des retours d’expérience, l’assistance des maires par les préfets sont des impératifs.

Tous les efforts de réduction de la vulnérabilité doivent être soutenus : efforts des collectivités territoriales et de l’État, efforts de nos concitoyens eux-mêmes pour réduire la vulnérabilité de leurs habitations. Or le fonds Barnier ne leur profite que partiellement. Il convient donc de rendre le fonds Barnier aux assurés et d’étudier la mise en place d’un crédit d’impôt spécifique afin de réduire le reste à charge pour les travaux de prévention des aléas climatiques.

Madame la ministre, comment expliquer à des milliers de victimes que l’état de catastrophe naturelle n’a pas été reconnu pour leur commune alors qu’il l’a été pour leurs voisins, touchés de la même manière et parfois à quelques mètres de distance seulement ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vaspart

À quand une véritable transparence dans les procédures de définition des périmètres de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle ? Des représentants des élus locaux et territoriaux doivent impérativement siéger au sein de la commission déterminant ces périmètres.

Ces propositions ne doivent pas rester sans suite : nous veillerons à ce qu’elles soient suivies d’effet. Ce débat a pour objet d’alerter le Gouvernement sur les nombreux dysfonctionnements que la rapporteure et nos collègues orateurs vont maintenant exposer.

Vous avez pris connaissance du rapport, madame la ministre. Parmi nos recommandations figurent des mesures d’ordre réglementaire. Nous souhaitons, pour chacune d’elles, que vous nous disiez ce que le Gouvernement compte faire. Concernant les mesures d’ordre législatif, nous souhaitons savoir si le Gouvernement envisage un texte de loi.

Enfin, que compte faire le Gouvernement pour tous les sinistrés qui se retrouvent dans des situations humaines parfois insoutenables et n’ont pas été inclus dans les périmètres de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle ?

Nous attendons de votre part des réponses concrètes à ces interrogations. Ensuite, chacun devra prendre ses responsabilités !

Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi que sur des travées du groupe SOCR.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

La parole est à Mme la rapporteure de la mission d’information auteur de la demande.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bonnefoy

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, comme vous le savez, notre pays est exposé à une grande diversité de risques climatiques. Ainsi, un Français sur quatre fait face à un risque d’inondation, tandis que la sécheresse concerne plus de 60 % des sols métropolitains, si bien que presque toutes les communes de France ont déjà été frappées par un tel phénomène.

Les inondations survenues la semaine dernière ont encore illustré de manière tragique la vulnérabilité de notre territoire. Or cette exposition aux catastrophes naturelles va s’amplifier dans les prochaines années à cause du dérèglement climatique : les pluies extrêmes augmenteront et les vagues de chaleur deviendront plus nombreuses et plus fortes, engendrant, tous les deux à trois ans, des sécheresses comparables à celle de 2003.

Devant l’accroissement prévisible du nombre de sinistrés, notre mission a examiné l’efficacité du régime d’indemnisation des catastrophes naturelles. Malgré des fondamentaux pertinents, force est de constater que le système actuel est incompréhensible et injuste pour de nombreux sinistrés.

Les remontées du terrain dont nous avons été destinataires conduisent à dresser un bilan sans appel : opacité de la procédure de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle, inintelligibilité des critères utilisés, manque d’explications quant aux décisions prises, délais d’instruction extrêmement longs… Les griefs des sinistrés à l’encontre du régime d’indemnisation sont légion et conduisent souvent à une remise en cause de la légitimité des décisions de non-reconnaissance.

Il n’est effectivement pas acceptable qu’après avoir tout perdu lors d’une catastrophe nos concitoyens n’aient d’autre choix que de s’engager, pendant plusieurs années, dans un véritable parcours du combattant pour tenter, souvent en vain, d’obtenir une aide des pouvoirs publics ou des assureurs.

Notre mission a également pu constater que tous les sinistrés n’étaient pas placés sur un pied d’égalité, dans la mesure où il existe des difficultés supplémentaires pour l’indemnisation des dommages liés à la sécheresse. Les particularités du phénomène de retrait-gonflement des argiles, notamment le décalage entre la sécheresse et l’apparition des fissures, rendent l’indemnisation plus complexe.

De plus, nous avons observé que les critères retenus pour apprécier l’intensité de ces épisodes ne tiennent compte ni de la réalité de terrain ni de la fréquence croissante de cet aléa. Ces critères sont également à l’origine d’inégalités de traitement difficilement justifiables entre des territoires voisins, ce qui alimente un vif sentiment d’injustice chez les sinistrés. J’ajoute que les techniques de réparation proposées par les experts des compagnies d’assurances ne sont pas toutes efficaces : certaines aggravent même la vulnérabilité des habitations !

Enfin, le monde agricole est particulièrement vulnérable face aux aléas climatiques : en témoignent les ravages subis lors des récents épisodes de grêle. Nous avons pu constater un véritable déficit de protection des agriculteurs, résultant notamment d’une mauvaise articulation entre la couverture assurantielle et le régime des calamités agricoles.

Dans ce contexte, nous appelons à une modernisation durable des systèmes d’indemnisation des dommages résultant des catastrophes naturelles. L’arsenal juridique français constitue un modèle unique de solidarité. Néanmoins, des évolutions sont indispensables pour garantir sa pérennité et son efficacité.

Dans un premier temps, il nous paraît indispensable de répondre aux faiblesses structurelles de nos dispositifs de solidarité en réformant le régime d’indemnisation des catastrophes naturelles, dans un souci d’équité, d’efficacité et de transparence. Je pense notamment à la méthodologie retenue pour qualifier un phénomène de catastrophe naturelle, aux dispositifs de franchise, qui pénalisent excessivement certains sinistrés, ou encore aux relations entre les assurés et les assureurs, qu’il convient de clarifier. Un effort global de pédagogie à destination des sinistrés est nécessaire, par une information claire et intelligible quant aux critères et aux seuils d’intervention du régime. Notre mission s’interroge également sur l’opportunité de créer, à moyen terme, un dispositif spécifique, plus adapté, pour traiter les sinistres provoqués par les sécheresses.

M. le président de la mission d ’ information opine.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bonnefoy

Il serait également utile de mettre en place une clause d’appel, en cas de non-reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle, fondée sur une expertise indépendante de terrain, afin que les décisions prises soient plus en phase avec la réalité vécue par les sinistrés.

En outre, il est primordial de mieux protéger les agriculteurs en revoyant les conditions d’éligibilité au régime des calamités agricoles, qui aujourd’hui méconnaissent les conséquences du changement climatique et la diversification des cultures.

Madame la ministre, afin de donner une portée concrète à ces préconisations, nous déposerons prochainement une proposition de loi. Nous comptons sur votre soutien.

D’autres recommandations relèvent du domaine réglementaire : j’espère que vous pourrez, ce soir, nous indiquer clairement quelles suites le Gouvernement entend leur donner. En effet, il nous appartient à tous d’améliorer la protection et l’indemnisation de nos concitoyens face aux catastrophes climatiques.

Applaudissements sur les travées du groupe SOCR, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Maryse Carrère

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les inondations dans l’Aude, la tempête Xynthia, en 2010, ou encore l’ouragan Irma, en 2017, prouvent que la France, métropolitaine comme ultramarine, est particulièrement sujette aux catastrophes climatiques. Ce qui s’est passé dans l’Hérault dernièrement nous prouve une nouvelle fois que nous pouvons être frappés à tout moment.

Ces événements se caractérisent par leur violence et leur imprévisibilité. On m’opposera que certains sont prévisibles, mais l’on ne peut jamais présager de la force avec laquelle frappera tel ou tel événement climatique.

Les populations et les collectivités se trouvent souvent désemparées face à ces catastrophes. En première ligne figurent les maires, qui sont souvent juridiquement considérés comme les premiers responsables. Même si les maires ont un rôle majeur dans la prévention, ils ne peuvent pas tout. C’est là, à mon sens, le modeste message que notre mission d’information a voulu exprimer.

Lorsque j’étais maire, j’ai connu la détresse et l’impuissance que l’on éprouve devant une catastrophe. À ce moment-là, j’ai aussi ressenti le poids des responsabilités. Si l’élu doit être au cœur de la gestion de la catastrophe, il n’est pas responsable de tout et il ne peut pas tout résoudre.

Je salue l’équilibre et la bonne conduite des travaux que nous avons menés : nous les devons au président et à la rapporteure de la mission d’information, et je les en remercie vivement. Leur expertise de ces phénomènes, qu’ils connaissent dans leurs territoires respectifs, a été une importante plus-value.

Les auditions et les déplacements que nous avons effectués, notamment dans l’Aude, auront été déterminants pour notre approche. Ils auront été révélateurs de certains dysfonctionnements dont les élus sont encore victimes sur le terrain, mais aussi de phénomènes complexes dont nous avons encore du mal à évaluer les conséquences, notamment pour ce qui concerne la sécheresse.

Ne nous le cachons pas : la première des difficultés soulevées par nos élus est l’indemnisation. Parce qu’elle est trop opaque et prend aujourd’hui trop de temps, elle est devenue incompréhensible pour des communes souvent sous-dotées en ingénierie et en moyens financiers.

Pour prendre un exemple que je connais bien, mon département des Hautes-Pyrénées a été une nouvelle fois touché, en juin 2018, par une vague d’intempéries, occasionnant d’importantes crues et des dégâts matériels majeurs pour les collectivités locales. Pour faire face à ces dégâts, nombre d’élus ont demandé à bénéficier de la dotation de solidarité, mais, entre l’évaluation des dégâts, l’estimation du coût des travaux, la première décision sur les financements ou les arrêtés attributifs de subventions et le versement de cette dotation, il s’écoule généralement plus d’un an. Pour les collectivités les plus fragiles, ce délai est, hélas, beaucoup trop long et les travaux, eux, n’attendent pas. C’est à chaque catastrophe et dans toute la France que ce cercle vicieux se reproduit. Nous ne pouvons nous en satisfaire.

Je me félicite donc des cinquante-cinq recommandations que nous versons au débat, parmi lesquelles l’accélération du traitement des dossiers à l’échelon central, qui doit être une priorité.

