Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères et européennes.
Les électeurs iraniens ont massivement participé à l’élection présidentielle du 12 juin.
Mahmoud Ahmadinejad, soutenu par le Guide suprême de la révolution et par les fractions les plus conservatrices de la République islamique, a été proclamé vainqueur.
Les soupçons de fraude massive, corroborés par de nombreuses observations directes, ont été écartés sans ménagement par le Guide suprême, qui a réaffirmé, après un simulacre de recomptage des voix, son soutien au président sortant.
Les candidats réformateurs, en faveur desquels la volonté populaire s’était clairement exprimée, ont contesté très fermement l’action du pouvoir. Pendant plusieurs semaines, le peuple iranien a manifesté son indignation et sa colère dans les rues de Téhéran et des autres grandes villes du pays.
« Où est mon vote ? », tel était le cri de ralliement des manifestants, qui ne toléraient pas que l’une des seules libertés qui leur étaient octroyées soit ainsi piétinée.
Des manifestants ont été blessés, tués parfois. Des opposants ont été arrêtés, maltraités, torturés, et ils continuent de l’être.
Les arrestations sont massives, la répression brutale. Elle touche les Iraniens, mais également les journalistes et les touristes étrangers, comme en témoigne l’arrestation arbitraire et révoltante de Clotilde Reiss, cette jeune étudiante française passionnée d’Iran qui est en prison depuis quinze jours.
En quelques semaines, l’Iran a été bousculé et le régime a été si contesté par le peuple que plus rien, probablement, ne sera comme avant.
La légitimité des dirigeants est en effet doublement écornée : ils ont perdu leur légitimité démocratique par la fraude ; ils ont perdu leur légitimité religieuse quand Ali Khamenei a exposé son autorité de guide pour justifier cette fraude.
Dans une situation si incertaine, la responsabilité de la France et de l’Europe n’en est que plus grande encore.
Monsieur le ministre, quelle sera la position de la France dans les prochaines semaines ? Reconnaîtra-t-elle le président iranien, qui n’est pas mal élu, mais non élu ? Exigera-t-elle la libération sans condition des milliers de personnes arrêtées ces dernières semaines, comme y invitent ce matin, dans le quotidien Libération, des dizaines de militants, d’artistes et d’intellectuels solidaires du peuple iranien ?
Enfin, monsieur le ministre, j’ai une autre question, un peu plus complexe, au regard des mutations à l’œuvre en Iran et dans la société iranienne.
Puisque nous sommes d’accord, je l’espère, pour réaffirmer avec force que la « guerre des civilisations » est une vision erronée de l’histoire ; puisque nous sommes favorables au renforcement des relations d’amitié et de reconnaissance mutuelle entre l’Orient et l’Occident, entre les mondes d’histoire judéo-chrétienne et les mondes d’histoire arabo-musulmane ; puisque ces idées, sans naïveté, doivent s’incarner dans des options stratégiques, dans des décisions politiques courageuses et dans une vision historique forte ; puisque nous sommes d’accord sur tous ces points, comment expliquez-vous, monsieur le ministre, que la France soit si réticente à envisager l’adhésion d’un autre grand pays de culture et d’histoire musulmanes au sein de l’Union européenne