J'ai toujours grand plaisir à venir devant votre commission et la présentation du budget de la mission « Recherche et enseignement supérieur » (Mires) est un moment particulièrement attendu de la communauté de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Avant d'en venir à ma présentation budgétaire, je tenais à évoquer la question de la liberté d'expression dans les universités, qui suscite actuellement une vive préoccupation au sein du Parlement. Je tiens à être extrêmement claire : la violence et la censure n'auront jamais leur place dans les universités. La violence est une atteinte directe à la continuité du service public universitaire et les présidents d'université sont les garants de l'ordre public au sein de leurs établissements. La censure n'a pas non plus sa place dans les universités où doit prévaloir la libre circulation des idées. Je condamne le travail de sape des groupuscules qui veulent imposer la censure par la violence. C'est pourquoi, à chaque fois qu'une conférence ou un débat fait l'objet de menaces et doit être ajourné, il est reprogrammé. Ce sera le cas pour la conférence de Mme Sylviane Agacinski. Pas une once de terrain ne sera cédée, ni à la censure, ni à la violence.
Mon ministère a engagé plusieurs chantiers structurels depuis un peu plus de deux ans : le plan Étudiants, la loi relative à l'orientation et à la réussite des étudiants (ORE) du 8 mars 2018, Parcoursup, la transformation des études en santé, la création des instituts nationaux supérieurs du professorat et de l'éducation (Inspé), la réforme de la professionnalisation, la rénovation des regroupements universitaires et bientôt la loi de programmation pluriannuelle pour la recherche (LPPR). Ces chantiers et les crédits de la Mires reflètent la priorité donnée par le Gouvernement à un budget dont la vocation est de préparer l'avenir de notre pays. Je suis convaincue que la production scientifique est, au XXIe siècle, ce que la production d'acier était au XIXe siècle : l'étalon de la souveraineté nationale. C'est pourquoi la Mires fait partie des missions prioritaires au sein du budget de l'État.
Pour 2020, le budget de mon ministère est doté de 25,35 milliards d'euros en crédits de paiement (CP), hors contribution aux comptes d'affectation spéciale « Pensions » et « Gestion du patrimoine immobilier de l'État ». La Mires fait l'objet d'un effort considérable de la part du Gouvernement : ses crédits augmentent de 500 millions d'euros supplémentaires par rapport à 2019, soit 10 % des crédits nouveaux de l'État. À ces 25,35 milliards d'euros s'ajouteront 140 millions d'euros de recettes de la contribution vie étudiante et de campus (CVEC) qui seront versés directement aux établissements d'enseignement supérieur et aux centres régionaux des oeuvres universitaires et scolaires (Crous).
L'année 2020 sera cruciale pour la recherche avec, pour la première fois, l'alignement des calendriers européen - avec le programme « Horizon Europe » -, national - avec la préparation et l'examen du projet de LPPR annoncée en février dernier par le Premier ministre -, et régional - avec la nouvelle génération des contrats de plan État-région (CPER). Le budget pour 2020 permettra de soutenir et d'amplifier toutes les initiatives lancées par mon ministère depuis mai 2017. N'opposons pas financement sur projet et soutien aux crédits de base : ce projet de loi de finances augmentera de 32,7 millions d'euros les moyens d'engagement de l'Agence nationale de la recherche (ANR) et soutiendra les crédits de base des laboratoires à hauteur de 25 millions d'euros pour la troisième année consécutive. Le plan Intelligence artificielle (IA) montera en puissance en 2020, pour passer de 17 à 38 millions d'euros, avec notamment la mise en place de projets exploratoires par l'Institut national de la recherche en informatique et en automatique (Inria). Le climat et le développement durable font l'objet de deux programmes prioritaires de recherche financés dans le cadre des investissements d'avenir, le programme Make our planet great again (Mopga) et un programme consacré à l'agriculture. Je me rendrai prochainement en Antarctique, là où d'importantes questions scientifiques propres au climat sont en cours d'élucidation.
En ce qui concerne l'emploi et l'attractivité des carrières scientifiques, près de 28 millions d'euros sont consacrés au plan « Parcours professionnels, carrières et rémunérations » (PPCR) dans les organismes de recherche afin de soutenir leurs politiques de ressources humaines. Près de 12 millions d'euros supplémentaires seront mis à disposition du Centre national de la recherche scientifique (CNRS), dont 2,5 millions d'euros afin d'offrir une dotation d'accueil de 10 000 euros en moyenne aux nouveaux chargés de recherche. L'Inria proposera également de nouvelles procédures pour attirer les jeunes talents.