Une meilleure appréhension des sinistres passera également par davantage de pédagogie, d’abord quand la demande de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle est acceptée et doit suivre son cours, mais plus encore lorsqu’elle est rejetée : il conviendrait alors d’expliquer le motif de la décision et prévoir une procédure d’appel, car ces refus, en plus d’engendrer des frustrations, privent les citoyens d’indemnisations différenciées.

Je disais à l’instant que les élus sont souvent considérés comme les premiers responsables ; à ce titre, ils doivent être mieux accompagnés.

La mise en place de cellules de soutien dans chaque département permettrait de développer une véritable solidarité entre élus, mais surtout de créer un vrai réseau d’experts de la gestion de la crise climatique. C’est selon moi un moyen pertinent de diffuser les bonnes pratiques.

Parmi les victimes collatérales de ces incidents figurent également bien souvent nos agriculteurs. Si le régime assurantiel classique et celui des calamités agricoles permettent généralement une couverture assez large des aléas, nous avons fait le choix de ne pas nous reposer sur ces acquis.

Les avancées passeront d’abord par un renforcement de la formation et de l’information des agriculteurs sur les risques climatiques et, surtout, sur le fonctionnement du régime d’assurance, mais aussi par la réduction des effets de seuil.

Il faut, à mon sens, faire évoluer notre paradigme en matière de prévention. Au-delà de la prévention, qui est le corollaire d’une politique d’atténuation des risques, il nous faut nous adapter.

S’adapter, c’est comprendre que le changement climatique affecte le niveau des eaux et perturbe les milieux aquatiques. C’est aussi savoir qu’il aura des conséquences pour notre agriculture, l’énergie ou encore le tourisme. Il faut donc inscrire l’action politique dans un temps long et dans des démarches transversales et globales. Par exemple, les programmes d’actions de prévention des inondations, les PAPI, sont d’excellents outils d’appréhension des phénomènes d’inondations. Mais, là encore, le poids des réglementations et le temps de préparation de ces outils jouent parfois en leur défaveur. Ayant piloté l’élaboration d’un PAPI à l’échelle de mon territoire, je puis témoigner qu’il aura fallu plus de deux ans pour le mettre en place et plus de quatre pour réaliser les travaux, le tout sans que nous soyons exonérés des contraintes de la loi sur l’eau. Autant dire que la mise en œuvre de ces outils s’apparente parfois à un parcours du combattant et est souvent rattrapée par les événements eux-mêmes.

Sur ces sujets, je vous invite à relire l’excellent rapport de mes collègues Jean-Yves Roux et Ronan Dantec sur l’adaptation de la France aux dérèglements climatiques d’ici à 2050. Il comporte de nombreuses préconisations également avancées par notre mission d’information, comme le développement d’une véritable culture du risque.

Premier outil de financement de la prévention, le fonds Barnier a vu sa vocation s’élargir avec le temps. Au départ conçu comme un outil de dédommagement permettant la réinstallation en dehors des zones sinistrées, il concourt aujourd’hui au financement des travaux de prévention des risques. La volonté de notre mission de faire de ce fonds le « bras armé d’une politique de prévention ambitieuse » n’aura de portée que si toutes les communes exposées s’inscrivent dans une logique d’élaboration des plans de prévention des risques naturels, car ce travail conditionne l’accès au fonds. Il faudra muscler celui-ci et le rendre plus efficient.

Nous avons tenté, la semaine dernière, de simplifier les conditions d’exercice des mandats locaux, au travers de l’examen du projet de loi relatif à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique : allons jusqu’au bout de la démarche en simplifiant également la procédure d’indemnisation des risques climatiques et en soutenant nos élus, qui sont souvent en première ligne.

En conclusion, les membres de mon groupe se réjouissent de ces nombreuses recommandations qui, je l’espère, seront prises en compte pour faire évoluer le régime d’indemnisation et de prévention des risques naturels.

Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et UC, ainsi que sur des travées des groupes Les Républicains et LaREM.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Buis

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes réunis pour débattre des conclusions du rapport intitulé Catastrophes climatiques. Mieux prévenir, mieux reconstruire, adopté à l’unanimité par les membres de la mission d’information sur la gestion des risques climatiques et l’évolution de nos régimes d’indemnisation, créée en janvier dernier.

Je tiens tout d’abord à remercier la rapporteure, Nicole Bonnefoy, pour la qualité de ses travaux, dont le seul objectif a été l’amélioration de la prévention des risques et de l’indemnisation des catastrophes climatiques pour les sinistrés.

Mes chers collègues, au mois de juillet dernier, lors de l’examen du projet de loi relatif à l’énergie et au climat, nous étions tous d’accord sur un point : l’urgence climatique n’est plus à démontrer.

En octobre 2018, le groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat a publié un rapport qui alerte sur les conséquences du réchauffement : montée et acidification des océans, impact important sur la biodiversité et les écosystèmes, multiplication des épisodes extrêmes – tornades, pluies torrentielles… – ou des risques socio-économiques majeurs.

Au quotidien, pour nos concitoyens, ce sont des catastrophes ayant un impact direct sur leur vie, leur emploi, leurs ressources.

Au quotidien, pour nous parlementaires, ce sont de nombreuses sollicitations depuis des années, de la part de particuliers, d’entreprises ou d’exploitants agricoles qui nous alertent sur les difficultés qu’ils rencontrent en matière d’indemnisation des dommages résultant de catastrophes naturelles.

Plus les années passent, plus la multiplication des phénomènes climatiques extrêmes entraîne de lourdes conséquences. Je ne citerai que deux exemples, qui me semblent assez symptomatiques.

Le 5 février dernier, mon collègue Dominique Théophile, sénateur de la Guadeloupe, rendait au Premier ministre un rapport sur la prolifération des sargasses dans la Caraïbe. Nous le savons, cette prolifération est liée à l’élévation des températures, à l’augmentation des taux de gaz carbonique et aux conséquences des activités anthropiques. Les vagues successives de sargasses, de plus en plus massives depuis 2011, représentent un véritable désastre écologique, sanitaire et économique pour les pays de la Grande Caraïbe. Je salue, à ce titre, l’accompagnement de l’État, qui a créé en octobre 2018 un plan national d’intervention. Cet engagement a été renouvelé par le Premier ministre en Guadeloupe, il y a quelques jours, lors de la conférence internationale organisée par le Gouvernement français et le conseil régional de Guadeloupe sur le sujet. Il aura fallu néanmoins attendre plusieurs années pour que ce problème majeur pour la Guadeloupe soit pris en considération.

En juin dernier s’est abattue sur le nord de la Drôme, mon département, une tempête de grêle, de vent et de pluie d’une violence jamais connue jusqu’alors sur notre territoire. En l’espace de quelques minutes, un secteur allant du nord Drôme-Ardèche jusqu’à la Savoie, en passant par l’Isère, a été dévasté : vignes, abricotiers, noyers, serres, toitures, voitures, écoles, bâtiments publics, monuments historiques, rien n’a été épargné. Une personne a même perdu la vie en Haute-Savoie, et le bilan aurait pu être bien plus lourd.

Le Gouvernement avait alors répondu rapidement aux inquiétudes des agriculteurs : reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle pour une partie seulement des communes sinistrées, mise en œuvre du dispositif relatif aux calamités agricoles, exonération ou allégement de certaines charges à la suite des pertes d’exploitation, indemnisation du chômage des personnels agricoles. On note, malheureusement, que les procédures et méandres administratifs retardent souvent l’accompagnement et l’indemnisation et mettent en grande difficulté un secteur agricole déjà peu épargné.

De ces épisodes tragiques résulte un objectif, partagé avec les auteurs de ce rapport : agriculteurs, particuliers, entrepreneurs et maires doivent être accompagnés dans leurs démarches. Le constat et la photographie des dégâts occasionnés ne sont déjà pas chose aisée dans un temps d’urgence et de grande difficulté pour les sinistrés. Je tiens, à cet égard, à remercier de nouveau la rapporteure d’avoir mis en exergue, dans son rapport, la détresse et la souffrance des habitants confrontés à ces catastrophes.

Comme c’est souvent le cas pour ces sujets, l’actualité nous rattrape. Au-delà de l’empathie, de tels phénomènes méritent des réponses rapides, mais aussi simples, pour ne pas ajouter des lourdeurs administratives aux difficultés causées par l’épisode climatique.

Nous avons collectivement l’obligation de rendre nos régimes d’indemnisation justes, transparents, efficaces, de donner à nos élus locaux et aux particuliers les moyens de réduire leur vulnérabilité et de mieux protéger les agriculteurs contre les aléas climatiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Guillaume Gontard

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens d’abord à saluer le travail de la mission d’information, et en particulier celui de Michel Vaspart et de Nicole Bonnefoy, qui n’ont pas ménagé leurs efforts, durant des mois, et ont accordé une large place aux propositions des autres membres de cette mission, dans un esprit constructif.

Le dérèglement climatique compte parmi les plus grands défis que l’humanité a eu et aura à affronter, et il mérite à ce titre que nous mobilisions nos forces vives pour tenter d’en limiter les effets et nous préparer à ses conséquences. Au travers de l’élaboration du récent rapport d’information sur l’adaptation de la France aux changements climatiques, le Sénat a rempli de nouveau pleinement son rôle de chambre haute, capable de s’extraire des urgences du temps présent pour anticiper les bouleversements auxquels nos sociétés devront faire face à l’avenir.

L’excellent rapport de la mission d’information s’inscrit dans cette démarche et apporte des solutions pour réformer notre système assurantiel, mis à mal par la multiplication des aléas climatiques, dont chacun constate la recrudescence et la violence accrue. On a désormais du mal à compter les maisons fissurées par le retrait-gonflement des argiles lié à la sécheresse, les villages dévastés par les inondations et les coulées de boue ou les exploitations agricoles ravagées par les orages violents. Les exemples se multiplient à un rythme qui devient difficilement soutenable pour la pérennité du régime d’indemnisation actuel, dont l’intervention à temps est pourtant indispensable si l’on veut éviter que nos concitoyens perdent les fruits d’une vie de travail. La multiplication des risques ne manquera pas de poser, à terme, la question du financement du régime d’indemnisation des catastrophes naturelles et des calamités agricoles, que le rapport commence à évoquer.

