Intervention de Thomas Wanecq

Commission des affaires sociales — Réunion du 6 novembre 2019 à 17h05
Audition de M. Thomas Wanecq en application de l'article l. 1451-1 du code de la santé publique en vue de sa nomination aux fonctions de directeur général de la haute autorité de santé has

Thomas Wanecq, candidat à la fonction de directeur général de la Haute Autorité de santé (HAS) :

Comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire devant vos collègues députés ce matin, je suis très heureux et extrêmement fier de me présenter devant vous avant ma nomination aux fonctions de directeur général de la Haute Autorité de santé. Il s'agit d'un défi et d'une perspective très enthousiasmante. J'ai un profond respect pour cette institution et suis très attaché à ce que la Haute Autorité poursuive sur la voie de l'excellence qui a toujours été la sienne.

Si vous m'y autorisez, je dirai quelques mots sur mon parcours professionnel, afin de vous expliquer qui je suis, d'où je viens et pourquoi je suis candidat à ces fonctions.

Je suis ingénieur de formation. Cette dimension compte énormément dans mon parcours et ma formation intellectuelle. Je ne suis pas un professionnel de santé et ne prétends pas l'être ; je n'ai aucune compétence médicale ou paramédicale ni aucune expérience clinique. En tant que scientifique, j'ai été amené au cours de mes études et de ma vie professionnelle à dialoguer régulièrement et de manière fructueuse avec les médecins et les professions paramédicales.

À ma sortie de l'École nationale d'administration, j'ai rejoint l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS). J'y ai travaillé quelques années durant lesquelles j'ai été confronté à la problématique de l'évaluation des politiques publiques, ainsi qu'aux enjeux et aux difficultés qu'elle pose lorsqu'un débat ou une controverse scientifique surviennent, lorsque les avis des experts doivent être expliqués aux parties prenantes et au grand public, alors que ces explications ne vont pas forcément de soi.

J'ai notamment travaillé sur les chiffres du chômage à l'époque où il existait une divergence entre les analyses de l'Agence nationale pour l'emploi (ANPE) et celles de l'Insee. Cette divergence s'expliquait fort bien d'un point de vue scientifique, mais il fallait la rendre intelligible au plus grand nombre. J'ai également travaillé sur les assises du médicament, qui se sont réunies à la suite du scandale du mediator. À l'époque, mon attention avait été attirée par la très grande sensibilité et la grande complexité des enjeux relatifs aux produits de santé et à la santé en général. Il faut bien veiller aux mots que l'on emploie, à tout ce que l'on fait ou à ce que l'on ne fait pas.

Par la suite, j'ai été nommé à la Direction de la sécurité sociale (DSS). J'y ai travaillé sur l'expérimentation de nouveaux modes de rémunération pour les professions de santé. Cette expérimentation s'appuyait sur la dynamique enclenchée dans les territoires et encourageait une approche pluriprofessionnelle autour des parcours. La question des indicateurs et de l'évaluation a été centrale, les échanges avec les instituts de recherche et la HAS nourris dès cette époque, notamment au sujet des protocoles de coopération.

J'ai été chargé d'un autre projet important concernant le parcours de santé des personnes âgées en risque de perte d'autonomie. Le développement d'une approche à la fois sanitaire, sociale et médico-sociale est apparu capital. Aussi, nous avons cherché à identifier des marges de progression en vue d'améliorer un système qui était d'une qualité certes reconnue internationalement, mais qui était aussi trop complexe. Une fois de plus, l'idée était de soutenir la dynamique territoriale existante et d'offrir des outils pertinents aux acteurs déjà présents, tout en évaluant les mécanismes en vigueur.

C'est lorsque j'ai été nommé sous-directeur du financement du système de soins au sein de la DSS que mes relations avec la Haute Autorité de santé ont pris une nouvelle dimension. J'ai pu mesurer à quel point cette instance était au coeur des questions de financement.

