Après dix ans de déficits, la branche famille a retrouvé un solde excédentaire en 2018. Cette situation financière favorable, dont on peut se réjouir, permettrait à la branche d'apurer les déficits accumulés en trésorerie à l'Acoss, à l'horizon 2022.
Le PLFSS qui nous est présenté comporte plusieurs avancées pour les familles, qu'il faut saluer, mais qui ne sont pas de nature à relancer une politique familiale aux abonnés absents depuis de trop nombreuses années.
Au titre des mesures positives figure le renforcement des missions des caisses d'allocations familiales (CAF) pour le recouvrement et le versement des pensions alimentaires. Il permettra de proposer aux parents séparés un véritable service d'intermédiation financière pour le paiement de la pension alimentaire et de réduire en conséquence les impayés de pension, en particulier pour les familles monoparentales.
Soulignons également le fractionnement du congé de présence parentale, qui favorisera la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle pour les parents d'un enfant malade, ainsi que l'extension du complément de mode de garde aux parents titulaires d'un contrat de service civique, qui aidera les jeunes parents à s'engager dans des missions d'intérêt général.
Le site internet monenfant.fr, en mettant à la disposition des parents les disponibilités dans les crèches et chez les assistants maternels, facilitera l'accès aux modes de garde pour les familles. Il répondra aux besoins des parents pour des gardes ponctuelles et s'adaptera au développement des plateformes de services en ligne. Il renforcera aussi l'attractivité des différents modes de garde en leur offrant davantage de visibilité.
Les assistants maternels, dont j'ai reçu plusieurs représentants, s'inquiètent toutefois de cette mesure qui figure à l'article 49. Ils s'inquiètent des contraintes qui découleront de cette obligation et du risque de retrait d'agrément qui pèserait sur ceux qui ne la respecteraient pas. C'est pourquoi je vous proposerai un amendement visant à inscrire dans la loi le fait que le manquement à ces obligations de déclaration ne pourra constituer à lui seul un motif de retrait d'agrément. Nous devons en effet apaiser les inquiétudes qui s'expriment, sans toutefois renoncer à une amélioration des services rendus aux familles.
Ces dispositifs ciblés, contenus dans le PLFSS pour 2020, ne constituent toutefois pas une relance de la politique familiale, qui a tant pâti des mesures d'économies mises en oeuvre ces dernières années.
La modulation des allocations familiales, intervenue en 2015, génère 770 millions d'euros d'économies par an pour la branche depuis sa mise en oeuvre. C'est autant de perte en pouvoir d'achat pour les familles.
La réforme du congé parental en prestation partagée d'éducation de l'enfant est un véritable échec, dont les leçons n'ont pas encore été tirées. Son faible montant - 397 euros par mois au maximum - et l'obligation de partage du congé entre les deux parents conduisent à un recours très faible à ce congé, ce qui permet de limiter encore un peu les dépenses destinées aux familles. Le nombre de bénéficiaires a ainsi baissé de 22 % entre 2016 et 2017, puis de 21 % entre 2017 et 2018. Il est essentiel de réformer ce dispositif en revalorisant son montant et en prévoyant, par exemple, de le fractionner dans le temps, pour répondre aux besoins de l'enfant sur plusieurs années.
Alors que la situation financière de la branche s'est significativement améliorée, le Gouvernement ne nous propose pas de mesures ambitieuses pour soutenir l'ensemble des familles. Or, le premier objectif assigné à la branche famille est de contribuer à la compensation financière des charges de famille, selon une logique de redistribution horizontale.
Bien au contraire, le Gouvernement a engagé l'année dernière un quasi-gel de l'ensemble des prestations familiales. La LFSS pour 2019 a ainsi prévu de les revaloriser à hauteur de 0,3 %, alors que l'inflation serait de 1 % cette année. Cette mesure a permis de réaliser une économie de 260 millions d'euros pour la branche en 2019. Elle a en conséquence constitué une perte de pouvoir d'achat pour l'ensemble des bénéficiaires des prestations familiales, en particulier pour les parents isolés. Pour une famille monoparentale avec deux enfants, aux revenus compris entre un et deux SMIC, elle représente cette année une perte de 140 euros.
Le Gouvernement propose de reconduire cette sous-revalorisation des prestations familiales à 0,3 % en 2020, ce qui représenterait une économie de 100 millions d'euros, alors que l'inflation devrait atteindre 1 % l'année prochaine. Nous nous étions déjà opposés à cette mesure l'an dernier. René-Paul Savary, rapporteur de l'article 52, vous a proposé de renouveler notre position en supprimant cette mesure.
Concernant le développement des modes de garde, d'importants efforts restent à faire. Les responsables de la Caisse nationale des allocations familiales ont reconnu qu'à ce stade, les objectifs de création de places de crèches fixés dans la convention d'objectifs et de gestion (COG) 2018-2022 seraient difficiles à tenir, alors qu'ils ont déjà été revus à la baisse par rapport à la précédente convention. En effet, pour deux places ouvertes en crèche, une place est fermée. Le développement de l'offre d'accueil du jeune enfant est pourtant essentiel, en particulier pour soutenir l'emploi.
Les familles méritent mieux que cela. Alors que le pouvoir d'achat est l'une des principales préoccupations de nos concitoyens, qui n'ont pas toujours le sentiment de bénéficier des politiques publiques mises en oeuvre et financées par leurs impôts et leurs cotisations, il conviendrait de se donner les moyens de relancer une véritable politique familiale ambitieuse.
Les associations familiales que j'ai rencontrées dans le cadre de mes auditions sont unanimes. Les familles sont depuis trop longtemps la variable d'ajustement des politiques budgétaires des gouvernements successifs.
La politique familiale devrait être vue comme une politique d'investissement dans l'avenir, face au vieillissement démographique : ce sont nos enfants qui paieront nos retraites ! Or, le nombre de naissances a baissé de 8,5 % en dix ans. Il serait donc nécessaire de redonner un vrai souffle à la politique familiale, au-delà du renforcement de quelques dispositifs ciblés. C'est le message que je ferai passer au Gouvernement lors de nos débats en séance.
Sous réserve des modifications que je viens d'évoquer, en particulier concernant la sous-revalorisation des prestations familiales, je vous proposerai d'adopter les articles relatifs à la branche famille de ce PLFSS pour 2020.