Intervention de Thomas Wanecq

Commission des affaires sociales — Réunion du 6 novembre 2019 à 17h05
Audition de M. Thomas Wanecq en application de l'article l. 1451-1 du code de la santé publique en vue de sa nomination aux fonctions de directeur général de la haute autorité de santé has

Thomas Wanecq, candidat à la fonction de directeur général de la Haute Autorité de santé (HAS) :

S'agissant des LAD et les LAP, la difficulté est d'abord juridique, puisqu'un arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne interdit à la HAS d'imposer une labellisation de ces logiciels. En effet, ceux-ci ont été reconnus comme des dispositifs médicaux et peuvent donc être commercialisés en tant que tels s'ils obtiennent un simple marquage CE. On ne peut pas imposer de conformité à un référentiel dans un tel cadre, ce dont le législateur a d'ailleurs tenu compte lors de la dernière loi de financement de la sécurité sociale.

L'enjeu est important : en août dernier, un décret a été publié pour préciser les conditions d'application de cette certification. Cela pose des problèmes nouveaux à la HAS dans le cadre du dialogue qu'elle entretient avec les éditeurs et les pouvoirs publics. Ces derniers souhaiteraient que la certification actuelle demeure une référence et oriente les travaux des éditeurs. Simplement, dès lors que la labellisation n'est plus obligatoire, il est encore plus délicat de la faire respecter. C'est à la HAS qu'il revient aujourd'hui d'élaborer les référentiels pour les LAP et les LAD. L'enjeu est de bien implémenter la nouvelle législation pour que celle-ci soit opérationnelle le plus rapidement possible.

Le défi de l'intelligence artificielle est crucial. La HAS, comme toutes les autorités comparables à l'échelon international, a décidé de prendre le sujet à bras-le-corps. D'autres acteurs interviennent dans ce domaine : c'est le cas de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) qui suit les incidents de matériovigilance, des instituts de recherche comme l'Institut de recherche et documentation en économie de la santé (IRDES) qui évalue la télésurveillance dans le cadre du programme Étapes, ou encore des établissements hospitaliers qui, lorsqu'ils achètent des dispositifs médicaux ou des logiciels, font leur propre évaluation des outils qu'ils acquièrent.

La HAS s'est fixé pour objectif d'être capable d'évaluer les nouveaux outils numériques dans toute leur diversité. Elle lancera d'ailleurs dans quelques jours une grande consultation publique sur les travaux qu'elle a conduits sur le thème de l'intelligence artificielle, consultation inédite jusqu'à présent. Ces travaux ne font que débuter, car les révolutions numériques n'en sont qu'à leurs débuts.

Vous m'avez interrogé sur la télémédecine. La HAS doit se pencher sur les conditions dans lesquelles le recours à la télémédecine et surtout le télésoin, qui a été défini par la loi relative à l'organisation et à la transformation du système de santé comme l'équivalent de la télémédecine pour les pharmaciens et les auxiliaires médicaux, peut se développer. Les enjeux en la matière sont très concrets, car ces outils doivent profiter aux patients, et ce de manière équitable sur l'ensemble du territoire. La Haute Autorité est l'acteur pertinent pour définir le cadre dans lequel le recours à ces procédures peut être envisagé.

Concernant le VIH, la HAS a un rôle important à jouer. En matière de prévention préexposition, elle a validé la recommandation temporaire d'utilisation des médicaments concernés. En matière de dépistage, la HAS formule depuis 2007 des recommandations au travers d'un guide, qui a été actualisé en 2017. La HAS a également émis des préconisations en matière de prise en charge du VIH quand la maladie devient chronique, notamment sur le partage de l'information et le suivi coordonné du patient.

La pertinence des soins est un sujet important. Il s'agit même de l'une des priorités du Gouvernement, puisque la ministre en a fait un marqueur fort de son action. Comment faire en sorte que la pertinence des soins ne soit pas uniquement définie de manière théorique ? Les sociétés savantes, en particulier les conseils nationaux professionnels (CNP), jouent un rôle essentiel. La HAS coopère avec un grand nombre de CNP, et a obtenu des résultats concrets : des fiches-actions sur la mise en oeuvre de la pertinence des soins ont ainsi été élaborées. Le dialogue avec les professionnels de santé chargés de la mise en oeuvre me semble être le seul moyen d'avancer sur ce dossier.

Cela fait longtemps que la HAS a lancé une réflexion autour de la dualité des critères du SMR et de l'ASMR. Ce système est absolument inintelligible pour les non-spécialistes, et même pour certains spécialistes. La précédente ministre de la santé avait demandé à Mme Dominique Polton de mener une réflexion sur la suppression de ce double indicateur. Ces travaux avaient été salués à la fois par les industries pharmaceutiques, les patients et les pouvoirs publics. Mme Polton évoquait différents scénarii, dont celui de la mise en place d'une VTR. Le scénario central était celui d'une VTR se substituant au SMR et à l'ASMR, et entraînant la mise en place d'un taux unique de remboursement. Ce taux unique existe déjà pour les dispositifs médicaux. La question se pose de son extension pour les médicaments. Les implications d'une telle réforme seraient en tous les cas très importantes.

Le dialogue entre la HAS et l'industrie pharmaceutique à ce sujet a été extrêmement constructif. Aujourd'hui, le dossier est bien avancé sur le plan scientifique. Le temps des choix politiques est certainement venu. C'est le privilège des décideurs publics d'évaluer le rapport bénéfices-risques d'une telle opération.

L'inscription de médicaments sur la liste en sus permet de prendre en charge des produits de santé particulièrement innovants, mais très onéreux. Il s'agit d'une question très sensible qui rejoint celle de l'innovation. La question de l'inscription sur la liste en sus ne se pose pas pour les produits qui bénéficient d'une ASMR de niveaux I, II ou III ; en revanche, la question est plus délicate pour les produits d'une AMSR IV, ceux qui apportent une innovation mineure. Un décret a été pris afin d'éviter un contentieux avec l'industrie pharmaceutique, mais, en fixant des critères, ce décret a enlevé beaucoup de souplesse au dispositif. Une expérimentation dans le cadre de l'article 51 a été lancée pour changer de paradigme ; elle débute actuellement et ne concerne pas l'ensemble du territoire. La HAS considère que la situation n'est absolument pas satisfaisante et qu'il faut en sortir.

La HAS s'est prononcée, nettement et de manière pragmatique, en faveur du remboursement temporaire. Aujourd'hui, des produits sont mis sur le marché avec des données incomplètes et une autorisation de mise sur le marché temporaire, afin de satisfaire l'attente des patients et ne pas leur faire perdre de chances. Une remise à plat globale a été demandée par la ministre.

L'évaluation scientifique de l'homéopathie est délicate et a suscité des passions légitimes, même si certaines prises de parole ont pu crisper quelque peu le débat. Afin d'apaiser et d'élever ce débat, la ministre a demandé à la HAS de produire un avis sur l'état de la science. La HAS a donc analysé la littérature scientifique et rendu un avis scientifique circonstancié. Ce faisant, elle a pleinement joué son rôle et a été exemplaire, sans jeter d'huile sur le feu d'un débat complexe ; elle a laissé le politique prendre les décisions qui relèvent de lui. Si des faits scientifiques nouveaux émergeaient, la HAS pourrait réviser son avis.

Je ne suis pas un grand spécialiste des perturbateurs endocriniens. Il s'agit d'une question de santé environnementale autour de laquelle les préoccupations sont fortes et pour laquelle les enjeux sont difficiles à appréhender - seuils, combinaisons de produits, publics fragiles, etc. La HAS doit avancer sur ces travaux.

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