Je ne suis pas non plus favorable par principe à la multiplication des rapports. Pour cette raison, j’émets un avis défavorable.
Toutefois, madame la sénatrice, la question de fond que vous posez soulève un débat complexe. J’ai eu l’occasion de dire que j’étais très favorable à l’utilisation du terme « féminicide » dans le langage courant. Faut-il introduire pour autant ce mot dans le code pénal ? Ce sujet mérite réflexion.
On le sait, notre code pénal réprime déjà de façon spécifique et aggravée les meurtres commis à l’encontre de femmes, que l’on pourrait donc sociologiquement qualifier de féminicides. C’est le cas des meurtres qui sont commis en raison du sexe de la victime, commis au sein du couple, commis après un viol, une agression sexuelle ou une mutilation sexuelle, ou commis en raison d’un refus de mariage forcé par la victime.
Dans l’hypothèse d’une aggravation de la répression, faut-il qualifier ces crimes de féminicides ?
Une telle réforme serait évidemment sans portée juridique, dans la mesure où la qualification de féminicide n’emporterait pas une aggravation de la peine encourue puisque le meurtre commis par le conjoint, concubin ou partenaire lié à la victime par un PACS est déjà puni de la réclusion criminelle à perpétuité. Je rappelle d’ailleurs que la notion de parricide a été supprimée lors de l’entrée en vigueur du nouveau code pénal, et que celle d’infanticide n’a jamais été consacrée par la loi pénale.
Enfin, cela pourrait être perçu comme une discrimination portant atteinte au caractère universaliste de notre droit. Il faudrait par ailleurs être suffisamment précis dans la définition juridique du concept, afin d’éviter des difficultés similaires à celles qui ont présidé à la reconnaissance de l’inceste pour laquelle, vous le savez, le Parlement a dû légiférer à deux reprises, en 2010 puis en 2016, à la suite de l’annulation des dispositions en cause par le Conseil constitutionnel.
Autrement dit, je suis extrêmement favorable, je le répète, à l’utilisation du terme « féminicide » dans le langage courant, mais je pense qu’introduire ce mot dans le code pénal soulèverait des difficultés. Tout cela mériterait évidemment un travail très approfondi pour voir ce que l’introduction d’une telle notion emporterait comme conséquence. En tout état de cause, je vous remercie d’avoir ouvert ce débat.