La France dispose, avec l'Agence française de développement, d'une institution parvenue à la taille critique. Nous allons atteindre les 13,9 milliards d'euros à la fin de cette année. Il s'agit d'un doublement de la capacité financière globale de l'Agence par rapport à 2012.
Nous avons également atteint la taille critique en termes d'organisation : la maison-mère AFD traite avec les partenaires publics et sa filiale, Proparco, traite avec les partenaires privés. Si le projet de loi est voté, Expertise France apportera la partie assistance technique et renforcement de capacité. Avec 3 000 collaborateurs dans 115 pays, il nous reviendra d'inventer, de rassembler et d'utiliser au mieux les différents instruments bilatéraux qui nous sont confiés.
Vous connaissez l'organisation géographique du groupe en quatre départements. Je reviens de l'océan indien - notre quatrième département - où s'est rendu le Président de la République la semaine dernière, en voyage à Mayotte et à La Réunion. Nous sommes en train de redéfinir notre mandat dans les outre-mer français, en lien avec leur environnement régional au service du développement durable. À Mayotte ou en Guyane, par exemple, les sujets portent notamment sur le renforcement des maîtrises d'ouvrages. Nous ramenons notre mandat outre-mer dans le cours général stratégique opérationnel de la maison AFD pour faire plus et mieux au service de nos compatriotes des outre-mer. Je pense que nous allons devenir pleinement l'Agence française de développement dans ces territoires, en complément d'autres instruments financiers publics comme la BPI ou la Caisse des dépôts.
Il nous faut maintenant travailler sur les fondations. Nous avons lancé un projet d'entreprise en septembre dernier. D'ici au début de l'année prochaine, nous connaitrons les grandes bases de cette refondation - statut du personnel, mise à niveau des systèmes d'information... -, c'est-à-dire tout ce dont l'AFD a besoin pour intervenir plus efficacement dans les pays pauvres, pour mobiliser en plateforme le plus de partenaires français possible et pour créer ainsi du lien avec ces pays.
Nous avons également atteint la taille critique en termes d'influence. Nous sommes un agent d'influence pour la France. J'ai été reconduit, dimanche dernier, à Washington, à la présidence du IDFC - International development finance club -, qui rassemble les vingt-six plus grandes banques de développement national et régional - il ne s'agit pas des institutions multilatérales comme la Banque mondiale ou la Banque africaine, mais du niveau d'en dessous, beaucoup plus important en volume, avec les Brésiliens, les Chinois... Nous cherchons à coopérer avec ces acteurs et à les amener sur les priorités françaises - climat, biodiversité... Ce groupe a pris un engagement fort de 1 000 milliards de dollars, lors du sommet climat des Nations unies, en septembre dernier.
Nous allons être au rendez-vous de nos engagements en 2019, comme en 2018. La première composante de ces 14 milliards, ce sont les dons, les moyens de subvention. Vous nous aviez confié 1 milliard d'euros supplémentaire en autorisations d'engagement dans la loi de finances initiale pour 2019 : je peux vous assurer que ce milliard, qui portait les crédits venant du programme 209, sera intégralement engagé sur l'année. Nous pourrions même faire beaucoup plus tant les équipes et le réseau sont formatés pour répondre à une demande extrêmement forte.
Nous avons cherché quasiment autant à Bruxelles, soit 800 millions d'euros. Et c'est justement parce que nous avons des fonds nationaux importants que nous intéressons l'Union européenne pour cofinancer certains projets. Nous sommes dans une dynamique de dons très positive en 2019.
La seconde composante, ce sont les prêts, beaucoup plus aléatoires par essence. La situation du Liban, particulièrement ce matin, la situation à Cuba, avec la réactivation des mécanismes américains de sanction, la situation en Argentine, tout cela ralentit notre action. Nous arriverons à compenser ces aléas sur l'année pour atteindre notre objectif.
Nous progressons également sur le taux de versement. Au final, c'est bien cela qui importe et qui permet de changer la réalité sur le terrain.
Nous tenons aussi les objectifs qualitatifs que nous nous étions fixés. En 2019, nous serons environ à 7 milliards d'euros d'engagements en Afrique, ce qui est très significatif, dont 500 millions décaissés pour le sahel. Les ministres des finances de la zone franc, comme les ministres de l'alliance Sahel que j'ai rencontrés à Washington, m'ont confirmé qu'ils voyaient bouger les choses.
