Je vois se dessiner, comme à l'Assemblée nationale, un large accord sur ce texte. Ce n'est pas un texte pour les situations d'urgence : en situation d'urgence, on n'attend pas six jours ! Il n'y a que deux solutions dans de telles situations. D'une part, la mise à l'abri de la victime dans un centre spécialisé - c'est elle qui s'en va, ce qui n'est pas juste, mais on est sûr de la protéger. D'autre part, la garde à vue et la détention avant jugement de la personne qui a effectivement commis des violences. Malheureusement, ces deux mesures - sociale et pénale - ne sont pas assez efficaces, au vu du nombre de victimes qui meurent sous les coups de leur conjoint.
Le dispositif que la proposition de loi améliore, l'ordonnance de protection, date d'il y a environ dix ans. Ce n'est pas une mesure pénale, mais elle peut avoir des effets sur le plan pénal. Elle est prise par le JAF, qui peut éloigner le conjoint du domicile. Si le conjoint ne se soumet pas à la prescription du JAF, alors il commet un délit. C'est uniquement sur ce dispositif que joue la proposition de loi. De nombreuses mesures pourront être améliorées par les propositions de notre rapporteur. D'autres nous semblent très difficiles à améliorer dans le cadre de la procédure accélérée. Ce sont celles qui clarifieraient le lien entre le JAF et le juge pénal. En effet, à la différence des autres prescriptions de l'ordonnance de protection, la prescription du bracelet anti-rapprochement est facultative. Elle suppose expressément le consentement des deux personnes. Or, comme l'a dit Alain Richard, la victime ou la femme qui craint de l'être portera ce bracelet parce que cela la protège. Mais l'agresseur potentiel peut nier et refuser de consentir au bracelet - et le JAF ne pourra pas le lui imposer, puisque c'est une mesure restrictive de liberté.
Dans le temps que notre rapporteur a eu pour procéder à toutes les consultations, il était pratiquement impossible de trouver une solution. Pour pouvoir rétablir l'architecture d'un texte, encore faut-il que les fondations soient solides. Et, sur le plan juridique, il y a de sérieuses questions... Aussi notre rapporteur va-t-elle vous proposer un dispositif original qui consistera à laisser une chance à ce dispositif, puis à l'évaluer avant de nous prononcer une seconde fois. L'idée de refuser ce dispositif parce qu'il est imparfait, alors que nous ne savons pas l'amender immédiatement, me paraît mauvaise, parce qu'il y a une attente très forte, à laquelle il faut tenter de répondre, même imparfaitement. Si on franchit un palier dans la bonne direction et qu'on provoque l'évaluation, alors le législateur pourra perfectionner ce dispositif. Quoi qu'il en soit, la vraie urgence ne peut pas être traitée à travers ce système.