Depuis 2010 et les travaux du rapport Briet, l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) a été systématiquement respecté. Néanmoins, dans le secteur de la santé, à laquelle les citoyens sont très attachés, toute forme de régulation financière doit être fondée sur une approche strictement scientifique, qui prenne en compte l'intérêt des parties prenantes, au premier rang desquels on trouve les patients et les équipes soignantes.

De ce point de vue, la HAS est déterminante. Elle contribue en effet à optimiser la gestion du panier de soins et fixer le prix des produits de santé, puisque c'est sur le fondement de ses évaluations que les ministres décident de la prise en charge des médicaments ou de fixer tel ou tel prix. Pour avoir été membre du Comité économique des produits de santé (CEPS), je peux vous dire que les évaluations de la HAS ont une légitimité extrêmement forte et sont rarement remises en cause. Ce privilège résulte notamment de l'indépendance de ses membres, de son expertise et de son mode d'organisation original.

Dans le cadre de mes précédentes fonctions, j'ai également pu mesurer combien la HAS joue un rôle crucial pour assurer une coopération efficace entre les professionnels de santé et en matière de prise en charge vaccinale. Son rôle est central pour garantir la qualité, la pertinence et l'efficience du système de soins. C'est pour toutes ces raisons que je suis aujourd'hui candidat aux fonctions de directeur général de la Haute Autorité.

Pour moi, les enjeux que la HAS doit prendre en compte sont clairement définis dans le document stratégique élaboré par la précédente directrice générale et la présidente, dans les pas desquelles je me place volontiers.

Il existe quatre axes fondamentaux.

Le premier concerne l'innovation. Aujourd'hui se développent des thérapeutiques nouvelles et personnalisées, que ce soit en matière de thérapie génique ou d'association de traitements. On entre dans un degré d'individualisation et de complexité qui rend parfois inopérants les modes d'évaluation classique des produits de santé. Avec le numérique et l'intelligence artificielle, nous sommes confrontés à de nouveaux défis, notamment en ce qui concerne le mode d'appréhension des technologies de santé. De nouvelles formes d'organisation du travail, de gestion et de prise en charge des patients apparaissent : elles impliquent que la HAS soit en mesure de s'adapter, voire de devancer ces évolutions. Je pense en particulier aux données en vie réelle.

Le deuxième axe a trait aux patients. La HAS s'est toujours préoccupée de l'intégration des patients à ces travaux. Vous le savez, ceux-ci sont membres votants des commissions réglementées de la Haute Autorité : leur point de vue n'est pas seulement écouté, il est pris en compte dans la décision même. La HAS associe de plus en plus leurs contributions en amont de l'adoption de ses avis et cherche à tenir compte de leur perception sur la qualité et l'effectivité des soins. Cet axe prioritaire des travaux menés par la HAS correspond à une exigence forte des patients.

Le troisième axe porte sur les parcours. Cette préoccupation n'est pas nouvelle, mais la difficulté à appréhender ces parcours, du fait de la multiplicité des acteurs, a rendu la question très complexe. La HAS s'y est néanmoins attelée et de premiers travaux devraient être publiés d'ici peu. Dans les mois à venir, il faudra faire en sorte que les recommandations en découlant soient mises à la disposition des professionnels et contribuent à la structuration des parcours, enjeu essentiel de l'amélioration du système de soins.

Le quatrième et dernier axe, identifié il y a quelques années, concerne la pertinence des soins. Des bruits courent depuis longtemps sur l'existence d'un pourcentage élevé d'actes non pertinents. Si ce chiffre a le mérite de faire vivre le débat, il est aujourd'hui nécessaire de coordonner des travaux disparates, sans quoi il restera difficile d'avancer.

Au-delà de ces quatre axes, la HAS devra faire en sorte que ses recommandations soient effectivement mises en oeuvre pour demeurer ce lieu d'indépendance et d'excellence.

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