Ce rapport comporte plusieurs propositions pour développer le fonds Barnier, que le Gouvernement serait avisé de reprendre à son compte plutôt que de siphonner les ressources de ce fonds, projet de loi de finances après projet de loi de finances…

Le rapport préconise également de renforcer le régime d’indemnisation des calamités agricoles en améliorant les garanties pour les agriculteurs et en abaissant les seuils de déclenchement de l’indemnisation. Madame la ministre, nous vous interpellons sur l’indispensable proposition n° 25 du rapport : ouvrir l’indemnisation dès que l’un des deux critères, perte de rendement ou perte de produit brut, est rempli.

Aujourd’hui, la totalité des productions, et non pas uniquement celles affectées par la catastrophe naturelle, étant intégrées dans le calcul, certaines exploitations se voient exclues du bénéfice du régime alors qu’elles ont subi une perte de rendement très importante pour certaines cultures seulement. Il en résulte un paradoxe : ce sont les exploitations présentant une meilleure résilience face aux aléas tant climatiques que de marché, à savoir celles de polyculture, qui sont les plus pénalisées par le système. C’est aberrant ! Il faut absolument que le Gouvernement agisse pour corriger cela.

J’évoquerai également le risque de sécheresse, qui s’amplifie, et la gestion de la ressource en eau, sujet qui ne fera que gagner en importance et en gravité dans les années à venir. Épisode de sécheresse après épisode de sécheresse, on constate, à l’écoute des propos du ministre de l’agriculture, que le Gouvernement n’a aucune réponse réfléchie et pérenne à apporter à cette problématique, que ce soit sur le court terme ou sur le moyen terme. Il faut engager une vaste réflexion sur la gestion de la ressource en eau, mais aussi accompagner et soutenir des pratiques moins gourmandes en eau et plus respectueuses de la biodiversité.

Je voudrais aussi aller un peu plus loin que les préconisations du rapport en évoquant le risque de la grêle, aujourd’hui uniquement couvert par le régime assurantiel privé au travers de la garantie multirisque tempête, grêle, neige, ou TGN, et par des contrats « grêle » spécifiques pour les agriculteurs.

Le risque de grêle devient de plus en plus important, avec des orages redoublant d’intensité et dont les ravages vont même jusqu’à la perte de vies humaines, comme au mois de juin 2019 en Isère. La multiplication de ces orages de grêle entraîne un renchérissement du coût des assurances privées, jusqu’à des montants devenant prohibitifs pour certains de nos concitoyens, en particulier les agriculteurs, le plus exposés à ce risque, qui ne sont que 60 % à être en mesure de s’assurer. À titre d’exemple, pour un petit arboriculteur, le coût de l’assurance contre la grêle peut représenter jusqu’à la moitié de son bénéfice annuel…

Aussi nous faut-il réfléchir à la possibilité d’intégrer le risque grêle aux régimes « CatNat » et « calamités agricoles » quand les orages dépassent un certain seuil, comme c’est le cas pour le risque tempête, assuré par le privé mais dont l’indemnisation relève du régime « catastrophes naturelles » quand les épisodes venteux dépassent 145 kilomètres à l’heure. Pour mesurer ces seuils, des classements existent, comme le « grêlimètre » proposé par l’Association nationale d’étude et de lutte contre les fléaux atmosphériques, l’Anelfa. En tout état de cause, il conviendrait que Météo-France mette en œuvre un classement similaire, dont les usages seraient multiples.

Inscrire la grêle parmi les catastrophes naturelles et, surtout, parmi les calamités agricoles, nous paraît indispensable. Si le système assurantiel privé n’est pas en mesure de faire face, il faut lui donner la possibilité de s’adosser à la puissance publique. Il nous paraît légitime de faire jouer la solidarité nationale pour protéger davantage nos agriculteurs des aléas climatiques, notamment de la grêle.

Je conclurai mon propos en insistant sur la nécessité de prévenir les risques plutôt que de les subir. Le Gouvernement est trop souvent animé avant tout par la volonté de simplifier, ce qui aboutit à détruire des normes. Cette politique est dangereuse et nous expose à une multiplication d’incidents ou d’accidents, qu’ils aient une cause humaine ou naturelle. Ubu n’a jamais gouverné la France : aucune de nos normes, notamment en matière d’urbanisme, n’a été édictée pour compliquer inutilement la vie de nos concitoyens et de nos entreprises. Ces normes visent à prévenir les risques naturels, les aléas climatiques, les erreurs humaines.

Madame la ministre, le Sénat vous fournit un rapport clé en main. Il doit permettre au Gouvernement de s’attaquer aux urgences du présent et de prévenir l’avenir. Je vous invite vivement à vous en saisir.

Applaudissements au banc des commissions. – M. Jean-Michel Houllegatte applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Fouché

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, dans le contexte actuel de remise en cause des critères de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle par les citoyens et les élus, il devenait urgent de dresser un état des lieux et de faire des propositions en vue de renforcer l’efficacité et l’acceptabilité des décisions étatiques.

Je me félicite que le Sénat soit force de proposition sur ce sujet, et je tiens à remercier la mission d’information, son président et notre collègue Nicole Bonnefoy pour le travail fourni, éclairant comme à l’habitude et d’une actualité sans pareille.

La problématique n’est pas récente, mais la prise de conscience des politiques et des citoyens l’est, à l’image de celle de notre jeunesse.

Les catastrophes climatiques se multiplient et s’intensifient dans nos territoires. Les températures moyennes ont fortement augmenté depuis trente ans. Les gouvernements prévoient leur augmentation de 1 degré d’ici à 2050. En réalité, elle sera plutôt 2 degrés à l’horizon 2030, ce qui est catastrophique pour la planète !

Les vagues de chaleur sont plus fréquentes, plus fortes qu’autrefois. Le régime des précipitations évolue, avec des effets sur les cultures et des phénomènes d’inondation. Les glaciers fondent, la neige est moins abondante. Voilà deux ou trois ans, avec quelques membres de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, j’ai eu l’occasion de constater de visu la situation dans l’océan Arctique. Ce qui se passe est très grave et la responsabilité en incombe avant tout aux humains.

La question du changement climatique doit être prise en compte dans l’action publique au sens large. Les catastrophes climatiques se faisant plus nombreuses et plus dévastatrices, il semble que notre seul mot d’ordre doive être l’adaptation.

La prévention, qui est mise en avant de manière très pertinente dans le rapport, devra passer par le développement et l’aménagement durables de nos territoires. Cela se fera aussi de manière différenciée. En effet, les zones rurales comme les zones urbaines devront apprendre à lutter contre différents phénomènes.

Il faut également renforcer l’information des élus locaux, des professionnels, mais aussi de chaque citoyen en matière de prévention et d’indemnisation.

Les questions du financement et de la rapidité d’action sont également de premier plan.

Nous soutenons les observations faites sur la nécessité d’adapter notre système d’indemnisation. L’efficacité et la transparence doivent être de mise. Il en est de même pour l’accompagnement des populations, des assurés et des élus locaux.

Nous préconisons également une meilleure protection du secteur agricole, cœur et base de l’alimentation française et européenne. À cet égard, un partage de bonnes pratiques entre territoires français et européens, ainsi qu’une solidarité accrue, sont nécessaires.

Il faut tenir compte de la fréquence et de la violence nouvelles des catastrophes climatiques. Nous n’en sommes qu’au début !

Les mécanismes existants, tels que le fonds Barnier ou le régime « CatNat », doivent être réformés et adaptés aux réalités actuelles. Il y va de notre futur.

Dans mon département de la Vienne, en 2017, près de la moitié des communes ont été déclarées en état de catastrophe naturelle en raison de la sécheresse. Plus de 3 600 dossiers de demande d’indemnisation ont été déposés. L’année 2019, comme partout, s’annonce malheureusement pire.

Grâce au travail du Gouvernement, les critères de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle ont bien été révisés pour 2018.

Les citoyens souhaitent qu’il soit tenu compte de l’importance des dégâts qu’ils constatent tous les jours. Il faut encore y travailler et faire preuve de pédagogie.

Nous partageons les conclusions du rapport quant à la nécessité, d’une part, de proposer un système d’indemnisation plus efficace – des efforts ont été faits à cet égard –, juste et transparent, et, d’autre part, de développer une véritable culture du risque.

Encore une fois, madame la ministre, ces difficultés ne sont pas récentes, et la tâche est difficile. Nous connaissons votre détermination et nous vous faisons confiance.

Applaudissements au banc des commissions. – M. Yves Bouloux applaudit également.

Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Yves Bouloux applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Évelyne Perrot

Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, aléas climatiques, inondations, coulées de boue, inondations dues aux remontées des nappes phréatiques, mouvements de terrain, vents cycloniques, affaissements de terrain dus à des cavités souterraines, mouvements de terrain liés à la sécheresse et à la réhydratation des sols : voilà toutes les catastrophes naturelles que le village dont j’ai été maire durant vingt-cinq ans a connues ou pourrait connaître.

Territoire parmi tant d’autres, notre pays souffre plus que certains de ce changement climatique. Cette année, la canicule a été encore plus forte que l’an dernier. L’agriculture est un livre ouvert dont la lecture est simple : les prairies sont desséchées, les récoltes, pour certaines cultures, sont catastrophiques. Et je ne parle pas de nos forêts, grandes oubliées de l’État !

L’impact du changement climatique sur le nombre et l’intensité des catastrophes naturelles est perceptible et ne peut que s’aggraver. D’ici à 2050, le coût des sinistres liés aux catastrophes naturelles devrait augmenter de 50 %.

Nous devons accompagner les élus locaux, qui se sentent démunis face à des phénomènes nouveaux, en particulier les maires confrontés aux catastrophes naturelles. Une cellule de crise doit être mise en place aussitôt, pour que l’élu puisse obtenir dans l’heure des informations et des orientations à suivre.

