Merci pour cette clarification. C'est un sujet sensible. Et ces mesures ne doivent pas être préjudiciables à la victime. La juridiction spécialisée est un vaste chantier, qui n'est pas réalisable dans le court délai que nous avions pour examiner cette proposition de loi, mais qui reste un objectif. On parle beaucoup de l'Espagne, parce que c'est de ce pays que le débat est parti. Là-bas, le juge fixe le plus souvent la distance de déclenchement de l'alerte à 500 mètres. En France, c'est également le juge qui statuera sur la zone tampon et sur les modalités. Voilà dix ans qu'on réfléchit au bracelet. Combien de mamans sont mortes depuis dix ans ? Je sais bien qu'il ne faut pas être dans l'émotionnel, mais nous ne sommes pas sous le coup d'un drame atroce qui serait survenu récemment - simplement dans la continuité de ces violences, qui perdurent encore et toujours. Voilà dix ans que la première expérimentation a été votée par le législateur. Nous sommes en 2019, et rien n'a été fait. Le dispositif est peut-être imparfait, mais nous devons avancer, sans nous arc-bouter sur des raisons purement techniques.
Il y a souvent une emprise de l'auteur sur la victime. Le problème du bracelet, c'est qu'il maintient un lien entre la victime et l'auteur. C'est un paradoxe psychologique, car on a envie que la victime casse le lien nauséabond qui la lie avec l'auteur des faits. Mais pour la protéger, on lui crée un lien avec lui ! Le bracelet n'est pas le seul élément de protection. La meilleure protection reste l'éducation : dans notre société de violence, violence verbale, sur internet, sur les réseaux sociaux, et de pauvreté des mots, on crée des maux quand on n'a pas les mots. Quand on ne sait pas s'exprimer autrement, on frappe sa femme - ce qui n'est pas tolérable.
L'Espagne semble le pays occidental où le plus d'efforts sont faits. Il y a aussi la Suède, mais nulle part le problème n'a été résolu. Il semble inhérent à l'âme humaine, et à une certaine forme de domination masculine. Il existe des structures d'aide d'urgence, monsieur Collombat, qui prennent les femmes en charge. Mais ce n'est pas l'objet de cette proposition de loi. Mille places ne suffisent pas en tant que telles : il faut un accompagnement. Concernant l'ordonnance de protection, si l'auteur des violences alléguées refuse le bracelet, le procureur, qui est associé à la procédure, est saisi et la perspective d'une enquête pénale peut être dissuasive. Beaucoup dépendra des moyens que nous aurons pour évaluer cette mesure, qu'il était difficile de faire évoluer en profondeur dans un temps si court. Notre but a été d'apporter une solution supplémentaire aux femmes, y compris en conservant le délai de six jours car il faut aller vite. Parfois, plus c'est urgent, plus il faut prendre du temps, car on n'a pas le droit à l'erreur.