Mon ministère accompagnera la création du nouvel Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae), issu de la fusion entre l'Institut national de la recherche agronomique (INRA) et l'Institut national de recherche en sciences et technologies pour l'environnement et l'agriculture (Irstea), à hauteur de 2,5 millions d'euros supplémentaires. Ce nouvel organisme coordonnera tous les travaux de recherche scientifique et technologique dans les domaines de l'agriculture, de l'alimentation, de la forêt, de l'environnement, de l'eau, de la biodiversité, de la bioéconomie, de l'économie circulaire, de la gestion durable des territoires et de la prévention des risques.
En matière spatiale, 226 millions d'euros supplémentaires seront dédiés à tenir nos engagements auprès de l'Agence spatiale européenne (European space agency - ESA) et près de 15 millions d'euros supplémentaires viendront soutenir les activités du Centre national d'études spatiales (CNES). À quelques jours de la conférence de Séville, notre pays doit affirmer son rôle de leader en matière spatiale à l'échelle européenne.
Le budget pour 2020 consacrera 21 millions d'euros supplémentaires aux grandes infrastructures de recherche, dont 7 millions d'euros pour l'entretien de notre flotte océanique. Enfin, plus de 7,5 millions d'euros seront consacrés au développement des plateformes de recherche et des centres de données.
S'agissant des formations d'enseignement supérieur, permettez-moi de vous rassurer d'emblée quant au vote intervenu la semaine dernière à l'Assemblée nationale et qui diminue de 20 millions d'euros les crédits du programme 150 : le Gouvernement reviendra sur cette décision et le financement des universités sera préservé.
Le budget pour 2020 permettra de poursuivre le déploiement du Plan Étudiants et de financer toutes les missions des universités. Les crédits du programme augmenteront de 176 millions d'euros, dans le respect de la trajectoire fixée dans le projet de loi de finances pour 2018. Depuis 2017, 542 millions d'euros supplémentaires sont venus consolider le programme 150, sans compter les crédits du programme d'investissements d'avenir (PIA) - notamment les 350 millions d'euros pour les nouveaux cursus de licence. Les 142,5 millions d'euros consacrés au Plan Étudiants - 43 millions d'euros de plus que l'an dernier - permettront de poursuivre l'ouverture des places supplémentaires et d'approfondir les dispositifs de remédiation de type « Oui, si ».
Le dialogue stratégique et de gestion sera généralisé en 2020 afin de rénover en profondeur les modalités d'allocation des moyens versés aux universités, qui étaient auparavant reconduits d'année en année sans tenir compte des besoins. Il s'agit d'une discussion directe et annuelle entre le ministère et l'établissement, au cours de laquelle celui-ci peut évoquer ses projets et la mise en oeuvre des programmes gouvernementaux. Une enveloppe de 50 millions d'euros est prévue à cet effet. Une autre enveloppe de 50 millions d'euros est consacrée au financement du PPCR pour 2020 ainsi qu'à la reconnaissance de l'investissement pédagogique, comme je m'y étais engagée, avec notamment la mise en place d'un congé pour recherches et d'une prime spécifique.
S'agissant de la réforme des études de santé, 16 millions d'euros supplémentaires permettront de soutenir les initiatives pédagogiques innovantes dans les établissements. L'objectif est de permettre aux étudiants de démarrer des études de santé y compris sur des territoires qui n'ont pas d'université à composante santé. Cette territorialisation de l'enseignement supérieur doit rendre les étudiants plus mobiles - avec notamment les aides à la mobilité - et les formations plus agiles - avec la création de « campus connectés » pour rapprocher les meilleures formations à distance des étudiants les plus éloignés des sites universitaires. Le Président de la République a fixé un objectif de 100 campus connectés d'ici à la rentrée universitaire de 2022. Une première vague de 13 campus a été labellisée en mai dernier et j'ai annoncé la semaine dernière qu'un appel à projets doté de 25 millions d'euros avec le soutien du PIA 3 serait ouvert en janvier prochain pour amorcer une seconde vague. Nous travaillons en lien avec les territoires sur les questions de professionnalisation, de certification et de mise en concordance des compétences des populations avec leurs besoins.
Les moyens budgétaires consacrés à la vie étudiante sont en hausse de 67 millions d'euros pour 2020. Pour la première fois depuis de nombreuses années, les bourses sur critères sociaux vont être revalorisées, à hauteur de 43 millions d'euros. Nous travaillons aussi à l'amélioration des conditions de vie des étudiants au travers notamment de l'affiliation des étudiants au régime général de la sécurité sociale, ce qui évite 200 millions d'euros de dépenses aux étudiants et à leurs familles. La CVEC devrait en outre générer près de 140 millions d'euros en 2020, pour financer des actions de prévention sanitaire ainsi que des actions culturelles et sportives à destination des étudiants.