Chaque mairie devrait réaliser une étude des sols déterminant la qualité des parcelles, afin d’éviter les constructions en zone à risques et de simplifier ainsi la politique de prévention et d’aménagement durable des territoires. Éduquons la population à une culture du risque. Il convient de changer d’approche, comme le souligne notre rapporteure, et passer du « lutter contre » au « vivre avec ».

Certains drames auraient pu être évités si nous avions pris en considération le comportement sensé et le savoir de nos ancêtres. La modernité, l’évolution du matériel agricole nous ont permis de travailler autrement. Mais comment prendre en compte la réalité du terrain ? Nous savons qu’une sécheresse suivie de fortes pluies entraîne des coulées de boue ou un savonnage des parcelles.

Sensibilisons la population aux risques, en instaurant des programmes différents d’actions de prévention. Le rapport préconise la création d’une journée nationale de la prévention et de la gestion des catastrophes naturelles, avec un temps réservé dans les établissements scolaires. Toutes les communes devraient avoir un plan communal de sauvegarde ; elles pourront ainsi envisager un maillage de leur territoire, élus et habitants bénévoles diffusant les consignes données par le maire.

Le rapport sur les risques climatiques a mis au jour les grandes difficultés de l’après-crise et préconise la mise en place d’un système d’indemnisation plus efficace. Une réforme est indispensable pour moderniser le régime « CatNat » dans la perspective du changement climatique.

J’ai pu constater, dans mon département, la survenue de mini-cyclones, avec des vents de plus de 150 kilomètres à l’heure touchant deux ou trois villages à quelques kilomètres du capteur de vitesse qui, lui, enregistrait des vents dits « normaux ». Pourtant, ce phénomène, à impact court et intense, est de plus en plus fréquent.

Une clause d’appel, en cas de non-reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle, devrait être mise en place.

Enfin, le rapport préconise d’accroître le soutien financier apporté par le fonds Barnier aux particuliers réalisant des travaux et de créer un volet spécifique à la sécheresse.

Ce rapport est donc un outil indispensable, à faire diffuser par les ministères, car le changement climatique nous lie tous, comme un alignement de dominos. Agissons, faisons de ce rapport un document d’urgence climatique afin que notre pays puisse prendre des décisions rapides, en cas de cataclysme, et ainsi venir en aide à sa population.

Je remercie Mme la rapporteure de son excellent travail, que je soutiens pleinement.

Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Mme Gisèle Jourda et M. Yves Bouloux applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Bouloux

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, dans la continuité des débats qui se sont tenus au Sénat ces dernières semaines sur le projet de loi relatif à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique, il me paraît pertinent d’aborder le sujet crucial des risques naturels et climatiques en évoquant un volet central du rapport de la mission d’information : l’aménagement du territoire et l’accompagnement des élus locaux.

Peu importent les raisons, les moyens, les positions des gouvernements successifs, l’action publique s’inscrit dans un nouveau contexte, caractérisé par la multiplication et l’intensification des événements climatiques extrêmes : précipitations, risques accrus d’inondations, de vagues de chaleur, de sécheresse, de submersions marines ou d’érosion côtière… Ce contexte nous impose d’établir un nouveau paradigme pour l’action publique.

Lorsque l’on parle de l’impact du dérèglement climatique et des politiques de prévention et d’indemnisation des catastrophes naturelles, on parle nécessairement de nos territoires dans toute leur diversité. Il n’est, à ce titre, pas étonnant qu’une telle réflexion soit menée au Sénat.

Nous ne sommes pas égaux face aux aléas. La diversité des territoires se traduit par des inégalités, à la fois quant à l’impact du dérèglement climatique sur chaque commune, chaque département, chaque région, et quant aux moyens et au niveau de préparation de chaque territoire pour réagir face à une catastrophe naturelle.

Dans mon département, la Vienne, toutes les communes n’ont pas été touchées par une catastrophe naturelle, heureusement. Parmi celles qui l’ont été, toutes n’ont pas été affectées de la même façon. Je vais faire un peu de surenchère, cher collègue de la Vienne Alain Fouché : sur les 266 communes que compte le département, 144 ont fait l’objet, en 2018, d’un arrêté portant reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle au titre de la sécheresse ou des inondations et coulées de boue, ce qui peut paraître très important.

Devant ces menaces désormais banales, et néanmoins potentiellement graves, les élus locaux, et avant tout les maires, toujours en première ligne, doivent être soutenus et bénéficier des moyens nécessaires pour anticiper.

Dans le projet de loi relatif à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique, j’ai relevé une seule occurrence de l’expression « catastrophes naturelles », à l’article 18. Cet article prévoit d’ouvrir au département, par dérogation, la possibilité d’accorder des aides aux entreprises dont l’activité est significativement affectée en raison des dommages subis par son outil de production dans le cadre d’une catastrophe naturelle.

Si cette nouvelle compétence offerte aux départements pourrait être utile, nous avons fait le constat, dans notre rapport, que les risques climatiques ont été insuffisamment pris en compte dans les politiques d’aménagement du territoire. C’est la traduction du fait que l’État n’a pas su engager les moyens nécessaires, pour nos élus et nos concitoyens, afin d’agir en prévention et de réagir dans ces circonstances. En particulier, le plafonnement du Fonds de prévention des risques naturels majeurs pose un véritable problème.

Quels engagements le Gouvernement peut-il prendre en vue d’adopter les mesures nécessaires pour faire face à cette réalité ? Quels nouveaux moyens juridiques, techniques et financiers en faveur de nos élus et de nos territoires peut-il mobiliser ?

Dans le rapport, nous soulevons notamment la nécessité de revoir les normes de construction, de développer un aménagement prospectif tenant compte du changement climatique et du problème des sols argileux et de renforcer l’appui apporté aux élus locaux par les services préfectoraux.

Je souhaiterais insister sur trois axes d’action concrets, d’importance majeure.

Que prévoit le Gouvernement pour systématiser l’assistance et le conseil, par les services préfectoraux, aux maires de communes sinistrées ?

Que compte faire le Gouvernement pour mener à son terme la politique d’élaboration des plans de prévention des risques naturels, les PPRN, dans les territoires ? Envisage-t-il d’engager, comme nous le recommandons, une phase de révision des PPRN pour prendre en compte les retours d’expérience et véritablement instaurer ce qu’il est convenu d’appeler une « culture du risque » ?

Enfin, le Gouvernement compte-t-il lancer une campagne de sensibilisation et d’assistance par les préfectures à destination des maires concernés par l’obligation de se doter d’un plan communal de sauvegarde ?

Je vous remercie par avance de vos réponses, madame la ministre. Je remercie également le président et la rapporteure de la mission d’information pour le remarquable travail réalisé.

M. Alain Fouché applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

M. le président. La parole est à M. Claude Bérit-Débat.

Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, vous le savez, le changement climatique accroît la fréquence des catastrophes naturelles pénalisant notre agriculture. C’est pourquoi, devant la gravité de la situation, je souhaite consacrer la majeure partie de mon intervention à cette thématique.

Nous sommes nombreux, dans cet hémicycle, à avoir constaté les effets du réchauffement climatique sur nos territoires : sécheresse, intempéries, incendies… L’urgence de la situation n’est plus à démontrer.

Madame la ministre, un constat s’impose : nos politiques publiques ne sont plus adaptées à la gravité de la situation. Il est temps d’assurer une meilleure indemnisation des risques climatiques en agriculture, en mobilisant tous les outils à notre disposition.

Le groupe socialiste avait, dès 2015, pris ce problème à bras-le-corps, au travers d’une proposition de loi qui appréhendait la gestion des risques dans leur globalité. Nous proposions notamment de mettre en place un fonds de stabilisation des revenus agricoles et de mettre en œuvre des expérimentations visant à concevoir et à évaluer des mécanismes de gestion des risques économiques agricoles et de stabilisation des revenus.

L’excellent rapport produit par notre collègue Nicole Bonnefoy va dans ce sens et établit des propositions pertinentes pour permettre un meilleur accompagnement de nos agriculteurs face aux nouveaux risques auxquels ils sont confrontés.

Ainsi, je suis favorable au déplafonnement de la contribution additionnelle au Fonds national de gestion des risques en agriculture, le FNGRA, et à l’interdiction de tout prélèvement sur son fonds de roulement au profit du budget de l’État. Il est alimenté par les agriculteurs via la contribution additionnelle aux primes d’assurance : cet argent doit donc leur revenir !

Ce prélèvement est incompréhensible et injuste, car le fonds ne dispose pas, par ailleurs, des moyens nécessaires pour faire face à la survenance de crises d’ampleur malheureusement de plus en plus fréquentes. Le FNGRA se trouve ainsi totalement dépendant des soutiens ponctuels de l’État, alors même que 80 % de ses dépenses concernent l’indemnisation des calamités agricoles.

Il est également primordial de soutenir davantage les agriculteurs pour la souscription d’une couverture assurantielle par des aides financières accrues. En effet, en 2017, seulement 29, 4 % de la superficie agricole hors prairies étaient couverts. Ce taux est insuffisant ! Je suis favorable à l’augmentation de 65 % à 70 % du taux de subvention publique à la prime d’assurance du contrat socle, comme l’autorise le règlement dit « Omnibus ».

Mes chers collègues, protéger notre agriculture face aux risques climatiques passe aussi par la révision des seuils de déclenchement du régime « CatNat » d’indemnisation des catastrophes naturelles. Les taux en vigueur sont trop élevés pour des exploitations agricoles dont la plupart sont déjà en grande difficulté financière. Il apparaît nécessaire d’abaisser le seuil de déclenchement à 20 % de perte de rendement, contre 30 % aujourd’hui, d’autant que cela est permis par le règlement Omnibus de 2017.

