Intervention de Rémy Rioux

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 30 octobre 2019 à 10h00
Projet de loi de finances pour 2020 — Audition de M. Rémy Rioux directeur général de l'agence française de développement

Rémy Rioux, directeur général de l'Agence française de développement (AFD) :

Ceux qui s'occupent de l'agriculture, de l'énergie, au sein de l'AFD, tous les ingénieurs, sont connectés à tout l'écosystème français. Je ne dis pas non plus que des chambres d'agriculture sont présentes dans tous les projets que nous finançons, mais les personnels concernés dialoguent sans cesse avec tout cet écosystème, ne serait-ce que pour être au fait des nouvelles technologies et des nouvelles pratiques. Ce dialogue est important.

Nous essayons de nous adapter à la réalité du Sahel en mettant en place des procédures d'urgence, en décaissant et en engageant plus vite... À la demande des pays de la région, nous cherchons à concentrer nos efforts dans certaines zones, définies conjointement avec l'état-major des armées. Nous sommes dans une course de vitesse entre les 3D que nous ne sommes pas en train de gagner tant la menace se rapproche de Ouagadougou. Nous ne pouvons que redoubler d'efforts.

Nous nous rendons compte des limites de nos procédures quand il faut travailler en zone rouge. Tous les bailleurs de fonds n'ont pas encore adapté les leurs. Lors de la réunion de l'Alliance Sahel, à Washington, avec les principaux bailleurs, j'ai voulu faire passer un message d'optimisme et de mobilisation. Il faut mettre un deuxième coup de collier collectif pour renforcer encore l'effort de développement. Il se passe tout de même des choses : 2 milliards d'euros engagés depuis 2013, 500 millions d'euros décaissés cette année dans les cinq pays de l'alliance... Et tout ce que nous faisons est de mieux en mieux coordonné avec notre effort de défense. Votre commission est d'ailleurs la seule à pouvoir apprécier l'efficacité de la conjonction des 3D.

En ce qui concerne la convention signée avec l'Ademe, je vois l'AFD comme une plateforme. Mon ambition n'est pas d'accumuler des moyens à l'Agence, mais d'avoir suffisamment d'ingénieurs et d'experts pour mobiliser l'Ademe. Cette convention comporte trois thématiques : l'outre-mer, la mobilité durable, l'énergie. Nous avons également lancé un appel à projets. Nous allons essayer d'engager tout le groupe, y compris Proparco.

Nous nous heurtons à la difficulté qu'éprouvent les autres établissements publics pour embaucher dans leurs plafonds d'ETP. Il s'agit pourtant de postes que l'AFD pourrait financer. J'aimerais apporter de l'argent à l'Ademe pour lui permettre d'inventer un certain nombre de projets qu'elle nous proposerait ensuite de financer, ce qui me donnerait moins de travail et permettrait à l'AFD de garder une dimension internationale tout en dépensant une partie de ses moyens budgétaires en France. Il me semble que c'est à nous d'apporter notre concours et d'inciter les autres établissements publics à se tourner vers l'Afrique, à condition que cette collaboration apporte une réelle valeur ajoutée aux projets concernés. L'AFD consacre environ 3 milliards d'euros à l'énergie chaque année, nous avons donc la capacité d'emmener beaucoup d'acteurs français avec nous, y compris les grandes entreprises du secteur.

Je partage les propos de Mme Garriaud-Maylam et de M. Temal : la qualité de l'information contribue à l'éducation et au développement. Si nous avons les moyens de servir de plateforme en direction de France Media Monde, nous le ferons encore davantage. Nous discutons d'une enveloppe de 10 à 15 millions d'euros de programmes avec France Media Monde, ce qui me semble tout à fait significatif à l'échelle des sommes que vous avez indiquées.

Monsieur Vial, nous pourrions parler très longuement des migrations. J'ai commis un petit ouvrage intitulé Réconciliations avec un chapitre sur les migrations. J'essaie de combattre une double aporie : pour les économistes, les migrations sont toujours positives, quelle que soit la variable économique étudiée ; pour d'autres personnes, le développement créant de la mobilité et donc de la migration, mieux vaut éviter que les pays pauvres se développent... Entre ces deux thèses, l'une rose, l'autre noire, il me semble possible d'orienter l'aide publique au développement vers certains objets, dont l'agriculture, à même d'offrir un avenir économique à des populations qui n'ont pas envie de partir.

