Chacun voit les choses de son point de vue, comme vient de le dire M. le sénateur Corbisez dans son émouvante intervention sur le don d'organe. La question se pose naturellement pour celui qui reçoit - il peut être gêné de demander cela à quelqu'un de sa famille -, mais elle se pose aussi pour les membres de la famille, sur lesquels se posent tous les regards. Ce n'est pas la seule question, mais elle se pose aussi. D'ailleurs, l'exemple que vous avez donné, monsieur le sénateur, est surprenant : trouver une convergence génétique entre un mari et sa femme est douteux me semble-t-il. Il nous faut prendre des précautions et organiser les choses sans imposer un choix.
La question de la loi se retrouve aussi dans celle des origines : qui protège-t-on ? Selon les études, 15 % des gens n'ont pas pour père celui qu'ils croient et 35 % pour ceux qui demandent un test génétique. Freud expliquait, avant l'existence des tests ADN, que c'est la mère qui désigne le père ; la construction paternelle est donc une question culturelle. Les aspects naturels et culturels sont donc bien tous deux nécessaires, ce qui me paraît essentiel.
Autre question, la loi est-elle pour moi ou pour les autres ? J'adhère parfaitement aux propos de M. le pasteur. Monsieur Karoutchi, vous savez fort bien qu'on ne se sent jamais soi-même soumis aux lois. Il existe tant de domaines dans lesquels nous ne sommes pas compétents ; je pourrais disserter des heures sur la vache rousse dans la Bible, mais je n'ai jamais vu de vache rousse moi-même ! Je vais prendre un autre exemple de la difficulté de légiférer pour les autres : il existe une grande différence entre celui qui viendrait à la synagogue le jour de Kippour, en disant : « j'ai mangé du jambon, mais je souhaite participer à l'office », et celui qui viendrait à la synagogue en mangeant du jambon et qui me demanderait de dire qu'il a le droit de le faire et de participer à l'office. Cette différence s'appelle le bon sens !
La loi est faite pour tous, mais chacun peut librement se positionner par rapport à elle. Pour reprendre les statistiques qui viennent d'être citées, il faut que les 97 % aient l'intelligence de dire que les 3 % peuvent exister et vivre selon leurs choix, mais on ne doit pas être sommé de dire que ces 3 % représentent un idéal. La loi est quelque chose qui doit nous élever ; c'est une aspiration, un horizon, un projet de société, et pas simplement le constat de ce que nous faisons - je réponds en cela à la question sur les origines.
Par ailleurs, je voudrais rassurer ceux qui s'inquiètent de l'existence d'un front des religions... En effet, nous ne sommes pas d'accord sur tout, grâce à Dieu, pourrais-je dire. C'est par exemple le cas sur la question de la recherche sur les embryons. À ce sujet, je crois qu'il faut distinguer les embryons potentiels et les embryons théoriques potentiels. Si vous prenez deux embryons au même stade de développement, que l'un est placé dans une éprouvette et que l'autre est implanté dans le ventre d'une femme, la différence est évidente neuf mois après !