Intervention de Patrice Joly

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 6 novembre 2019 à 8h35
Projet de loi de finances pour 2020 — Participation de la france au budget de l'union européenne article 36 - examen du rapport spécial

Photo de Patrice JolyPatrice Joly, rapporteur spécial :

Les crédits dédiés à la participation de la France au budget de l'Union européenne s'inscrivent dans le cadre financier pluriannuel (CFP) de l'Union européenne voté il y a plusieurs années. Or, pour l'exercice 2020, le contexte a changé, et nous sommes à la charnière d'un nouveau CFP pour la période 2021-2027, qui est toujours en cours de discussion. De plus, les élections européennes ont modifié la donne, et nous sommes en attente de la constitution de la nouvelle Commission.

Si le prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne constituait une mission budgétaire, ces crédits représenteraient notre quatrième poste de dépense. Ils s'élèvent cette année à 21,3 milliards d'euros ; si on y ajoute les droits de douane nets, la contribution de la France s'élève à 23,2 milliards d'euros, ce qui est relativement stable par rapport à l'année dernière. Il s'agit en effet d'une augmentation de 0,7 %, alors que la loi de programmation des finances publiques prévoyait une augmentation de 3,4 % entre 2019 et 2020.

Cette faible augmentation résulte d'un rythme de consommation des crédits plus faible que celui qui avait été prévu. Le rapport de la mission d'information sur la sous-utilisation chronique des fonds européens en France, qui a déposé son rapport le mois dernier, a estimé qu'avec une consommation d'environ 40 % des crédits disponibles, notre pays se situait dans la moyenne. Cette situation n'est pas satisfaisante, et les fonds européens pourraient davantage contribuer au soutien et à la vitalité de l'économie nationale.

Le retard dans la consommation des crédits génère un reste à liquider considérable. En 2017, le reste à liquider s'élevait à 267 milliards d'euros. Il devrait s'établir à 313 milliards d'euros à la fin de l'année 2020, ce qui équivaut à presque deux années budgétaires de l'Union européenne. La Cour des comptes européenne s'en est récemment inquiétée.

Cette évaluation reste toutefois encore très incertaine, en raison du rythme de consommation des crédits que j'ai évoqué, mais également du fait de l'issue incertaine du Brexit. Si le Royaume-Uni décidait de ne pas honorer ses engagements financiers pris en décembre 2017, la contribution de la France pourrait être augmentée d'au moins un milliard d'euros. Des coupes budgétaires pourraient également être effectuées dans les dépenses de l'Union européenne, affectant les politiques communes.

La France est aujourd'hui le troisième contributeur net au budget de l'Union européenne, après l'Allemagne et le Royaume-Uni, mais le deuxième bénéficiaire des dépenses européennes en volume, après la Pologne, avec des dépenses réalisées en France s'élevant à près de 15 milliards d'euros en 2018. L'essentiel de ces crédits relèvent de la politique agricole commune, au titre du premier pilier à hauteur de 9,5 milliards d'euros et de 1,6 milliard d'euros pour le second pilier, dont une partie participe au développement local et à la transition des territoires ruraux.

Le budget 2020 de l'Union européenne n'est pas encore adopté à ce jour. La Commission européenne a présenté un budget prévoyant 168,3 milliards d'euros de crédits d'engagement et 153,6 milliards d'euros de crédits de paiement. Le Parlement européen a proposé une hausse de ces crédits, et notamment une augmentation de 2 milliards d'euros environ des dépenses en faveur du climat.

Cette préoccupation environnementale est d'ailleurs partagée par la nouvelle présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen. Dans son discours au Parlement européen en juillet dernier, elle a mentionné les enjeux climatiques. Autre point intéressant, elle a également proposé la création d'un système européen d'assurance chômage afin de prévoir le versement d'indemnités dans l'hypothèse d'une crise majeure et des interventions contra-cycliques.

Enfin, je souhaiterais revenir sur la création d'un budget de la zone euro, dont l'ambition était de mener des actions budgétaires contra-cycliques en cas de crise, en particulier en cas de chocs asymétriques entre les différents États de la zone euro. Cet instrument se justifiait aussi par le fait que la politique monétaire ne peut pas être mobilisée dans ces cas-là, car elle s'applique à l'ensemble des pays de la zone euro. Les ambitions initiales ont toutefois été fortement revues à la baisse, puisqu'il ne s'agirait plus d'un budget de la zone euro mais plutôt d'un instrument financier négocié dans le cadre de la programmation pluriannuelle 2021-2027, et que l'enveloppe qui lui serait allouée serait de l'ordre de 17 milliards d'euros sur sept ans, ce qui est faible. Par comparaison, le plan « Juncker » s'élevait à 315 milliards d'euros, ce qui donne une idée de la faible ambition de cet instrument. Une partie de ces crédits devrait être répartie selon des critères classiques d'allocation des fonds européens, et 20 % de cette enveloppe pourrait être alloué selon les besoins particuliers des pays faisant face à des difficultés, de façon différenciée.

Alors que les appels à la relance budgétaire apparaissent de plus en plus partagés, y compris en Allemagne, la faible capacité budgétaire de cet instrument est regrettable.

Quoi qu'il en soit, je vous propose, en l'état actuel des données disponibles, d'adopter l'article 36 sans modification.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion