Intervention de Agnès Buzyn

Réunion du 12 novembre 2019 à 16h00
Financement de la sécurité sociale pour 2020 — Discussion d'un projet de loi

Agnès Buzyn :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) est un instrument majeur pour la conduite de nos politiques publiques. C’est avec honneur et dans un esprit de grande responsabilité que je reviens pour la troisième fois devant vous pour présenter les grands axes que nous avons retenus.

Ce PLFSS pour 2020 est un budget responsable. L’avenir ne peut être envisagé sereinement sans un esprit de responsabilité financière. Nous ne pouvons hypothéquer l’avenir de notre protection sociale. Les générations futures auront bien des défis à relever et notre devoir est de leur épargner le poids d’une dette insoutenable. À ce titre, je le rappelle fermement ici, nous ne faisons pas des économies à tout prix. Nous ne pouvons faire des économies dans des secteurs en souffrance qui, pendant des années, ont été un angle mort des politiques publiques, et qui aujourd’hui nous interpellent et nous alertent.

Construire la protection sociale du XXIe siècle, c’est à la fois pérenniser un système universel et public offrant un haut niveau de protection et créer de nouveaux droits pour faire face à de nouveaux risques. La protection sociale s’adapte, se transforme et devra offrir demain de nouvelles sécurités.

L’actualité nous le rappelle parfois brutalement, des risques nouveaux apparaissent, comme les risques technologiques, industriels ou phytosanitaires. À ce titre, je suis heureuse de voir inscrire dans la loi la création d’un fonds d’indemnisation des victimes des produits phytosanitaires. Proposée par le groupe socialiste et républicain du Sénat, cette mesure permettra de protéger tous ceux qui ont été exposés dans le cadre de leur travail à des substances dangereuses et en ont été affectés.

Nous devons aussi appréhender les risques liés aux évolutions démographiques. En 2050, près de 5 millions de Français auront plus de 85 ans, et le nombre de personnes âgées en perte d’autonomie aura presque doublé. Les travaux portant sur ce sujet sont attendus et le PLFSS engage le premier volet de la réforme de la dépendance.

L’indemnisation du congé de proche aidant permettra d’indemniser pour une durée de trois mois toutes celles et tous ceux qui, à un moment donné de leur vie, doivent aider un proche en perte d’autonomie. Je tiens ici à adresser mes remerciements sincères aux sénateurs qui avaient soumis, il y a déjà plusieurs mois, ce sujet au débat parlementaire et, en particulier, au groupe Union Centriste.

Au-delà des nouveaux risques que j’ai évoqués, je pense qu’envisager l’avenir de notre protection sociale, c’est aussi savoir faire évoluer notre méthode : nous devons être capables de prévenir l’apparition des risques en assurant le passage d’une protection sociale curative à une protection sociale préventive, de prendre en compte des trajectoires individuelles et des risques de parcours de vie et de sortir d’une approche historique fondée sur les statuts.

Intervenir avant que les risques ne se manifestent, c’est ce que prévoit ce PLFSS et c’est ce qu’attendent les Français.

Je pense, en particulier, aux familles monoparentales et au scandale des pensions alimentaires non versées. Il était temps d’en finir avec un système qui faisait de la négligence des uns la détresse des autres. Christelle Dubos et moi-même sommes fières d’avoir créé un dispositif qui sécurise efficacement les familles monoparentales.

Prévenir l’apparition des risques sociaux, c’est aussi, évidemment, démultiplier nos efforts auprès des plus fragiles. Je pense ici aux enfants entrant à l’aide sociale à l’enfance (ASE). Avec Adrien Taquet, nous allons systématiser un bilan de santé et, si besoin, l’orientation dans un parcours de soins.

Notre protection sociale doit aussi s’attacher toujours plus aux individus, aux parcours et aux transitions. Nous devons moderniser un système dont la complexité ne doit plus être subie par nos concitoyens et lutter ainsi contre les ruptures de droits, conséquence directe de cette complexité.

Simplifier le système, c’est porter nos efforts sur l’articulation entre les aides sociales et sur le passage d’une aide à l’autre. Ainsi ce système s’adapte-t-il aux trajectoires, au lieu que les Français soient obligés de s’adapter à ses contraintes de gestion.

Il s’agit, par exemple, d’automatiser la bascule du revenu de solidarité active (RSA) ou de l’allocation aux adultes handicapés (AAH) vers les droits à la retraite, afin d’éviter des ruptures de droits. Cette préoccupation est aussi l’objet d’amendements adoptés par l’Assemblée nationale, qui ont permis d’enrichir le texte s’agissant de l’information donnée aux bénéficiaires de l’AAH pour l’accès à la nouvelle « complémentaire santé solidaire » – je sais que vous entendez l’enrichir encore dans le cadre de la navette parlementaire, ce dont je me réjouis.

Un autre exemple de simplification est l’allégement des procédures pour s’assurer de l’aptitude à la pratique sportive pour les mineurs, sans renoncer aux garanties médicales existantes. Je sais que cette mesure, qui est très attendue, suscite aussi des questions. J’aurai à cœur d’y répondre pour vous garantir l’équilibre de cette disposition.

Nous étoffons, parce que c’est indispensable, les parcours de soins post-cancers, adaptés à chacun et pris en charge par l’assurance maladie, qu’il s’agisse de la nutrition, de l’aide psychologique ou encore de l’activité physique adaptée.

Nous regardons également en face les inégalités territoriales, avec la mise en place d’un nouveau droit pour les femmes enceintes habitant loin d’une maternité, incluant le transport et l’hébergement en amont de l’accouchement.

Ces inégalités territoriales, qui ont très largement inspiré la loi relative à l’organisation et à la transformation du système de santé, nous ne les esquivons pas dans ce PLFSS.