Madame la ministre, nous savons que le ministre de l’agriculture a lancé, le 31 juillet dernier, une consultation des organisations agricoles, des banques et des assurances sur « les voies d’amélioration ou de refondation des outils de gestion des risques en agriculture ». Elle a pris fin le 16 septembre et, hormis certaines indiscrétions de la presse spécialisée, nous ne savons pas dans quelle voie concrète pense s’engager le Gouvernement. Pouvez-vous nous en dire davantage ?

Je conclurai en évoquant les conséquences des épisodes de sécheresse qui touchent de plus en plus souvent nos territoires. Comme l’indique le rapport, il est urgent d’agir ! Le phénomène de retrait-gonflement des argiles concerne plus de 60 % des sols métropolitains, et mon département, la Dordogne, n’est pas épargné. Nous devons donc adapter le système d’indemnisation des dégâts liés à ces épisodes. En effet, les dommages, comme les fissures sur les habitations, apparaissent souvent a posteriori et représentent des dépenses très importantes pour nombre de ménages. Il faut mettre en place, comme le préconise le rapport, une clause d’appel, réaliser des études des sols de type G5 ou encore harmoniser les pratiques et référentiels en vigueur pour les experts des compagnies d’assurances et des assurés.

Madame la ministre, mes chers collègues, il est temps de prendre des mesures à la hauteur de l’urgence à laquelle nous sommes confrontés, comme le préconise le rapport de Michel Vaspart et de Nicole Bonnefoy.

Applaudissements sur les travées des groupes SOCR et UC. – MM. Yves Bouloux et Bernard Buis applaudissent également.

Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Yves Bouloux applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Nadia Sollogoub

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je commencerai par vous faire part des propos que souhaitait tenir M. Alain Cazabonne, qui devait intervenir ce soir mais a été empêché.

En tant que Girondin, il se sent particulièrement concerné par le sujet de ce rapport, et souhaitait évoquer le recul du trait de côte, notamment sur la façade atlantique, et l’immeuble du Signal, à Soulac-sur-Mer, devenu le symbole national de ce phénomène, la répétition des averses de grêle détruisant les vignobles, les violentes tempêtes dévastant la haute forêt landaise et la fragilisation du bassin d’Arcachon.

En tant que membre de la mission d’information, il tient à souligner que les cinquante-cinq propositions formulées par le groupe de travail illustrent bien la complexité des sujets et que certaines mesures pourraient trouver une traduction législative, que la mission d’information propose d’explorer d’autres pistes, qu’il faut accompagner les communes en simplifiant les procédures, aujourd’hui tellement complexes que certains se découragent, qu’il est nécessaire d’associer la population en amont, parce que les collectivités ne peuvent pas faire front seules en cas de crise grave, enfin qu’il faut bien sûr prévoir des financements.

Parlant maintenant pour mon propre compte et reprenant ma casquette d’élue de la Nièvre, non membre de la mission d’information, je tiens à insister sur le fait que les procédures sont imparfaites et que, outre leur lourdeur, il y a des « trous dans la raquette ».

J’en citerai quelques-unes, madame la ministre, en espérant que le rapport et ce débat permettront d’engager une démarche vertueuse et la recherche commune de solutions.

Ma commune a été lourdement inondée en 2016. Une route, emportée par les flots, s’est effondrée dans la rivière. Pour la réparation d’un talus et d’une route, on applique un coefficient de vétusté ! Si je comprends que, dans le cas d’un sinistre classique, on ne remplace pas un véhicule d’occasion par une voiture neuve, je voudrais que l’on m’explique comment j’aurais pu construire une vieille route ! En toute logique, sauf à aller chercher des cailloux dans la rivière jusqu’à Nantes, j’étais contrainte de refaire la route à neuf… Une telle aberration me reste quelque peu en travers de la gorge !

J’ai rencontré récemment le maire d’une commune nivernaise qui a subi une tornade ayant endommagé son cimetière. Le cimetière n’est pas un bien assurable par les communes : dès lors, que faire ? Que faire pour les biens non assurables et dégradés du fait de facteurs tels que la grêle, la foudre, le poids de la neige ou le vent, les dommages n’étant alors pas pris en charge au titre du régime « CatNat » ? Est-il prévu d’inscrire au nombre des catastrophes naturelles les tornades, qui n’y figurent pas aujourd’hui ? Les communes doivent-elles s’équiper d’anémomètres qui feront foi en cas d’événement catastrophique ? Sinon, sur quel fondement la preuve sera-t-elle établie ?

Voilà, madame la ministre, quelques questions que je souhaitais poser, sur la base de mon expérience personnelle.

Je tiens à saluer le rôle capital des associations, qui sont pour nous des « courroies de transmission » de premier ordre. Elles permettent de recenser et de centraliser les dossiers, d’éviter les oublis, de faire remonter les informations et, dans l’autre sens, de conseiller utilement les victimes de catastrophes naturelles. Il me semble même qu’elles permettent tout simplement de « tenir », lorsque les délais d’instruction deviennent absolument insupportables et que le désespoir s’installe.

Avec ma collègue Sylvie Vermeillet, nous saluons très chaleureusement Gérald Grosfilley, président de l’association Les oubliés de la canicule, présent ce soir dans nos tribunes avec une forte délégation issue de la France entière. Tous ont accompli un travail formidable et sont d’un courage exemplaire. Ils ont utilement contribué aux travaux de la mission d’information ; nous tenions à le souligner et à les remercier de leur présence.

Madame la ministre, vous aurez compris combien le dossier est sensible. Les faiblesses des dispositifs doivent être corrigées de façon tout à fait prioritaire.

Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe SOCR. – Mme Maryse Carrère et M. Yves Bouloux applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, une nouvelle fois nous sommes réunis pour aborder des questions relatives à l’environnement, et une nouvelle fois l’actualité nous rappelle l’impérieux devoir d’agir qui est le nôtre.

L’été dernier, en plein épisode caniculaire, nous votions la loi relative à l’énergie et au climat. Ce soir, nous débattons de la prise en charge des risques climatiques, au moment où certains de nos concitoyens, dans le sud de la France, sont touchés par des inondations de grande ampleur.

Le rapport de notre collègue Nicole Bonnefoy, issu des travaux de la mission d’information présidée par Michel Vaspart, fera date. Je vous le dis, de nombreux acteurs de terrain m’ont témoigné leur grande satisfaction de voir enfin prises en compte et bien identifiées les trop nombreuses difficultés liées au fonctionnement du régime de reconnaissance et d’indemnisation des catastrophes naturelles.

Je note que ce rapport a été adopté à l’unanimité, signe d’une mobilisation, sur toutes les travées de notre assemblée, autour des enjeux et des préoccupations environnementaux. Comme l’a rappelé le président Vaspart, il doit être non pas un « rapport de plus », mais un rapport pour faire mieux. Madame la ministre, l’immobilisme et l’inaction seraient coupables, pour aujourd’hui comme pour demain.

J’évoquerai trois points qui me paraissent essentiels au regard de l’avenir d’un dispositif qui, d’un avis partagé, est un bon dispositif, mais doit être adapté pour le rester.

Premièrement, il est nécessaire d’adapter les procédures d’indemnisation des catastrophes naturelles aux nouvelles données environnementales. Cela a été rappelé, le dispositif a peu évolué depuis sa création en 1982. Il indemnise « l’intensité anormale d’un phénomène climatique ». Le critère d’anormalité semble aujourd’hui dépassé, compte tenu de phénomènes climatiques récurrents et de forte intensité, et doit donc être revu. Les phénomènes provoqués par le dérèglement climatique – inondations, sécheresse, vagues de chaleur ou de froid, érosion des traits de côte – sont répétitifs et bien souvent causes de dommages d’une grande ampleur.

Or le régime des catastrophes naturelles ne tient compte ni de l’ampleur des dommages ni de leur caractère récurrent. C’est pourquoi il me paraît nécessaire de repenser le dispositif, soit en l’élargissant, soit en créant une nouvelle catégorie de sinistres ouvrant droit à indemnisation, directement liés à l’impact du changement climatique.

Cette meilleure prise en compte des dommages imputables au changement climatique doit conduire à repenser l’ensemble de la philosophie du régime « CatNat », en musclant le dispositif préventif, en simplifiant les procédures d’indemnisation et en prévoyant un meilleur accompagnement après le sinistre.

Deuxièmement, je crois nécessaire de souligner l’importance de retravailler la question du régime d’indemnisation. Une très grande place est laissée au pouvoir réglementaire, qui définit les critères pris en compte pour évaluer l’intensité d’un événement naturel et le seuil au-delà duquel il peut être considéré comme anormal. Les victimes de dommages climatiques sont donc soumises à la variabilité des positions de ce pouvoir réglementaire, qui emporte des conséquences majeures en termes d’ouverture du droit à indemnisation et d’accès à celui-ci.

Il serait par ailleurs pertinent, compte tenu des bouleversements que provoquent les sinistres liés au réchauffement climatique, de repenser l’articulation des régimes indemnitaires entre ce qui doit relever de la solidarité nationale et ce qui doit continuer d’être pris en charge par le régime assurantiel.

Enfin, il faut, comme le rapport y invite, renforcer la prise en compte de la « culture du risque » au sein de nos politiques publiques. À titre d’exemple, le directeur de l’Office métropolitain de l’habitat du Grand Nancy m’a confié que, à la suite des études faites sur le terrain en vue de son audition par notre mission d’information en juin dernier, le Bureau de recherches géologiques et minières, le BRGM, avait produit une nouvelle cartographie des risques de mouvements de terrain. Une telle révision n’avait pas été réalisée depuis 1970, alors qu’elle a conduit immédiatement l’État à rehausser d’un niveau l’ensemble de la cartographie des risques pour le territoire de la métropole du Grand Nancy. Cela nous laisse pantois !

Pourquoi avoir tant tardé à procéder à cette révision ? Parce que, dans le cas d’espèce, les moyens sont trop faibles, les ingénieurs manquent, les budgets sont insuffisants. Développer la culture du risque, ce n’est pas jeter la pierre à la politique urbaine de telle ou telle collectivité ; c’est donner les moyens aux collectivités d’accéder à une information fiable et régulièrement actualisée, qui permette de prendre les meilleures décisions pour la protection des populations. Mais, pour cela, il faut que l’État mobilise les moyens nécessaires.

