Intervention de François Delattre

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 30 octobre 2019 à 10h00
Projet de loi de finances pour 2020 — Audition de M. François delaTtre secrétaire général du ministère de l'europe et des affaires étrangères

François Delattre, secrétaire général du ministère de l'Europe et des affaires étrangères :

L'Anefe est un sujet complexe. Nous réfléchissons à un nouveau contrat d'objectifs et de moyens 2020-2022 pour l'enseignement du français à l'étranger. Ces travaux intégreront les orientations fixées par le plan de développement de l'enseignement français à l'étranger, présenté par le ministre le 3 octobre dernier, afin d'atteindre l'objectif du Président de la République. Ce contrat d'objectifs et de moyens fera l'objet d'une concertation avec les partenaires de l'AEFE et devrait être transmis au Parlement, pour examen fin décembre 2019 et une adoption prévue au conseil d'administration de mars 2020.

Le plan doit aboutir à 700 000 élèves scolarisés d'ici 2030. Il comprend trois axes complémentaires : d'abord, rendre notre offre éducative et pédagogique plus attractive, dans le contexte d'une compétition internationale féroce et dont j'ai été le témoin et j'espère aussi l'un des acteurs ; ensuite, garantir la qualité des établissements du réseau ; enfin, renforcer le pilotage du réseau d'enseignement français à l'étranger. Ce plan s'accompagne d'un effort important de l'État, puisque la subvention à l'AEFE doit augmenter de 24,6 millions d'euros en 2020. Le rôle de l'AEFE évolue avec le plan de développement de l'enseignement du français à l'étranger. En janvier 2019 a été créé un service d'appui au développement du réseau, qui accompagne ceux qui veulent créer des établissements français de qualité, par une aide dans les domaines pédagogique, immobilier et de recrutement.

L'AEFE renforce aussi son rôle dans l'encadrement de la formation du personnel. Elle crée seize instituts régionaux de formation à l'étranger, implantés dans les établissements du réseau, afin de former en priorité les agents non titulaires de l'Éducation nationale recrutés localement.

Vous vouliez un partenariat renforcé entre les deux ministres, je vous assure qu'ils se parlent régulièrement.

L'Anefe a joué un rôle essentiel dans le développement de l'enseignement français à l'étranger. Le ministère est particulièrement attaché à une solution pérenne pour préserver la garantie de l'État pour les établissements scolaires concernés. C'est essentiel pour atteindre le doublement des élèves.

Le MEAE s'attache avec Bercy à pérenniser la garantie de l'État sur les emprunts immobiliers des écoles françaises à l'étranger. Nous cherchons un dispositif conforme à la réglementation en vigueur. Ce futur dispositif doit augmenter les fonds propres de l'Anefe ou du système qui lui succédera, afin de se conformer aux règles prudentielles. Cette augmentation ne peut être supportée par les programmes budgétaires des ministères de l'Europe et des Affaires étrangères ou de l'Éducation nationale, qui n'ont pas vocation à se substituer à la garantie de l'État. Seul le programme 114 « Appels en garantie de l'État » peut soutenir cette augmentation nécessaire des fonds propres. Le ministère privilégie une gouvernance partagée avec le ministère de l'Éducation nationale et la direction générale du Trésor. L'AEFE se voit confortée dans sa mission d'appui au développement du réseau, et pourrait se voir confier le rôle de secrétariat du futur organe de décision interministérielle, pour la préparation de l'instruction et du suivi des dossiers. Ces travaux sont bien avancés. Un rapport d'étape détaillé sera transmis prochainement au Parlement.

À ce stade de la campagne d'inscription dans les établissements, le nombre d'étudiants à procédure de visa devrait légèrement augmenter, d'environ 2 % par rapport à l'année dernière. Nous connaîtrions une baisse d'attractivité en Amérique, un tassement en Asie, et une augmentation en Afrique, notamment francophone. Ce chiffre reste à consolider au regard des inscriptions effectives.

Nous avons anticipé les différents scénarios du Brexit. La dotation en vacance du consulat général de France à Londres a augmenté. Trois ETP ont été créés le 1er septembre 2018. En 2019, nous avons envoyé une mission de renfort aux équipes chargées de la délivrance de titres, dans un contexte où la demande de passeports et de cartes nationales d'identité indispensables pour la demande du statut de résident permanent est très soutenue. En cas de Brexit sans accord, nous renforcerons l'équipe consulaire, d'abord avec deux agents mobilisables immédiatement, et quelques postes ultérieurement : nous avons anticipé les renforts supplémentaires qui pourraient être nécessaires avec la création d'un poste titulaire pour l'administration des Français et un agent de droit local pour les visas. Si nécessaire, ces créations pourraient intervenir par anticipation dès janvier 2020. Nous essayons d'introduire de la souplesse pour répondre aux besoins.

Nous avons fait des efforts de communication. Nous avons mis en place un site pour les Français résidant au Royaume-Uni et pour les Britanniques vivant ou se déplaçant en France. Nous avons établi un plan de communication pour diffuser des informations en amont, qui s'appuie sur une lettre mensuelle d'information du consulat, des rencontres régulières de notre ambassadrice et du consul avec la presse, la publication de différents éditoriaux, des tweets hebdomadaires, des réunions méthodiques régulières avec la communauté française, des contacts avec les associations, les groupements professionnels, la diffusion des guides spécifiques sur les conséquences qui pourraient résulter d'un Brexit doux ou dur.

La France développe depuis plusieurs années déjà une politique ambitieuse en matière d'attractivité étudiante à travers son réseau de services, de coopération et d'action culturelle, à travers l'action des attachés de coopération universitaire et scientifique, à travers les espaces Campus France des ambassades, ainsi qu'à travers les bourses du gouvernement français pour un budget de 64,6 millions d'euros en 2018. La question des bourses, surtout dans le contexte actuel, constitue une priorité de tout premier plan.