Notre ambition est d’aller vers les populations fragiles, de ne laisser personne de côté. Tel c’est le sens de la réforme du financement de la psychiatrie, pour mieux répartir les ressources en fonction des besoins évalués au niveau des territoires.

Tel est le sens aussi de la poursuite des mesures de lutte contre les déserts médicaux, avec les contrats d’installation et les exonérations de cotisations. Cette mesure est la traduction d’un engagement que j’avais pris lors des débats qui ont eu lieu dans cet hémicycle sur le projet de loi relatif à l’organisation et à la transformation du système de santé.

Un autre article traduit un engagement pris en juin, celui relatif aux modalités de financement des hôpitaux de proximité.

Transformer notre système de santé, qui est à un tournant de son histoire, c’est redonner du sens et de la confiance. Je connais la situation de l’hôpital public dans notre pays : j’y ai exercé durant toute ma carrière, je suis sur le terrain, et j’ai connaissance par votre intermédiaire de nombreuses situations locales difficiles.

Les causes, vous le savez, sont multiples, et je pense que les responsabilités sont partagées, mais la situation que nous vivons aujourd’hui est le résultat d’années de régulation extrêmement violente, qui a conduit à une crise de l’investissement et, j’ose le dire, à une crise existentielle. Nos échanges, cette semaine, seront largement marqués par ce sujet. Cela est légitime parce que l’hôpital public est un trésor national, qui doit avoir la place qu’il mérite devant les représentants de la Nation.

Nous avons donc déjà commencé à agir pour redonner à l’hôpital public des perspectives et des ambitions.

Je pense, en particulier, au dégel 2018 et à la restitution de la sous-exécution de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) 2018, à la campagne tarifaire de 2019, qui est la plus favorable depuis dix ans, avec un Ondam rehaussé à 2, 5 % pour cette année-là, au pacte de refondation des urgences, annoncé à la suite de la mission confiée à M. le député Thomas Mesnier et à M. Pierre Carli, pour apporter des réponses immédiates et redonner du sens aux urgences – un amendement a été adopté par l’Assemblée nationale pour réformer le financement de nos services d’urgence et aller dans le bon sens.

Je pense, par ailleurs, au chantier ouvert sur l’attractivité des métiers du vieillissement et des professions hospitalières, qui devra lui aussi concourir au choc de confiance dont le système de santé et médico-social a bien besoin.

L’Ondam 2020 est construit sur l’hypothèse d’une progression des dépenses de 2, 3 %, l’une des progressions les plus importantes de ces dix dernières années, ce qui se traduit par 1, 7 milliard d’euros de ressources supplémentaires pour l’hôpital.

Sur l’initiative du Gouvernement, un amendement a été adopté à l’Assemblée nationale pour donner une vision pluriannuelle aux établissements de santé. C’était une demande légitime et je suis heureuse que nous ayons pu y répondre.

Je veux enfin citer la réforme des modes de financement pour inciter davantage les acteurs à développer la prévention, s’assurer d’un standard élevé de qualité, rechercher une plus grande pertinence des soins et prendre le temps d’une meilleure coordination entre les professionnels.

Je rencontre depuis plusieurs semaines, de manière quotidienne, les acteurs du monde de l’hôpital. J’échange avec eux sur leurs priorités et la construction de solutions de long terme, fondées sur des engagements mutuels ambitieux au bénéfice du service public de la santé, en assurant que les moyens débloqués, financiers ou non, sont des outils de transformation réels. Je dialogue également avec les élus et avec les représentants des usagers.

J’ai déjà fait des annonces sur les urgences. Je poursuis les réflexions sur l’attractivité, sur la prochaine campagne tarifaire et sur les investissements hospitaliers.

Des annonces seront faites dans ce cadre lors des prochains jours. Je sais qu’elles sont attendues ici aussi, dans cet hémicycle. Le plan global que je suis en train d’établir prendra en compte nos échanges.

Je comprends l’impatience et la difficulté de discuter d’un texte sans que l’ensemble des mesures envisagées aient pu être annoncées. Il y va de la clarté et de la sincérité des débats, qui me tiennent particulièrement à cœur car, plus que tout, je respecte le rôle du Parlement, garant de notre démocratie sociale.

La commission des affaires sociales a adopté une motion de renvoi à la commission. Il s’agit d’un acte fort, que nous avons entendu. Je crois pourtant que l’hôpital mérite un débat. L’Ondam est une chose et, je vous le dis en toute transparence, des discussions sont en cours sur son niveau.

Ces discussions sont lourdes de conséquences. Elles nécessitent des arbitrages difficiles. C’est aussi l’honneur du Gouvernement d’exercer son rôle de proposition législative sur la base d’un travail approfondi, et non sur de simples projets de mesures.

Les parlementaires seront naturellement associés à ces travaux, qui se déroulent dans des circonstances exceptionnelles. Ces travaux ne s’arrêtent d’ailleurs pas à l’Ondam : ils concernent la campagne tarifaire, de niveau réglementaire, les règles de gestion des ressources humaines, ou encore l’accompagnement des établissements.

Dans ces circonstances exceptionnelles, il me semble qu’il ne faudrait pas se fourvoyer dans des prises de position qui nous priveraient d’un débat démocratique sur de nombreuses mesures contenues dans ce PLFSS, mesures qui concernent le financement de l’hôpital, mais plus encore la sécurité sociale dans son ensemble.

En effet, mesdames, messieurs les sénateurs, le présent PLFSS n’est pas seulement un acte de responsabilité budgétaire ; avec ce texte, nous nous donnons les moyens de l’avenir et du maintien d’un système de protection et de droits sociaux qui fait la fierté de notre République.

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