Nous allons dépasser de très loin les engagements fixés par la France lors de la COP21 : nous nous étions engagés à faire 5 milliards de finance climat en 2020 ; je pense, avec toutes les réserves d'usage, que nous arriverons à 6 milliards à la fin de cette année. Il était prévu initialement pour l'adaptation au changement climatique un montant d'un milliard et demi ; je pense que nous terminerons l'année à 2 milliards.
La question de l'égalité femmes-hommes constitue également l'une de nos grandes priorités. Nous devions réaliser 35 % de nos financements en lien avec cette problématique. Nous terminerons l'année à plus de 40 %.
Je vous sais très attentifs à la question de la gouvernance. L'AFD avait engagé 1,5 milliard d'euros l'année dernière en faveur de projets ayant une composante gouvernance ; nous serons à 1,9 milliard cette année.
Nous allons réaliser des gains de productivité avec une baisse de la rémunération de l'AFD grâce à ce projet d'entreprise.
En ce qui concerne l'énergie, nous avons lancé un certain nombre de projets emblématiques. Notre partenariat avec l'Ademe se déploie. Je pense également à différents projets d'éducation dans le Sahel ou en matière d'eau et d'assainissement. Il ne s'agit que de quelques exemples...
La maison AFD est prête à explorer de nouveaux sujets si votre commission en exprime le souhait, à la mesure, bien évidemment, des moyens qui nous seront accordés dans le cadre du projet de loi de finances pour 2020, puis de la trajectoire 2020-2022 de la loi de programmation et qui figureront dans le contrat d'objectifs et de moyens.
Nous exploiterons de façon très agressive tous les moyens que nous pouvons mobiliser à Bruxelles, à Songdo, lors de la conférence de programmation globale du Fonds vert, auprès du Partenariat mondial pour l'éducation et, plus largement, en cofinancement avec la Banque mondiale et tous nos pairs qui nous respectent davantage depuis que nous avons atteint cette taille critique.
Nous avons lancé un sujet « sport et développement » auquel je crois beaucoup. Nous nous sommes récemment rendus, avec la ministre des sports et Tony Estanguet, au Sénégal, qui accueillera, en 2022, le premier événement olympique jamais organisé sur le continent africain : les Jeux olympiques de la jeunesse. Nous allons essayer de coupler cet événement avec les Jeux de Paris, non pas pour faire du sport, mais pour libérer du développement par le sport.
De même, nous rattrapons le terrain que nous avions perdu en matière de santé. La conférence du fonds mondial de lutte contre le sida, le paludisme et la tuberculose qui s'est tenue à Lyon voilà quelques semaines a été un grand succès. Elle a permis de lever plus de 14 milliards de dollars. Ce fonds va devoir réinjecter cet argent dans le renforcement des systèmes de santé. Nous l'accompagnerons en Côte-d'Ivoire afin de mieux articuler nos actions. Il est toujours possible d'agir verticalement pour payer les médicaments et les traitements, mais il faut aussi renforcer l'ensemble du système de santé des pays concernés. C'est le rôle d'une agence comme la nôtre.
Une grande réunion se tiendra en Chine, en octobre prochain, sur la biodiversité - ce sera un peu l'équivalent de la COP 21 sur le climat. Nous y assisterons. Je crois d'ailleurs nécessaire de travailler davantage sur le lien entre climat et biodiversité.
L'AFD est tout à fait désireuse de recevoir un mandat plus clair, plus fort, sur les questions migratoires. Nous faisons déjà beaucoup. Je suis convaincu qu'une partie très significative de la réponse à la crise migratoire se trouve dans les pays d'origine, dans les pays de première destination et dans les pays de transit des migrants où nous intervenons et où nous pouvons orienter nos programmes. Nous mobilisons déjà plus de 800 millions d'euros sur les questions de lutte contre les migrations contraintes ; nous pourrions sûrement faire plus.
Monsieur le président, la politique de développement française a perdu 40 % de ses crédits entre 2007 et 2016. L'affectation des fonds en a forcément été déformée, au risque de perdre le fil politique, la corrélation entre les objectifs que vous fixez et les sommes distribuées. Pour tenir nos objectifs d'aide publique au développement, nous avons alors beaucoup prêté dans les pays émergents, notamment selon une logique de diplomatie économique pour le climat. Le problème est que nous n'avions plus la taille critique pour agir dans les pays du Sahel où il faut mettre des instruments en dons plus forts et plus actifs. Nous sommes en train de reconstituer cette capacité. Vous évoquez la Turquie comme premier destinataire, certains parlent de la Colombie...