La lutte contre les cyberattaques, de plus en plus nombreuses, est essentielle. La mobilisation des équipes est aujourd'hui sans rapport avec ce qu'elle était voilà seulement deux ou trois ans. Cette mobilisation est la première condition du succès.

La deuxième condition tient à l'organisation de nos réseaux et de nos équipes. Nous avons développé un excellent partenariat avec l'Anssi et mis en place un centre opérationnel de sécurité destiné à contrer les attaques cyber. Nous allons transformer notre direction des services informatiques, ou DSI, en direction de plein exercice du numérique au Quai d'Orsay. La semaine prochaine, je présiderai le premier comité directeur du numérique afin de mettre en ordre de marche l'ensemble des forces concernées.

Le rapprochement entre l'AFD et Expertise France sera inscrit dans le projet de loi de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales. Expertise France sera transformée en société par actions simplifiée, détenue à 100 % par l'AFD. Des dispositions spécifiques seront prévues dans le projet de loi, puis dans les statuts de la société, afin de garantir le maintien d'un plein contrôle de l'État sur les objectifs, sur les moyens et sur les mandats tant sectoriels que géographiques qu'il entend fixer à cet opérateur.

Un modèle économique soutenable et adapté aux missions d'Expertise France sera défini dans un nouveau contrat d'objectifs et de moyens pour la période 2020-2022. Les objectifs et les moyens de l'ensemble du groupe AFD seront réunis au sein d'un document unique qui comportera des indicateurs spécifiques pour chaque agence, lequel sera bien évidemment transmis aux commissions parlementaires compétentes.

Le multilatéralisme fait partie de notre ADN. Une large part de nos contributions multilatérales est obligatoire - je pense aux contributions aux opérations de maintien de la paix, qui sont d'ailleurs en baisse, ou à nos contributions à l'UNESCO. Il s'agit d'un élément indissociable de notre place et de notre statut dans le système des Nations unies, marqué par notre rôle de membre permanent du Conseil de sécurité.

Jean-Yves Le Drian a confirmé, voilà quelques semaines, à New York, avec son homologue allemand, Heiko Maas, le lancement d'une alliance pour le multilatéralisme qui rassemble un nombre exceptionnel de pays et d'acteurs, souvent au plus haut niveau, souvent ministériel. Face aux menaces, la majorité de la communauté internationale montre une réelle volonté de résistance et son attachement au renforcement du multilatéralisme.

Comme j'en ai été le témoin et l'acteur direct, je peux souligner combien nous nous efforçons, lors des négociations à l'ONU, de contenir les budgets. Nous nous battons en réalité sur ces sujets. C'est notamment le cas du budget dédié aux opérations de maintien de la paix dont plusieurs sont en voie de finalisation.

Cet effort multilatéral indispensable, qui reste limité, n'entre pas en contradiction avec le bilatéral que nous avons érigé en priorité en matière de développement. Le multilatéral et le bilatéral constituent les deux jambes de notre diplomatie.

À titre personnel, je suis très engagé sur le dossier de l'audiovisuel extérieur. Nous sommes très attentifs à ce que les ajustements effectués par les opérateurs de l'audiovisuel extérieur ne fragilisent pas leur socle ni leur vocation universelle, non plus que leur capacité à répondre aux priorités identifiées par le président de la République et par le ministre de l'Europe et des affaires étrangères.

Une réflexion est en cours au sein du groupe de travail interministériel qu'anime le Quai d'Orsay, encore enrichie par les travaux de M. Courson, afin d'élaborer une nouvelle stratégie pour l'audiovisuel extérieur. Il s'agit d'une vraie priorité à la hauteur des enjeux diplomatiques et de l'influence du déploiement de l'audiovisuel extérieur à l'international. Cette réforme doit renforcer les synergies entre l'ensemble des acteurs. Dans ce cadre, le Quai d'Orsay sera représenté dans l'ensemble des enceintes qui ont à en connaître. Il s'agit d'un point particulièrement important.

Enfin, nous serons très attentifs à la question du financement. Vous avez tout à fait raison : il est important de faire en sorte, ensemble - car les parlementaires auront à jouer un rôle essentiel dans ce domaine -, que l'audiovisuel extérieur ne soit pas oublié dans la future holding. Nous sommes en train de réfléchir à tout garde-fou possible permettant d'éviter que la tentation ne vienne un jour à ceux qui dirigeront la holding d'oublier par trop la dimension internationale de nos travaux.

Je n'oublie pas non plus, madame la sénatrice, votre engagement en faveur des journées de défense et de citoyenneté que je connais et je respecte beaucoup. Le fait est que l'organisation de ces journées est très chronophage pour nos agents consulaires dont vous connaissez le dévouement. Bien souvent, ils ne reçoivent pas suffisamment d'aide des services de défense dans ces postes. Il s'agit donc d'une charge de travail considérable. Cela étant dit, certains postes continuent d'organiser lesdites journées lorsque les moyens le rendent possible, comme à Dakar, par exemple, où Philippe Lalliot peut s'appuyer sur la coopération des forces françaises sur place.

Il reste que les agents consulaires doivent en priorité remplir les tâches directement liées à leurs fonctions et indispensables à nos compatriotes en difficulté - je pense notamment à tout ce qui concerne l'action sociale. Le contact humain, par-delà la dématérialisation en cours, doit rester l'une des griffes de nos prestations aux communautés françaises. Nous n'oublions pas pour autant votre combat que nous nous efforçons d'intégrer autant que faire se peut.

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