Madame la ministre, mes chers collègues, vous m’avez souvent entendu plaider à cette tribune pour davantage de transversalité dans nos politiques publiques et pour l’avènement d’une vision « grand angle » de l’écologie. Redéfinir le régime d’indemnisation des catastrophes naturelles, c’est prendre en considération le paramètre écologique dans nos politiques d’aménagement du territoire, dans nos règles d’urbanisme, dans nos régimes d’indemnisation des risques, c’est aussi favoriser l’évolution des esprits pour sortir de la politique de l’autruche.

Madame la ministre, ce rapport est un énième signe extrêmement positif de la mobilisation unanime du Sénat sur un sujet critique. Je souhaite que le Gouvernement en prenne toute la mesure et nous annonce, le plus tôt possible, qu’il est prêt à engager les évolutions préconisées au travers d’une réforme attendue par tous.

Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains, ainsi qu ’ au banc des commissions. – M. Alain Fouché applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Gisèle Jourda

Monsieur le président, madame la ministre, mes très chers collègues, je remercie le président et les membres de la mission d’information pour le sérieux et l’excellent état d’esprit qui ont régné pendant nos travaux. Je salue particulièrement la dynamique et l’efficacité insufflées par notre rapporteure, Nicole Bonnefoy.

Un an après les inondations meurtrières qui ont frappé mon département de l’Aude – quinze morts, 250 communes touchées sur 348, des millions d’euros de dégâts et, en surprime, pour les villages de la vallée de l’Orbiel, une pollution à l’arsenic provenant de l’ancien site minier de Salsigne –, le temps est aujourd’hui à la reconstruction, tant pour les communes et les collectivités que pour les particuliers. Bon nombre de dossiers d’indemnisation au titre des assurances ou du fonds Barnier ne sont pas encore réglés.

En ce mois anniversaire, j’évoquerai la sortie toute récente d’un rapport sur la gestion de la crise du 15 octobre 2018, rédigé par le Conseil général de l’environnement et du développement durable et par l’Inspection générale de l’administration. S’il ne constate pas de faillite générale, il met en évidence de multiples lacunes, évoquant « une gestion de crise globalement satisfaisante mais qui masque des faiblesses de préparation et d’organisation ».

J’aborderai trois points soulevés par ce rapport qui illustrent parfaitement la pertinence de certaines des recommandations faites par notre mission : la nécessaire actualisation des plans Orsec et des plans communaux de sauvegarde ; l’information des élus ; l’alerte.

Premièrement, les outils majeurs que sont le plan Orsec départemental consacré à l’organisation de la réponse de la sécurité civile et les plans communaux de sauvegarde ont, dans l’Aude, montré de nombreuses failles, selon le rapport du Conseil général de l’environnement et du développement durable : non-actualisation du plan Orsec départemental depuis 2011 et, s’agissant des dispositions spécifiques du plan Orsec relatives au risque inondation, absence de validation, au 16 octobre 2018, du projet datant de 2016.

Par ailleurs, 133 plans communaux de sauvegarde audois n’avaient pas fait l’objet d’une révision depuis 2013, alors que celle-ci est obligatoire dans un délai de cinq ans. Une de nos propositions appelle précisément au lancement d’une campagne de sensibilisation par les préfectures auprès des maires, qui auraient un délai de deux ans pour se conformer à cette obligation.

Deuxièmement, l’information des élus doit être professionnalisée. Le centre opérationnel départemental a fonctionné, mais il a été activé trop tardivement. Cela aurait eu pour effet de retarder la délivrance d’une information complète aux maires, sachant que même les chefs de service importants n’auraient pas été alertés. C’est là que nos mesures d’accompagnement des élus locaux prennent tout leur sens : systématiser l’assistance et le conseil aux maires des communes sinistrées par la mise en place d’une cellule de soutien est indispensable.

Troisièmement, concernant l’alerte, le dispositif d’avertissement est trop complexe et peu compréhensible par les élus et a fortiori par la population, qui peinent à distinguer les concepts de vigilance et d’alerte. J’en suis peinée, mais le rapport est accablant sur ce point. Il révèle une mauvaise interprétation par Météo-France du phénomène en cours, un déficit de contact avec la préfecture et surtout l’absence d’anticipation du passage de vigilance orange à vigilance rouge. Cela a entraîné des conséquences dramatiques, madame la ministre. Dans de tels cas, l’information doit circuler, comme nous le préconisons dans notre rapport, qui vise à faire émerger une véritable culture du risque chez nos concitoyens.

J’achèverai mon propos en soulignant que la multiplication des aléas climatiques nous fait obligation d’être vigilants sur le suivi de tous les dispositifs. Eu égard à la réactivation de la pollution de la vallée de l’Orbiel par les inondations du 15 octobre 2018, un suivi de la dépollution des sites industriels ou miniers s’impose, en matière de santé tant publique qu’environnementale. J’appelle à la création d’une commission d’enquête sur ce sujet.

Applaudissements sur les travées des groupes SOCR, LaREM et UC. – M. Alain Fouché applaudit également.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Mandelli

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la semaine dernière, le sud de la France connaissait une fois de plus des inondations désastreuses et meurtrières.

Qu’elles aient lieu sur le territoire métropolitain ou dans les outre-mer, nous ne pouvons et ne devons plus ignorer la réalité des catastrophes climatiques que doit affronter notre pays comme le reste du monde. Il suffit de considérer l’année 2018, la plus chaude jamais enregistrée en France, marquée, comme d’ailleurs l’année 2019, par une sécheresse importante et de nombreux feux de forêt, pour comprendre que nous ne sommes plus à l’abri de ces phénomènes. Se classant au quatrième rang des années les plus sinistrées depuis 1946, l’année 2018 aura coûté aux assureurs 1, 8 milliard d’euros. Depuis trois ans, la sinistralité est d’ailleurs supérieure aux primes encaissées au titre du régime des catastrophes naturelles.

Le travail de la mission d’information, en particulier de sa rapporteure, Nicole Bonnefoy, et de son président, Michel Vaspart, met parfaitement en exergue, de façon très pragmatique, l’urgence climatique à laquelle nous faisons face et la nécessité d’agir rapidement via une série de mesures, dont je ne peux que saluer la pertinence.

La culture du risque, qui existe dans de nombreux pays confrontés depuis plusieurs années, voire quelques décennies, à des catastrophes climatiques de grande ampleur, doit être pleinement développée en France, comme le recommande la mission d’information.

Cette sensibilisation doit se faire bien entendu au niveau national, mais également au niveau local, en accompagnant les élus locaux et en les aidant à conseiller en amont nos concitoyens sur les mesures à prendre en cas d’événement climatique, par tous les moyens nécessaires. C’est ce que l’on appelle la résilience.

Je souhaiterais profiter de cette occasion pour revenir sur un outil essentiel évoqué dans le rapport de la mission d’information et dont je me préoccupe depuis plusieurs années : le fonds de prévention des risques naturels majeurs, dit fonds Barnier.

Créé par la loi du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l’environnement, ce fonds est le principal instrument financier de la politique de prévention des risques naturels. Les recettes proviennent des contrats d’assurance et représentent 200 millions d’euros par an.

Depuis sa création, le champ d’intervention du fonds Barnier n’a cessé de s’élargir, afin de répondre à l’augmentation de la fréquence et de l’intensité des phénomènes climatiques. Pourtant, année après année, l’État ne cesse de « piocher » dans les caisses de ce fonds pour alimenter son budget. Ainsi, ont été prélevés 55 millions d’euros en 2016 et 70 millions d’euros en 2017. Par la loi de finances pour 2018, le Gouvernement a également décidé de plafonner ce fonds à 137 millions d’euros, ce qui permet à l’État d’empocher chaque année près de 70 millions d’euros pour son budget général. L’an dernier, le projet de loi de finances pour 2019 est venu diminuer de 20 millions d’euros le montant des ressources pouvant être consacrées au financement des études et des travaux de prévention par les collectivités territoriales.

En toute logique, j’avais déposé, lors de l’examen de ces deux projets de budget, des amendements visant à supprimer ces plafonnements et à rendre au fonds Barnier ses moyens d’action. Malgré un large soutien de l’ensemble de mes collègues, sur toutes les travées, le Gouvernement n’en a pas tenu compte et continue de ponctionner les ressources du fonds.

Le fonds Barnier est pourtant un levier indispensable et sous-utilisé pour lutter contre les conséquences du réchauffement climatique. Il doit permettre à nos collectivités d’engager les études et de réaliser les travaux nécessaires afin d’anticiper les événements climatiques à venir et de se prémunir contre leur survenue.

En tant qu’élu de Vendée qui a vécu la tempête Xynthia, je pense tout particulièrement aux 975 communes littorales de France, qui doivent faire face aux phénomènes d’érosion et aux inondations. Dans les départements littoraux, pas moins de 700 000 hectares sont situés en zone basse.

L’heure est désormais venue de développer une politique réaliste et ambitieuse en matière de protection et de lutte contre les événements climatiques et leurs conséquences. Parallèlement, le travail de fond sur les causes de ces dérèglements doit être poursuivi et amplifié.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Elisabeth Borne

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je remercie M. le président et Mme la rapporteure de la mission d’information, ainsi que l’ensemble des membres de celle-ci, d’avoir fait porter leurs travaux sur ce sujet important des risques climatiques.

Il est important, car ces risques affectent, sous des formes diverses, tous nos territoires. J’étais ce week-end en Guadeloupe, particulièrement exposée, notamment, aux cyclones, et la semaine dernière dans l’Hérault, frappé par des inondations très rapides. Mais ces risques affectent aussi nos côtes, sous l’effet de l’érosion marine, ou encore nos territoires plus continentaux, confrontés aux phénomènes de sécheresse et de pluies soudaines.

Il est aussi important en ce que ces risques peuvent engendrer de manière abrupte des situations de grande détresse chez nos concitoyens, nos agriculteurs, nos entreprises, mais aussi, plus globalement, nos collectivités et nos territoires, confrontés au constat d’avoir « tout perdu ».

