Intervention de Arnaud Brennetot

Commission d'enquête Incendie de l'usine Lubrizol — Réunion du 29 octobre 2019 à 16h00
Audition de M. Arnaud Brennetot maître de conférences en géographie politique à l'université de rouen

Arnaud Brennetot, maître de conférences en géographie politique à l'université de Rouen :

Plus que d'être rassuré, le public demande à être informé, y compris sur ce qui n'est pas rassurant ou ce qui est inconnu. Cela demande une préparation en amont, avec l'intervention de professionnels spécialisés dans la communication de crise pour éviter les dérapages. Les différentes interventions autour du préfet ne m'ont pas semblé créer les mêmes interférences qu'avec les ministres, car chacun intervenait dans son domaine de compétences : l'ARS pour la santé, le SDIS pour la gestion de l'incendie, la Dreal pour l'information concernant les sites classés et les substances concernées. J'ai toutefois le sentiment que les informations ont pu être interprétées différemment selon les services ; par exemple, le périmètre des douze communes a été identifié par le SDIS au cours d'un survol de la partie noire du panache de fumée alors que les enjeux en matière de santé et de précaution allaient bien au-delà ; cette information émanant du SDIS a été transmise telle quelle aux autres services et a pu servir de base à des décisions insuffisantes en termes de précaution.

Concernant votre question sur la prévention du risque, notamment auprès des populations, cet accident révèle la forte insuffisance des moyens mis en oeuvre jusqu'alors. Cela s'explique par le fait que les accidents technologiques sont beaucoup plus rares que les catastrophes environnementales, comme les inondations ou les incendies. Les processus d'apprentissage sont plus longs, d'autant plus quand l'événement a un caractère exceptionnel, comme c'est le cas ici, qui le rend encore plus rare : on pense à AZF ou à la raffinerie de Feyzin, c'est une histoire pluridécennale.

On s'aperçoit, par exemple, que le périmètre du PPI de Rouen est insuffisant pour faire face à un nuage toxique. Heureusement, les services de l'État en sont sortis très vite et ont défini des mesures de précaution sur une superficie plus vaste, même si celle-ci était encore insuffisante.

La question de la préparation en amont des populations se pose, avec la maîtrise du vocabulaire ou l'organisation d'exercices de confinement. La plupart des ménages, ou des équipements publics d'ailleurs, ne sont pas dotés de mallettes de confinement, parce qu'ils sont en dehors des zones dans lesquelles ce matériel est prévu. C'est un problème. Malgré tout, les circonstances dans lesquelles s'est produit l'accident en ont diminué l'impact : il a eu lieu en pleine nuit, en dehors des grandes fêtes locales, alors que la situation météorologique n'était pas anticyclonique. Que se serait-il passé si cela n'avait pas été le cas ? Il y a donc des enseignements à en tirer, y compris en préparant des simulations, des entraînements ou des modélisations avec des situations différentes.

Un de mes collègues a travaillé sur l'interprétation par la population des sirènes d'alarme. Ses résultats ne sont pas encore publiés, mais ils sont édifiants : la population n'est pas assez préparée, sans compter que 8 % des personnes présentes dans l'agglomération n'en sont pas résidents ni travailleurs réguliers.

La culture de prévention des risques n'est donc pas à la hauteur des enjeux.

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