Les crédits de la mission « Outre-mer » ne s'élèvent qu'à 2,5 milliards d'euros en crédits de paiement (CP). C'est l'une des plus petites missions du budget de l'État, mais ses crédits ne retracent que 12 % de l'effort total de l'État en faveur des outre-mer, estimé à 22,05 milliards d'euros en AE et 21,5 milliards d'euros en CP, portés par 90 programmes relevant de 30 missions. Les dépenses fiscales étant estimées à 4,5 milliards d'euros, l'effort total de l'État devrait s'élever à 26,55 milliards d'euros en AE et 26 milliards d'euros en CP en 2020.
Les principales missions concernées sont la mission « Enseignement scolaire », qui porte 24,8 % de l'effort de l'État en faveur de l'outre-mer, la mission « Gestion des finances publiques », avec 15,3 %, la mission « Outre-mer », avec 12 %, la mission « Relations avec les collectivités territoriales », avec 10 % et la mission « Écologie, développement et mobilités durables », avec 8 %.
Hors dépenses de personnel, les missions « Enseignement scolaire » et « Écologie » connaissent les hausses les plus importantes en valeur absolue tandis que la mission « Outre-mer » connaît la plus forte diminution en valeur absolue, avec une baisse de 105,5 millions d'euros entre 2019 et 2020. Cette baisse me paraît regrettable dans la mesure où cette mission a vocation à favoriser le rattrapage des territoires ultramarins. La situation économique des outre-mer apparaît en effet bien plus défavorable qu'en métropole.
La situation en matière de chômage est révélatrice. Le taux de chômage atteignait ainsi, en 2018, 35 % à Mayotte, 24 % à La Réunion et 23 % en Guadeloupe : c'est toujours plus du double que dans l'Hexagone. L'Insee a récemment relevé que les cinq DOM faisaient partie des 10 % des régions européennes les plus touchées par le chômage. En particulier, le taux de chômage à Mayotte - 30 % - est le plus élevé de toute l'Union européenne.
Le programme 138 « Emploi outre-mer » rassemble les crédits visant à lutter contre ces forts taux de chômage. Plus spécifiquement, il comporte les crédits visant à compenser aux organismes de sécurité sociale les exonérations spécifiques de cotisations patronales. En 2019, le dispositif d'allègements et d'exonérations de charges patronales dans les outre-mer a été modifié afin de répondre entièrement aux dispositions de l'article 86 de la loi de finances pour 2018 qui a acté la suppression du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) au 1er janvier 2019.
Cette réforme avait entraîné, en 2019, une augmentation de plus de 42 % des crédits affectés à la compensation de ces exonérations de charges. Ces derniers subissent, en 2020, une baisse de 2,3 %, mais il semblerait que cette baisse soit purement technique, liée à la fiabilisation en cours des prévisions de compensation par l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss).
Sur le fond, je tiens à dire que les nouveaux paramètres du régime issu de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 n'ont pas pleinement compensé les effets de la suppression du CICE. Au total, la perte nette pour les territoires ultramarins pourrait être de l'ordre de 60 millions d'euros pour l'année 2019, selon les estimations de la Fédération des entreprises d'outre-mer (Fédom). Je relève toutefois que le Gouvernement s'est montré réactif lors du débat sur le PLFSS à l'Assemblée nationale. Deux amendements ont été adoptés le 23 octobre dernier qui ont intégré la presse dans le régime dit de « compétitivité renforcée » et modifié les seuils d'entrée dans ce régime. De même, dans l'aérien, les cotisations de retraite complémentaire seront prises en compte dans le calcul des allégements généraux. Ces mesures permettront de récupérer 35 millions d'euros. Il nous appartiendra au Sénat de déposer des amendements pour relever le seuil de sortie à trois fois le niveau du SMIC, notamment en faveur des entreprises guyanaises qui sont les plus pénalisées dans cette affaire.
Le programme 138 finance également les crédits du service militaire adapté (SMA), qui constitue un dispositif efficace d'insertion socioprofessionnelle des jeunes ultramarins puisque 82 % des 6 000 jeunes qui y ont été accueillis se sont retrouvés insérés à l'issue de leur parcours de formation. En 2020, commencera la mise en place du plan « SMA 2025 » qui vise à renforcer l'encadrement et à améliorer l'adéquation entre l'offre du SMA et les besoins géographiques, conformément aux préconisations du contrôle budgétaire que nous avions réalisé en 2019 avec Nuihau Laurey. Ainsi l'encadrement augmentera, avec le recrutement de 135 équivalents temps plein sur le quinquennat, dont 35 en 2020. L'objectif fixé par le Gouvernement est un taux d'encadrement de 16,3 % en 2022, contre 15,6 % en 2018, mais 22 % en 2010.
Avant de conclure, je voudrais également vous faire part de ma désapprobation concernant la suppression du prélèvement sur recette (PSR) qui existe depuis 2017 au profit de la collectivité territoriale de Guyane. D'un montant de 27 millions d'euros, celui-ci a vocation à compenser les pertes de recettes résultant de la suppression de la part d'octroi de mer de la collectivité. Le Gouvernement souhaite transformer ce PSR en dotation budgétaire, dont le versement serait conditionné au respect d'une convention par la collectivité territoriale de Guyane. Cela pourrait mettre en danger les finances de cette collectivité. Je compte déposer un amendement pour maintenir ce dispositif.
En dépit de cette dernière remarque, je vous proposerai de donner un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Outre-mer ».