Madame la présidente, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, le chiffre est terrible : cette année, 129 féminicides ont eu lieu en France ; 129 femmes sont mortes sous les coups de leur conjoint ou ex-conjoint !
Autant de drames, avec des conséquences inimaginables pour les enfants et les familles.
Autant de catastrophes, qui appellent des réponses concrètes et renforcées, des réponses qui s’appliquent vite – le plus tôt possible, afin d’éviter le pire –, des réponses qui prennent en compte les situations sociales et territoriales diverses des victimes, des réponses qui éloignent, qui protègent et qui donnent le temps de la reconstruction, des réponses efficaces au quotidien, qui enrayent la spirale infernale de la violence aveugle.
Ces dernières années, des décisions ont été prises. Elles étaient bienvenues. Il faut maintenant, collectivement, aller plus loin.
Depuis 2017, le Gouvernement a pris des initiatives politiques en la matière. Je pense à la mise en place du numéro d’appel 3919, Violences Femmes Information. Nous devons toutes et tous faire connaître au maximum ce numéro national de référence, mis en place afin d’écouter, d’informer et d’orienter des victimes vers des dispositifs d’accompagnement et de prise en charge.
En conclusion du Grenelle ouvert en septembre dernier, les groupes de travail constitués dans ce cadre ont présenté soixante-cinq propositions destinées à lutter contre les violences faites aux femmes.
Des mesures d’urgence ont d’ores et déjà été annoncées. Certaines relèvent de la compétence réglementaire, comme l’ouverture de 1 000 nouvelles places d’hébergement, l’audit des commissariats et des gendarmeries pour évaluer les conditions d’accueil ou encore l’ouverture de la possibilité de déposer plainte dans les hôpitaux.
Ma collègue la députée girondine Bérangère Couillard, qui a copiloté les « grenelles locaux », évoquait hier, dans Sud-Ouest, l’exemple de la cellule d’accueil d’urgences des victimes d’agression (Cauva) mise en place au sein du CHU de Bordeaux. Elle a par ailleurs remis ses conclusions hier.
À l’occasion de la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, le 25 novembre prochain, seront annoncées, au regard de ces importants travaux de consultation, de nouvelles mesures et de nouvelles actions.
La proposition de loi dont nous débattons aujourd’hui s’inscrit pleinement dans ce cadre. Elle tend à agir contre les violences au sein de la famille. Nous nous réjouissons de l’adoption quasiment unanime de ce texte en première lecture à l’Assemblée nationale. Nous le voterons évidemment aujourd’hui, l’ensemble des membres de notre groupe soutenant pleinement les dispositifs qui y figurent.
Quels sont ces dispositifs ?
La proposition de loi vise à réduire les délais de délivrance des ordonnances de protection et à rendre ainsi ces dernières plus efficaces.
Elle prévoit d’élargir le port du bracelet anti-rapprochement de l’auteur de violences dans le cadre du couple. Ce système permettra de géolocaliser et de maintenir à distance les conjoints ou ex-conjoints violents par le déclenchement d’un signal, selon un périmètre d’éloignement fixé par un juge. Permettre la pose du bracelet dès la délivrance de l’ordonnance de protection, dans un cadre préventif, constitue, il est vrai, une évolution significative.
Le texte permettra de renforcer l’hébergement d’urgence, en faisant du maintien de la victime dans le logement familial et de l’éloignement de l’auteur des violences la règle.
Il renforcera l’outil que constitue le téléphone grave danger, appareil portable doté d’une touche dédiée, permettant à la victime de joindre, en cas de grave danger, le service de téléassistance, accessible 7 jours sur 7, 24 heures sur 24. Ce dispositif bénéficiera d’un budget supplémentaire ; c’est indispensable pour que les TGD puissent être attribués de façon plus massive. De même, la généralisation du bracelet anti-rapprochement devra être soutenue par un financement en hausse au titre de 2020.
Au cours des débats, outre des amendements d’ordre rédactionnel, les membres de notre groupe proposeront d’ouvrir deux pistes de réflexion : d’une part, sur l’opportunité de prévoir une suspension de plein droit de l’autorité parentale lorsque l’un des deux parents est décédé des suites d’un homicide volontaire et que les faits mettent en cause l’autre parent, cela dès la phase d’enquête ou d’instruction ; d’autre part, sur la possibilité d’une intervention du juge des libertés et de la détention afin que la mesure électronique mobile anti-rapprochement puisse être prononcée à titre pré-sentenciel, dans le cadre d’un contrôle judiciaire.
Pour conclure, je veux souligner la qualité des travaux réalisés par notre délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes et sa présidente, Annick Billon. Elle nous a permis de participer à de nombreuses auditions très éclairantes, en particulier en matière de lutte contre toutes les formes de violences. En parler, en débattre est plus que jamais nécessaire. Améliorer le cadre législatif est indispensable, car des réponses concrètes sont attendues aujourd’hui par toutes les femmes en souffrance. Ne les oublions pas !