J’émets un avis défavorable sur l’amendement n° 101 rectifié, présenté par Mme Costes, qui tend à supprimer les termes « raisons sérieuses ».
En fait, cette expression rappelle la nécessité pour le juge d’apprécier objectivement la vraisemblance des violences alléguées et ne limite absolument pas le recours à l’ordonnance de protection.
D’autres raisons, en revanche, limitent le recours à cette mesure par les juges aux affaires familiales, notamment la manière dont sont rédigés les certificats médicaux. Je vais travailler sur ce sujet capital avec ma collègue Agnès Buzyn.
Sur le bracelet anti-rapprochement ordonné par le JAF, il me semble que le texte est parvenu à un point d’équilibre. Il s’agit ici non pas d’une mesure pénale, mais d’une mesure civile ; le port du bracelet est limité aux situations dans lesquelles le défendeur donne son accord, ce qui limite les problèmes constitutionnels potentiels de cette mesure.
Pour ces raisons, j’émets un avis défavorable sur cet amendement.
Mme Darcos nous a proposé, dans un grand mouvement généreux et enthousiaste, de réduire le délai de six jours à trois jours… J’ai bien compris qu’il s’agissait d’un amendement d’appel.
Toutefois, comme l’a rappelé Mme le rapporteur, il existe un principe constitutionnel de respect des droits de la défense, lui-même complété par l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme. Bien entendu, le défendeur doit pouvoir disposer d’un délai suffisant pour préparer sa défense, ce qui me semble assez difficilement compatible avec un délai de soixante-douze heures.
Je rappelle que l’ordonnance de protection, si elle est accordée, produit des effets importants, qui peuvent aller jusqu’à l’expulsion du défendeur de son logement. Il faut donc, dans cette procédure comme dans tout autre, être en mesure de présenter sa défense.
L’amendement n° 29, présenté par Mme Cohen, vise à prendre comme point de départ du délai de six jours, non pas la date d’audience, mais la requête de la victime auprès du JAF.
La proposition est intéressante, mais elle pose des difficultés d’ordre procédural, la requête étant, en procédure civile, l’un des modes particuliers de saisine du tribunal, qui ouvre un délai pour convoquer le défendeur à l’audience.
Considérer la requête comme point de départ du délai de six jours serait assez difficilement compatible avec la convocation du défendeur par lettre recommandée avec accusé de réception, qui ouvre elle-même un délai de quatre jours. Le délai commencerait donc à courir avant même que le défendeur n’ait connaissance de la procédure. Vous avez certes adopté la convocation administrative pour résoudre ce problème, mais il me semble néanmoins que cette proposition est assez complexe à mettre en œuvre.
Madame de la Gontrie, vous avez souhaité, dans l’amendement n° 57 rectifié, préciser que les violences alléguées pouvaient viser les violences psychologiques de l’article 222-14-3 du code pénal.
En réalité, la définition des violences visées à l’article 515-9 du code civil est suffisamment large pour permettre au juge aux affaires familiales de l’appliquer à tout type de violence. Dans la réalité, 70 % des demandeurs qui obtiennent une ordonnance de protection dénoncent des violences psychologiques. Il n’y a donc aucun obstacle juridique à la délivrance d’une telle ordonnance dans ces situations.
L’amendement n° 56 rectifié vise à rendre alternatives et non plus cumulatives les conditions de délivrance de l’ordonnance de protection, à savoir les violences vraisemblables et le danger. Là encore, il me semble nécessaire de conserver cette double exigence, véritable fondement de cette procédure dérogatoire et d’urgence. Ce caractère cumulatif permet d’éviter toute disproportion des mesures prises, compte tenu de l’urgence dans laquelle elles sont prononcées.
L’avis du Gouvernement est donc défavorable sur cet amendement.
Madame Darcos, au travers de l’amendement n° 2 rectifié bis, vous évoquez l’idée que la notion de danger peut être caractérisée même lorsque les parties ne vivent pas sous le même toit.
J’émettrai un avis de sagesse sur cet amendement, dont je comprends évidemment le sens. La cohabitation n’est pas une condition du danger. Les députés comme la commission des lois du Sénat ont estimé nécessaire de le préciser clairement dans la loi. Vous souhaitez être encore plus précise ; je ne crois pas que cela soit nécessaire, mais cela peut s’entendre.
Enfin, les auteurs de l’amendement n° 23 et des amendements suivants craignent que la procédure du bracelet anti-rapprochement ne soit inconstitutionnelle, car trop attentatoire aux libertés pour être prononcée dans le cadre d’une procédure civile. Tel n’est pas notre sentiment.
Je rappelle que le bracelet anti-rapprochement, qui peut être prononcé à différents stades de la procédure civile – en pré-sentenciel, pendant le contrôle judiciaire ou en post-sentenciel –, ne constitue pas une peine au sens pénal du terme, qui serait prononcée à l’encontre de l’auteur des faits. Il s’agit en réalité d’une mesure de protection envers une victime en danger.
La rédaction proposée me semble donc conforme à la Constitution. Ce dispositif est prononcé non pas de plein droit à la demande d’une partie, mais lorsqu’il y a une situation de danger et de violence vraisemblable. Le bracelet permet d’empêcher la réitération des faits, mais ne vise pas à sanctionner le défendeur. Intellectuellement, ce n’est donc pas une peine au sens classique du terme. Je le répète, c’est non pas une procédure pénale qui justifierait l’intervention du JLD, mais une mesure de protection.
C’est la raison pour laquelle nous souhaitons que le défendeur puisse donner son accord. En cas de refus, le JAF saisit le procureur de la République, qui peut alors enclencher l’ensemble des outils à sa disposition – contrôle judiciaire, garde à vue, etc.
Je suis donc défavorable aux amendements n° 23, 8 rectifié bis, 63 rectifié et 31, qui me semblent être une source inutile de complexité.
Pour conclure, si l’ordonnance de protection est un outil extraordinairement précieux, je conseillerais d’abord à une femme victime de violences ou qui a des raisons de redouter un grave danger de porter plainte au pénal. Une réponse peut alors intervenir en quarante-huit heures, grâce à la comparution immédiate, contre un délai de six jours pour l’ordonnance de protection. Ne confondons pas les deux procédures.
L’ordonnance de protection est faite pour organiser la vie familiale en cas de violences vraisemblables et de danger, mais, si vraiment il existe un danger imminent, n’oublions pas la voie pénale, qui permet au juge de donner une réponse encore plus rapide, au moyen de la comparution immédiate ou d’autres procédures.