Le rapport de la mission d’information l’illustre : ces risques et leurs impacts sont accrus sous l’effet du dérèglement climatique. Il nous faut donc renforcer nos démarches de prévention, mais aussi adapter nos dispositifs d’accompagnement et d’indemnisation. C’est le sens de l’action que mène avec détermination le Gouvernement.

C’est un fait, les risques climatiques – inondations, sécheresses, cyclones, feux de forêt, avalanches… – seront affectés par les évolutions du climat, et ce de multiples façons : évolution de leur localisation, fréquence accrue ou intensité plus importante.

Ce constat, aujourd’hui largement admis, nous oblige à l’action. Cela passera nécessairement par un rééquilibrage et un renforcement de nos efforts en faveur de la prévention, à laquelle nous consacrons aujourd’hui dix fois moins de moyens qu’à l’indemnisation.

Nous avons la chance de disposer, en France, d’outils de prévention des risques et de maîtrise de l’urbanisation qui ont fait leurs preuves depuis de nombreuses années. L’enjeu, pour l’avenir, est d’adapter ces outils ou d’en développer de nouveaux lorsque cela est nécessaire, afin de répondre aux risques nouveaux, plus fréquents et plus intenses, auxquels seront de plus en plus exposés nos territoires.

J’identifie trois priorités.

Premièrement, il convient de renforcer notre connaissance de ces risques climatiques nouveaux et nos capacités de prévision. L’acquisition d’un nouveau supercalculateur par Météo France, pour un coût total de 144 millions d’euros, et la modernisation du réseau des radars météo permettront de renforcer notre capacité à anticiper des épisodes plus violents et localisés.

Il nous faut aussi mieux connaître les risques nouveaux liés au dérèglement climatique. Je pense notamment aux risques en montagne : depuis cette année, nous avons engagé un travail spécifique avec les différents opérateurs de l’État pour mieux connaître l’évolution des risques glaciaires, qu’il s’agisse de chutes de blocs ou de vidanges brutales de poches d’eau, et, ainsi, définir avec les collectivités les mesures de surveillance qui s’avéreraient nécessaires.

Comme l’évoquait M. Husson, il nous faudra maintenir, dans les prochaines années, un haut niveau d’investissement en faveur de l’amélioration de la connaissance sur ces risques nouveaux. Je veillerai à ce que nos opérateurs publics – le Bureau de recherches géologiques et minières, ou BRGM, l’Institut national de l’environnement industriel et des risques, ou Ineris, le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement, ou Cerema, l’Institut national de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture, ou Irstea, enfin l’Office national des forêts, ou ONF – fassent figurer cet objectif parmi leurs priorités.

Bien entendu, ces connaissances doivent être partagées largement grâce aux outils numériques, en complément des dispositifs réglementaires existants, tels que l’information des acquéreurs ou des locataires.

Deuxièmement, au-delà du renforcement des connaissances, il nous faut également accompagner les collectivités dans leurs démarches de prévention et de réduction de la vulnérabilité, en particulier contre les inondations et les submersions.

Oui, monsieur Bouloux, l’élaboration des plans de prévention des risques naturels prévisibles, les PPRN, doit être une priorité des services de l’État. Elle l’est d’ailleurs déjà, notamment pour les zones les plus exposées. Au reste, la survenue de catastrophes entraîne une mise à jour systématique des plans, pour tenir compte du retour d’expérience. C’est ce qui s’est passé, par exemple, après les inondations dans l’Aude.

Vous savez également que l’élaboration de ces documents peut susciter des tensions locales. J’ai pu constater, s’agissant des plans de prévention, notamment face aux submersions marines, que l’on oubliait rapidement ce que l’on avait vécu au moment d’élaborer des documents interdisant, par exemple, de nouvelles urbanisations.

Les plans communaux de sauvegarde sont également des outils essentiels. Il faut rappeler les obligations qui pèsent notamment sur toutes les communes couvertes par un plan de prévention des risques, soit 12 000 communes en France, mais aussi accompagner les collectivités dans l’élaboration de ces plans communaux de sauvegarde. C’est notamment le rôle du service interministériel de défense et de protection civile des préfectures.

Dans ce domaine, il est intéressant de s’appuyer sur les intercommunalités et les associations d’élus. J’ai pu constater, dans l’Aude, le rôle tout particulier, du Syndicat mixte des milieux aquatiques et des rivières, le Smmar. De façon générale, les établissements publics territoriaux de bassin, les EPTB, peuvent aussi jouer un rôle d’appui aux communes pour l’élaboration des plans communaux de sauvegarde.

Les dispositifs d’alerte ont également été mentionnés. Nous devons certainement progresser sur ce sujet, comme nous avons pu le voir, à l’occasion de la survenue d’un risque industriel, lors de l’incendie de Lubrizol à Rouen.

Forte du retour d’expérience sur ces crises, je devrai, avec mon collègue ministre de l’intérieur, réfléchir à d’autres outils, en complément des sirènes, par exemple, dont les citoyens ne connaissent pas nécessairement la signification.

Il nous faut aussi conforter le dispositif des programmes d’actions de prévention des inondations, les PAPI, lequel permet de faire émerger, sur l’initiative des collectivités, dont je veux souligner l’engagement, de véritables projets de territoire cofinancés par le fonds Barnier.

Je tiens à souligner que, depuis sa création, ce dispositif a permis de mobiliser près de 2 milliards d’euros d’investissements, dont 800 millions d’euros apportés par le fonds Barnier.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite comme vous que l’élaboration et la mise en œuvre de ces programmes soient facilitées et accélérées. Une mission d’inspection me remettra, dans les prochains jours, ses propositions à ce sujet. Je les examinerai évidemment avec la plus grande attention.

Plusieurs d’entre vous, dont M. Mandelli, ont évoqué spécifiquement les ressources du fonds Barnier. C’est un outil précieux, qui permet, grâce à la contribution de l’ensemble des Français, de financer des actions de réduction de la vulnérabilité, notamment collective.

Les ressources de ce fonds sont effectivement plafonnées en loi de finances. Ses dépenses, autour de 200 millions d’euros par an, sont, depuis plusieurs années, supérieures à son abondement annuel, de 131 millions d’euros par an, mais il bénéficie d’une trésorerie qui lui permettra, en 2020, de continuer à financer l’ensemble des actions de prévention nécessaires. En revanche, soyons clairs, il nous faudra nous poser la question, dans le cadre de la loi de finances pour 2021, de la bonne adéquation entre les ressources et les dépenses de ce fonds.

Troisièmement, et surtout, il nous revient de créer les outils et dispositifs adaptés aux risques climatiques nouveaux.

C’est ce que nous avons déjà engagé dans le cadre de la loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite « loi Élan », via la refonte du dispositif de prévention du risque de retrait-gonflement des argiles. À une réglementation parcellaire et inhomogène sur le territoire, nous avons substitué une intégration systématique de ce risque pour les constructions neuves dans les zones exposées.

Comme plusieurs d’entre vous, je pense que cette évolution ne résoudra pas la situation de ceux qui se retrouvent parfois en grande détresse en raison des dégâts subis par les habitations existantes. Chaque année, la solidarité nationale consent un effort substantiel, en indemnisant pour près de 400 millions d’euros de dégâts liés spécifiquement à ce risque.

En revanche, je suis, en l’état, réservée sur la possibilité de mobiliser le fonds Barnier pour réduire de manière préventive la vulnérabilité des habitations construites de manière non résiliente. En effet, les moyens de ce fonds ont jusqu’à présent été priorisés sur les risques présentant des menaces graves pour les vies humaines. Par ailleurs, les travaux préventifs sont extrêmement coûteux, voire impossibles, puisqu’il faut intervenir sur le gros œuvre.

Adapter nos dispositifs au changement climatique, c’est aussi le sens de la réflexion que nous souhaitons engager avec le projet de loi sur les risques majeurs outre-mer ; celui-ci fera l’objet d’une concertation dans les territoires ultramarins, qui commencera d’ici à la fin de l’année 2019.

Au regard du retour d’expérience sur le cyclone Irma, ce projet de loi posera la question du renforcement des exigences en matière de construction paracyclonique, comme celui qui a été décidé, par exemple, pour le CHU en cours de construction à la Guadeloupe, dont j’ai pu visiter le chantier le week-end dernier.

Nous souhaitons également que ce projet de loi permette d’agir pour renforcer la culture du risque parmi les populations. C’est un point d’importance, plusieurs d’entre vous l’ont souligné. La mise en place de « journées japonaises », durant lesquelles chacun se mobilise face aux risques, mise en place expérimentée cette année en Guadeloupe, est l’une des pistes pour toucher des publics scolaires et des populations sans doute éloignées des messages de prévention actuels, qui sont très institutionnels.

Enfin, nous en faisons tous le constat, nos littoraux sont de plus en plus menacés, sous l’effet combiné de la hausse du niveau de la mer et de l’érosion du trait de côte.

Alors qu’elles sont souvent en première ligne, les collectivités se sentent parfois démunies. Ce risque très spécifique, puisqu’il ne présente pas le même caractère d’imprévisibilité, nécessite que nous développions des outils d’aménagement et de financements dédiés.

Le Premier ministre a confié une mission au député Stéphane Buchou sur le sujet. Celui-ci rendra ses préconisations dans les prochaines semaines. Au regard des enjeux très importants pour nos littoraux, je serai extrêmement attentive à ce que ce travail débouche sur les évolutions nécessaires, afin de fournir à nos territoires de véritables leviers d’action.

Mesdames, messieurs les sénateurs, comme vous pouvez le constater au travers de ces différents exemples, nous aurons besoin de vous, les parlementaires, mais aussi des élus locaux pour mettre en place ces outils nouveaux, afin d’atténuer l’impact du dérèglement climatique sur nos territoires et poursuivre l’investissement, à l’échelon national et dans nos territoires, en faveur d’une plus grande résilience.