N'oublions pas non plus que les trois quarts des migrations d'Afrique subsaharienne sont tournés vers l'Afrique australe. Beaucoup de chauffeurs de taxi de Johannesburg ou de Harare parlent français, car originaires d'Afrique de l'Ouest. Des tensions très fortes accompagnent ces mobilités. Les migrations sont un vrai sujet de développement.

Nous avons travaillé avec Esther Duflo, avant son départ pour les États-Unis. Nous faisons quelques évaluations scientifiques d'impact - certaines très poussées - en utilisant ses modélisations. Je rêve d'ailleurs qu'elle revienne en France, ce serait un signe formidable.

Je ne connais pas le chiffre exact de la commande publique de l'État. Nous fonctionnons déjà de façon très intégrée avec Expertise France. En 2019, nous allons exploser notre engagement d'apporter 45 millions d'euros d'affaires à Expertise France. Je pense que nous allons faire deux fois plus. Ce déploiement me semble extrêmement positif.

Merci de votre témoignage, monsieur Bockel. L'année 2020 sera très multilatérale. Les autorisations d'engagement, qui sont notre unité de compte, sont en baisse dans ce budget. Le ministère des affaires étrangères a mis d'autres moyens vers d'autres instruments que l'AFD. Nous irons beaucoup à Bruxelles et ailleurs pour chercher d'autres financements. J'espère que la loi de programmation à venir nous donnera les moyens nécessaires à notre action.

Monsieur Cigolotti, l'afflux de jeunesse du continent africain est, jusqu'à présent, un phénomène positif pour l'économie africaine. Je reste prudent en disant cela, mais le revenu moyen par habitant décolle depuis 1995, soit l'année du point d'inflexion de la croissance démographique. Ce continent, gigantesque, était vide pendant des siècles. Il s'agit d'une croissance démographique comme aucune région du monde n'en a jamais, avec une croissance des villes et des campagnes simultanée, sans exode rural.

Le lien entre l'aide publique au développement et les 500 millions d'emplois à créer est illusoire tant nos financements ne peuvent représenter qu'une goutte d'eau eu égard aux besoins. Encore faut-il placer cette aide de telle sorte qu'elle ait le plus d'effet possible en termes d'investissement et de créations d'emplois.

Monsieur Le Gleut, j'ai noté votre très intéressante remarque sur l'euro. Il faudra que je creuse la question et que je revienne vers vous. Nous répondons à une demande et nous nous inscrivons souvent dans un cofinancement avec d'autres institutions financières. Le choix de la monnaie n'est donc pas toujours de notre fait. Reste la question du risque de change. Beaucoup de clients nous demandent aussi des financements en monnaie locale.

Monsieur Danesi, nous allons reprendre nos activités en Irak. Nous enverrons quelqu'un auprès de notre ambassadeur sur place. Nous n'envoyons des personnels dans les pays que si le nombre de projets à suivre, à préparer ou à exécuter le justifie. Ce n'est pas encore le cas au Yémen. Quant à la Syrie, nous n'avons aucun projet dans ce pays. Nous suivons les consignes du ministère de l'Europe et des affaires étrangères. Le temps du développement n'est malheureusement pas encore arrivé.

Madame Goy-Chavent, comme vous avez pu le constater lorsque vous étiez notre administratrice, nous sommes une banque. Les sujets de corruption sont pris très au sérieux. Nous respectons toutes les diligences et avons un grand service de conformité. Au moindre cas avéré, nous engageons des poursuites et demandons des remboursements. Nous nous intéressons aussi, dans le cadre de notre mandat, à la gouvernance financière à travers le renforcement des circuits financiers des pays dans lesquels nous intervenons. Nous finançons des actions de sensibilisation à la lutte contre la corruption.

Monsieur Saury, nous avons conclu un partenariat récent avec DNDI - Drugs for neglected diseases initiative. La santé est un des secteurs d'où nous avions disparu. En 2016, nous n'intervenions plus sur la santé en Afrique. Nous avions fait un choix exclusivement multilatéral, à l'époque. Nous allons financer cette année environ 500 millions d'euros de projets dans le domaine de la santé. C'est sans doute la raison pour laquelle le Fonds mondial de lutte contre le sida, le paludisme et la tuberculose s'intéresse à nous.

Monsieur Poniatowski, je vous transmettrai une fiche sur tout ce que nous faisons en Turquie, notamment en direction des réfugiés. Nous avons récemment un peu levé le pied sur ce pays, en raison du risque macroéconomique. Dans la mesure où nous n'intervenons que sous forme de prêts en Turquie, nous sommes soumis à ce risque de crédit. Les experts de l'AFD se tiennent à votre disposition si vous souhaitez les auditionner.

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