Intervention de Arnaud Brennetot

Commission d'enquête Incendie de l'usine Lubrizol — Réunion du 29 octobre 2019 à 16h00
Audition de M. Arnaud Brennetot maître de conférences en géographie politique à l'université de rouen

Arnaud Brennetot, maître de conférences en géographie politique à l'université de Rouen :

Sur les différences de culture du risque, l'enquête dont je vous parlais montre que les responsables d'établissements qui accueillent du public depuis longtemps sont plus à même de prendre des décisions adaptées. L'expérience est bien de nature à améliorer les pratiques de prévention.

S'agissant du principe de précaution, il a été appliqué partiellement, mais de façon volontariste, par l'État et relayé par les chambres d'agriculture ou les syndicats professionnels, comme le montre le gel des produits agricoles décidé dès le 26 septembre pour résoudre provisoirement le problème, même si les fortes inquiétudes des agriculteurs sont compréhensibles. En revanche, cela n'a pas été le cas en ce qui concerne le cadre de vie, alors que les collectivités territoriales et les intercommunalités étaient tout à fait disponibles pour accompagner les populations.

Ainsi, je ne m'explique pas que l'on ait été aussi réducteur en ce qui concerne le périmètre et la durée des fermetures d'écoles, d'établissements recevant du public (ERP) ou d'équipements sportifs. En Seine-Maritime, quand il neige, on n'hésite pourtant pas à interrompre les transports scolaires. Quand une canicule se produit, on diffère le brevet, pourtant, quand un nuage potentiellement toxique émane d'une usine classée « Seveso seuil haut », on applique des précautions qui paraissent perfectibles.

Faut-il améliorer les dispositifs dans les sites Seveso ? Il me semble que l'on peut le faire, en effet. Il n'est pas normal que le feu soit ainsi passé d'un site à l'autre ; c'est une défaillance inacceptable, et cela mérite une réglementation plus ambitieuse en matière d'isolement des sites « Seveso seuil haut ». La zone concernée mêle différentes entreprises sur un périmètre très restreint et une usine « Seveso seuil bas » se trouve juste de l'autre côté de Normandie Logistique et aurait également pu être touchée.

Des questions doivent donc être posées sur la logistique : quelle quantité de combustible peut-on stocker sur un périmètre restreint ? L'incendie en a consommé un énorme volume.

Je suis tout à fait d'accord pour sensibiliser les populations, mais il faut aller au-delà, vers une implication dans la culture du risque. Cela passe par la pratique, par l'organisation d'exercices ; c'est ainsi que l'on pourra rassurer les populations qui sont inquiètes aujourd'hui ; quand les gens sauront comment se confiner, on pourra éviter la panique qui conduit les gens à fuir.

L'enquête que j'ai évoquée montre bien que, lorsque l'on incite les gens à rester chez eux, ils sont nombreux à respecter la consigne. Certes, ces données sont tirées d'un questionnaire et l'on ne sait pas ce que cela donnerait en situation réelle. Tout cela demande un travail collectif associant les services de l'État, la population, les collectivités territoriales, les entreprises et les établissements publics pour construire et partager cette culture du risque, en analysant les retours d'expérience. Cela a un coût collectif qu'il convient de mesurer pour savoir jusqu'où aller.

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