Toutefois, s’adapter, c’est aussi être en mesure d’accompagner un territoire et ses habitants frappés par une catastrophe naturelle lorsque les démarches de prévention n’ont pas suffi.

À cet égard, votre rapport, monsieur le président, madame la rapporteure, met bien en évidence que, pour la majorité des parties prenantes, les grands principes de notre système d’indemnisation, fondés sur la solidarité nationale, doivent être préservés.

Je souscris également à l’idée que, face au défi climatique, des évolutions devront être apportées à ce dispositif.

Il nous faut, tout d’abord, regarder avec lucidité la question de la soutenabilité de ce régime, alors que nous anticipons une augmentation des dommages, due à la fois à des phénomènes plus fréquents et plus intenses, mais aussi à la hausse des populations dans les zones concernées et à celle de la valeur des biens exposés.

Ces deux dernières années, le coût total des catastrophes naturelles a atteint des niveaux particulièrement élevés : près de 3 milliards d’euros en 2017, en intégrant le cyclone Irma, et près de 2 milliards en 2018. D’ici à 2050, ces montants seront multipliés par deux.

Si l’on s’intéresse plus particulièrement au régime CatNat, le coût moyen de l’indemnisation des inondations depuis 1982 est de 554 millions d’euros par an et celui des sécheresses s’élève à 409 millions d’euros par an ; ils représentent respectivement 57 % et 34 % de la sinistralité cumulée depuis cette date.

Soyons clairs, seul un effort accru en matière de prévention permettra de limiter l’augmentation de ces coûts sans amoindrir la qualité de l’indemnisation de nos concitoyens. C’est aussi l’un des objectifs de la réforme de la prévention du risque retrait-gonflement des argiles prévu par la loi Élan, que j’évoquais tout à l’heure : à présent, c’est la garantie décennale du constructeur qui doit prendre en charge les dégâts si une habitation nouvelle n’a pas été construite en prenant en compte ce risque.

Par ailleurs, comme vous, je constate que nos concitoyens et les élus appellent de leurs vœux un dispositif d’indemnisation plus efficace, plus réactif et plus transparent.

D’ores et déjà, le ministère de l’intérieur, qui assure le secrétariat de la commission interministérielle chargée du processus de reconnaissance CatNat, a pris plusieurs initiatives en ce sens. L’application iCatNat, dont le déploiement s’achève, permet aux communes de déposer leur demande de manière dématérialisée, de suivre l’avancement des procédures et de bénéficier de délais de traitement accélérés.

Je veux souligner, par exemple, que l’arrêté portant reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle, à la suite des inondations intervenues dans l’Hérault et dans d’autres départements la semaine dernière, sera pris demain.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous êtes plusieurs à avoir évoqué la possibilité de mettre en place une clause d’appel sur les décisions de la commission interministérielle.

Aujourd’hui, grâce aux évolutions mises en œuvre, les décisions sont motivées et l’ensemble des expertises à l’appui de celles-ci est à la disposition des collectivités. Les communes peuvent d’ores et déjà solliciter, en cas de décision défavorable, le réexamen de leur demande par le ministre de l’intérieur.

Nous sommes ouverts à ce qu’un travail soit engagé avec les collectivités pour approfondir l’opportunité d’un mécanisme nouveau d’appel, qui devrait nécessairement être encadré pour réguler les demandes.

S’agissant particulièrement des dossiers sécheresse-réhydratation de sols, plusieurs d’entre vous ont souligné la lenteur des procédures de reconnaissance.

La méthodologie applicable jusqu’en mai dernier nécessitait l’analyse de données sur plusieurs mois, ce qui entraînait des délais d’instruction très longs. La réforme de cette méthodologie, qui a été détaillée par une circulaire de mai 2019, simplifie les critères pris en compte, ce qui facilitera la lisibilité des décisions prises et permettra un traitement des dossiers dans des délais beaucoup plus courts.

D’autres évolutions du dispositif d’indemnisation proposées par le rapport de votre mission, dans le sens d’une plus grande protection de nos concitoyens, me semblent intéressantes. Je pense, par exemple, à la fin de la modulation des franchises dans les zones comprenant un plan de prévention des risques en cours d’élaboration ou encore à la prise en compte des frais de relogement d’urgence.

Je veux également rappeler que trop de nos concitoyens non assurés, par choix ou par nécessité, ne bénéficient pas de cette garantie minimale. Il nous reste encore à faire progresser la couverture assurantielle, en particulier dans les territoires ultramarins. Le Gouvernement a diligenté une mission d’inspection sur ce sujet, dans les conclusions permettront d’alimenter la consultation à venir sur le projet de loi sur les risques majeurs outre-mer.

Je tiens également à répondre à vos interrogations sur l’évolution du régime de catastrophe naturelle. Les services du ministre de l’économie et des finances ont engagé des travaux pour faire suite aux demandes formulées par le Président de la République à Saint-Martin, en septembre 2018, en faveur d’un système plus incitatif et plus rapide. Des concertations ont commencé, notamment avec les professionnels.

Sur ce plan, votre rapport apporte une contribution importante. Il nous faudra identifier un vecteur législatif. Certaines mesures pourront intégrer le projet de loi sur les risques majeurs outre-mer. D’autres relèvent, en revanche, du champ réglementaire. Elles pourront donc être mises en œuvre rapidement et indépendamment de ce projet de loi.

Votre rapport évoque aussi la situation des agriculteurs, qui sont parmi les premiers exposés au réchauffement et au dérèglement climatiques.

Face à la multiplication des événements climatiques exceptionnels, il est indispensable de repenser collectivement, d’une part, les mesures de protection et d’indemnisation, mais également, plus largement, les pratiques agricoles elles-mêmes, dans une logique de prévention et d’adaptation.

C’est ainsi qu’une consultation élargie sur les voies d’amélioration des outils de gestion des risques en agriculture a été lancée, à l’été 2019, par mon collègue Didier Guillaume. L’objectif est d’identifier des voies d’amélioration des outils de gestion des risques en agriculture, notamment dans la perspective de la mise en œuvre de la prochaine PAC.

Sur la base des contributions des parties prenantes qu’il aura reçues, le ministre de l’agriculture et de l’alimentation présentera le 31 octobre, c’est-à-dire demain, une synthèse des retours et fixera le programme de travail pour les prochains mois. Ce dernier couvrira les sujets et les recommandations contenus dans votre rapport, ainsi que des thèmes tels que l’articulation entre les calamités agricoles et l’assurance récolte, les secteurs spécifiques de l’arboriculture et des prairies, pour lesquels la souscription d’assurance reste faible, ou encore les enjeux de formation à la culture de la gestion du risque.

La consultation et le débat doivent également être l’occasion d’évoquer le sujet spécifique des dégâts de la grêle sur les productions agricoles, que plusieurs d’entre vous ont évoqué. Vous le savez, le dispositif des calamités agricoles prend en compte uniquement les pertes de fonds, c’est-à-dire les arbres ou les ceps détruits par la grêle, et non les pertes de récolte à la suite d’un orage de grêle.

Ces dernières pertes sont couvertes par des contrats spécifiques, que seulement 60 % des agriculteurs ont souscrits aujourd’hui. Il est donc légitime que cet aléa soit intégré dans le cadre de la consultation en cours pilotée par mon collègue ministre de l’agriculture.

Au-delà des particuliers et des agriculteurs, les collectivités sont également en première ligne face à ces risques. Le fonds de solidarité permet de leur apporter une aide lorsque des biens non assurables, tels que les réseaux et voiries, sont endommagés.

Mme Carrère s’est fait l’écho des difficultés rencontrées par certaines communes au regard des délais de versement des indemnisations de ce fonds. Le Gouvernement en est tout à fait conscient, et l’ensemble des services s’attache à accélérer les procédures. C’est notamment ce qui a été fait après les dernières inondations dans l’Aude : les 41 millions d’euros octroyés aux collectivités au titre du fonds ont pu être attribués en moins de six mois, malgré un important travail d’évaluation des dégâts.

J’ai bien noté, par ailleurs, les propositions d’amélioration du dispositif de fonds de solidarité qui ont été formulées par Mme Sollogoub, et je me ferai le relais des préoccupations qui ont été exprimées auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, pour que ces suggestions puissent être examinées.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous l’avez constaté, le Gouvernement partage très largement le diagnostic posé par la mission d’information, dont je veux de nouveau souligner l’intérêt et la pertinence.

L’adaptation de nos territoires face à ces risques nouveaux par leur nature ou leur intensité ne se fera pas uniquement en renforçant nos démarches existantes : il nécessitera aussi que nous inventions, ensemble, de nouveaux leviers d’action.

Nous avons engagé de nombreux chantiers en ce sens pour les prochains mois : concertation sur le projet de loi sur les risques majeurs outre-mer, gestion du trait de côte, concertation sur l’évolution du régime d’indemnisation des calamités agricoles, évolution du régime des catastrophes naturelles…

À cet égard, votre contribution, grâce à ce rapport, et votre participation à ces futurs travaux nous seront extrêmement utiles. Je vous en remercie par avance.

Applaudissements sur les travées des groupes LaREM, SOCR et UC. – M. Yves Bouloux applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

Nous en avons terminé avec le débat sur les conclusions du rapport d’information : Catastrophes climatiques. Mieux prévenir, mieux reconstruire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mercredi 30 octobre 2019 :

À quinze heures :

Questions d’actualité au Gouvernement.

À seize heures trente et le soir :

Débat sur les conclusions du rapport de la mission d’information sur les enjeux de la filière sidérurgique dans la France du XXIe siècle : opportunité de croissance et de développement : « Donner des armes à l’acier français ; accompagner la mutation d’une filière stratégique » ;

Débat sur le thème : « Quel avenir pour l’enseignement agricole ? » ;

Proposition de résolution, en application de l’article 34-1 de la Constitution, pour le renforcement des sanctions adoptées par le Conseil européen contre des responsables des violations des droits humains au Venezuela et pour soutenir les États signataires de l’enquête auprès de la Cour pénale internationale (texte n° 639, 2018-2019).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

La séance est levée le mercredi 30 octobre 2019, à une heure vingt.